Clause pénale : 24 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/15699

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Clause pénale : 24 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/15699

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 24 MARS 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/15699 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJI4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mai 2021 -Tribunal judiciaire de Bobigny

– RG n° 11-20-000950

APPELANTS

Madame [O] [Y] née le 03 juillet 1982 à [Localité 10],

[Adresse 2]

[Localité 7]

Monsieur [C], [F] [Z] né le 30 août 1983 à [Localité 9],

[Adresse 1]

[Localité 5]

Tous deux représentés par Me Denis HUBERT de l’AARPI KADRAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0154

INTIMÉE

Madame [B] [K] née le 24 Novembre 1992 à [Localité 10],

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Luc robert DEBY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 280

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Claude CRETON, président de chambre

Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère

Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE., conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Claude CRETON , Président de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [O] [Y] et Monsieur [C] [Z], propriétaires des lots n°1351 (appartement type 4), 1389 (une cave), et 1739 ( un parking), dans un ensemble immobilier en copropriété sis [Adresse 4], à [Localité 7] (Seine saint Denis), ont conclu avec Madame [B] [K], une promesse synallagmatique de vente suivant acte sous seing privé en date du 16 mai 2019, moyennant le prix de 146 050 €, sous la condition suspensive d’obtention par cette dernière d’un prêt immobilier d’un montant maximal du prix de vente, au taux nominal d’intérêt maximum de 2.5 % et d’une durée maximale de remboursement de 25 ans.

Ledit acte prévoyait également le versement par l’acquéreur d’une somme de 5 000 € à titre de dépôt de garantie entre les mains de Maître [X], Notaire à [Localité 7], constitué séquestre, au plus tard le 27 mai 2019, ainsi qu’une clause pénale d’un montant de 13 300€ à la charge de la partie qui ne satisferait à ses obligations, et notamment ne régulariserait pas l’acte authentique, alors que toutes les conditions relatives à l’exécution dudit acte seraient remplies.

Soutenant que Madame [K], après avoir obtenu une offre de prêt dans le délai contractuel de la part de la Caisse d’Epargne, mais que cette dernière avait ensuite retiré son offre de prêt en raison de fausses déclarations quant à sa situation matrimoniale, et qu’elle n’avait en outre pas consigné le dépôt de garantie convenu, de sorte qu’elle n’avait pas respecté les stipulations de la promesse relatives à la réalisation de la condition suspensive, Madame [Y] et Monsieur [Z] ont fait assigner Mme [K], par acte d’huissier en date du 26 juin 2020 devant la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Bobigny au visa des articles L313-40 du code de la consommation, 1103, 1104 et 1240 du code civil, pour obtenir sa condamnation à leur payer les sommes de 5 000 € au titre du dépôt de garantie, 2 000 € à titre de dommages et intérêts, et 2 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [K] concluait au rejet de ces prétentions, et sollicitait reconventionnellement la condamnation de Madame [Y] et Monsieur [Z] à lui payer la somme de 13 300 € prévue à la promesse à titre de dommages et intérêts en raison de l’inexécution de leur obligation de réitération de la vente, outre celle de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 26 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a débouté chaque partie de ses prétentions, rappelé que l’exécution provisoire est de plein droit, et laissé à

chaque partie la charge de ses dépens.

Madame [Y] et Monsieur [Z] ont formé appel de ce jugement par déclaration en date du 17 août 2021 en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes, et ont déposé leur conclusions d’appel le 4 novembre 2021.

Madame [K] a constitué avocat et déposé ses conclusions d’intimée le 18 mars 2022

Par ordonnance en date du 15 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions en réplique et d’appel incident de Madame [K] notifiées le 18 mars 2022, en application des articles 909 et 910-2 du code de procédure civile, et a condamné cette dernière à payer à Madame [Y] et Monsieur [Z] la somme de 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par leurs dernières conclusions en date du 9 juin 2022, Madame [Y] et Monsieur [Z] demandent de débouter Madame [K] de toutes ses demandes en ce qu’elles sont irrecevables et infondées, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant de nouveau de la condamner à leur payer :

– la somme de 5 000 € au titre du dépôt de garantie ;

– la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;

-la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions concernant le dépôt de garantie, Madame [Y] et Monsieur [Z] font valoir que si Madame [K] a obtenu une offre de prêt de la Caisse d’Epargne Pays de Loire le 12 juillet 2019, cet établissement a retiré son offre de prêt au motif que, contrairement à ce que Madame [K] lui avait déclaré et à ce qui était mentionné dans la promesse de vente, elle n’était pas célibataire, de sorte que la condition suspensive relative à l’obtention du prêt est défaillie du seul fait de Madame [K] qui a menti quant à sa situation matrimoniale et que, conformément aux stipulations contractuelles, le dépôt de garantie doit rester acquis aux vendeurs.

Ils ajoutent que, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, le mail adressé par Monsieur [T], chargé d’affaires auprès de FLG FINANCES, société de courtiers en assurances et crédits en lien avec l’organisme prêteur la Caisse d’Epargne, démontre bien que cet établissement bancaire a retiré son offre de prêt en raison des fausses déclarations faites par Madame [K].

Par ailleurs, ils soutiennent avoir subi un préjudice important dès lors que, étant désormais séparés, ils ont dû assumer les frais de l’appartement alors que chacun d’eux avait fait des démarches pour se reloger en vue de la vente, qu’ils ont subi un stress important du fait de cette situation, et que Madame [K] a fait preuve d’une parfaite mauvaise foi.

MOTIFS :

I -Sur la demande au titre du dépôt de garantie

L’article 1103 du code civil dispose que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes de l’article 1304-3 du même code, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.

Il est constant qu’il appartient au promettant de rapporter la preuve que le bénéficiaire d’une promesse de vente sous condition suspensive d’obtention d’un prêt, qui démontre avoir présenté au moins une offre de prêt conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse, a empêché l’accomplissement de la condition.

En l’espèce, la promesse synallagmatique de vente en date du 16 mai 2019 a été conclue sous la condition suspensive d’obtention par Madame [K] d’un prêt devant répondre aux caractéristiques suivantes :

montant maximal de la somme empruntée : 146 050 €

durée maximale de remboursement 25 ans

taux nominal d’intérêt maximum : 2,5% l’an hors assurances.

Ledit acte prévoit, au paragraphe I « Obligations de l’acquéreur vis-à-vis du crédit sollicité », que l’acquéreur s’oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l’obtention du prêt avant le 27 mai 2019, et au paragraphe II « Réalisation de la condition suspensive » que le prêt sera réputé obtenu et la condition suspensive sera réalisée par la remise à l’acquéreur de l’offre écrite, telle que prévue aux articles L.313-24 et suivant du code de la consommation, de consentir le crédit aux conditions principales su-énoncées et dans le délai de réalisation des présentes, la réception de cette offre devant intervenir au plus tard le 16 juillet 2019.

En outre, il est précisé que, dans l’hypothèse où la promesse serait caduque de plein droit, l’acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu’il aura, le cas échéant, versé qu’après justification qu’il a accompli les démarches nécessaires pour l’obtention du prêt, et que la condition n’est pas défaillie de son fait ; à défaut le dépôt de garantie restera acquis au vendeur.

Enfin, la clause « SEQUESTRE » stipule que l’acquéreur déposera au moyen d’un virement bancaire et au plus tard le 27 mai 2019, et ce à titre de dépôt de garantie entre les mains de Maître [X] (‘) qui est constitué séquestre (‘) une somme de 5 000 € (‘), et qu’en cas de non-réalisation des présentes par la faute de l’acquéreur, et conformément aux dispositions de l’article 1960 du code civil, le séquestre ne pourra remettre les fonds au vendeur que du consentement de toutes les parties ou en exécution d’une décision judiciaire devenue définitive.

En l’espèce, il est établi par la production par les appelants de l’offre de crédit immobilier émise par la Caisse d’Epargne Bretagne Pays de Loire le 12 juillet 2019, que Madame [K] a bien obtenu une offre de prêt de cet organisme bancaire avant le délai fixé par la condition suspensive au 16 juillet 2019.

Il n’est en outre pas contesté que cette offre de prêt était conforme aux caractéristiques de la promesse.

En conséquence, il incombe à Madame [Y] et Monsieur [Z] de démontrer d’une part, que la Caisse d’Epargne a rétracté son offre postérieurement à l’émission de celle-ci, et d’autre part que ce refus résulte d’un comportement fautif de la part de Madame [K], et notamment de ce qu’elle aurait fait de fausses déclarations concernant sa situation matrimoniale.

A cet effet, Madame [Y] et Monsieur [Z] produisent un échange de courriers

électroniques entre Monsieur [S] [G], agent commercial en immobilier exerçant sous l’enseigne EFFICITY et Monsieur [L] [T], chargé d’affaires auprès de FLG FINANCES, société de courtiers en assurances et crédits, dont un en date du 22 août 2019 ainsi libellé :

«  ‘ voici la réponse de la ce :

L’étude notariée a contacté notre service des prêts la semaine dernière, afin de nous informer que la cliente s’est mariée au Pakistan il y a 2 ans (sous le régime de séparation mais non reconnu en France donc sous le régime de la communauté au regard du droit français) et que son mari vient juste d’arriver en France avec un visa d’un an.

L’étude s’en est aperçue en ayant demandé un acte de naissance dans le cadre de la mise en place de l’hypothèque.

Pour information, la cliente a dit à l’étude qu’elle ne l’avait pas informée de sa réelle situation personnelle car elle n’en voyait pas l’intérêt au vu du fait que Mr résidait au Pakistan jusqu’alors.

Il faut savoir que l’étude a demandé une copie du livret de famille et de l’acte de mariage à la cliente et qu’elle n’avait toujours pas donné suite à ce moment.

Notre service des prêts m’informe que l’hypothèque est donc caduque et qu’il faudrait que Mr soit co-emprunteur ou caution solidaire (quid de sa solvabilité ‘)

Au regard des faux déclarés par la cliente, des difficultés rencontrées par l’étude pour le bon aboutissement du dossier et la chute du reste-à-vivre qui remet en cause la qualité du dossier, nous mettons fin au financement. »

Il sera souligné que si ces informations quant au refus du prêt et les motifs dudit refus ne proviennent pas directement de l’organisme bancaire ayant émis l’offre de prêt, elles sont contenues dans un courrier électronique au nom de [L] [T] sous l’adresse [Courriel 8], courtier en crédits, en lien avec la Caisse d’Epargne et agissant nécessairement pour le compte de l’emprunteuse, laquelle serait la seule à même de produire un document émanant de l’organisme bancaire quant au sort du prêt.

En effet, il ne saurait être reproché aux consorts [Y]-[Z] de ne pas produire aux débats un courrier émanant de la Caisse d’Epargne notifiant à l’emprunteuse la rétractation de l’offre de prêt antérieurement émise, dès lors que seule cette dernière aurait pu être destinataire d’une telle correspondance et en mesure de la produire, ce qui n’aurait pas été dans son intérêt.

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, cet échange de courriers électroniques entre l’agent immobilier ayant négocié la vente, ainsi que cela ressort de la promesse, et le courtier en crédits en lien avec l’organisme bancaire, est de nature à rapporter la preuve de l’existence d’un refus opposé par ce dernier postérieurement à l’offre de prêt par elle émise le 12 juillet 2019, et que ce refus de financement est bien la conséquence de fausses déclarations de Madame [K] quant à sa situation matrimoniale lors de la constitution de son dossier de prêt, lesquelles ont conduit l’organisme bancaire à retirer son offre.

Il sera à cet égard fait observer que Madame [K], qui soutenait en première instance, ne jamais avoir été destinataire d’une lettre de refus de son prêt, n’a pas pour autant effectué la moindre démarche auprès des vendeurs, ni mis ces derniers en demeure de réitérer la vente par acte authentique, alors pourtant que l’offre de prêt ayant été émise et adressée au notaire, le prêt devait être réputé obtenu et la condition réalisée, conformément aux stipulations de la promesse de vente en son paragraphe II « réalisation de la condition suspensive ».

En conséquence, Madame [Y] et Monsieur [Z] rapportant bien la preuve que la

condition suspensive d’obtention du prêt est défaillie du fait de Madame [K], le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny doit être infirmé en ce qu’il a rejeté leur demande de condamnation de Madame [K] à leur payer la somme de 5 000 € au titre du dépôt de garantie contractuellement prévu, et dont elle ne s’est d’ailleurs jamais acquittée, s’abstenant de procéder à la consignation de ladite somme.

II -Sur la demande de dommages et intérêts

Par application des dispositions de l’article 1240 du code civil, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En l’espèce, Madame [Y] et Monsieur [Z] ne produisent aucun élément justifiant des préjudices allégués dont ils demandent réparation, et notamment le fait qu’ils ont dû assumer les frais de l’appartement, objet de la promesse de vente alors que chacun d’eux avait fait des démarches pour se reloger en vue de la vente.

En outre, l’immobilisation prolongée de l’appartement alléguée, mais non démontrée, est déjà réparé par la condamnation de Madame [K] à payer la somme prévue au titre du dépôt de garantie.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [Y]-[Z] de leur demande de dommages et intérêts.

III -Sur les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Madame [K] étant la partie perdante, sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

En outre, il serait inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de Madame [Y] et Monsieur [Z] la charge des frais non taxables par eux exposés à l’occasion de la présente instance et non compris dans les dépens, ce qui justifie la condamnation de Madame [K] à leur payer à ce titre la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 26 mai 2021 en ce qu’il a rejeté les demandes de Madame [O] [Y] et Monsieur [C] [Z] tendant à voir condamner Madame [B] [K] à leur payer la somme de 5 000 € au titre du dépôt de garantie, et au titre des dépens ;

Statuant de nouveau,

Condamne Madame [B] [K] à payer à Madame [O] [Y] et Monsieur [C] [Z] la somme de 5 000 € (CINQ MILLE EUROS) au titre du dépôt de garantie ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 26 mai 2021 pour le surplus ;

Condamne Madame [B] [K] à payer à Madame [O] [Y] et Monsieur [C] [Z] la somme de 2 000 € (DEUX MILLE EUROS) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [B] [K] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,

 


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