COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 30/03/2023
la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN
ARRÊT du : 30 MARS 2023
N° : – 23
N° RG 21/01616 –
N° Portalis DBVN-V-B7F-GMC4
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection de BLOIS en date du 19 Avril 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270469169727
S.A. CREATIS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA- PESME-JENVRIN, avocat au barreau d’ORLÉANS et pour avocat plaidant Me Olivire HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE.
D’UNE PART
INTIMÉS :
– Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-
Monsieur [R] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Défaillant
– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270469169727
Madame [E] [S] épouse [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Défaillante
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 18 Juin 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 26 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 02 FEVRIER 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 30 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant offre préalable acceptée le18 mai 2017, la SA Créatis a consenti à M. [R] [Z] et Mme [E] [S], son épouse, un prêt de regroupement de crédits d’un montant de 58 100 euros, remboursable en 108 mensualités de 779,87 euros incluant les intérêts au taux nominal de 4,49 % l’an et les primes d’assurance.
Des échéances étant restées impayées, la société Créatis a provoqué la déchéance du terme de son concours le 29 juillet 2020 puis, après avoir vainement mis en demeure les emprunteurs de lui régler la somme totale de 58 755,45 euros par courrier du 9 octobre 2020 adressé sous pli recommandé présenté le 16 octobre suivant, a fait assigner M. et Mme [Z] en paiement devant le tribunal judiciaire de Blois par actes du 1er décembre 2020.
Par jugement du 19 avril 2021, en retenant, de première part qu’en application de l’article L. 341-9 du code de la consommation, la société de crédit devait être déchue en totalité du droit aux intérêts contractuels pour ne pas avoir effectivement vérifié la solvabilité des emprunteurs en préalable à l’octroi du prêt en sollicitant à cet effet les justificatifs de leurs revenus et de leurs principales charges ; de seconde part, que le montant susceptible d’être perçu par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points par application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier était de nature à priver d’effectivité la sanction de la déchéance prononcée, le tribunal a :
– déclaré la SA Creatis recevable en son action,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat conclu le 18 mai 2017 entre la SA Creatis d’une part et Mme [E] [S] et M. [R] [Z] d’autre part,
– condamné solidairement Mme [E] [S] et M. [R] [Z] à payer à la SA Creatis la somme de 42 168,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2020 pour M. [R] [Z] et du 14 octobre 2020 pour Mme [E] [S],
– privé la SA Creatis de la majoration du taux d’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 du code de la consommation,
– constaté que la demande de [E] [S] et M. [R] [Z] a été déclarée recevable par la commission de surendettement du Loir et Cher,
– rappelé qu’en application de l’article L.331-3-1 du code de la consommation la décision déclarant la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur,
– débouté la SA Creatis de ses autres demandes,
– condamné Mme [E] [S] in solidum M. [R] [Z] à payer à la SA Creatis la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [E] [S] in solidum M. [R] [Z] aux entiers dépens,
– rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de plein de droit.
La SA Creatis a relevé appel de cette décision par déclaration du 18 juin 2021 en critiquant tous les chefs du jugement en cause lui causant grief.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 26 juillet 2021 par voie électronique, signifiées le 30 juillet suivant à chacun des intimés, la SA Creatis demande à la cour de :
– déclarer la SA Creatis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel,
Y faire droit,
– infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées dans la déclaration d’appel,
Statuant à nouveau,
– condamner solidairement M. [R] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] à payer à la SA Creatis la somme de 58 755,45 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,49 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 9 octobre 2020,
– condamner solidairement M. [R] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] à payer à la SA Creatis la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [R] [Z] et Mme [E] [Z] née [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l’appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 26 janvier 2023, pour l’affaire être plaidée le 2 février suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. et Mme [Z], respectivement assignés à personne et à domicile, aient constitué avocat.
MOTIFS :
Sur la demande principale en paiement :
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.
Selon l’article L. 312-16 du code de la consommation, pris dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et, sauf dans les cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier, étrangers au présent litige, consulte le ficher prévu à l’article L. 751-1.
L’article L. 312-17 du même code ajoute que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, une fiche d’informations distincte de la fiche [ pré-contractuelle de renseignements] mentionnée à l’article L. 312-12 est remise par le prêteur et que cette fiche, établie par écrit ou sur un support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. L’article L. 312-17 précise encore que cette fiche, qui contribue à l’évaluation de sa solvabilité, est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l’emprunteur, que les informations figurant dans la fiche doivent faire l’objet d’une déclaration certifiant sur l’honneur leur exactitude et que, si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil fixé à 3 000 euros par l’article D. 312-7, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives dont la liste est elle-même définie par l’article D. 312-8.
L’article L. 341-2 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En application de l’article L. 341-3, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche de dialogue prévue à l’article L. 312-17 est déchu du droit aux intérêts.
L’article D. 312-8 auquel renvoie l’article L. 312-17 du code de la consommation prévoit que la fiche de dialogue qui contribue à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur doit être corroborée par des pièces justificatives suivantes : 1° tout justificatif du domicile de l’emprunteur, 2° tout justificatif du revenu de l’emprunteur, 3° tout justificatif de l’identité de l’emprunteur. Le texte précise que ces pièces doivent être à jour au moment de l’établissement de la fiche d’information mentionnée à l’article L. 312-17.
En l’espèce, la société Créatis produit, outre la fiche de dialogue prévue à l’article L. 312-17 et le justificatif de l’interrogation du fichier dit des incidents de paiement, la copie de la carte nationale d’identité de M. et de Mme [Z], les quatre derniers bulletins de salaire de chacun de M. et Mme [Z] et leur avis de situation déclarative à l’impôt sur le revenu 2015 valant justificatif des revenus des emprunteurs, outre une facture de téléphone fixe valant justificatif de leur domicile.
Dès lors que, sans ajouter à la loi ou au règlement, la déchéance des intérêts ne pouvait être prononcée par le premier juge pour cela seul que la société Créatis ne justifiait pas avoir exigé les justificatifs des charges déclarées par les emprunteurs, notamment le justificatif de leur charge d’emprunts immobiliers, qu’il n’existe pas d’incohérence entre les renseignements fournis par les emprunteurs et les justificatifs produits, et que le prêt litigieux, en outre, était un crédit de restructuration qui permettait la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, qui n’aggravait donc pas la situation financière des emprunteurs et ne créait pas de risque d’endettement nouveau, il apparaît que la société de crédit a satisfait à son devoir de vigilance en préalable à l’octroi du prêt litigieux.
Selon l’article L. 312-39 du code de la consommation, le prêteur peut, en cas de défaillance de l’emprunteur, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, le tout produisant intérêts au taux contractuel, outre une indemnité de 8 % calculée sur le capital restant dû.
Cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux avoisine le taux légal majoré, l’indemnité de 8 % prévue à l’article L. 312-39 précité, qui répond à la définition de la clause pénale de l’article 1226 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction d’office, en application de l’article 1152 du même code, à un montant qui, pour conserver à la clause son caractère comminatoire, sera fixé à 500 euros.
Au vu des pièces versées aux débats, notamment l’offre préalable de crédit, l’historique du compte, le tableau d’amortissement et le dernier décompte arrêté au 12 novembre 2020, la créance de l’appelante sera arrêtée ainsi qu’il suit :
– mensualités échues et impayées : 13 257,79 euros (dont 8 229,08 euros en capital)
– capital restant dû à la déchéance du terme : 41 271,30 euros
– intérêts de retard échus de la date de déchéance du terme au 12 novembre 2020 : 645,46 euros
– indemnité de 8 % réduite d’office : 500 euros
– règlement postérieurs à la déchéance du terme à déduire : néant
Soit un solde de 55 674,55 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 4,49 % l’an
sur la somme de 49 500,38 euros à compter du 13 novembre 2020 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date.
Par infirmation du jugement entrepris, M. et Mme [Z], qui ne justifient d’aucun fait ni d’aucun paiement libératoire au sens du deuxième alinéa de l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, seront solidairement condamnés à payer à la société Créatis la somme sus-énoncée.
Sur les demandes accessoires :
M. et Mme [Z], qui succombent au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, ils seront condamnés in solidum à régler à la société appelante, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 500 euros.
PAR CES MOTIFS
INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés :
CONDAMNE solidairement M. [R] [Z] et Mme [E] [S] épouse [Z] à payer à la société Créatis, pour solde du prêt souscrit le 18 mai 2017, la somme de 55 674,55 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 4,49 % l’an sur la somme de 49 500,38 euros à compter du 13 novembre 2020 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE in solidum M. [R] [Z] et Mme [E] [S] épouse [Z] à payer à la société Créatis la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [R] [Z] et Mme [E] [S] épouse [Z] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT