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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 04 MAI 2023
N° 2023/335
Rôle N° RG 22/00200 N° Portalis DBVB-V-B7G-BIURB
[C] [M]
[V] [J] épouse [M]
[G] [B] [M]
C/
S.A.R.L. SARL IMMOVAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Didier CAPOROSSI
Me Jérôme COUTELIER-TAFANI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de TOULON en date du 21 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/03371.
APPELANTS
Monsieur [C] [M]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 10]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Madame [V] [J] épouse [M]
née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 10]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Madame [G] [B] [M]
née le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 8] (38)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Tous représentés et assistés par Me Didier CAPOROSSI de l’ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE
S.A.R.L. IMMOVAR,
immatriculée au RCS de TOULON sous le n° 839 915 956
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]
représentée et assistée par Me Jérôme COUTELIER-TAFANI de l’ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 08 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
La [Adresse 6] a diligenté à l’encontre de monsieur [C] [M], après avoir financé l’achat d’une maison à [Localité 9], une procédure de saisie immobilière qui a conduit, le 8 avril 2021 à l’adjudication du bien au profit de la société Immovar au prix de 342 000 €.
Destinataires d’un commandement de quitter les lieux du 30 avril 2021, les époux [C] [M] et madame [G] [M], laquelle invoque le bénéfice d’un contrat de location sur l’immeuble depuis le 21 mai 2010, ont sollicité que le bail soit jugé opposable à l’adjudicataire, avec pour les époux [M] le bénéfice d’un délai de trois ans pour libérer les lieux.
Le juge de l’exécution de Toulon, le 21 décembre 2021 a :
– débouté les consorts [M] de leurs demandes,
– les a condamnés in solidum à payer :
* une indemnité mensuelle d’occupation de 3 500 euros à compter du 1er mai 2021 jusqu’à libération complète des lieux au profit de la société Immovar,
* 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– à supporter les dépens.
Sur le fondement de l’article L322-12 du code des procédures civiles d’exécution, il retenait que le jugement d’adjudication vaut titre d’expulsion et que lors de la procédure de saisie immobilière, il avait été indiqué que madame [G] [M], mère du débiteur, était logée gracieusement sans bail ni loyer. Il relevait également que le bail datait du 21 mai 2010 à une époque où le bien n’était pas encore acquis puisqu’acheté en octobre 2011.
La décision a été notifiée aux consorts [M] qui en ont accusé réception le 27 et le 31 décembre 2021. Ils en ont fait appel par déclaration du 6 janvier 2022.
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé, les appelants demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d’exécution
– Infirmer le jugement,
– Juger opposable à la société Immovar le bail d’habitation consenti à madame [G] [M] le 15 mai 2013 de sorte qu’elle n’est pas concernée par le commandement de quitter les lieux,
– Accorder à monsieur [P] [Y] [M] et son épouse, madame [V] [J] un délai de trois ans pour quitter les lieux,
– Débouter la société Immovar de sa demande d’indemnités d’occupation,
– la condamner aux entiers dépens.
Les appelants soutiennent que madame [G] [M] dispose d’un bail, lequel est opposable à l’adjudicataire (Cass 10 janvier 2019 n°17-27420). Le bail existe, il est produit à la procédure. Il n’y a aucune fraude, même si les parties ont daté par erreur le bail de 21 mai 2010. Madame [G] [M] a pu retrouver des justificatifs de paiement disparates compte tenu des liens de parenté existants entre les parties. Le Jex ne pouvait statuer sur la validité du bail et sur l’attribution d’une indemnité d’occupation, ce qui relève des pouvoirs du JCP. Monsieur [M] est en invalidité et son épouse, bénéficiaire du RSA, ils ne peuvent aisément se reloger malgré toutes leurs recherches.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 16 février 2022 auxquelles il est renvoyé, la SARL Immovar demande à la cour de :
– confirmer la décision du juge de l’exécution du 21 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y rajoutant,
– ordonner l’expulsion des consorts [M] et tous occupants de leur chef de l’intégralité du bien immobilier acquis par la Société Immovar,
– condamner in solidum les requis à la somme de 5 000 € complémentaire compte tenu du caractère abusif de leur appel ainsi qu’à la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles engagés devant la Cour, ainsi qu’aux entiers dépens,
– statuer ce que droit sur l’application d’une amende civile aux consorts [M].
La société Immovar met en doute la sincérité du bail présenté, dont le but était de tromper le tribunal, alors au demeurant qu’il n’a pas date certaine et qu’il n’a pas été enregistré (article 1328 du code civil) et que même lors de l’établissement du PV descriptif par l’huissier de justice, le 7 novembre 2017, il avait été admis que madame [G] [M] était logée gratuitement. Il n’y a d’ailleurs pas de quittances de loyers et encore moins de déclaration de revenus locatifs par les époux [M]. En vertu de l’article R321-4 du code des procédures civiles d’exécution, les baux postérieurs à la saisie sont inopposables. Nul ne peut se prévaloir de sa turpitude, les époux [M] ne peuvent invoquer l’existence d’un bail et contester la compétence du juge de l’exécution de ce chef. L’ancienneté de la procédure de saisie a donné tout le temps nécessaire aux époux [M] pour trouver un nouveau logement, ils avaient même obtenu une autorisation de vente amiable à laquelle ils ont fait échec. Ils n’ont aucune intention de libérer les lieux et sont de mauvaise foi. La valeur locative du bien est justifiée par les pièces versées aux débats.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Sur la demande de délais des époux [P] [Y] [M] :
En application de l’article L322-13 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication constitue un titre d’expulsion à l’encontre du saisi, ce pourquoi, monsieur et madame [C] [M], afin de se maintenir dans l’immeuble, sollicitent le bénéfice des articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d’exécution.
La combinaison des dispositions précitées, permettent au juge d’accorder des délais pour libérer les lieux, afin de différer leur expulsion, lorsqu’elle aurait pour les personnes concernées, des conséquences d’une exceptionnelle gravité, notamment du fait de la période de l’année, des circonstances atmosphériques ou chaque fois que le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Monsieur [M] justifie depuis l’année 2012 connaître d’importants problèmes de santé à l’origine d’une invalidité et de l’abandon de sa profession de taxi. Il en est de même depuis 2021, selon certificat médical du docteur [D] en date du 11 juin 2021 pour son épouse, madame [V] [M].
Mais leur demande de logement social est insuffisante à établir que leur re-logement ne peut avoir lieu dans des conditions normales alors qu’ils ne justifient d’aucune démarche ou recherches personnelles autres. Il peut être relevé que lors de la délivrance d’un acte le 1er juillet 2021, une dame se présentant comme la soeur de monsieur [M] indiquait à l’huissier de justice que les occupants ne seraient pas expulsés avant longtemps, manifestant une volonté affirmée de rester sur place et de se maintenir dans les lieux.
Sur l’existence d’un bail au profit de madame [G] [M] :
Le commandement de payer valant saisie immobilière avait été délivré le 12 octobre 2017 par Me [T], huissier de justice à [Localité 7]. C’est également cet officier ministériel qui a établi le 7 novembre 2017 le procès verbal descriptif de l’immeuble saisi dans lequel en page 40, il indique et rapporte que l’appartement du rez de chaussée est occupé par madame [M] née [S], mère du propriétaire, logée gracieusement sans bail ni loyer.
Pour éviter une expulsion, les appelants invoquent l’existence d’un bail passé entre monsieur [P] [Y] [M], bailleur et ses parents, monsieur [L] [M] et madame [G] [M], afin qu’ils occupent le rez de chaussée de l’immeuble qui depuis a été vendu. Le bail est stipulé avoir effet du 15 mai 2013 au 14 mai 2016 et être renouvelable par tacite reconduction, moyennent un loyer mensuel de 350 euros pour un deux pièces de 60 m². Les conditions générales qui y sont jointes portent une date différente, à savoir, le 21 mai 2010.
Il a déjà été relevé que ce contrat ne bénéficie pas d’une date certaine et qu’il est conclu entre membres d’une même famille ayant des liens proches et des intérêts communs. Pour établir le paiement des loyers, il est produit au cours de l’année 2021 différents virements Western Union faits par madame [G] [M] à son fils, mais dont les montants sont très variables et ne correspondent pas, de manière évidente, au loyer, ce d’autant moins que sur les autres virements des années 2013 à 2018, c’est au contraire monsieur [P] [Y] [M] qui verse des montants conséquents à sa mère, paiements qui sont inexpliqués et ne peuvent donc démontrer l’existence du bail.
Dans de telles conditions, la sincérité du bail ne saurait être admise et il ne peut qu’être tenu pour une tentative de se maintenir dans la villa en invoquant un contrat qui n’existait pas. Il n’est d’ailleurs pas justifié de revenus locatifs déclarés, ce que ne manque pas de relever la SARL Immovar.
Sur les indemnités d’occupation :
L’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire dispose, pour ce qui intéresse le présent litige que le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire et selon son alinéa 4, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des
mesures conservatoires.
Le juge de l’exécution peut donc sanctionner la résistance abusive à une mesure d’exécution et le préjudice qui en résulte directement à la double condition qu’existe un titre exécutoire et une mesure d’exécution forcée, ce qui est le cas en l’espèce. Il est cependant trop extensif d’admettre que ces pouvoirs concernent aussi la fixation d’une indemnité d’occupation laquelle est une somme allouée en contrepartie d’une occupation d’immeuble sans titre le permettant, sans nécessairement qu’une mesure d’exécution ne soit discutée.
Il sera donc uniquement alloué comme sollicité, des dommages et intérêts complémentaires au titre de la résistance à la mesure d’exécution et à l’exercice non justifié et abusif du recours à l’appel.
Sur les autres demandes :
Il est inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 5 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge des consorts [M] qui succombent en leur recours.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée sauf concernant la fixation d’indemnités d’occupation à la charge des appelants, qui excède les pouvoirs du juge de l’exécution,
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum les consorts [M] à payer à la SARL Immovar la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE in solidum les consorts [M] à payer à la SARL Immovar la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les consorts [M] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE