COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 28 MARS 2023
N° RG 20/02908 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LUP7
S.C.P. [Z] [G] [S] [S]
S.A.R.L. ARMI
c/
S.A.R.L. CARMO FRANCE STRUCTURES EN BOIS
Nature de la décision : AU FOND
JONCTION avec N°21/00017
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 juillet 2020 (R.G. 2019F00831) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 03 août 2020
APPELANTES :
S.C.P. MALMEZAT PRAT LUCAS DABADIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
S.A.R.L. ARMI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5]
représentées par Maître Olivier CHAMBORD de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.R.L. CARMO FRANCE STRUCTURES EN BOIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]
représentée par Maître Marina RODRIGUES de l’AARPI GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat conclu le 17 mai 2018, la SARL Carmo France Structure en Bois (ci-après également désignée la société CARMO) a confié à la SARL Ateliers réparation maritimes industriel (ci-après désignée la société ARMI) la construction et la fourniture d’un flotteur acier, dans la perspective de l’installation de ses bureaux sur une barge, [Adresse 2] à [Localité 4], pour un prix forfaitaire de 365000 euros HT (soit 438000 euros TTC).
La date initialement convenue de livraison (soit le 20 aout 2018) a été reportée au 30 novembre 2018, par accord des parties, puis à la fin de l’année 2018.
Le flotteur a été livré le 24 avril 2019, avec une mise à l’eau le même jour, et réceptionné le 29 mai 2019.
La société CARMO a refusé de payer le solde des factures, et par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 mai 2019, elle a informé la société ARMI qu’elle se considérait créancière d’une somme de 250 025 euros HT, selon décompte des pénalités de retard arrêté au 10 mai 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2019, la société ARMI a contesté toute responsabilité dans le retard de livraison, soutenant que la société Puel, sous-traitante de la société CARMO, avait livré tardivement des équipements.
Par acte d’huissier en date du 25 juillet 2019, la société ARMI a fait assigner la société CARMO en paiement de la somme principale de 217 600 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 13 juin 2019, outre une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle a en outre sollicité la réduction du montant manifestement disproportionné des pénalités de retard réclamées par la société CARMO.
Par jugement du 07 août 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société ARMI, la société [R]-Lucas-Dabie étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 13 juillet 2020, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
– déclaré recevable la SELARL [R]-[S] en qualité de liquidateur de la société ARMI en son intervention volontaire,
-condamné la SARL CARMO à payer à la SARL ARMI la somme de 13’600 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2019, date de la mise en demeure,
-ordonné la capitalisation des intérêts par année entière jusqu’à parfait paiement,
-débouté la société ARMI de ses autres demandes,
-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que les parties garderont la charge de leurs dépens.
Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a retenu, en premier lieu, que la SARL CARMO était débitrice de la somme de 217’600 euros au titre du solde du prix de la barge en acier effectivement livrée selon procès-verbal de réception en date du 29 mai 2019, et, en second lieu, que la société ARMI ne fournissait pas de justification au retard de 112 jours apporté à la livraison de la barge, de sorte qu’elle était redevable des pénalités contractuelles pour un montant de 204’400 euros.
Le tribunal a condamné la SARL CARMO à payer le solde, après compensation des créances.
Par déclaration en date du 3 août 2020 (procédure RG n°20/2227), la société [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Armi, et la société Armi ont relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués.
Par dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2020, la société [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Armi, demande à la cour :
– d’annuler le jugement,
– le cas échéant, de réformer le jugement,
– de condamner la société CARMO à payer à la société ARMI la somme de 217 600 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2019, date de la mise en demeure,
– de condamner la société CARMO au paiement d’une indemnité de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– de condamner en outre la société CARMO à rembourser au requérant sur justificatif les frais de recouvrement de huissier qui pourrait être appelé à exécuter toute décision concourant à son indemnisation dans la limite des sommes versées à cet huissier au titre du droit de recouvrement de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 (n°96-1080),
– de dire que ces taux seront égaux au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage, en application de l’article L. 441-6 du code de commerce,
À titre subsidiaire, de réduire le montant manifestement disproportionné des pénalités réclamées par la société CARMO Wood,
-en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil,
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir (SIC),
– en tout état de cause, de condamner la société CARMO Wood au paiement d’une indemnité de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2021, la société CARMO France structures en bois demande à la cour de :
– dire et juger que la société Armi a livré le flotteur en acier commandé par la SARL CARMO, par acte d’engagement du 17 mai 2018, avec un retard de quatre mois ;
– dire et juger que les articles 6 et 11 de l’acte d’engagement du 17 mai 2018 trouvent à s’appliquer ;
– dire et juger que la société ARMI était redevable de pénalités de retard à hauteur de 5 % par jour de retard, soit la somme de 204 400 euros HT ;
En conséquence,
– confirmer l’intégralité du jugement rendu le 13 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux et rectifié par jugement du 30 novembre 2020 ;
– débouter la Selarl Malmezat Prat Lucas Dabadie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la sarl CARMO,
– fixer au passif de la société ARMI la créance de la société CARMO de 27 680 euros ;
– condamner la SELARL Malmezat Prat Lucas Dabadie, ès qualités de mandataire liquidateur de la société ARMI, à verser la somme de 3 500 euros à la SARL CARMO, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance et de la présente procédure.
Initialement fixé à l’audience du 15 mars 2023, cette affaire a été appelée à l’audience du 7 février 2023, aux fins de jonction avec l’affaire connexe RG n°21/00017.
La clôture a été prononcée le 7 février 2023, avant les plaidoiries.
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Par requête en date du 04 août 2020, la société Carmo France Structures Bois a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de faire rectifier le jugement rendu le 13 juillet 2020 en raison d’une erreur matérielle sur le décompte des pénalités de retard.
Par jugement réputé contradictoire du 30 novembre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
– fait droit à la requête déposée par la société Carmo France Structures en Bois,
– rectifié le jugement rendu le 13 juillet 2020,
– dit que la clause pénale que la société ARMI doit payer à la société Carmo France Structures en Bois s’élève à la somme de 245 280 euros et non 204 400 euros tel qu’indiqué en page 7 du jugement,
– dit en conséquence que la société Carmo France Structures en Bois est titulaire d’une créance de 27 680 euros (245 280 – 217 600) au titre du solde du marché de fabrication de la barge métallique,
– fixé au passif de la société ARMI la créance de la société Carmo France Structures en Bois à la somme de 27 680 euros,
– ordonné la mention du présent jugement sur les minutes et expéditions du jugement du 13 juillet 2020 n°3.
Par déclaration du 04 janvier 2021, la société [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Armi, et la société Armi en ses chefs expressément critiqués (procédure RG n° 21/00017).
Par dernières conclusions notifiées 29 mars 2021, la société [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Armi, demande à la cour :
– d’annuler le jugement,
– le cas échéant, de réformer le jugement,
– de condamner la société Carmo Wood à payer à la société ARMI la somme de 217 600 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2019, date de la mise en demeure,
– de condamner la société Carmo Wood au paiement d’une indemnité de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– de condamner en outre la société Carmo Wood à rembourser au requérant sur justificatif les frais de recouvrement de huissier qui pourrait être appelé à exécuter toute décision concourant à son indemnisation dans la limite des sommes versées à cet huissier au titre du droit de recouvrement de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 (n°96-1080),
– de dire que ces taux seront égaux au taux d’intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage en application de l’article L. 441-6 du code de commerce,
À titre subsidiaire, de réduire le montant manifestement disproportionné des pénalités réclamées par la société Carmo Wood,
-en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil,
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir (SIC),
– en tout état de cause, de condamner la société Carmo Wood au paiement d’une indemnité de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 27 avril 2021, la société CARMO France Structure en bois demande à la cour de:
– vu les articles 1104, 1231-5 et suivants du code civil,
– vu l’acte de l’engagement du 17 mai 2018,
– dire et juger que la société ARMI a livré le flotteur en acier commandé par elle, par acte d’engagement du 17 mai 2018, avec un retard de quatre mois,
– dire et juger que les articles 6 et 11 de l’acte d’engagement du 17 mai 2018 trouvent à s’appliquer,
– dire et juger que la société ARMI était redevable de pénalités de retard à hauteur de 5 % par jour de retard, soit la somme de 204 400 euros HT,
En conséquence,
– confirmer l’intégralité du jugement rendu le 13 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux et rectifié par jugement du 30 novembre 2020,
– confirmer l’intégralité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 30 novembre 2020,
– débouter la société [R]-Lucas-Dabie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
– fixer au passif de la société Armi sa créance de 27 680 euros,
– condamner la société [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Armi, à lui verser la somme de 3 500 euros, au titre des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance et de la présente procédure.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 07 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
Par message électronique en date du 2 mars 2023, la cour a invité les parties à communiquer, sous forme de note en délibéré leurs observations éventuelles sur le défaut de justification, par la société Carmo d’une déclaration de créance au titre des pénalités de retard au passif de la liquidation judiciaire de la société ARMI, au regard des dispositions des articles L.622-7, L.622-24 et L.622-26 du code de commerce, dont il résulte que la compensation de dettes connexes ne peut être prononcée que si le créancier a déclaré sa propre créance.
Par message électronique en date du 20 mars 2023, le conseil de la société CARMO a indiqué que le le 21 août 2019, un courrier recommandé avec accusé de réception avait été adressé par ses soins à la SELARL Malmezat Prat ‘ Lucas Dabadie (sapièce 12) faisant état des pénalités de retard et que le mandataire liquidateur n’avait soulevé aucune difficulté, que ce soit dans le cadre de la procédure de première instance que dans le cadre de la procédure d’appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la jonction :
1- Compte tenu de leur connexité, il convient d’ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 20/2908 et RG 21/00017.
Sur la demande de nullité du jugement :
2- L’appelante soutient que le jugement est entaché d’irrégularité et doit être annulé, dans la mesure où le tribunal n’a pas répondu au moyen qu’elle lui avait présenté, tenant au caractère disproportionné des pénalités de retard appliquées à la société ARMI, et qu’il n’a ni mentionné, ni répondu, au moyen tiré de la méconnaissance de l’article 1231-5 du code civil, tenant à l’absence de mise en demeure de la société ARMI.
3- La société CARMO réplique que le jugement du 13 juillet 2020, rectifié par jugement du 30 novembre 2020, est suffisamment motivé et doit être confirmé.
4- La cour rappelle qu’en application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, à peine de nullité.
Il est constant, par ailleurs, que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif sanctionné par la nullité.
Il ressort des mentions du jugement que la société [R]-[S] es-qualité avait demandé au tribunal de réduire le montant manifestement disproportionné des pénalités réclamées par la société CARMO FRANCE.
5- Le tribunal a considéré qu’il n’existait pas de justification majeure au retard de livraison de la barge métallique, et en a conclu que les pénalités contractuelles devaient dès lors s’appliquer.
Il s’agissait de la stricte application du contrat et des dispositions de l’article 1231-5 du code civil. En effet, dès lors que le juge réfuse de modifier la clause pénale fixée par le contrat, et n’exerce pas la faculté qui lui est offerte de réduire les obligations résultant de cette clause, il n’a pas à motiver spécialement sa décision.
Par ailleurs, il ne ressort pas des mentions du jugement que le mandataire liquidateur ait présenté au tribunal un moyen tenant à l’absence de notification d’une mise en demeure. Les conclusions de première instance ne sont pas produites. Il n’est donc pas démontré que les premiers juges aient omis de répondre sur ce point.
Seule une infirmation du jugement (et non une annulation) serait donc encourue, le cas échéant, si le tribunal avait fait une application inexacte de l’article 1231-5 du code civil, en omettant de prendre en compte l’absence de mise en demeure préalable.
6 – Il convient dès lors de rejeter la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement.
Sur le fond :
Concernant la créance au titre du solde du marché :
7- Conformément à l’article 1153 alinéa 1er du code civil, la société ARMI, représentée par son mandataire liquidateur, démontre avoir exécuté l’obligation mise à sa charge par le marché de travaux en produisant au débat le procès-verbal de réception de la barge acier, signé sans réserve le 29 mai 2019 par M. [D], directeur de la société CARMO, sous la mention ‘travaux reconnus conformes à la commande’.
8- Au demeurant la société CARMO, qui n’a pas formé appel incident, ne conteste pas le montant du solde du prix du marché, soit la somme de 217 600 euros TTC, après déduction des acomptes versés (220400 euros TTC), tel qu’il est mentionné sur le procès-verbal de réception, et fonde son argumentation sur l’existence d’une compensation de cette somme avec les pénalités contractuelles de retard qui lui sont dues.
Concernant les pénalités de retard :
9- En applications des dispositions d’ordre public de l’article L.622-7 I du code de commerce, rendues application en matière de liquidation judiciaire par l’article L.631-14 de ce code, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.
Néanmoins, il est constant que lorsqu’un contractant défaillant a été placé en liquidation judiciaire, la créance née, avant le jugement d’ouverture, de l’exécution tardive de prestations convenues ne peut se compenser avec le prix des prestations dû par son cocontractant qu’à la condition que ce dernier ait déclaré cette créance au passif de la procédure collective (en ce sens, cour de cassation, chambre commerciale, 20 octobre 2021, pourvoi n°20-13829).
10- En l’espèce, la société CARMO a certes adressé au mandataire liquidateur une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 aout 2019, en réponse à la mise en demeure de ce dernier en date du 19 aout 2019, en indiquant: ‘le chantier dont la société ARMI était en charge a connu un retard en raison de l’absence de mise en place de la barge par la société ARMI. Ainsi, la société CARMO estime que des pénalités de retard doivent être mises à la charge de la société ARMI et conteste le montant des factures qui lui ont été adressées.’
11 – Pour autant, ce courrier ne contient aucune évaluation de cette créance de pénalités de retard, ni même de précision permettant d’en déterminer le montant à défaut de toute mention concernant le montant journalier de ces pénalités, leur point de départ et leur terme, alors qu’il existait entre les parties une discussion sur la date de livraison.
Il ne peut donc constituer une déclaration de créance.
12- Il en résulte que la société CARMO ne peut prétendre à compensation partielle ou totale de sa dette au titre du solde du prix du marché avec sa créance non déclarée de pénalités de retard, née avant le jugement d’ouverture, du fait du retard de livraison de la barge acier.
13- En conséquence, il convient de condamner la société CARMO à payer à la société ARMI, représentée par son mandataire liquidateur, la somme de 217 600 euros TTC.
14- Au regard des dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce (devenu article L.441-10), la SELARL [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Armi, est fondée à réclamer la condamnation de la société ARMO au paiement de pénalités de retard, qui sont dues de plein droit, sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats.
A défaut de stipulation contraire, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.
Ces pénalités n’ont pas la nature d’intérêts de retard, de sorte qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil ni à celle de l’article 1343-2 du code civil relatives à l’anatocisme.
Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires :
15- La demande de dommages-intérêts à hauteur de 10 000 euros formée par le mandataire liquidateur au dispositif de ses conclusions n’est fondée sur aucune pièce ni aucune démontration de l’existence d’un préjudice subi par la société ARMI, distinct de celui déjà indemnisé par les pénalités de retard au taux majoré.
Cette demande a été rejetée à bon droit par le tribunal, dont le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
16- Il est équitable d’allouer à la SELARL [R]-Lucas-Dabie, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Armi, une indemnité de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
17- Echouant en ses prétentions, la société CARMO doit supporter les dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu d’inclure dans les dépens l’émolument prévu à l’article ‘A 444-32 du Code de commerce (anciennement prévu à l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996) et mis à la charge du créancier en application de l’article ‘R 444-55 du code de commerce.
18- La demande tendant à ‘voir ordonner l’exécution provisoire du jugement ‘est sans objet, le présent arrêt étant insusceptible de recours suspensif d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 20/2908 et RG 21/00017,
Dit n’y avoir lieu à annulation du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 13 juillet 2020,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 13 juillet 2020, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire la SELARL [R]-[S] en qualité de liquidateur de la société ARMI,et rejeté sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 novembre 2020,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Condamne la société CARMO France Structures en bois (CFSB) à payer à la SELARL [R]-[S] en qualité de mandataire liquidateur de la société ARMI la somme de 217 600 euros TTC, majorée des pénalités de retard, calculées au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage, à compter du 21 aout 2019,
Condamne la société CARMO France Structures en bois (CFSB) à payer à la SELARL [R]-[S] en qualité de mandataire liquidateur de la société ARMI la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la société CARMO France Structures en bois (CFSB) aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.