Droits des Artisans : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/06797

·

·

Droits des Artisans : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/06797

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/06797 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MOZT

[O] [P]

c/

[Z] [V]

Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :08 septembre 2022

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 10 novembre 2021 par le Juge des référés Tribunal Judiciaire d’ANGOULEME (RG : 21/00213) suivant déclaration d’appel du 14 décembre 2021

APPELANT :

[O] [P]

né le 16 Avril 1974 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Benoit SOULET de la SELARL MONTICELLI – SOULET, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉ :

[Z] [V]

né le 06 Octobre 1984 à ALGER (ALGERIE) (16017)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Bernard COTRIAN de la SELARL TAILLEFER-CONSEIL, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par deux acomptes du 12 avril 2021 faisant suite à trois devis, signés respectivement le 14 décembre 2020 pour deux d’entre eux et le 9 janvier 2021 pour le troisième, M. [Z] [V] a confié à M. [O] [P], artisan plaquiste, les lots ‘placoplâtre’ et ‘menuiseries extérieures’ des travaux de rénovation de son immeuble sis [Adresse 4].

Se plaignant de l’état d’avancement du chantier ayant débuté en juin 2021, M. [Z] [V] a fait constater la situation le 4 août 2021 par un huissier de justice, dont le procès-verbal mentionne la présence de désordres et malfaçons sur les menuiseries et plaques de placoplâtre.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 août 2021, M. [Z] [V] a mis en demeure M. [O] [P] d’une part de procéder à la dépose et à la remise en état des encadrements dégradés par la dépose par ses soins des anciennes fenêtres et à la repose

des huisseries commandées et, d’autre part, de reprendre les travaux afin que la partie rez-de-chaussée puisse être réceptionnée le 10 septembre 2021.

Par acte d’huissier du 27 août 2021, M. [Z] [V] a fait assigner M. [O] [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Angoulême aux fins notamment d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.

Par ordonnance de référé contradictoire du 10 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Angoulême a :

– ordonné une mesure d’expertise,

– désigné poury procéder : M. [E] [W], [Adresse 8], Tél Port : [XXXXXXXX01], mail : [Courriel 7], expert inscrit sur les listes de la Cour d`appel de Bordeaux, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :

– se rendre sur les lieux ([Adresse 4]) et entendre les parties, celles-ci préalablement convoquées, ainsi que leurs conseils,

– se faire remettre tous documents contractuels et techniques utiles à la poursuite de sa mission,

– rappeler les étapes de la construction,

– décrire les travaux exécutés à ce jour par M. [O] [P] et en chiffrer le coût,

– rappeler les montants réglés par M. [Z] [V],

– décrire les désordres et les défauts d’exécution imputable à M. [O] [P] et chiffrer le coût des travaux de réparation,

– donner au tribunal ultérieurement saisi tous éléments d’appréciation quant aux préjudices subis par le requérant,

– dresser de ces opérations un pré-rapport qui sera adressé aux parties pour recueillir, préalablement au dépôt du rapport, leurs observations,

– apurer, d’une maniére générale, tous dires et maintiens contradictoires des parties,

– dresser du tout un rapport qui sera déposé dans le délai imparti,

– dit que pour procéder à sa mission l’expert devra :

– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés,

– se rendre sur les lieux, [Adresse 4], et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis,

– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses operations ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :

– en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de preparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,

– en les mises en cause, les interventions volontaires ou forcées qui lui paraissent nécessaires et en invitant les parties à procéder aux dites mises en cause dans le délai qu’il fixera,

– en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent,

– en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse,

– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex. : réunion de synthèse ; communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :

– fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,

– rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai,

– dit qu’en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnu par l’expert, ce dernier pourra autoriser les demandeurs à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, sous la direction du maître d »uvre des demandeurs, par des entreprises qualifiées de son choix ; que, dans ce cas, l’expert déposera une note circonstanciée aux parties, précisant la nature, l’importance et le coût de ces travaux,

– fixé à la somme de 2 000 euros la provision concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par M. [Z] [V] à la régie du tribunal judiciaire d’Angoulême le 23 décembre 2021 au plus tard,

– dit que faute de consignation de la provision dans ce delai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet,

– dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 2844 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire avant le 10 avril 2022 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile et de manière motivée aupres du juge chargé du contrôle de la mesure,

– dit que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des mesures d’instruction de ce tribunal, spécialement désigné a cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code,

– rappelé aux parties les dispositions de l’article 2239 du code civil :

‘La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée’.

– dit que le chantier pourra reprendre une fois que l’expert aura avisé les parties de ce qu’il n’a plus besoin de faire d’autres constatations sur les lieux,

– condamné M. [Z] [V] aux dépens,

– débouté les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que :

1) le coût final des opérations d’expertise ne sera déterminé qu’à l’issue de la procédure, même si la présente décision s’est efforcée de fixer le montant de la provision à une valeur aussi proche que possible du coût prévisible de l’expertise,

2) la partie qui est invitée par cette décision à faire l’avance des honoraires de l’expert n’est pas nécessairement celle qui en supportera la charge finale, à l’issue du procès,

– rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

M. [O] [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 décembre 2021.

Par conclusions déposées le 31 mars 2022, il demande à la cour de :

– infirmer partiellement l’ordonnance de référé en date du 10 novembre 2021 en ce qu’elle a :

– rejeté la demande de compléments de mission présentée subsidiairement par M. [O] [P],

– en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise et désigné pour y procéder M. [E] [W] avec pour seule mission :

– se rendre sur les lieux ([Adresse 4]) et entendre les parties, celles-ci préalablement convoquées, ainsi que leurs conseils,

– se faire remettre tous documents contractuels et techniques utiles à la poursuite de sa mission,

– rappeler les étapes de la construction,

– décrire les travaux exécutés à ce jour par M. [O] [P] et en chiffrer le coût,

– rappeler les montants règles par M. [Z] [V],

– décrire les désordres et les défauts d’exécution imputables à M. [O] [P] et chiffrer le coût des travaux de réparation,

– donner au tribunal ultérieurement saisi tous éléments d’appréciation quant aux préjudices subis par le requérant,

– dresser de ces opérations un pré-rapport qui sera adressé aux parties pour recueillir, préalablement au dépôt du rapport, leurs observations,

– apurer, d’une manière générale, tous dires et maintiens contradictoires des parties,

– dresser du tout un rapport qui sera déposé dans le délai imparti,

Statuant à nouveau,

– ordonner une mesure d’expertise et désigné pour y procéder M. [E] [W] avec pour mission :

– se rendre sur les lieux ([Adresse 4]) et entendre les parties, celles-ci préalablement convoquées, ainsi que leurs conseils,

– se faire remettre tous documents contractuels et techniques utiles à la poursuite de sa mission,

– rappeler les étapes de la construction,

– décrire les travaux exécutés à ce jour par M. [O] [P] et en chiffrer le coût,

– rappeler les montants règles par M. [Z] [V],

– décrire les désordres et les défauts d’exécution imputables à M. [O] [P] et chiffrer le coût des travaux de réparation,

– donner au Tribunal ultérieurement saisi tous éléments d’appréciation quant aux préjudices subis par le requérant,

– dresser de ces opérations un pré-rapport qui sera adressé aux parties pour recueillir, préalablement au dépôt du rapport, leurs observations,

– apurer, d’une manière générale, tous dires et maintiens contradictoires des parties,

– dresser du tout un rapport qui sera déposé dans le délai imparti,

– décrire le rôle de M. [Z] [V] dans le chantier,

– déterminer le cas échéant l’éventuelle part de responsabilité de M. [Z] [V] dans la survenance des désordres retenus,

– condamner M. [Z] [V] à payer à M. [O] [P] la somme de 2 500 euros sur le

fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions faites par M. [Z] [V] à l’encontre de M. [O] [P],

– condamner M. [Z] [V] aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions déposées le 2 mars 2022, M. [Z] [V] demande à la cour de:

– confirmer en toutes ses disposilions l’ordonnance de référé du 10 novembre 2021 du président du tribunal judiciaire d’Angoulême,

– débouter M. [O] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [O] [P] à payer au concluant une somme de 2 000 euros pour appel abusif et injustifié,

– condamner M. [O] [P] à payer au concluant une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Au visa de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a fait l’objet le 5 janvier 2022 d’une ordonnance de fixation à bref délai avec clôture de la procédure 15 jours avant la date de l’audience fixée au 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [O] [P] reproche à l’ordonnance attaquée de n’avoir pas fait droit à sa demande de complément de mission d’expertise visant à décrire le rôle de M. [Z] [V] dans le chantier et à déterminer le cas échéant l’éventuelle part de responsabilité de ce dernier dans la survenance des désordres retenus.

Faisant valoir que M. [Z] [V] a agi en qualité de maître d’oeuvre de conception et d’exécution, il affirme en effet qu’il n’a fait qu’exécuter les directives changeantes de ce dernier. Il ajoute qu’en application de l’article 1792 du code civil, les fautes et négligences du maître de l’ouvrage peuvent exonérer le constructeur de toute responsabilité, notamment lorsqu’il n’a eu de cesse de modifier le projet en cours de chantier ou lorsqu’il s’est immiscé de manière abusive dans le chantier, ce qui est le cas en l’espèce.

Cependant, le premier juge a justement relevé que M. [Z] [V], qui est un particulier exerçant la profession de manager dans la société KMG sise à [Localité 6] et vivant à [Localité 9], a fait appel à un professionnel pour un chantier visant un immeuble situé de surcroît dans une région – la Charente – dans laquelle il ne réside pas.

Aucune compétence notoire du maître de l’ouvrage en matière de construction n’étant établie, c’est à juste titre que le premier juge a estimé que la demande de M. [O] [P], professionnel, visant à établir la preuve d’une responsabilité de son client devait être rejetée en ce que la mise en cause de M. [Z] [V] de ce chef était manifestement vouée à l’échec.

L’ordonnance sera en conséquence confirmée.

M. [O] [P], qui succombe, supportera les dépens d’appel. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de M. [Z] [V] les sommes exposées par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il convient donc de condamner M. [O] [P] à payer à M. [Z] [V] une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l’ordonnance,

Y ajoutant,

Condamne M. [O] [P] à payer à M. [Z] [V] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] [P] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x