COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2023
N° 2023/ 123
Rôle N° RG 19/15020 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE52P
[Y] [H] [J] [S]
[O] [V]
C/
SAS CAPI
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Mathilde KOUJI-DECOURT
Me Mathilde FAVRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 12 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/08167.
APPELANT
Monsieur [Y] [H] [J] [S]
né le 05 Janvier 1977 à [Localité 3] ([Localité 1])
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
représenté et assisté par Me Mathilde KOUJI-DECOURT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEES
Madame [O] [V]
née le 16 Août 1979 à [Localité 7] ([Localité 2]), demeurant [Adresse 6]
représentée et assistée par Me Mathilde KOUJI-DECOURT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
SAS CAPI,
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Mathilde FAVRE, avocat au barreau de MARSEILLE, et ayant pour avocat plaidant Me Didier FAVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Guy ROCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur BRUE, président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Au mois d’octobre 2014, M. [Y] [S] et Mme [O] [V] ont délivré un mandat de vente à la SAS Capi, pour leur appartement situé à [Localité 5]. Celui-ci n’apparaît pas avoir été résilié.
Ils ont délivré un mandat exclusif de vente à cette société au mois d’octobre 2015, qui a été modifié en ce qui concerne le prix par avenants des 7 et 19 décembre 2015.
les consorts [K] ont dénoncé ce mandat par lettre recommandée avec avis de réception, le 9 mai 2016, reçue le 11 mai 2016, étant précisé qu’était convenu un préavis de 15 jours.
Le bien immobilier a été vendu selon compromis du 21 mai 2016 et acte notarié du 29 août 2016, par l’intermédiaire d’une autre agence.
Estimant que la vente était intervenue en violation du mandat qui lui avait été consenti, la SAS Capi a mis en demeure M. [Y] [S] et Mme [O] [V] d’avoir à lui régler la somme de 12.000,00 €, correspondant à la rémunération prévue au mandat.
Vu l’assignation du 3 novembre 2017, par laquelle la SAS Capi a fait citer M. [Y] [S] et Mme [O] [V], devant le tribunal de grande instance de Draguignan.
Vu le jugement rendu le 12 juillet 2019, par cette juridiction, ayant statué ainsi qu’il suit :
Rejette les demandes de nullité et d’inopposabilité des clauses du mandat présentées par
Romain Zanchi
En conséquence,
Condamne solidaircment [Y] [S] et [O] [V] à vcrser à la société Capi la somme dc 12.000 euros, au titre dc la clause pénale insérée dans ledit contrat;
Déboute la société Capi de sa demande en condamnation pour résistance abusive;
Condamne solidaircment [Y] [S] et [O] [V] à verscr à la société Capi, la
sommc dc 2.000 euros, sur lc fondement dc l’article 700 du code de procédure civile;
Déboute [Y] [S] de sa demande formulée sur le fondement dc l’article 700 du code de
procédure civile;
Condamne solidairernent [Y] [S] et [O] [V] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions dc l’article 699 du code dc procédure civile;
Vu les déclarations d’appel du 26 septembre 2019, par M.[Y] [S].
Vu l’ordonnance de jonction rendue le 18 novembre 2019, par le conseiller de la mise en état.
Vu les conclusions transmises le 6 mars 2020, par M. [Y] [S] et Mme [O] [V].
Ils soulèvent la nullité du contrat souscrit au mois d’octobre 2015:
– pour défaut de capacité de M. [T], son signataire qui a été radié de la liste des agents commerciaux le 9 décembre 2015.
– compte tenu du caractère indéterminé de sa date, mentionnée comme le 1er octobre 2015, alors que les avenants visent un mandat du 6 octobre 2015.
– en l’absence de preuve de la remise d’un exemplaire au mandant le jour même de la signature.
– pour absence de caractères très apparents des clauses d’exclusivité et pénale comme le prévoit
l’article 78 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972.
Ils considèrent que clause d’exclusivité et la clause pénale qui ne sont pas imprimées en caractères très apparents leur sont inopposables
Les consorts [K] sollicitent subsidiairement la réduction du montant de la clause pénale, à la somme maximale de 9600 €, dès lors que:
– le prix de vente initial était de 319’000 €et que le bien finalement été vendu pour 263’000 €.
– le mandataire ne justifie pas de la remise de bons de visite avec les comptes-rendus.
– Le mandataire ne justifie pas avoir rempli sa mission de conseil sur la mise en valeur du bien.
Ils font valoir qu’en raison de l’ambiguïté des termes de la clause pénale, celle-ci ne peut être fixée, dans l’hypothèse leur étant la plus favorable qu’à la moitié de la rémunération prévue et rappelle que le préjudice ne peut résulter que d’une perte de chance de la percevoir étant précisé qu’en un an et demi, l’agent immobilier ne leur a présenté aucun acquéreur potentiel.
Vu les conclusions transmises le 8 novembre 2022, par la SAS Capi.
Elle soulève l’irrecevabilité du moyen de nullité du mandat « pour défaut de capacité à contracter de M. C. [T] » qui n’a pas été soulevé en première instance, en application de l’article 564 du code de procédure civile et signale subsidiairement que la résiliation de son contrat d’agent commercial n’étant intervenue qu’à compter du 9 décembre 2015, il pouvait signer un mandat le 1eroctobre 2015.
L’agent immobilier observe que les appelants ne contestent pas le fait que la vente est intervenue en violation de la clause d’exclusivité prévue par le mandat, clairement stipulée, ainsi que les conséqences d’une vente sans son concours et la clause pénale en caractères apparents. Il ajoute que celui-ci mentionne avoir été établi en deux exemplaires originaux, dont un pour le propriétaire et un pour l’agence et qu’il est daté du 1eroctobre 2015, estimant que l’erreur figurant sur l’avenant n’a pas d’incidence sur cette date certaine.
Elle considère qu’ayant rempli ses obligations de publication et de visite, il n’y a pas lieu de réduire le montant de la clause pénale et insiste sur résistance abusive de ses mandants.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2023.
SUR CE
Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juges, même si leur fondement juridique est différent. Il apparaît en l’espèce que M. [Y] [S] et Mme [O] [V] avaient déjà demandé devant le tribunal l’annulation du mandat. Il leur était donc possible de réitérer cette demande devant la cour sur le fondement du défaut de capacité du représentant de l’agent immobilier.
Il y a cependant lieu d’observer que si cette demande est reprise dans le dispositif de leurs dernières écritures transmises devant la cour, M. [Y] [S] et Mme [O] [V] indiquent dans les motifs que la SAS Capi, ayant produit les pièces justifiant que M. [T] pouvait régulièrement engager à la date du mandat, cette demande était désormais sans objet.
M. [Y] [S] et Mme [O] [V] soulèvent la nullité du mandat pour défaut de date certaine.
L’article 78 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 édicte que lorsqu’un mandat est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale, ou lorsqu’il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l’opération est conçue sans les soins de l’intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d’une stipulation expresse d’un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause est mentionnée en caractères très apparents.
Le contrat de mandat produit aux débats porte la date du 1er octobre 2015, à proximité de la signature des mandants, M. [Y] [S] et Mme [O] [V] et mentionne qu’il est fait en deux exemplaires originaux, dont un pour le propriétaire et un pour l’agence.
Les intimés ne démontrent pas que la signature du mandat serait intervenue sans la présence de toutes les parties. Le simple fait que leur signature figure à l’encre bleue et celle de l’agent immobilier à l’encre noire, ne peut être probant de ce chef.
Il en est de même pour la référence erronée, dans les avenants des 7 et 19 décembres 2015, à un mandat de vente du 6 octobre 2015.
Dans ces conditions, ils ne peuvent contester qu’un exemplaire du mandat leur a été remis immédiatement et que celui-ci dispose d’une date certaine.
Dès lors qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que le mandat objet de la demande a une date certaine et porte un numéro d’enregistrement, il ne peut être excipé de l’absence de production du registre des mandats de l’agence, pour réclamer sa nullité, alors que par ailleurs son début d’exécution n’est pas contesté.
Le mandat de vente comporte en gros caractères gras et en majuscules :
– les mentions ‘engagement mandat exclusif’, au recto et ‘option mandat exclusif’, au verso, avec le détail des prestations dues par le mandataire, notamment en ce qui concerne le certificat de parution et les comptes-rendus de visite.
– Les clauses pénales, au verso,
Il y a lieu d’observer que le contrat de mandat de vente stipule expressément à proximité des signatures que le mandant reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales au verso et que le verso du document est paraphé par les deux mandants.
Il apparaît clairement que les mandants ont coché la case correspondant au mandat exclusif et que celles relatives aux mandats partenaires ou mandats simples n’ont pas été sélectionnées.
Si le conseiller immobilier Capifrance a proposé le 29 septembre 2015 par courrier électronique la signature d’un avenant au précédent mandat, le contrat dont il est demandé l’exécution dans le cadre de la présente procédure daté du 1er octobre 2015, et clairement intitulé : ‘mandat de vente 3 options’en très gros caractères, ne permettant aucun doute sur la nature de la convention.
Il convient d’observer que les appelants n’ont pas repris dans leurs conclusions déposées devant la cour, le moyen tiré de l’absence de limitation dans le temps.
Aucun motif ne justifie, en conséquence l’annulation du mandat daté du 1er octobre 2015, conclu entre les parties, ni celle des clauses relatives au mandat exclusif et à la clause pénale.
L’article 78 du décret du 20 juillet 1972 prévoit la possibilité pour le mandant dans le cadre d’un mandat contenant une clause d’exclusivité ou une clause pénale de le dénoncer après un délai de trois mois, à charge pour lui d’aviser le mandant 15 jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec avis de réception.
En l’espèce, M. [Y] [S] et Mme [O] [V] ont dénoncé le mandat en cours par lettre recommandée avec avis de réception datée du 9 mai 2016, reçue le 11 mai 2016.
Ils ne contestent pas avoir conclu, le 21 mai 2016, un avant-contrat sous-seing-privé, avec un tiers en vue de la réalisation de la vente de leurs biens immobiliers objet du mandat, donc avant l’expiration du délai de préavis légal de 15 jours.
La rubrique XVII des conditions générales du contrat de mandat exclusif stipule que dans les cas autorisés de vente sans votre concours, nous nous engageons à vous informer immédiatement par lettre recommandée avec avis de réception en vous précisant les noms et adresse de l’acquéreur, du notaire chargé de l’acte authentique et de l’agence éventuellement intervenue, ainsi que le prix de vente final ce, pendant la durée du présent mandat et deux ans après son expiration.
La rubrique XVIII ‘clauses pénales’prévoit qu’en cas de non-respect de la clause ci-dessus, le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire correspondant à la moitié des honoraires convenus, par ailleurs en cas de vente à un acquéreur ayant eu connaissance de la vente du bien par l’intermédiaire de l’agence ou du refus de vendre un acquéreur qui aurait été présenté par l’agence ou en cas d’infraction à une clause d’exclusivité, le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire égale à la rémunération prévue au présent mandat.
Il apparaît bien au vu des éléments rappelés ci-dessus que les mandants n’ont pas respecté les obligations issues de la délivrance d’un mandat exclusif au profit de l’agence immobilière qui était toujours en cours.
Le mandat exclusif liant les parties prévoyait une rémunération de 12’000 €, à la charge du vendeur.
Dès lors que la clause pénale correspond à une indemnisation forfaitaire préétablie, les notions de perte de chance et de préjudice réel n’ont pas lieu d’être prises en compte.
Il en est de même pour le fait que le bien ait finalement été vendu à un prix inférieur à celui initialement fixé dans le cadre du mandat.
Alors que la SAS Capi justifie avoir rempli ses obligations, notamment en ce qui concerne les publications, les réponses à des demandes de renseignements et les visites du bien et qu’il n’est pas précisé en quoi le bien aurait pu être mis en valeur, le montant de la clause pénale contractuellement fixée n’apparaît pas manifestement excessif. Il n’y a donc pas lieu de le réduire, dans les conditions fixées par l’article 1152 code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige.
L’agent immobilier donc fondé à réclamer la condamnation de M. [Y] [S] et Mme [O] [V] à lui payer la somme de 12’000 € titre de la clause pénale.
En revanche, la SAS Capi n’apporte pas la preuve que les mandants lui ont causée par leur mauvaise foi un préjudice indépendant du retard apporté au paiement, dans les conditions prévues par l’article 1153 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige. Sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive est, en conséquence, rejetée.
Le jugement est confirmé.
Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [S] et Mme [O] [V] à payer à la SAS Capi, la somme de
3 000 €, en application, en cause d’appel, de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M. [Y] [S] et Mme [O] [V] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT