Copies exécutoires
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 07 AVRIL 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12612 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDH2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2022 -Tribunal judiciaire de PARIS
RG n° 20/03094
APPELANTE
SCI [Adresse 6], immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 393 470 612, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domiciliè en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 assistée par Me David HALLER de la SELARL EVENSTEN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0114
INTIMÉES
Madame [U] [S] née le 16 Juin 1936 à Metz
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée et assistée de Me Camille MESNIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0754
S.A.R.L. INITIALES immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 481 507 937, prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée et assistée de Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude CRETON, Président de chambre
Madame Corinne JACQUEMIN, Conseillère
Madame Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Corinne JACQUEMIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Claude CRETON, Président de chambre, et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [U] [S] a donné mandat le 14 mai 2019 à la S.A.R.L. Initiales de vendre en viager occupé son bien immobilier situé [Adresse 7], pour un bouquet de 250.000 euros net vendeur et le versement d’une rente mensuelle de 2.705 euros.
Par courrier du même jour adressé à la société Initiales, la société [Adresse 6] a offert d’acquérir le bien de Mme [S] au prix du mandat.
L’acte authentique de vente n’a pas été régularisé et par acte d’huissier du 13 mars 2020, la société [Adresse 6] a fait assigner Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
– constater que la vente conclue est parfaite depuis l’échange des consentements et l’acceptation de l’offre de contracter le 14 mai 2019 ;
– dire et juger que l’acte authentique sera signé aux mêmes charges et conditions que celles prévues dans le projet d’acte authentique qui avait été transmis aux parties ;
– constater la carence de Mme [S] ;
– condamner Mme [S] à se rendre dans les 15 jours de la signification du jugement à intervenir, sur convocation en l’Etude notariale de Maître [B] [X], notaire, sis [Adresse 2], pour signer l’acte authentique de vente portant sur l’appartement avec versement d’une somme de 250.000,00 euros à titre de bouquet avec obligation de verser une rente annuelle de 32.460,00 euros créée au profit et sur la tête du vendeur, le tout sous astreinte de 1.000,00 euros par jour de retard pendant un délai d’un mois ;
– juger que passé ce délai d’un mois, si l’acte authentique de vente n’a pas été régularisé du fait de Mme [S], le jugement à intervenir vaudra vente définitive de l’ensemble immobilier et sera publié comme tel auprès du Service de la publicité foncière de [Localité 5] [Localité 5] ;
En tout état de cause,
– condamner Mme [S] à payer à la société [Adresse 6] la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens.
La société Initiales a été attraite à la procédure par Mme [S] selon acte d’huissier du 5 août 2020 aux fins de :
– déclarer recevable et bien-fondé cet appel en intervention forcée ;
– ordonner la jonction des deux procédures sous le numéro de rôle 20/03094
– condamner la société Initiales à garantir et relever indemne la société [Adresse 6] ou Mme [S] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
– condamner la société [Adresse 6] et la société Initiales aux entiers dépens ;
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement du 1er juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
– débouté la société [Adresse 6] de ses demandes tendant à voir :
* constater la vente par Madame [U] [S] de ses biens à son bénéfice ;
*condamner sous astreinte Mme [U] [S] à signer l’acte authentique de vente au prix comptant de 250.000 euros, outre une rente annuelle viagère de 32.460 euros ;
*dire que faute de signature, le jugement valait vente ;
* condamner Mme [S] à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société [Adresse 6] à verser à Mme [S] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Madame [U] [S] de ses demandes tendant à :
* condamner in solidum les sociétés [Adresse 6] et Initiales à lui verser une somme de 80.000 euros en réparation des préjudices subis,
* ordonner la radiation de la publication de l’assignation délivrée par la société [Adresse 6],
* condamner la société Initiales à lui verser 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société Initiales de ses demandes tendant à :
* condamner la société [Adresse 6] à lui verser une somme de 36.000 euros au titre de ses honoraires au jour de la signature de l’acte,
* subsidiairement, condamner [U] [S] à lui verser la même somme du titre de la clause pénale du mandat,
* en tout état de cause, condamner [U] [S] à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société [Adresse 6] aux dépens et accordé à Maître [M] et Maître Mesnil le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré que :
– Mme [S] n’a pas accepté l’offre d’achat de la société [Adresse 6];
– le mandat de vente de la société Initiales ne vaut pas offre de vente.
Par déclaration d’appel en date du 6 juillet 2022, la société [Adresse 6] a interjeté appel de cette décision .
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 31 janvier 2023, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1582, 1583 et 1584 du Code civil, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
– débouter Mme [S] de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
– juger que la vente conclue entre elle et Mme [S] est parfaite depuis l’échange des consentements et l’acceptation de l’offre de contracter le 14 mai 2019 ;
– juger que cette vente immobilière parfaite concerne l’ensemble immobilier situé à [Adresse 7], figurant ainsi au cadastre : Section N° Lieudit Surface AI 48 7 rue pavée 00 ha 02a 55 ca
Les lots de copropriété suivant(s) :
Lot numéro quinze (15)
Dans le bâtiment « A », au quatrième étage, porte face, une salle de séjour et une chambre sur rue.
Ce lot communique avec le lot n°16.
Et les 49/1010èmes des parties communes générales.
Lot numéro seize (16)
Dans le bâtiment « A », au quatrième étage, porte à gauche, un appartement comprenant une
entrée, water-closet, cuisine, chambre et salle de bains sur cour.
Et les 40/1010èmes des parties communes générales.
Lot numéro cinquante et un (51)
Dans le bâtiment « A », au sous-sol, une cave.
Et les un 1/1010 ème des parties communes générales.
– juger que l’acte authentique sera signé aux mêmes charges et conditions que celles prévues
dans le projet d’acte authentique qui avait été transmis aux parties ;
– constater la carence de Madame [U] [S] ;
– condamner Madame [U] [S] à se rendre dans les 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir, sur convocation du notaire, en l’Etude notariale de Maître [B] [X], notaire à [Localité 5], sis [Adresse 2], pour signer l’acte authentique de vente portant sur l’appartement, dépendant de l’immeuble sis [Adresse 7], figurant au cadastre sous la Section AI n°[Cadastre 4], représentant le lot de copropriété n°15 et les 49/1010èmes des parties communes générales, le lot de copropriété n°16 et les 40/1010èmes des parties communes générales et le lot de copropriété n°51 et les 1/1010èmes des parties communes générales, au versement d’une somme de 250.000 € à titre de bouquet avec obligation de verser
une rente annuelle et viagère de 32.460 euros créée au profit et sur la tête du vendeur, le tout sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant un délai d’un mois ;
– juger que, passé ce délai d’un mois, si l’acte authentique de vente n’a pas été régularisé du fait de Mme [S], l’arrêt à intervenir vaudra acte de vente définitif de l’ensemble immobilier ci-dessus désigné, entre Mme [S] et la société [Adresse 6], et sera publié comme tel auprès du Service de la Publicité Foncière de [Localité 5] ;
– condamner Mme [S] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [S] aux dépens dont distraction au profit de la SERLAL EVENSTEN ‘ AVOCATS, avocats aux offres de droit, qui pourra en opérer le recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions d’intimée et d’appel incident n°2, communiquées par voie électronique le 15 décembre 2022, Mme [S], au visa des articles 1582 et suivants du Code civil et 1103, 1231 et suivants du même code, demande à la cour de :
à titre principal, de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er juin 2022 en ce qu’il a :
– débouté la la société [Adresse 6] de sa demande de constater la vente par madame [S] de ses biens à son bénéfice ;
– débouté la société Initiales de l’ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
– débouter la société [Adresse 6] de l’intégralité de ses demandes subséquentes ;
– débouter la société Initiales de l’intégralité de ses demandes subséquentes ;
A titre reconventionnel et incident, infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes tendant à condamner in solidum les sociétés [Adresse 6] et Initiales en réparation de ses préjudices et, statuant à nouveau :
– condamner la société [Adresse 6] au titre de son comportement fautif ;
– condamner la société Initiales au titre des manquements à son devoir de renseignement et de conseil;
– condamner in solidum la société [Adresse 6] et la société Initiales au paiement d’une somme de 100.000,00 euros au titre de la réparation de ses préjudices ;
– ordonner la radiation de la publication de l’assignation à la conservation des hypothèques aux frais de la société [Adresse 6] dans les 15 jours de la signification du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 150,00 euros par jour de retard ;
¬ débouter la société Initiales de sa demande d’application de la clause pénale insérée au contrat de mandat en date du 14 mai 2019 et, subsidiairement, en rapporter le montant à la somme maximale de 500,00 euros ;
A titre subsidiaire, si la vente forcée était accueillie :
– condamner la société [Adresse 6] au paiement d’une somme de 2.705,00 € par mois à compter du mois de juin 2019 au titre des rentes viagères échues ;
– ordonner qu’à défaut de règlement par la société [Adresse 6] des rentes viagères échues au jour de la constatation de la vente par acte authentique, la vente sera résolue de plein droit en raison du défaut de paiement du prix ;
– condamner la société [Adresse 6] au paiement des impôts fonciers au titre des années 2020, 2021, 2022 et 2023 au prorata à compter du mois de juin 2019 au titre de l’année 2019 ;
– condamner la la société [Adresse 6] au paiement des charges appelées par la copropriété autre que celles locatives, afférentes au bien litigieux à compter du mois de juin 2019, en ce compris les travaux de réfection de la toiture ;
– condamner la société Initiales au paiement d’une somme de 50.000,00 € au titre de ses manquements;
En tout état de cause,
– condamner in solidum la société [Adresse 6] et la société Initiales, en cause d’appel, à lui verser la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum la société [Adresse 6] et la société Initiales aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Camille Mesnil.
Aux termes de ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 4 novembre 2022, la société Initiales demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 du Code civil, et vu l’article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, l’article 78 alinéa 1 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 de :
1/ confirmer le jugement rendu le 1er juin 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a:
*débouté Madame [U] [S] de ses demandes tendant à :
– condamner in solidum les sociétés [Adresse 6] et Initiales à lui verser une somme de 80.000 euros en réparation des préjudices subis,
– ordonner la radiation de la publication de l’assignation délivrée par la société [Adresse 6],
– condamner la société Initiales à lui verser 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société [Adresse 6] aux dépens et accordé à Maîtres [W] [M] et [T] [V] le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;
2/ Infirmer le jugement rendu le 1er juin 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a :
* débouté la société Initiales de ses demandes tendant à :
– condamner la société [Adresse 6] à lui verser une somme de 36.000 euros au titre de ses honoraires au jour de la signature de l’acte,
– subsidiairement, condamner Madame [U] [S] à lui verser la même somme au titre de la clause pénale du mandat,
– en tout état de cause, condamner Madame [U] [S] à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
à titre principal, condamner la société [Adresse 6] à lui payer la somme de trente six mille euros au titre de ses honoraires au jour de la signature de l’acte authentique qui constatera la vente par Madame [U] [S] des lots 15,16 et 51 du bâtiment A à [Adresse 7] au prix de vente du bien, à savoir de 250 000 euros de bouquet et une rente viagère de 2705 euros ;
à titre subsidiaire, condamner Mme [S] à lui payer à la somme 36.000 € au titre de la clause pénale stipulée dans le mandat de vente n°S0781 du 5 décembre 2018.
en toutes hypothèses,
– débouter Mme [S] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Mme [S] à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [W] [M], conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il convient de se reporter aux énonciations du jugement déféré pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
SUR QUOI
À titre liminaire il doit être souligné que si Mme [S] développe dans ses écritures un moyen tiré de la confidentialité des courriels échangés entre notaires, estimant que la pièce n°12 du dossier de la société [Adresse 6] doit être retirée des débat, elle ne formule aucune demande de retrait de cette pièce dans le dispositif de ses conclusions de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur la vente
Les sociétés [Adresse 6] et Initiales maintiennent qu’elles ont bien démontré l’acceptation par Mme [S] de l’offre d’achat et, partant, que la vente conclue est bien parfaite à la suite de l’échange des consentements entre les parties.
La société [Adresse 6] ajoute que l’intimée a plusieurs fois confirmé son accord pour vendre aux conditions prévues au mandat alors qu’un projet d’acte authentique reprenant l’accord des parties était établi en collaboration entre les notaires des parties.
Aux termes des dispositions de l’article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. Selon l’article 1589 du même code, la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
L’offre de vente ou d’achat se définit comme l’acte par lequel une personne se déclare prête à vendre ou à acheter un bien à des conditions déterminées. Elle doit être suffisamment précise et fixer les éléments essentiels du contrat projeté, ce qui la différencie de la simple invitation à entrer en pourparlers.
Il est de principe que le mandant conserve la liberté de refuser de conclure une promesse de vente avec un candidat présenté par son mandataire, même lorsque le prix proposé est conforme au mandat et le candidat acquéreur n’a aucun moyen de contraindre le mandant à lui vendre le bien et notamment ne peut poursuivre l’exécution forcée de la vente. En effet l’engagement pris par le mandant, envers le mandataire, de ratifier la vente présentée par le mandataire aux prix et conditions du mandat ne s’entend pas d’une obligation pour le vendeur d’accepter la première offre présentée, le mandant demeurant libre, jusqu’à acceptation formelle, de donner suite à une offre plutôt qu’à une autre.
En l’espèce, le mandat du 14 mai 2019 comporte certes un article 9 qui dispose que le mandant s’engage à ratifier la vente à tout acquéreur que l’agent lui présenterait en acceptant les ‘prix et conditions des présentes’ mais cette disposition ne concerne que les relations entre le mandant et le mandataire alors que la suite de la phrase est manifestement erronée dès lors qu’il est mentionné que [ le mandat s’engage ] à « libérer les lieux pour le jour de l’acte authentique », ce qui ne peut correspondre à une vente en viager occupé.
Il ne peut donc être soutenu que la simple offre de vendre son bien aux conditions prévues au mandat rendait la vente parfaite dès l’acceptation de cette offre, le propriétaire du bien n’étant pas tenu de vendre.
Pour qu’une juridiction puisse enjoindre aux parties de conclure l’acte de vente devant notaire et dire qu’à défaut sa décision vaudra vente, il faut au préalable constater l’accord des parties, ce qui permet de constater, en application des dispositions précitées, la perfection de la vente et l’impossibilité pour le vendeur de refuser ultérieurement de s’y soumettre.
Or, au cas présent , comme le soulignait Mme [S] auprès de son notaire, aucun point précis n’avait été discuté notamment sur l’indexation de la rente ou sur sa situation si elle partait en maison de retraite (pièce n° 6-1 son courriel du 25 novembre 2019).
Elle précisait à juste titre que devait aussi être envisagée, avant son accord pour la vente, la prise en charge de la réfection de la toiture ; ce point, abordé en octobre 2019, ayant été renvoyé au 16 décembre 2019 pour la partie arrière, de sorte que ne resterait à sa charge que 22000 euros et 25000 euros à la charge de l’acquéreur.
De plus, force est de constater que Mme [S], qui affirme sans être contredite qu’elle n’a eu connaissance que dans le cadre des débats, de l’offre rédigée par M. [Z], gérant de la société [Adresse 6] et adressée à la société Initiales.
la société [Adresse 6] écrivait « Le client vient de me formuler une offre au prix demandé que je viens de transférer à Maître [N]. Il ne discute donc ni le bouquet ni la rente contrairement à d’autres clients qui me demandent au téléphone si vous seriez prête à baisser le montant de la rente qu’ils jugent trop élevé. Une cliente qui souhaitait visiter la semaine prochaine vient de m’annoncer qu’elle ne donnera pas suite, elle a trouvé un viager « plus intéressant » selon elle [Adresse 8]. J’attends d’autre part son retour sur la répartition des charges que je souhaite la plus en votre faveur possible. De toute manière rien n’est figé pour le moment. » (pièce n°10 de l’intimée).
La cour relève que d’ailleurs la société Initiales a adressé un courriel à Mme [S] le 2 décembre 2019 l’informant de ce que le bouquet que la société [Adresse 6] acceptait de payer était porté à 260 000 euros.
Il en ressort a fortiori qu’aucun accord de volonté n’était intervenu sur le prix quant à cette vente avec la société [Adresse 6].
Il sera de surcroît observé que dans le cadre d’une vente en viager, les parties sont amenées à poursuivre leurs relations bien après la conclusion de la vente du fait du versement de la rente, de sorte qu’il existe un indéniable »intuitu personae’ dans la conclusion de l’acte.
Enfin, le moyen tiré de ce que Me P. de C., notaire de Mme [S], a adressé un courrier aux termes duquel il assure l’agent immobilier que sa cliente a bien conscience de son engagement d’ores et déjà définitif» est inopérant dès lors que le notaire n’est pas le mandataire de son client et qu’en tout état de cause il n’est pas précisé sur quelle base l’accord serait définitif.
Il ne ressort par ailleurs d’aucun courriel de Mme [S] qu’elle aurait accepté la vente à la société [Adresse 6] dans les termes de l’offre du 14 mai 2019, dès lors que ces messages révèlent, comme l’a à juste titre indiqué le tribunal, que notamment la solvabilité du client était également encore recherchée et non établie et établissent que l’affaire n’était encore qu’en pourparlers et qu’aucun consentement libre et éclairé n’avait été donné.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société [Adresse 6] et la société Initiales de l’intégralité de leurs demandes.
Sur l’appel incident de Mme [S]
Concernant la responsabilité de la société [Adresse 6]
Mme [S] sollicite des dommages et intérêts en raison du comportement fautif et de la légèreté blâmable avec laquelle la société [Adresse 6], acteur averti en transaction immobilière, a entrepris son action et persisté en cause d’appel.
Toutefois, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le demandeur a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou a commis une erreur équivalente au dol, tous faits insuffisamment caractérisés en l’espèce compte tenu des moyens développés dans le présent dossier.
Concernant la responsabilité de la société Initiales
Mme [S] soutient que la société Initiales a manqué à son obligation de renseignement et de conseil en ne fournissant aucune explication ou conseils, tant quant aux conditions économiques de présentation à la vente de son projet que quant aux obligations découlant du mandat, présentant une estimation sous-évaluée des conditions de prix de la vente en viager du bien immobilier, de sorte que l’opération projetée lui est particulièrement désavantageuse.
Sur le fondement de l’article 1992 du code civil, l’agent immobilier, en sa qualité d’intermédiaire professionnel, est tenu d’une obligation d’information, de conseil et de diligence vis-à-vis du vendeur et de l’acquéreur.
Il doit notamment donner au mandant une information loyale sur la valeur du bien mis en vente ainsi sur la sous-évaluation manifeste d’un bien ou encore l’insolvabilité réelle ou supposée d’un acheteur..
Ce devoir de conseil impose également à l’agent d’informer son client sur tous les risques juridiques, administratifs ainsi qu’économiques ou financiers que lui fait courir l’opération projetée ainsi que sur la réglementation applicable et ensuite de conseiller utilement son client sur la façon de les éviter.
Il résulte du dossier que Mme [S] n’a obtenu de la société Initiales qu’une évaluation sommaire de son bien par courrier du 3 mai 2019 sans aucune mention du viager dont il est constant que cette forme de vente était effectivement envisagée par la venderesse dès l’origine.
Aucune simulation n’a été effectuée avec prise en compte de plusieurs montants de bouquet et de rente, ni aucune mention n’est portée notamment quant au partage des charges entre l’usufruitier et le crédit rentier afin de permettre à Mme [S] d’appréhender ses droits.
Aucun élément du dossier ne permet d’établir comment a été calculé, dans le mandat du 14 mai 2019, le montant du bouquet de 250 000 euros et de la rente.
Il en résulte que la société Initiales a manqué à son obligation de conseil avant la signature du mandat.
De plus, la société Initiales ne justifie pas de la transmission à Mme [S], autre que par téléphone, de l’offre qu’elle même avait reçue de la société [Adresse 6], sans avoir fait visiter l’appartement, le jour même de la conclusion du mandat (pièce n°1 du dossier de l’intimée).
De même, le courriel du 2 décembre 2019, par lequel la société Initiales informe Mme [S] de ce que la société [Adresse 6] est d’accord pour payer un bouquet de 260000 euros avec diminution de la commission d’agence de 36000 à 30000 euros, n’est corroboré par aucun courrier de la société [Adresse 6] en ce sens, alors que dans le cadre de la procédure, l’appelante a maintenu que la vente devait être réalisée pour un montant de 250.000 euros outre la rente viagère de 32.460 euros créée au profit et sur la tête de la venderesse.
Enfin, Mme [S] justifie qu’elle n’a eu aucune réponse à ses interrogations légitimes sur les calculs effectués, ni sur l’indexation de la rente, ni sur sa situation future si elle quittait les lieux (sa pièce n°17-1 : courriel du 26 juin 2019 adressé à la société Initiales et courriel de relance du 11 août 2019).
Il en ressort que la société Initiales a failli à son devoir de conseil et a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard Mme [S].
Il est en conséquence dû réparation en application des articles 1231-1 et 1992 du code civil.
S’agissant du préjudice allégué, l’immobilisation du bien de Mme [S] découle de la volonté la société [Adresse 6] de poursuivre la vente et de la publication de son assignation au bureau des hypothèques.
Le lien de causalité avec le défaut d’information et établi dès lors que la procédure engagée par la société [Adresse 6], avec publication de son assignation au bureau des hypothèques, est la conséquence du mandat donné, qui a permis à la société [Adresse 6] de formuler son offre que la société Initiales a particulièrement appuyé, tant à l’égard de Mme [S] que vis-à-vis des notaires et dans le cadre de la présente procédure.
Les manquements de la société Initiales ont eu pour conséquence une immobilisation du bien conduisant à un perte de chance d’obtenir la rente viagère mensuelle escomptée et le paiement par un débirentier d’une partie des charges et de l’imposition liées à son bien immobilier.
Compte tenu de la qualité de l’appartement de 80 m² dans le [Localité 5] et du marché immobilier en 2019, cette perte de chance peut être retenue à hauteur de 80 %.
Le préjudicie moral de Mme [S], âgée de 83 ans au moment des fait, est constitué par le désappointement ressenti par la venderesse du fait des difficultés ainsi créées et par l’obligation de se défendre dans une procédure judiciaire engagée par la société [Adresse 6], en exécution du mandat rédigé par l’agent immobilier.
Au vu de l’ensemble des préjudices subis, la société Initiales est condamnée à payer à Mme [S] à titre de dommages et intérêts, la somme de 40 000 euros.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté Mme [S] de sa demande de dommages et intérêts présentée à l’encontre de la société Initiales .
Sur la demande de Mme [S] tendant à la radiation de la publication de l’assignation à la conservation des hypothèques aux frais de la SCI [Adresse 6] dans les 15 jours de la signification du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 150,00 €.
Cette demande formulée dans le dispositif des conclusions de Mme [S] n’est soutenu par aucun moyen.
Il convient de rappeler que la sanction de la publication d’un acte qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’une mention à la publicité foncière ne réside pas dans sa mainlevée ou sa radiation, mais dans son inopposabilité aux tiers, par la publication d’une décision jugeant qu’elle ne peut produire aucun effet.
En l’espèce, le sens du présent arrêt conduit à rendre inopposable aux tiers la publication effectuée par la société [Adresse 6] de son assignation.
Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de Mme [S] quant à al radiation de l’assignation.
Il convient en revanche d’ordonner la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de [Localité 5].
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions concernant la charge des dépens de première instance et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ajoutant, la société [Adresse 6] et la société Initiales sont condamnées in solidum aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Camille Mesnil.
L’équité conduit également à condamner in solidum la société [Adresse 6] et la société Initiales à payer à Mme [S] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [Adresse 6] et la société Initiales sont déboutées des demandes présentées au titre de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement rendu le 1er juin 2022 par le tribunal judiciaire de Paris sauf en ce qu’il a débouté Mme [S] de sa demande indemnitaire présentée à l’encontre de la société Initiales;
Statuant du seul chef infirmé et ajoutant :
Condamne la société Initiales à payer à Mme [U] [S] la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne, in solidum, la S.A.R.L. Initiales à payer à Mme [U] [S] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne, in solidum, la SCI [Adresse 6] et la société Initiales aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Déboute Mme [S] de sa demande de radiation de la publication de l’assignation à la conservation des hypothèques aux frais de la SCI [Adresse 6] dans les 15 jours de la signification du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 150,00 € par jour de retard.
Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de [Localité 5].
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT