République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 13/04/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/00235 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UBZF
Jugement (N° 2020014970) rendu le 09 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
Ordonnance (22/234) rendue le 19 mai 2022 par la cour d’appel de Douai
APPELANTE
SAS UGC Ciné Cité, venant aux droits de la SAS les Ecrans du Nord agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Eric Sunar, substitué par Me Gilles Hittinger-Roux, avocats au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SARL Béthune Borghèse prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Philippe Bensussan, avocat plaidant, substitué par Me Guillaume Abou,
avocats au barreau de Paris
DÉBATS à l’audience publique du 07 février 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 janvier 2023
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Suivant acte sous seing privé en date du 28 septembre 2007, la société Béthune Borghèse a donné à bail à la société Les écrans du Nord, pour une période de neuf années entières et consécutives à compter rétroactivement du 1er janvier 2004 pour se terminer le 31 décembre 2012, une partie de ses locaux désignée ainsi : « Une partie d’un local à usage commercial dépendant d’un ensemble immobilier plus important sis [Adresse 3]).
– Au rez-de-chaussée au [Adresse 3]
Une surface utile d’environ 110 m² coté [Adresse 3] et une surface d’environ 20 m² coté rue de l’Hôpital Militaire permettant l’accès au 1er étage au moyen d’un escalier.
– Au premier étage au [Adresse 3]
L’ensemble de la surface, à l’exclusion:
Au [Adresse 3], d’un appartement de 60 m² environ et des parties communes dudit immeuble.
Au [Adresse 3], des locaux non aménagés d’une surface utile d’environ 107 m², accessibles par la rue de l’hôpital Militaire.
– Au deuxième étage au [Adresse 3]
L’ensemble de la surface à l’exclusion des locaux non aménagés d’une surface utile d’environ 240 m², accessibles par la rue de l’Hôpital Militaire ».
La destination du local a expressément été fixée, à savoir à usage de « commerce de salles de cinéma et la vente de confiserie, crèmes glacées, boissons ainsi que la publicité sur écran. Ces activités se rapportant au commerce de cinéma ».
Selon les termes du contrat de bail commercial, le loyer annuel hors taxes, hors charges, a été fixé à la somme de 125 000 € à laquelle s’ajouterait un loyer additionnel éventuel d’un montant maximum de 25 000 € hors taxes par an (valeur au 1er janvier 2004) en fonction de l’augmentation de la fréquentation du cinéma, payable trimestriellement et d’avance aux 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année.
Le bail précise par ailleurs que « la valeur du loyer annuel hors taxes et hors charges au 1er janvier 2006 s’élève à 132 695,48 € ».
Un dépôt de garantie d’un montant de 45 575,08 € est détenu par le bailleur.
Aux termes d’un avenant en date du 7 mai 2015, le bail commercial du 28 septembre 2007 a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf années entières et consécutives à effet rétroactif du 1er janvier 2013 pour se terminer le 31 décembre 2021.
La société Les écrans du Nord a été dissoute et a fait l’objet d’une radiation en date du 16 décembre 2019 à la suite de la réunion de toutes ses actions entre les mains de son président, et associé unique, la société UGC Ciné cité, désormais preneur des locaux précités.
Suivant appel d’échéance du 3ème trimestre 2020, le loyer trimestriel s’élevait à la somme de :
Loyer trimestriel : 45 393,09 €
Provision de charges 2020 : 600 €
Provision Taxe foncière 2020 : 1 600 €.
Ces sommes n’ont pas été payées par la société UGC Ciné Cité à bonne date.
En raison des mesures prises pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19, le cinéma exploité par la société UGC Ciné cité a été obligé de rester fermé au public pendant plus de trois mois, du 15 mars au 21 juin 2020.
Le preneur a sollicité le 2 avril 2020 le report du paiement de l’échéance du 2ème trimestre 2020. Le bailleur, par courrier du 6 avril 2020, a accompagné son locataire pendant la période d’inactivité et l’a informé du report des échéances dues postérieurement au 1er avril 2020, précisant toutefois qu’à la levée du confinement l’échéance restant à courir serait immédiatement réglée par la société, au prorata temporis du temps restant à courir sur cette période. L’échéance de loyer pour la période de confinement serait apurée en 3 termes exigibles sur les prochaines échéances.
Le 29 juin 2020, le preneur a informé le bailleur de la réouverture de l’établissement depuis le 22 juin 2020 et a confirmé reprendre à compter du troisième trimestre le paiement, selon des modalités précisées.
Considérant que le preneur ne respectait pas les termes du contrat de bail ni ceux résultant de la proposition faite en avril 2020, le bailleur a décidé de mettre la société UGC Ciné cité en demeure de s’acquitter de l’intégralité des sommes dues d’un montant total de 119 388,82 euros selon décompte arrêté au 16 juillet 2020, terme du troisième trimestre 2020 inclus.
Cette mise en demeure est restée vaine.
Par exploit en date du 19 août 2020, la société Béthune Borghèse a assigné la société UGC Ciné cité afin que cette dernière soit condamnée au paiement de cette somme, outre des indemnités forfaitaires et des dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 9 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a :
– condamné la société UGC Ciné cité à payer à la société Béthune Borghèse, la somme de 310 280,14 € (à parfaire) correspondant à l’arriéré locatif selon décompte arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus
– condamné la société UGC Ciné cité à payer à la société Béthune Borghèse, la somme de 15 514 € (à parfaire), à titre d’indemnité forfaitaire correspondant à 5 % des sommes exigibles au titre de l’article 18 du bail commercial du 28 septembre 2007
– ordonné la capitalisation des intérêts
– condamné la société UGC Ciné cité à payer à la société Béthune Borghèse, des intérêts au taux des avances sur titres de la Banque de France, majoré de trois points à compter de la date d’exigibilité des montants sus mentionnés (à parfaire), soit :
à compter du 1er juillet 2020 pour la somme de 125 358, 26 €
à compter du 1er octobre 2020 pour la somme de 62 522,48 €
à compter du 1er janvier 2021 pour la somme de 61 115, 66 €
à compter du 1er avril 2021 pour la somme de 62 172,45 €
à compter du 1er juillet 2021 pour la somme de 63 171,59 €
– débouté la société UGC Ciné cité de l’ensemble de ses moyens, demandes, fins et conclusions
– débouté la société Béthune Borghèse de sa demande de dommages-intérêts
– condamné la société UGC Ciné à payer à la société Béthune Borghèse la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement
– condamné la société UGC Cine cité aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe).
Par déclaration en date du 14 janvier 2022, la société UGC Ciné cité a interjeté appel, reprenant dans son acte l’ensemble des chefs de la décision.
Saisi de conclusions d’incident par la société Béthune Borghèse, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l’appel interjeté par la société UGC Ciné cité, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la société Béthune Borghèse aux dépens de l’incident.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 12 janvier 2023, la société UGC Ciné cité demande à la cour de :
« Vu les articles 1134 et 1148 [anciens], les articles 1104, 1218, 1231-5, 1343-5 et suivants, 1719 et 1722 du Code civil,
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,
infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole le 9 décembre 2021 sur les chefs précisés dans la déclaration d’appel à savoir :
« Condamne la société UGC CINE CITE à payer à la société BETHUNE BORGHESE la somme de 310 280,14 euros (à parfaire) correspondant à l’arriéré locatif selon décompte arrêté au troisième trimestre 2021 inclus ;
Condamne la société UGC CINE CITE à de payer la société BETHUNE BORGHESE la somme de 15 514 € (à parfaire) à titre d’indemnité forfaitaire correspondant à 5 % des sommes exigibles au titre de l’article 18 du bail commercial du 28 septembre 2007 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Condamne la société UGC CINE CITE à payer à la société BETHUNE BORGHESE des intérêts au taux des avances sur titres de la banque de France majoré de trois points à compter de la date d’exigibilité des montants sus mentionnés (à parfaire) soit à compter du 1er juillet 2020 pour la somme de 125 358,26 euros, à compter du 1er octobre 2020 pour la somme de 62 522,48 euros, à compter du 1er janvier 2021 pour la somme de 61 115,66 euros, à compter du 1er avril 2021 pour la somme de 62 172,45 euros, à compter du 1er juillet 2021 pour la somme de 63 171,59 euros
Déboute la société UGC CINE CITE de l’ensemble de ses demandes.
Condamne la société UGC CINE CITE à payer à la société BETHUNE BORGHESE la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC
Dit n’y avoir lui écarter l’exécution provisoire du présent jugement
Condamne la société UGC CINE CITE aux dépens liquidés à la somme de 73,24 euros ce qui concerne les frais de Greffe »
et plus précisément de :
Infirmer le jugement, et statuer à nouveau sur les points ci-dessous précisés :
A titre principal, sur l’exception d’inexécution,
Juger que la société Béthune Borghèse a manqué à son obligation de délivrance et que c’est à bon droit que la société UGC Ciné Cité se prévaut de l’exception d’inexécution ;
A titre subsidiaire, sur la force majeure,
Juger que la pandémie de Covid-19 et les mesures de fermeture et de confinement prises par le Gouvernement sont constitutifs d’un évènement de force majeure ;
A titre très subsidiaire, sur la destruction partielle de la chose louée,
Juger que la décision prise par le Gouvernement d’interdire, du 15 mars 2020 au 22 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021, l’accueil du public au sein de l’établissement exploité par la société UGC Ciné Cité constitue une destruction partielle du local ;
Par conséquent, sur le fondement des trois moyens précités,
Juger que société UGC Ciné Cite n’est redevable d’aucune dette de loyers et charges envers la société Béthune Borghèse au titre du bail pour la période du 15 mars 2020 au 22 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021 ;
Débouter la société Béthune Borghèse de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la société Béthune Borghèse à restituer à la société UGC Ciné Cité la somme de 150 082,75 euros réglée en exécution du jugement pour ces périodes de fermeture,
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la Cour devait confirmer le jugement en déclarant que les loyers étaient dus :
Réviser le montant de l’indemnité forfaitaire de 10 % prévue au bail comme étant manifestement excessive compte tenu des circonstances exceptionnelles et juger qu’elle ne doit pas être appliquée ;
Constater que la société UGC Ciné Cité a exécuté le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 9 décembre 2021 en procédant au paiement et qu’elle est à jour du paiement des loyers et des intérêts ;
Condamner la société Béthune Borghèse à restituer à la société UGC Ciné Cité la somme de 11 598,61 euros réglé en exécution du jugement de première instance au titre de l’indemnité forfaitaire de 5% ;
Débouter par conséquent la société Béthune Borghèse de sa demande en paiement de la somme de 48 620,37 euros au titre des loyers et charges prétendument dus,
Débouter la société Béthune Borghèse de sa demande en paiement de la somme de 4 862,04 euros au titre de la clause pénale,
Débouter la société Béthune Borghèse de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
En tout état de cause,
Débouter la société Béthune Borghèse de toutes ses demandes fins et prétentions et de son appel incident,
Condamner la société Béthune Borghèse à payer à la société UGC Ciné Cite la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile ».
La société UGC Ciné cité rappelle qu’à raison de la pandémie et des mesures gouvernementales mises en place pour lutter contre cette dernière, elle a été, au cours des années 2020 et 2021, particulièrement affectée puisque le cinéma [Localité 4] Majestic a été fermé plus de 10 mois.
Elle sollicite que pour cette période, les loyers soient considérés comme non dus, excipant :
– d’une exception d’inexécution en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, laquelle est une obligation de résultat, puisque le local ne pouvait plus permettre l’exploitation à compter du 15 mars 2020 et ce jusqu’au 22 juin 2020 puis à nouveau du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021, en contrariété avec l’obligation de délivrance et jouissance paisible que doit assurer le bailleur à son locataire, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur l’imputabilité de l’inexécution, ce qui justifie la restitution de la somme de 150 082,75 euros ;
– d’une suspension du contrat de bail en raison de la force majeure, la crise sanitaire entraînée par la pandémie de la Covid-19 remplissant les conditions d’extériorité, d’irrésistibilité, d’imprévisibilité pour être qualifiée d’évènement de force majeure, ce qui justifie la restitution de la somme de 150 082,75 euros ;
– d’une destruction partielle de la chose louée, laquelle doit s’entendre sur le fondement de l’article 1722 du code civil comme l’impossibilité définitive ou temporaire d’exploiter les locaux par l’effet d’une décision administrative, ce qui justifie la diminution du loyer annuel de la société UGC Ciné cité à hauteur des loyers des périodes pendant lesquelles elle n’a pas pu exploiter sa salle de cinéma et la restitution de la somme de 150 082,75 euros.
La société UGC Ciné cité s’oppose à la réclamation de la société Béthune Borghèse de 48 620,37 euros en principal, ce décompte étant erroné. Sur chacun des postes, la société UGC Ciné cité détaille les sommes qui restent dues conformément à l’exécution provisoire du jugement après imputation des paiements déjà effectués.
Elle indique avoir réglé la somme de 248 644,11 euros par virement du 8 avril 2022 et souligne que la société Béthune Borghèse continue à facturer des sommes injustifiées (somme de 4 323,93 euros au titre des frais de procédure et 1703,43 euros au titre d’intérêts de retard, sans aucune justification).
Elle revient sur les termes des différentes factures et sur l’erreur sur le relevé de compte du 6 janvier 2023. Le calcul des intérêts de la société Béthune Borghèse est en conséquence erroné, le taux applicable étant de 5,25 %, et non de 6,12 %, outre que la base sur lequel il est appliqué ne correspond pas aux sommes restant réellement dues après imputation des versements.
Elle s’oppose à la demande de dommages et intérêts présentée par la société Béthune Borghèse au vu des circonstances exceptionnelles de cette affaire et de son argumentation sérieuse sur la non-exigibilité des loyers des périodes de fermetures. Il n’est justifié d’aucun préjudice distinct du retard, la société Béthune Borghèse réclamant d’ores et déjà des intérêts de retard.
À titre subsidiaire, elle demande l’infirmation de la condamnation au paiement de l’indemnité forfaitaire, la réduction de cette indemnité en raison des circonstances étant inadaptée puisque 10 % ou 5 % sont manifestement excessifs et la situation justifiant de ne pas faire application de cette clause pénale.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 9 janvier 2023, la société Béthune Borghèse demande à la cour de :
« – RECEVOIR de la société BETHUNE BORGHESE en son action et la déclarer bien fondée,
Vu les dispositions des articles 1134 et suivants anciens, 1231-6, 1240 et 1722 du Code civil,
Vu les dispositions des articles 699 et 700, du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
DEBOUTER la société UGC CINE CITE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
CONFIRMER le jugement rendu le 9 décembre 2021 par le Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE sous le RG 2020014970 en ce qu’il a :
‘ débouté la société UGC CINE CITE de ses demandes, fins et conclusions,
‘ constaté le défaut de paiement des loyers de la société UGC CINE CITE,
‘ rejeté les raisons invoquées pour cette dernière pour s’en exonérer et, partant,
‘ condamné la société UGC CINE CITE à payer à la société BETHUNE BORGHESE la somme de 310 280,14 € correspondant à l’arriéré locatif arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus à parfaire,
subsidiairement, si la Cour d’appel de céans devait faire droit à la demande d’exonération de loyers Covid alors elle conditionnera la diminution d’une quote part n’excédant pas 50 % du solde des loyers covid déduction faite des aides et indemnités perçues par la société UGC CINE CITE à la communication des aides de l’état, indemnités des assureurs et PEG et lui donner une injonction de communication,
‘ ordonné l’application de l’article 18 portant sur les intérêts au taux des avances sur titres de la Banque de France majoré de 3 points,
‘ fait droit à la demande de capitalisation des intérêts,
‘ condamné la société UGC CINE CITE à un article 700 CPC de 5 000 € et aux dépens.
INFIRMER le jugement rendu le 9 décembre 2021 par le Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE sous le RG 2020014970 en ce qu’il a :
‘ limité la clause pénale à 5 %
‘ débouté la société BETHUNE BORGHESE de sa demande de condamnation de la UGC CINE CITE au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau, la cour d’appel de céans condamnera la société UGC CINE CITE au paiement de la somme de 31 028,01 €, à titre d’indemnité forfaitaire correspondant à 10 % des sommes exigibles l’article 18 : CLAUSE RESOLUTOIRE du bail commercial du 28 septembre 2007,
Subsidiairement, confirmer la condamnation de la société UGC CINE CITE au paiement de 5 % des arriérés locatifs à titre de pénalités contractuelles,
Dans tous les cas,
CONDAMNER la société UGC CINE CITE au paiement au profit de la société BETHUNE BORGHESE de la somme de montant 48,620.37 €, selon décompte arrêté au 6 janvier 2023, 1er trimestre 2023 inclus (à parfaire), avec intérêts au taux des avances sur titres de la Banque de France majoré de 3 points jusqu’à parfait règlement,
CONDAMNER la société UGC CINE CITE au paiement au profit de la société BETHUNE BORGHESE de la somme de 4 862,04 €, au titre de la clause pénale,
CONDAMNER la société UGC CINE CITE au paiement en cause d’appel, au profit de la société BETHUNE BORGHESE, de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts, pour résistance abusive
CONDAMNER la société UGC CINE CITE au paiement en cause d’appel, au profit de la société BETHUNE BORGHESE, de la somme de 7 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens ».
La société Bethune Borghèse estime que la bonne foi du preneur fait défaut, en l’absence de paiement de l’intégralité des loyers et des charges, dont les loyers non affectés par la crise sanitaire, alors même qu’elle était disposée à mettre en oeuvre de nouvelles modalités de paiement des sommes dues au titre de la période covid, lesquelles sont dues. Elle rappelle qu’elle n’avait nullement une obligation d’accorder une franchise de loyers mais uniquement de proposer un aménagement
Elle soutient que la société UGC Ciné cité, en violation de ses obligations contractuelles restait lui devoir la somme de 310 280,14 euros en principal, selon décompte arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus, la créance s’élevant compte tenu d’un versement le 8 avril 2022 à la somme de 48 620,37 euros en principal.
La société Béthune Borghèse estime que l’ensemble des raisonnements sur chacun des fondements proposés est erroné puisque :
– s’agissant de l’exception d’inexécution fondée sur la privation de la jouissance paisible des lieux loués et l’absence de délivrance, le contexte sanitaire en lui-même ne constitue pas un manquement du bailleur à ses obligations découlant du contrat de bail, les circonstances ne lui étant pas imputables ;
– s’agissant de la suspension de l’exécution du bail fondée sur la force majeure, cette dernière ne saurait être invoquée ni par le preneur ni par le bailleur,
– s’agissant de la suspension du contrat pour destruction de la chose louée, l’impossibilité d’exploiter ne saurait être assimilée à une destruction partielle de la chose et l’article 1722 du code civil ne permet au preneur que de « demander » une diminution du prix, le bailleur étant susceptible ou non d’y donner une suite favorable, d’autant qu’imposer une diminution du prix reviendrait à condamner le bailleur au paiement de dommages et intérêts sans aucun fondement puis d’imposer une compensation entre les créances, étant observé que la société UGC Ciné cité se garde bien de communiquer le montant des aides financières perçues, celui du PGE ou encore l’indemnité de ses assureurs, et que cette dernière ne bénéficie pas du dispositif de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2019.
A titre subsidiaire, la société Béthune Borghèse souligne que si la cour devait infirmer la décision et ordonner une restitution, il serait déloyal d’accorder au preneur une remise de loyer alors même qu’elle aurait obtenu des aides devant permettre d’assurer cette charge, l’exonération ne devant porter que sur une quote-part du solde restant dû déduction faite des aides, PEG, et indemnité perçues.
La société Béthune Borghèse conclut à l’infirmation du jugement sur le débouté au titre de la clause pénale à hauteur de 10 % et sur la demande de dommages et intérêts, aux motifs que l’attitude empreinte de mauvaise foi du preneur ne justifie nullement la modération de la clause pénale de moitié et le rejet de toute demande d’indemnisation. La société UGC Ciné cité s’est abstenue du règlement des loyers, tant lors de la période de crise sanitaire que pendant les périodes d’ouverture.
La société Béthune Borghèse sollicite la condamnation de la société UGC Ciné cité au paiement de l’arriéré locatif. Elle conteste toute erreur de calcul dans les sommes dues, soulignant que le décompte produit devant le tribunal de commerce est clair et précis.
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L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023.
À l’audience du 7 février 2023, le dossier a été mis en délibéré au 13 avril 2023.
MOTIVATION :
– Sur le défaut d’exigibilité des loyers
En vertu des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, devenu l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Ces conventions doivent être exécutées de bonne foi.
En application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.
Dans ce cadre, pour limiter la propagation du virus, l’accueil du public dans les établissements destinés à en recevoir a été restreint ou interdit pendant plusieurs périodes selon des critères différents, les deux premières du 17 mars au 11 mai 2020 et du 30 octobre au 28 novembre 2020, selon une détermination du caractère « non-essentiel » de l’activité, puis la troisième du 1er février au 4 avril 2021 selon la superficie des commerces de plus de 10 000 à 20 000 m2, et enfin la quatrième du 4 avril au 19 mai 2021 soumettant une application de la restriction aux critères de superficie et de spécificité de l’activité.
Des couvre-feux et des jauges ont été en outre mis en place afin de maintenir la distanciation physique préconisée dans la lutte contre la pandémie.
1) au titre de l’exception d’inexécution en raison du manquement à l’obligation de délivrance
Les articles 1719 et 1720 du code civil obligent le bailleur à délivrer la chose louée au preneur et à lui assurer une jouissance paisible des lieux loués et l’article 1728 oblige le preneur à payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
L’obligation incombant au bailleur de maintenir la délivrance de la chose louée dans un état conforme à sa destination et d’assurer la jouissance paisible du preneur dure tout le temps du bail.
L’exception d’inexécution n’éteint pas le rapport obligataire mais permet au juge d’autoriser une partie à retenir l’exécution de sa propre obligation tant que l’autre partie n’a pas exécuté l’obligation qui lui incombe.
Elle est, par essence, liée à la réciprocité et à l’interdépendance ainsi qu’à la proportionnalité des obligations respectives, de sorte que la méconnaissance ou l’inexécution imparfaite d’une obligation secondaire ne permet pas de se prévaloir d’une exception pour suspendre l’exécution d’une obligation principale.
La société UGC Ciné cité se prévaut d’un manquement à l’obligation de délivrance, obligation de résultat, faute d’avoir pu exploiter son établissement à compter du 15 mars et ce jusqu’au 22 juin 2020 puis à nouveau du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021, peu important selon elle que la cause de cette impossibilité de jouir de son local ne résulte pas d’une faute de son bailleur.
Elle ne conteste pas que cette impossibilité d’accueillir le public dans son établissement trouve son unique source dans les mesures générales de police prises par le gouvernement pour lutter contre la propagation de l’épidémie.
Or, il a été jugé que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public, temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué et non imputable au bailleur, n’était pas constitutive d’une inexécution par ce dernier de son obligation de délivrance.
Ce moyen de la société UGC Ciné cité ne peut donc qu’être rejeté.
2) au titre de la suspension du contrat de bail en raison de la force majeure :
Aux termes de l’article 1148 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. »
Sur le fondement de ce texte, il est acquis que la force majeure entraîne pour le débiteur l’exonération totale de son obligation, même de résultat.
Il résulte par ailleurs de ce texte que le créancier, qui n’a pas pu profiter de la contrepartie à laquelle il a droit, ne peut invoquer la force majeure pour obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation, étant précisé que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.
Ainsi, la société UGC Ciné cité ne peut, estimant que la pandémie de covid-19 constituait un cas de force majeure et que les mesures générales de police ne lui permettaient pas de profiter de la jouissance du local, contrepartie à l’obligation de paiement, en tirer parti pour ne pas exécuter son obligation consistant dans l’obligation de payer les loyers.
À juste titre les premiers juges ont écarté ce moyen.
3) au titre de la destruction partielle de la chose louée
L’article 1722 du code civil dispose :« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».
La perte visée à l’article 1722 du code civil peut correspondre à une perte matérielle (un des bâtiments donnés en location, situé sur une faille sismique ignorée, s’écroule) mais selon la jurisprudence, également à une perte fonctionnelle, caractérisée lorsque l’utilisation prévue par le bail du local loué pour une activité commerciale industrielle ou artisanale est totalement impossible ou diminuée.
La société UGC Ciné cité évoque en l’espèce, pour les périodes sur l’année 2020-2021 où le cinéma a été fermé, soit selon elle du 15 mars 2020 jusqu’au 22 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021, une perte fonctionnelle partielle, justifiant une diminution du loyer dû pour ces périodes, soit une somme à restituer de 150 082,75 euros.
Cependant, il a été jugé que l’effet des mesures générales et temporaires prises par le gouvernement pour restreindre voire interdire l’accueil du public à certaines catégories d’établissements aux seules fins de garantir la santé publique, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil.
Ce moyen a à juste titre été rejeté par les premiers juges.
La décision des premiers juges est confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes formulées par la société UGC Ciné cité en diminution ou suspension par restitution des loyers échus pendant la période de fermeture liée à la pandémie de covid de ces chefs, étant observé que, devant la cour, elle ne reprend pas son argumentation relative à l’obligation de renégociation des conditions financières du bail commercial.
– Sur les sommes restant dues
En vertu des dispositions de l’article 1353 du code civil, anciennement 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
L’article 18 du bail stipule qu’ « à défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme d’après le présent bail, les sommes dues seront automatiquement majorées à titre d’indemnité forfaitaire, de frais de contentieux et indépendamment de tous frais de commandement et de recette, de 10 % plus un intérêt fixe au taux des avances sur titres de la banque de France, majoré de trois points ».
Malgré les critiques nourries du débiteur relatives aux sommes appelées et aux décomptes produits que la société UGC Ciné cité qualifie à de nombreuses reprises d’erronés, le bailleur, sans véritable démonstration et explication, cohérente et étayée par des pièces probantes, répondant aux arguments soulevés par le preneur, formule une demande de condamnation à hauteur de 48 602,37 euros, présentée dans un premier temps comme les intérêts au taux des avances sur titres de la banque de France majoré de 3 points (page 29), puis comme le solde demeurant suivant l’extrait de compte arrêté au 6 janvier 2023.
Manifestement la demande du bailleur concerne un solde de compte locatif, puisqu’il joint un extrait du grand livre, faisant figurer un montant total dû de 48 602,37 euros au 6 janvier 2023, lequel comprend les dernières échéances de loyers échus.
Les pièces produites toutefois par la société Béthune Borghèse ne sont pas probantes.
En effet, l’extrait de compte versé en pièce 32 faisant état d’un solde au 1er juillet 2022 de 0 euro, reprend une facture du 1er juillet 2022 (FACT UGC 3T2022) de 98 254,90 euros au débit, un montant de 59 451,56 euros au crédit en date du 6 octobre 2022 intitulé FACT UGC3T2022 qui ne peut être en réalité que la FACT UGC4T2022, puisque la même opération FACT UGC3T2022 au crédit figure au 19 septembre 2022, alors que l’extrait du même compte, arrêté au 21 juillet 2022, versé en pièce 30, mentionne quant à lui un solde de 98 254,90, la dernière facture reprise étant celle intitulée FACT UGC 3T2022 du 1er juillet 2022, cette fois-ci d’un montant de 59 451,56 euros.
La société Béthune Borghèse ne donne aucune explication quant à cette discordance au titre de l’appel de loyer du 1er juillet 2022, le montant de 98 254,90 euros ne correspondant manifestement pas aux stipulations contractuelles.
La communication par la société UGC Ciné cité de certaines des factures adressées par la société Béthune Borghèse permet de constater que sont intégrés dans les appels de loyers d’autres frais, tels que les frais de procédure et intérêts de retard, en contravention avec les dispositions du bail.
Enfin, les extraits de compte ne reprennent manifestement pas l’ensemble des opérations existantes sur la période, puisque sont produites par la société UGC Ciné cité des factures d’avoirs à échéance du 1er janvier 2023, pour les sommes de 998,40 euros et de 8 385,31 euros, qui ne sont pas reprises dans l’extrait arrêté au 6 janvier 2023.
Contrairement à ce qu’affirme la société Béthune Borghèse, en exergue de son paragraphe relatif aux soldes des loyers dus, son extrait de compte établit, en prenant en considération les montants réellement dus au titre du bail, soit l’appel de loyer, sans ajout de frais, intérêts de retard injustifiés, et le montant de 59 451,56 euros (et non le montant injustifié de 98 254,90 euros) au titre du loyer appelé le 1er juillet 2022, que la société UGC Ciné cité est à jour, à la date du 6 janvier 2023, des loyers courants.
Le bailleur, sur qui pèse la charge de la preuve du montant des sommes dues au titre des loyers et qui ne produit pourtant aucune des factures émises, étant observé qu’au vu de celles produites par le preneur, des frais et intérêts injustifiés sont ajoutés aux montants réclamés, les sommes appelées en principal au titre de loyers, après déduction des frais injustifiés, s’élevaient à une somme globale de 717 016,41 euros, alors que la société UGC Ciné cité établit, preuve à l’appui, avoir versé un montant global de 502 356,46 euros outre, les 218 196,44 euros au titre du principal du jugement.
La demande au titre des soldes de loyers présentée par la société Béthune Borghèse n’est donc pas justifiée. Il n’est pas plus démontré que des intérêts de retard restent dus par la société UGC Ciné cité.
En effet, le décompte d’intérêts produit par la société Béthune Borghèse, réalisé selon elle conformément aux prescriptions du jugement, est erroné puisqu’il applique un taux de 6,12 %, tandis qu’il ressort du dispositif du jugement, appliquant les stipulations contractuelles, que le taux applicable est le taux des avances sur titre de la banque de France, lequel est égal au taux de facilité de prêt marginal augmenté de 200 points de base, majoré de 3 points, soit comme le pointe justement la société UGC Ciné cité, pour la période concernée, un taux de 5,25 % qu’elle a appliqué dans son propre décompte des intérêts dus.
Au vu de ce dernier décompte établi en fonction des éléments arrêtés par la juridiction et conformément aux stipulations contractuelles, non critiqué par la société Béthune Borghèse, aucune somme ne demeure due au titre des intérêts, puisque sur la somme de 248 644,11 euros payée en exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire, une somme de 13 775,80 euros était affectée au paiement des intérêts dus.
Le bailleur conteste enfin la minoration de la clause pénale par les premiers juges, le preneur excipant quant à lui des circonstances de fermeture du cinéma pour solliciter la suppression de cette clause.
Toutefois, les motifs invoqués par le preneur sont impropres à justifier à eux seuls le caractère manifestement excessif du montant de la clause, ce qui justifie le rejet de sa demande visant à dire n’y avoir lieu à application de la clause pénale.
Mais, faute pour le créancier d’apporter le moindre élément pour corroborer l’existence d’un préjudice effectif et conséquent subi, ce dernier disposant d’ores et déjà d’une réparation du retard de paiement par l’application automatique des intérêts contractuellement prévus et majorés, la peine consistant en l’octroi de 10 % du montant des sommes dues apparaît manifestement excessive et justifie qu’elle soit portée à une plus juste proportion comme l’ont apprécié, au vu toutefois de ces seuls motifs, les premiers juges, en la minorant à 5 %.
La décision des premiers juges est donc justifiée en ce qu’elle a minoré la clause pénale et la cour ne peut que constater que la condamnation de 11 514 euros (à parfaire) arrêtée par les premiers juges a été réglée par la société UGC Ciné cité à hauteur de 11 598,61 euros, lors de son paiement des causes de la décision déférée.
Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, la demande en paiement de la société Béthune Borghèse est rejetée, la décision des premiers juges, vu l’évolution du litige, ne peut qu’être infirmée.
Aucune critique n’étant portée contre les chefs du jugement ayant ordonné la capitalisation des intérêts, rejeté la demande de délais de paiement présentée par la société UGC Ciné cité, et dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement, ils ne peuvent qu’être confirmés.
– Sur la demande de dommages et intérêts de la société Béthune Borghèse
En vertu des dispositions des articles 1240 et suivants du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
La résistance abusive du défendeur se définit par le fait d’opposer à une action en justice des arguments de mauvaise foi et manifestement infondés, la simple défense à une action en justice ne pouvant constituer un abus de droit.
En application de l’article 1231-6 dernier alinéa du code civil, le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
En l’espèce, la société Béthune Borghèse sollicite la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice issu de la résistance abusive de la société UGC Ciné cité, sans invoquer de fondement précis.
Elle sera donc examinée sur le double fondement ci-dessus précisé.
Faute pour la société Béthune Borghèse d’articuler les éléments de fait nécessaires au soutien de sa prétention, pour caractériser la faute de la société UGC Ciné cité, d’autant qu’elle invoque un non-paiement des loyers courants qui n’est pas avéré et la perception d’aides de l’Etat qui n’est établie par aucune pièce, le bailleur qui ne produit aucune pièce venant étayer sa demande et ne caractérise même pas son préjudice, ne peut qu’être débouté de sa demande.
La demande ne saurait pas plus prospérer sur le fondement de l’article 1231-6 du code civil, faute pour la société Béthune Borghèse de caractériser et de prouver un préjudice distinct causé par le retard et non réparé par les intérêts moratoires.
La décision des premiers juges est confirmée de ce chef.
– Sur les dépens et accessoires :
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, chacune des parties succombant en ses prétentions, il convient en cause d’appel, de dire que chacune conservera la charge de ses propres dépens.
La décision des premiers juges est confirmée en ce qu’elle a condamné la société UGC Ciné cité aux dépens et à une indemnité procédurale, cette dernière succombant alors principalement en ses prétentions.
Le sens de la présente décision commande de dire n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 9 décembre 2021 en ce qu’il a :
– rejeté l’ensemble des demandes de suspension ou réduction de loyer présenté par la société UGC Cine cité et de remboursement de la somme de 150 082,75 euros au titre des loyers échus pendant la période de fermeture ;
– minoré la clause pénale à 5 % :
– ordonné la capitalisation des intérêts ;
– rejeté la demande de délais de paiement présentée par la société UGC Ciné cité
– rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Béthune Borghèse ;
– condamné la société UGC Ciné cité à payer à la société Béthune Borghèse la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement
– condamné la société UGC aux dépens
Vu l’évolution du litige,
L’INFIRME pour le surplus,
REJETTE la demande de la société UGC Ciné cité de dire n’y avoir lieu à application de la clause pénale ;
DEBOUTE la société Béthune Borghèse de sa demande en paiement au titre du solde des loyers restants dus suivant décompte arrêté au 6 janvier 2023 ;
DEBOUTE en conséquence la société Béthune Borghèse de sa demande en paiement de la clause pénale sur l’arriéré dû ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
[M] [D]