RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03368 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ITBM
CO
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON
19 septembre 2022 RG :22/00201
S.A.S. NATIX
C/
S.A.S. CEETRUS FRANCE
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT
Grosse délivrée
le 12 AVRIL 2023
à Me Fabrice SROGOSZ
Me Emmanuelle VAJOU
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 12 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AVIGNON en date du 19 Septembre 2022, N°22/00201
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S. NATIX, Société par actions simplifiée au capital de 5 000,00 €, immatriculée au RCS de AVIGNON sous le n° 834 128 241,
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Fabrice SROGOSZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
INTIMÉES :
S.A.S. CEETRUS FRANCE, Société par Actions Simplifiée à capital variable, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LILLE METROPOLE sous le n° 969 201 532,
Représentée par la société NHOOD SERVICES FRANCE, anciennement dénommée TRIMOGEST, Société par Actions Simplifiée à capital variable, ayant son siège social à [Adresse 3], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LILLE METROPOLE sous le n°534 886 411, dûment habilitée à l’effet des présentes aux termes d’un mandat de gestion en date du 27 Décembre 2020, titulaire d’une carte professionnelle Syndic, Gestion Immobilière, Transaction sur immeubles et fonds de commerce n°CPI 5906 2016 000 012 159 délivrée par la CCI de Grand Lille, le 22 septembre 2019,
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sophie BERTHIER-ROHOU, Plaidant, avocat au barreau de LYON
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT représentée par ME [M] ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement judiciaire de la SAS NATIX désigné en cette qualité par jugement tu tribunal de commerce d’AVIGNON du 23 septembre 2020
[Adresse 5]
[Localité 7]
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Mars 2023
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 18 octobre 2022 par la S.A.S. Natix à l’encontre de l’ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Avignon dans l’instance n°22/00201.
Vu l’avis du 25 octobre 2022 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 20 mars 2023.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 novembre 2022 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 mars 2023 par la S.A.S. Ceetrus France, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu la signification de la déclaration d’appel et avis de fixation de l’affaire à bref délai délivrée le 4 novembre 2022 à la SELARL Étude Balincourt, par acte laissé à une personne qui s’est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire.
Vu la signification de conclusions délivrée le 29 décembre 2022 à la SELARL Étude Balincourt, par acte laissé à une personne qui s’est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire.
Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui, par conclusions du 13 février 2023, notifiées aux parties le 14 février 2023, indique qu’il « s’en rapporte à l’appréciation de la Cour ».
Vu l’ordonnance de clôture du 25 octobre 2022 de la procédure à effet différé au 16 mars 2023.
* * *
Par acte sous signature privée du 22 décembre 2017, la société Immochan, devenue Ceetrus France par changement de dénomination sociale le 4 juillet 2018, a donné à bail à la société Natix un local commercial, représentant le lot n° [Cadastre 4], dépendant de la galerie marchande Centre Commercial Mistral 7, pour une activité principale de vente de prêt à porter féminin sous l’enseigne « Only Seven » (originellement « Tally Weijl »).
Ce bail commercial a été consenti pour une durée de 10 ans pour un loyer proportionnel fixé à 7,23% HT du chiffre d’affaires, assorti d’un loyer minimum garanti de 54 000 euros HT, indexé sur la base du dernier indice des loyers commerciaux publié par l’INSEE. La société Natix a également versé la somme de 13 500 euros à titre de dépôt de garantie.
Ce bail contient une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit de la location en cas de défaut de paiement régulier des loyers et charges par le locataire, et ce un mois après la délivrance d’un commandement de payer les sommes dues demeuré infructueux.
Par exploit du 9 février 2022, la société Ceetrus a fait délivrer à la société Natix un commandement de payer, demeuré infructueux, visant la clause résolutoire pour la somme de 159 076,16 euros TTC au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au 1er février 2022, outre 394,64 euros relatif aux frais d’acte d’huissier.
Par exploit du 26 avril 2022, la société Ceetrus a fait assigner la société Natix devant le tribunal judiciaire d’Avignon aux fins notamment de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner son expulsion.
Auparavant, par jugement du 15 mars 2019, le tribunal de commerce d’Avignon avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Natix. Puis, par jugement du 23 septembre 2020, le tribunal de commerce d’Avignon a arrêté un plan de redressement au profit de la société Natix et a désigné la SELARL Étude Balincourt en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par acte du 23 juin 2022, la SAS Ceetrus France a appelé en la cause la SELARL Étude Balincourt en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement judiciaire de la SASU Natix afin que l’ordonnance à intervenir lui soit déclarée commune et opposable et a sollicité la jonction de cette instance à l’instance initiale.
Par ordonnance du 11 juillet 2022, la jonction des deux procédures a été prononcée.
Par ordonnance du 19 septembre 2022, le juge des référés près le tribunal judiciaire d’Avignon a :
-Renvoyé les parties à se pourvoi au fond ainsi qu’elles en aviseront mais, dès à présent,
-Constaté que le bail commercial conclu entre la S.A. Immochan France, aux droits de laquelle vient la S.A.S. Ceetrus France, d’une part, la S.A.S.U. Natix, d’autre part, relatif à un local à usage commercial n° [Cadastre 4] situé dans la galerie marchande du centre commercial [Adresse 10] (84), s’est trouvé résilié de plein droit le 10 mars 2022 par le jeu de la clause résolutoire incluse dans l’acte ;
-Dit qu’à compter de cette date, la S.A.S.U. Natix est occupante sans droit ni titre ;
-Ordonné en conséquence à la S.A.S.U. Natix de quitter les lieux occupés indûment avec toutes les personnes s’y trouvant de son chef, et en satisfaisant aux obligations du locataire sortant, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, faute de quoi il pourra être procédé à son expulsion, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier ;
-Dit qu’en cas d’expulsion, il sera procédé, en tant que besoin, à l’enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux, dont le sort sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
-Condamné la S.A.S.U. Natix à payer à la S.A.S. Ceetrus France, à titre provisionnel :
la somme de cent soixante dix huit mille cent cinquante sept euros et quatre vingt deux centimes (178 157,82 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2022, au titre des loyers et charges impayés jusqu’au mois de mars 2022 inclus ;
la somme d’un euro (1,00 euro) avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente ordonnance, au titre de la clause pénale stipulée dans le bail ;
une indemnité d’occupation d’une somme équivalente au montant mensuel du loyer et des charges à compter du mois d’avril 2022 et jusqu’à libération effective des lieux ;
-Débouté, à défaut de démonstration d’un intérêt légitime, la S.A.S.U. Natix de sa demande d’expertise ;
-Condamné la S.A.S.U. Natix à payer à la S.A.S. Ceetrus France la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné la S.A.S.U. Natix aux entiers dépens, lesquels incluront le coût des divers actes d’huissier nécessaires à la procédure (commandement de payer du 9 février 2022, assignation en justice du 26 avril 2022…) ;
-Débouté les parties de leurs autres demandes.
Le 18 octobre 2022, la S.A.S. Natix a relevé appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour de :
-Déclarer l’appel interjeté par la société Natix régulier, recevable et bien fondé ;
-Infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Avignon en date du 19 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Vu l’article 809 du code de procédure civile, l’article 1189 du code civil, les pièces jointes,
-Déclarer la société Ceetrus France tant irrecevable que mal fondée en ses demandes ;
-Dire n’y avoir lieu à référé ;
-Débouter la société Ceetrus France de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires ;
-La condamner à payer à la société Natix la somme de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
-Déclarer la société Natix recevable et bien fondée en sa demande d’expertise ;
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
-Désigner tel expert lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,
Avec mission de
se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, à ce sujet, le demandeur devra remettre sans délai à l’expert copie de l’assignation et toutes pièces justificatives utiles, les défendeurs devront communiquer à l’expert aussi tôt que possible et au plus tard trois jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, les pièces produites devant être de manière générale numérotées en continu et accompagnées d’un bordereau ;
entendre les parties ainsi que tous sachant et disons que l’expert évoquera à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite des opérations. Il leur en communiquera la teneur dans un délai de six à dix semaines après le versement de la consignation, en leur impartissant au besoin un délai pour diligenter les mises en cause complémentaires. Dans le même temps, il leur adressera le montant prévisible de ses frais et honoraires détaillés qu’il actualisera s’il y a lieu au fur et à mesure de l’exécution de la mission ;
fournir au Juge, en tenant compte des activités professionnelles autorisées par le bail et des facilités offertes à celles-ci par la situation des lieux, tous éléments utiles à l’estimation de l’indemnité compensatrice du préjudice subi par le preneur en raison de la défaillance du bailleur dans son obligation de délivrance ;
Dire que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile relatives aux mesures d’instruction et prendra en compte dans son avis, selon les dispositions de l’article 276 du code de procédure civile, les observations qui lui seront éventuellement faites dans un délai qu’il aura imparti, de l’ordre de quatre à six semaines, au vu d’une synthèse des constatations, opérations et de ses orientations, et qu’il déposera l’original de son rapport au Greffe du tribunal judiciaire d’Avignon ;
Fixer à telle somme qu’il plaira au juge de céans la provision concernant les frais d’expertise ;
Dire qu’il en sera référé au magistrat chargé du contrôle des mesures d’instruction en cas de difficultés de nature en particulier à compromettre le démarrage, l’avancement ou l’achèvement des opérations.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir qu’il existe une contestation sérieuse tirée de la nullité du commandement de payer qui ne permet pas au preneur de déterminer clairement la nature des sommes réclamées. Une autre contestation sérieuse réside dans le fait qu’il convient d’interpréter le contrat de bail et un avenant n°3 relatif au montant du loyer qui, par commune intention des parties, s’est prolongé tacitement et a toujours vocation à s’appliquer. En outre, le bailleur a manqué à son obligation de délivrance en abandonnant la commercialisation du centre commercial, sans compter les difficultés engendrées par la fermeture du parking en raison d’un risque de chute de panneaux solaires et la vétusté des toilettes. A titre reconventionnel, le preneur sollicite une mesure d’expertise afin que puisse être évalué son préjudice commercial causé par le manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.A.S. Ceetrus France, intimée, demande à la cour de :
-Confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
Constaté que le bail commercial conclu entre la S.A. Immauchan France, aux droits de laquelle vient la S.A.S. Ceetrus France, d’une part, la S.A.S.U. Natix, d’autre part, relatif à un local à usage commercial n° [Cadastre 4] situé dans la galerie marchande du centre commercial [Adresse 10] (84), s’est trouvé résilié de plein droit le 10 mars 2022 par le jeu de la clause résolutoire incluse dans l’acte ;
Dit qu’à compter de cette date, la S.A.S.U. Natix est occupante sans droit ni titre ;
Ordonné en conséquence à la S.A.S.U. Natix de quitter les lieux occupés indûment avec toutes les personnes s’y trouvant de son chef, et en satisfaisant aux obligations du locataire sortant, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, faute de quoi il pourra être procédé à son expulsion, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier ;
Dit qu’en cas d’expulsion, il sera procédé, en tant que besoin, à l’enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux, dont le sort sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
Condamné la S.A.S.U. Natix à payer à la S.A.S. Ceetrus France, à titre provisionnel :
‘ la somme de cent soixante dix huit mille cent cinquante sept euros et quatre vingt deux centimes (178 157,82 euros), sauf à réactualiser cette créance et à porter la condamnation de la SASU Natix à la somme de deux-cent quarante-trois mille quatre cent seize euros et cinquante-trois centimes (243 416,53 euros réactualisée au 13 mars 2023), avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2022, au titre des loyers et charges impayés jusqu’au mois de mars 2022 inclus ;
‘ la somme d’un euro (1,00 euro) avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente ordonnance, au titre de la clause pénale stipulée dans le bail ;
‘ une indemnité d’occupation d’une somme équivalente au montant mensuel du loyer et des charges à compter du mois d’avril 2022 et jusqu’à libération effective des lieux ;
Débouté, à défaut de démonstration d’un intérêt légitime, la S.A.S.U. Natix de sa demande d’expertise ;
Condamné la SASU Natix à payer à la SAS Ceetrus France la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SASU Natix aux entiers dépens, lesquels incluront le coût des divers actes d’huissier nécessaires à la procédure (commandement de payer du 9 février 2022, assignation en justice du 26 avril 2022…) ;
-Débouter la SAS Natix de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
-Condamner la SAS Natix à payer à la SAS Ceetrus France la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, l’intimée expose que la clause résolutoire est acquise, le preneur n’ayant pas régularisé les causes du commandement. Cet acte d’huissier précise clairement la nature et le quantum des sommes réclamées, ainsi que le délai d’un mois imparti au preneur pour régulariser sa situation et il comporte en annexe un relevé de compte. Le bailleur actualise sa demande de provision à la somme de 201 193,25 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 23 août 2022. Le bailleur réfute l’argumentation du preneur sur la nécessité d’interpréter le contrat car l’avenant n°3 n’a été convenu qu’à titre temporaire. C’est pourquoi la facturation du loyer a été reprise dès le 1er janvier 2020. Enfin, le contrat de bail ne comporte aucune clause relative à la commercialité des lieux étant précisé que la preuve de la déshérence commerciale n’est pas rapportée, une partie infime du parking a été fermé pour cause de travaux et les urinoirs ont fait l’objet d’une rénovation, de sorte qu’il n’existe aucun manquement à l’obligation de délivrance.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la contestation sérieuse tirée de la nullité du commandement de payer :
Le commandement de payer mentionne qu’il est délivré en vertu du bail commercial, d’un avenant n°1 du 8 février 2018, d’un avenant n°2 du 20 juillet 2018, d’un avenant n°3 du 20 décembre 2019, d’un avenant n°4 du 5 mai 2020, d’un décompte joint au présent acte arrêté au 1er février 2022 et vise l’article L.145-41 du code de commerce.
Le décompte joint porte sur la période débutant en avril 2021 jusqu’en janvier 2022. Il est également annexé au commandement le compte d’attente du service de gestion locative, l’extrait du contrat de bail relatif à la clause résolutoire.
Il est expressément indiqué qu’en l’absence de paiement des sommes mentionnées dans le commandement dans le délai d’un mois expiré, le demandeur entendra se prévaloir, si bon lui semble, de la clause résolutoire insérée au bail.
Il ressort de ces documents que le montant du loyer en principal est indiqué à chaque échéance mensuelle, ainsi que les provisions sur charges locatives. Les honoraires de gestion sont stipulés à l’article 13 B 1.2 du contrat de bail et réclamés au titre d’une ligne distincte dans le décompte. Les lettres de cadrage correspondent à des montants réglés par le preneur, avec mention de leur date.
Le moyen tiré de l’existence d’un contestation sérieuse en raison de la nullité du commandement, alors que celui-ci est très précis, n’est pas fondé.
Sur la contestation sérieuse tirée de l’interprétation du contrat de bail et son avenant n°3 :
Un avenant n°3 au bail du 22 décembre 2017, précisant dans son en-tête « modification temporaire de loyer » a été signé le 20 décembre 2019. Il est précisé en son article 1 que « le bailleur consent à titre exceptionnel, transitoire et strictement personnel à une réduction de loyer par dérogation à l’article 4 du contrat de bail précité, comme suit :du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, une réduction d’un montant correspondant à 45,75% du loyer minimum garanti contractuel alors en vigueur, et ce nonobstant l’application du loyer variable dans les conditions de l’article 4 B des stipulations particulières du bail ».
Le preneur soutient, sans le démontrer, que les parties ont prolongé tacitement l’effet de cet avenant. Aucun avis d’échéance ou de quittance de loyer n’est produit par le preneur.
Non seulement les décomptes communiqués par le bailleur ne confortent pas la thèse du preneur car le montant des facturations n’est pas identique en 2020 à celui de l’année précédente mais encore un avenant n°4 daté du 5 mai 2020 récapitule les avenants précédents, dont l’avenant n°3 avec rappel de la période d’application du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019.
Le moyen tiré d’une prolongation tacite de l’avenant rendant nécessaire une interprétation du contrat n’est donc pas sérieux.
Sur la contestation sérieuse tirée de l’obligation de délivrance :
Contrairement à ce que soutient le bailleur, il doit maintenir l’économie du contrat et offrir la contrepartie à laquelle le preneur s’attend, soit un entretien des parties communes qui sont nécessaires à l’usage du bien loué.
Cass ; 3ème civ. 19 décembre 2012 n°1123541).
Il doit également maintenir un environnement commercial favorable.
Cass, 3ème civ. 26 mai 2016 n°1511307.
L’obligation du bailleur est une obligation de moyens.
Les pièces produites par le preneur consistent en des photos et un article de journal non datés et en un constat d’huissier du 20 septembre 2022, faisant état de travaux sur le parking Nord, de la vétusté des urinoirs, de diverses boutiques fermées et de l’absence de musique d’ambiance dans la galerie.
Outre le fait qu’il n’est pas établi que la gestion du parking soit du ressort de la société Ceetrus, le constat d’huissier démontre que le parking est ouvert. Ce sont seulement les ombrières qui sont recouvertes de filets en raison de travaux en cours sur les panneaux solaires. La photo produite par le preneur ne concerne qu’une partie du parking, n’est pas datée et n’a par conséquent aucune valeur probante.
Il est établi qu’un urinoir sur 3 ne fonctionne pas mais les sanitaires hommes ne sont pas fermés.
Enfin, l’article de journal (non daté) communiqué par le preneur fait état de « fortunes diverses » de deux autres centres commerciaux qui se heurtent également à des fermetures de boutiques.
Les articles 1219 et 1220 du code civil permettent à une partie de refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Le paiement des loyers est une obligation essentielle du preneur et ce dernier n’a pas respecté son obligation depuis 2019. La société Natix se prévaut de non-conformités ponctuelles qui ne l’empêchent pas d’utiliser les lieux qui lui sont loués. Elle n’a d’ailleurs jamais demandé de voir suspendre le paiement des loyers et a toujours, avec un certain succès, négocié des réductions de loyers.
Dès lors, les manquements allégués du bailleur, qui relèvent, si le preneur le juge utile, d’une action en responsabilité de la compétence du juge du fond, ne sont pas suffisamment graves pour faire obstacle au constat de l’acquisition de la clause résolutoire pour non paiement des loyers et charges.
Sur la demande reconventionnelle en expertise :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Contrairement à ce qui a été retenu en première instance, il existe un motif légitime à la demande d’expertise du preneur, à savoir l’action en responsabilité pour manquements du bailleur à son obligation d’entretien et à un environnement commercial favorable.
Il y sera donc fait droit selon les modalités prévues au dispositif, avec prise en charge de la consignation par la demanderesse, à savoir la société Natix.
Sur le montant de la provision:
La société Natix a été mise sous redressement judiciaire le 15 mars 2019. Les créances de loyer antérieures doivent être vérifiées par le juge-commissaire et ce ne sont que les créances de loyers et charges postérieures qui peuvent donner lieu à provision.
Il ressort de la pièce 8 du bailleur que la provision réclamée a pour point de départ le 15 mai 2019, de sorte qu’il n’est fait état que d’une créance postérieure à l’ouverture du redressement judiciaire.
Eu égard au décompte actualisé, il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 243 416,53 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2022 sur la somme de 178 157,82 euros et avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt sur les loyers et charges impayés à compter du mois d’avril 2022 jusqu’au 13 mars 2023.
Sur les frais de l’instance :
La société Natix, qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance.
En outre, elle devra payer au bailleur une somme équitablement arbitrée à 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, exceptées celles relatives au quantum de la provision de loyers/charges et au débouté de la demande d’expertise,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société Natix à payer à la société Ceetrus France, à titre provisionnel la somme de de 243 416,53 euros au titre des loyers et charges impayés du 15 mai 2019 au mois de mars 2022 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2022 sur la somme de 178 157,82 euros et avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt sur les loyers et charges impayés à compter du mois d’avril 2022 jusqu’au 13 mars 2023.
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
Ordonne une mesure d’expertise,
Désigne Madame [Y] [P], [Adresse 8]. : [XXXXXXXX01] Mèl : [Courriel 9], expert judiciaire, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,
Avec mission de
se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, les pièces produites devant être de manière générale numérotées en continu et accompagnées d’un bordereau ;
entendre les parties ainsi que tout sachant et disons que l’expert évoquera à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite des opérations. Dans le même temps, il leur adressera le montant prévisible de ses frais et honoraires détaillés qu’il actualisera s’il y a lieu au fur et à mesure de l’exécution de la mission ;
fournir au Juge, en tenant compte des clauses du contrat de bail du 22 décembre 2017 et de ses avenants, tous éléments utiles sur l’entretien des parties communes et l’environnement commercial des lieux loués, et le cas échéant, estimer l’indemnité compensatrice du préjudice subi par le preneur en raison de la défaillance du bailleur dans son obligation de délivrance ou d’entretien;
Dit que la société Natix fera l’avance des frais d’expertise et consignera à cette fin la somme de 4000 € au secrétariat greffe de la Cour dans un délai de deux mois à compter de l’avis qui lui sera donné par le secrétariat greffe en application de l’article 270 du code de procédure civile, et qu’à défaut de consignation dans le délai fixé la mission deviendra caduque.
Dit qu’après avoir provoqué les observations des parties, en leur soumettant un rapport préalable et en leur impartissant à cette fin un délai raisonnable, l’expert établira son rapport dans un délai de six mois à compter de la réception de l’avis qui lui sera donné par le secrétariat greffe du caractère effectif de la consignation, et dit qu’il en remettra une copie à chacune des parties ou à leurs représentants, en faisant mention de cette remise sur l’original.
Commet le magistrat chargé du contrôle des mesures d’expertise du tribunal judiciaire d’Avignon pour assurer le contrôle de la présente mesure d’expertise, en application de l’article 964-2 du code de procédure civile,
Dit que la société Natix supportera les dépens d’appel et payera à la société Ceetrus France une somme de 2 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,