Clause pénale : 13 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/07290

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Clause pénale : 13 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/07290

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023

N° 2023/327

Rôle N° RG 22/07290 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJNZK

[J] [H]

C/

S.A.R.L. PAUMA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de NICE en date du 09 Mai 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00441.

APPELANTE

Madame [J] [H]

née le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 3] (VAR)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Alice CATALA, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

S.A.R.L. PAUMA exerçant sous l’enseigne LES EPICURIENS

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Philippe BERDAH, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 01 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte sous seing privé du 6 mai 2004 Mme [J] [H] a donné à bail à la société JPS, aux droits de laquelle vient la SARL Pauma, des locaux à usage commercial situés [Adresse 2] à [Localité 4] (06) pour une durée de neuf années, bail qui s’est poursuivi par reconduction tacite jusqu’au 1er juillet 2016, date à laquelle la bailleresse a donné congé à la locataire, exploitant dans les lieux une activité de restauration, avec offre de renouvellement. En l’absence d’accord Mme [H] a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nice pour obtenir la fixation du prix du bail renouvelé, qui par jugement du 2 septembre 2020 assorti de l’exécution provisoire, a été fixé à la somme de 38 750 euros par an à compter du 1er janvier 2017, la société Pauma étant tenue, aux termes de cette décision, de régler à Mme [H] les intérêts au taux légal sur la différence entre l’ancien et le nouveau loyer au fur et à mesure des échéances contractuelles, à compter du 1er janvier 2017 jusqu’à parfait paiement, avec anatocisme.

Ce jugement signifié à la locataire le 9 septembre 2020, n’a pas été frappé d’appel.

En vertu de cette décision Mme [H] a fait pratiquer le 16 décembre 2020 une saisie-attribution des comptes bancaires de la société Pauma qui n’a pas fait l’objet de contestation.

En raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, un protocole transactionnel a été signé entre les parties le 22 février 2021 prévoyant le règlement de l’arriéré locatif d’un montant de 99 665,48 euros selon les modalités suivantes :

– par imputation des sommes saisies par l’huissier de justice et s’élevant à la somme de 18 192,97 euros,

– par virement d’une somme de 45 000 euros sur le compte de Mme [H],

– le reliquat, soit la somme de 36 472,51 euros en 24 échéances mensuelles de 1 519,69 euros à compter du mois suivant la décision gouvernementale portant autorisation de réouverture des restaurants, puis le 10 des 24 mois suivants cette décision.

Ledit protocole prévoyait « en cas de non-respect des engagements ci-dessus, que l’incident porte sur le règlement des échéances dues au titre de l’arriéré locatif ou sur le règlement du loyer et/ou de la provision sur charges, que les accords pris dans le cadre du présent d’accord deviendront caducs, sans qu’il soit besoins de mise en demeure pour ce faire, Mme [H] retrouvant son entière liberté d’exécution pour le recouvrement des sommes dont elle est créancière ».

La réouverture des restaurants a été autorisée à compter du 19 mai 2021en terrasse puis le 9 juin suivant en intérieur.

Après vaine mise en demeure adressée à la locataire, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 décembre 2021 d’avoir à respecter les termes de la transaction du 22 février 2021 et de commencer à s’acquitter de l’échéancier à compter du 15 décembre 2021, Mme [H] a fait pratiquer le 26 janvier 2021 deux saisies-attribution des comptes bancaires de la société Pauma pour obtenir paiement de la somme de 34 106,33 euros en vertu du jugement du 2 septembre 2020, saisies fructueuses qui ont été contestées dans le mois de leur dénonce par la société Pauma qui a poursuivi leur nullité au motif que la transaction, suspendant l’effet du jugement du 2 septembre 2020 , avait entre les parties l’autorité de chose jugée en dernier ressort aussi longtemps que sa résolution n’avait pas été prononcée par le juge et que Mme [H] avait procédé à une interprétation unilatérale de ce protocole d’accord.

Celle-ci a soutenu au contraire, que la société Pauma n’ayant pas respecté les termes de la transaction, celle-ci était devenue caduque.

Par jugement en date du 9 mai 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice a :

‘ prononcé la nullité des saisies attribution réalisées par procès-verbaux en date du 26 janvier 2022, entre les mains de la Société Marseillaise de Crédit et la Banque Populaire Méditerranée, ‘ ordonné leur mainlevée ;

‘ débouté Mme [H] de l’intégralité de ses demandes ;

‘ débouté la société Pauma de sa demande de dommages et intérêts et de frais irrépétibles ;

‘ condamné Mme [H] aux dépens de l’instance ;

Celle-ci a relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 19 mai 2022 enregistrée.

Par ordonnance de référé du 21 novembre 2022 le magistrat délégué par le premier président de cette cour a fait droit à sa demande de sursis à l’exécution du jugement appelé.

Par dernières écritures notifiées le 30 janvier 2023 elle demande à la cour , au visa des articles 1103, 1224, 1225, 1229, et 2044 du code civil, de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– infirmer le jugement entrepris dans l’ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal

– valider les saisies attributions en date du 26 janvier 2022 pour des montants de 31 382,96 euros et 2 668,33 euros;

A titre subsidiaire :

– prononcer la caducité de la transaction du 22 février 2021,

En conséquence,

– valider les saisies attributions en date du 26 janvier 2022 pour des montants de 31 382,96 euros et 2 668,33 euros

En tout état de cause :

– condamner la société Pauma au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’ aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit, ainsi qu’au paiement de l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement prévus à l’article A.444-32 du code de commerce dont Mme [H] a dû s’acquitter en raison des mesures d’exécution forcée qu’elle a été contrainte de réaliser dans le cadre de l’exécution du jugement du 2 septembre 2020.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir pour l’essentiel, que la méconnaissance des termes de la transaction suffisait à autoriser les poursuites, sans qu’il soit nécessaire de demander préalablement l’anéantissement du contrat pour défaut d’exécution.

Elle affirme par ailleurs que les termes de la transaction ne souffraient d’aucune ambiguïté puisque le règlement des échéances était conditionné uniquement à la réouverture des restaurants et non à la levée de l’ensemble des restrictions sanitaires.

Elle ajoute que dès lors que les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies, le débiteur ne peut pas contester l’opportunité de la résolution conventionnelle du contrat et les dispositions des articles 1225 et 1229 du code civil ne conditionnent nullement l’application d’une clause résolutoire au contrôle préalable du juge.

Elle indique avoir soulevé en première instance la caducité de la transaction litigieuse et fait grief au premier juge de ne pas l’avoir prononcée alors qu’il entrait dans ses compétences de constater l’inexécution de la transaction et de prononcer sa caducité.

Elle conteste toute mauvaise foi de sa part, en rappelant que la loi du 14 novembre 2020, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, n’a jamais remis en cause l’exigibilité du loyer et des charges et que ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans une série d’arrêts du 30 juin 2022. Elle rappelle les délais de paiement octroyés à sa locataire, alors que les saisies querellées ont été fructueuses à hauteur d’une somme de 34 051,29 euros démontrant qu’elle pouvait honorer le paiement des échéances mensuelles de 1 519,69 euros et qu’elle a fermé son établissement durant le mois d’août 2022, en pleine saison estivale, pour procéder à une rénovation totale de son établissement.

Par ailleurs elle expose que la société Pauma n’est pas fondée à invoquer le refus d’encaissement des échéances qu’elle a effectuées à compter du 2 juin 2022, alors que ces sommes ont été saisies.

Par dernières écritures en réponse notifiées le 26 janvier 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, la société Pauma demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

– juger qu’en refusant l’encaissement systématique des chèques émis par son locataire, la société Pauma, sur la période allant du 01 juin 2022 au mois de janvier 2023, Mme [H] ne saurait exciper d’une quelconque bonne foi dans le cadre de l’application du bail commercial en date du 06 mai 2014 et tous actes subséquents,

– la débouter de sa demande de condamnation à la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner à ce titre à la somme de 3 500 euros ainsi qu’ aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval-Guedj qui affirme y avoir pourvu.

A cet effet l’intimée soutient la nullité des saisies attribution mises en oeuvre, qui constituent une violation caractérisée des dispositions de l’article 1103 du code civil et une interprétation unilatérale du protocole d’accord transactionnel du 22 février 2021, par lequel les parties ont suspendu les effets du jugement du 2 septembre 2020, seul visé aux procès-verbaux de saisie.

Elle ajoute que la présence d’une clause résolutoire n’entraîne pas de facto, la résolution d’un contrat, qui doit être appréciée et constatée par le juge, ce que concède l’appelante en présentant une demande nouvelle tendant à voir prononcer la caducité de la transaction.

A titre subsidiaire, elle invoque les efforts considérables qu’elle a consentis à la signature du protocole en réglant à sa signature les sommes de 18 192 et 45 000 euros. Elle rappelle les différentes restrictions qui ont frappé le secteur de la restauration depuis la pandémie de Covid-19 .

Elle fustige l’absence de bonne foi de Mme [H] qui a fait pratiquer une saisie-attribution en pleine période sanitaire, en dépit du protocole transactionnel, l’empêchant ainsi de payer ses salariés, et qui refuse les règlements mensuels qu’elle règle en exécution de l’accord transactionnel, depuis le 2 juin 2022, après mainlevée de l’ensemble des restrictions sanitaires.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 31 janvier 2021.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

L’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution conditionne la mise en oeuvre d’une mesure de saisie attribution à la détention par le créancier d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible ;

L’intimée prétend que les effets du jugement du 2 septembre 2020 qui fonde les saisies contestées sont suspendus par l’effet obligatoire du protocole d’accord transactionnel signé le 22 février 2021 tant que sa résolution n’a pas été prononcée en justice ;

La transaction est un contrat synallagmatique soumis aux dispositions de l’article 1184 du code civil et l’autorité de la chose jugée qui s’y attache ne fait pas obstacle au prononcé de sa résolution en cas d’inexécution ;

Par ailleurs les parties sont libres d’aménager les effets d’une inexécution de la transaction en introduisant une clause pénale, une condition résolutoire ou, comme en l’espèce, une clause de caducité, cette caducité contractuelle étant consacrée par les articles 1186 et 1187 insérés au code civil en vertu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

Comme le fait justement observer l’appelante la jurisprudence (C.Cass 1ère civ., 12 juillet 2012 n° 09-11.582) retient que l’inexécution par une partie à la transaction suffit à délier l’autre partie.

Indépendamment de l’action en résolution , il est acquis que l’exception de transaction ne peut être opposée par l’une des parties que si elle en a respecté les conditions, à charge pour elle de le démontrer en cas de contestation ;

Or, il n’est pas discuté que l’échéancier courant, aux termes de la transaction du 22 février 2021, « à compter du mois suivant la décision gouvernementale portant autorisation de réouverture des restaurants », soit le 19 mai 2021 en terrasse puis le 9 juin 2021 en intérieur n’a pas été respecté par la société Pauma qui n’est pas fondée au regard des mentions dénuées d’ambiguïté de l’accord, à invoquer des restrictions sanitaires qui ont frappé le secteur de la restauration jusqu’au 2 juin 2022, et à prétendre à la violation par la bailleresse des termes de la transaction ;

L’absence d’exécution intégrale par elle des conditions de la transaction autorise en conséquence Mme [H] à poursuivre l’exécution forcée du jugement du 2 septembre 2020 pour obtenir paiement du solde des condamnations ;

Il s’ensuit la réformation du jugement entrepris et partant le rejet des contestations de la société Pauma et la validation des saisies contestées ;

Par ailleurs il ne peut être fait reproche à Mme [H] d’avoir refusé d’encaisser les échéances versées par la société Pauma à compter du mois de juin 2022 alors que les sommes saisies-attribuées couvrent sa créance ;

Le rejet de la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie présentée par la société Pauma ne fait pas l’objet de critique et sera en conséquence confirmé ;

La société Pauma, partie perdante, supportera les dépens de première instance et d’appel et sera tenue de payer à Mme [H] la somme de 3000 euros au titre de ses frais de procédure ;

L’appelante sera toutefois déboutée de sa demande de condamnation de l’intimée aux sommes auxquelles l’huissier instrumentaire peut avoir droit en vertu des dispositions de l’article A 444-32 du code de commerce. En effet en cas de recouvrement ou encaissement de sommes d’argent, les émoluments dus à l’huissier de justice, sont répartis entre le débiteur (articles A.444-31 du code de commerce) et le créancier (article A.444-32 du même code), et hors l’hypothèse prévue par l’article R.631-4 du code de la consommation au profit du consommateur titulaire d’une condamnation à l’encontre d’un professionnel, aucune disposition n’autorise le juge à mettre à la charge du débiteur le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article A.444-32 précité.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SARL Pauma de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ,

DEBOUTE la Sarl Pauma de l’ensemble de ses contestations et demandes ;

VALIDE les saisies-attribution pratiquées le 26 janvier 2021 à la requête de Mme [J] [H] à l’encontre de la Sarl Pauma pour le recouvrement de la somme de 34 106,33 euros ;

CONDAMNE la Sarl Pauma à payer à Mme [J] [H] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE la Sarl Pauma aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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