République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 08/09/2022
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N° de MINUTE : 22/766
N° RG 21/03251 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TV5A
Jugement (N° 11-20-389) rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune
APPELANTE
SA HLI Habitat Logement Immobilier
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Eric Dhorne, avocat au barreau de Saint-Omer
INTIMÉS
Monsieur [D] [I]
né le 04 avril 1950 à [Localité 7]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 6]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/007869 du 06/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
Madame [J] [L] épouse [I]
née le 30 janvier 1982 à [Localité 8]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentés par Me Fanny Malbrancq, avocat au barreau de Bethune
DÉBATS à l’audience publique du 07 juin 2022 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Louise Theetten, conseiller
Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2022
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Par acte sous seing privé en date du 31 mai 2011, la société Habitat Logement Immobilier a donné à bail à M. [D] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] un logement situé [Adresse 2]) moyennant un loyer de 550,55 euros mensuels.
Au terme d’un rapport en date du 14 octobre 2019, l’Agence Régionale de Santé a procédé à l’évaluation de l’état d’insalubrité du logement donné à bail. En date du 4 novembre 2019, le préfet du Pas de Calais a décerné à l’encontre du bailleur un arrêté constatant l’insalubrité du logement et portant mise en demeure du bailleur de faire cesser le danger imminent pour la santé et la sécurité de ses occupants. Par décision du 23 décembre 2019, le Préfet du Pas de Calais a interdit de manière définitive l’habitation de l’immeuble litigieux. Il n’est pas contesté que les locataires ont été relogés courant octobre 2019.
Par acte d’huissier de justice du 9 avril 2020, M. [D] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] ont fait assigner la société Habitat Logement Immobilier devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béthune, pour l’audience du 25 septembre 2020 afin d’obtenir la condamnation de la société bailleresse à leur payer la somme de 19 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, outre la somme de 3000 euros au titre du préjudice de santé, la condamnation de la société bailleresse à payer à leur conseil la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre la condamnation de la défenderesse aux dépens.
Suivant jugement contradictoire mixte en date du 19 mars 2021, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure et du dernier état des demandes des parties et des moyens soulevés par ces dernières, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béthune a :
– condamné la société Habitat Logement Immobilier à payer à M. [D] [I] et Mme [J] [I] la somme de 18 000 euros (dix-huit mille euros) en réparation de leur préjudice de jouissance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision,
– ordonné la réouverture des débats à l’audience du 22 avril 2021 à 9 heures afin de recueillir contradictoirement les observations des parties sur la fin de non recevoir affectant leur demande en réparation du préjudice de santé,
– réservé la demande de M. [D] [I] et Mme [J] [I] au titre du préjudice de santé,
– réservé les demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
– réservé les dépens.
La société Habitat Logement Immobilier a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 16 juin 2021, déclaration d’appel critiquant les dispositions de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société Habitat Logement Immobilier à payer à M. [D] [I] et Mme [J] [I] la somme de 18 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
M. [D] [I] et Mme [J] [I] ont constitué avocat le 28 juillet 2021.
Par ses dernières conclusions en date du 29 novembre 2021, la société Habitat Logement Immobilier demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 19 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Béthune, Statuant de nouveau :
– débouter les époux [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
Reconventionnellement :
– condamner les époux [I] à la somme de 2000 euros au titre de l’article 700
du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, y compris d’appel.
Par leurs dernières conclusions en date du 24 décembre 2021, M. [D] [I] et Mme [J] [I] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Béthune du 19 mars 2021,
– débouter la SA Habitat Logement Immobilier de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SA Habitat Logement Immobilier à verser à Maître Fanny Malbrancq, membre de l’Association B. Ingelaere & F. Malbrancq, avocat, conseil de M. et Mme [D] [I], la somme de 1500 euros TTC en vertu de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
– condamner la SA aux entiers frais et dépens.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé des demandes et des moyens des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Il sera précisé que, par jugement en date du 28 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béthune statuant dans le cadre de la réouverture des débats ordonnée au titre du préjudice de santé, a :
-condamné la société Habitat Logement Immobilier à payer à M. [D] [I] et Mme [J] [I] agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [D] [I] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de santé, rejeté le surplus des demandes et statuant sur les dépens et la demande au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 qui avaient été réservés par la présente décision déférée, a condamné la société Habitat Logement Immobilier aux dépens ainsi qu’à payer à Maître Malbrancq la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462 modifié par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, le bailleur est tenu de mettre à disposition un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimal et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
L’article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 dispose que logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;
2. Il est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ;
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;
4. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
5. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale
Il résulte des éléments de la cause que l’agence régionale de santé des Hauts de France a établi le 14 octobre 2019 un rapport suite à la visite du logement sis [Adresse 1] occupé depuis fin mai 2011 par les époux [I] dans le cadre d’une évaluation de l’état d’insalubrité dudit logement et que ce rapport concluait que le logement présentait un danger imminent pour la sécurité et la santé des occupants lié à une situation d’insalubrité pour les raisons suivantes :
-installation à combustion de type insert bois dangereuse ;
-présence de plombs dans les parties dégradées ;
-mauvaise évacuation des eaux usées ;
-installation électrique dangereuse ;
-radiateurs du chauffage central à vérifier .
Ce rapport a été suivi d’un arrêté de mise en demeure du propriétaire la société Habitat Logement Immobilier d’avoir à effectuer les travaux propres à faire cesser cette situation de dangerosité puis d’un arrêté d’interdiction définitive d’habiter l’immeuble dans les conditions sus-rappelées.
Il sera précisé en tant que de besoin que le rapport de l’ARS n’a pas en soi la valeur probatoire d’une expertise judiciaire en matière de désordres immobiliers. Par ailleurs, la constatation de ce qu’un immeuble présente les caractères de l’insalubrité ne préjuge pas de ce que cet état d’insalubrité est nécessairement en son entier imputable au bailleur.
Il sera relevé que le constat établi contradictoirement entre les parties lors de l’entrée dans les lieux énonce de manière relativement succincte :
-séjour: cheminée insert présent ;
-cuisine : flexible présent, papier peint bon état, boîtier VR HS, fenêtre mauvais état, robinetterie baignoire à changer ;
-chambre 1 : vieux revêtement de sol, fissures aux murs ;
-chambre 2 : revêtement de sol mauvais état, PC mal fixée, manque vanne radiateur ;
-chambre 3 : vieux revêtement de sol, PC mal fixée ;
-cellier : papier peint mauvais état, humidité bas du mur en dessous de la chaudière.
Enfin, il ne résulte pas des éléments de la cause que préalablement à la visite de l’ARS, les locataires auraient mis en demeure leur propriétaire d’avoir à remédier à certains désordres.
Ces points étant précisés, il y a lieu d’analyser chacun des désordres repris par le rapport d’insalubrité.
Sur le défaut de stabilité du bâtiment et la sécurité globale de ce dernier :
L’ARS conclut dans son rapport à l’existence d’un péril tenant à la présence de lézardes à l’intérieur et à l’extérieur de la maison indiquant que la charpente s’affaisse, que la souche de la cheminée est fragilisée, que les gouttières sont décrochées, que la protection du volet est pendante et qu’on observe un devers à l’étage ; que l’abri de jardin enfin est délabré.
Par ailleurs, le même rapport énonce que les murs porteurs apparaissent dégradés (fissures, briques disjointes peintures écaillées, humidité ; que la couverture montre des signes d’infiltration des auréoles étant visibles dans l’une des chambres de l’étage et que l’infiltration a atteint la cheminée, qui est humide au niveau du conduit de fumée dans la chambre à l’étage ; que les menuiseries sont peu isolantes et en mauvais état ; que la fenêtre du salon ne peut être ouverte en oscillo-battant et que la porte d’entrée permet des infiltrations d’air.
S’agissant de la stabilité globale de l’immeuble, le bailleur a produit aux débats un rapport établi par Bureau Veritas Solutions, rapport intitulé ‘diagnostic solidité’ suite à une visite effectuée dans le 3 juillet 2020. Ce rapport relève l’existence de différentes fissures et une légère flexion du plancher à la marche (acceptable sle logement selon ce rapport pour un immeuble ancien) et conclut qu’il n’a été relevé aucun désordre structurel majeur permettant de remettre en cause la stabilité de l’immeuble, précisant certes que le logement est dans un état de vétusté avancé et doit être intégralement rénové avant d’accueillir de nouveaux locataires.
Il n’existe pas de motifs d’écarter ce rapport, qui a manifestement été établi avant tous travaux de rénovation de la part du bailleur puisque les fissures étaient encore visibles..
Dès lors, il n’est pas démontré au vu des éléments contenus dans ce rapport et contraires aux éléments repris sur ce point dans le rapport de l’ARS que la structure globale de l’immeuble pouvait d’emblée être considérée comme présentant un danger, étant précisé que des travaux de renforcement de la structure de l’immeuble n’étaient pas demandés dans le cadre de la mise en demeure préfectorale de réaliser les travaux urgents.
Par ailleurs, l’existence de fissures sur la façade de l’immeuble n’est pas en soi de nature à entraîner un préjudice de jouissance pour les locataires.
Enfin, s’il résulte du rapport de l’ARS que l’abri de jardin est délabré, il résulte également du constat d’huissier établi par Maître [K] [B] le 18 octobre 2019 sur la demande de la SA Habitat Logement Immobilier et en présence de M. [I] que le cabanon de jardin, en mauvais état et édifié non conformément aux règles de l’art, a en réalité été monté par le locataire.
Si les éléments repris plus haut sont ainsi de nature à relativiser la responsabilité du bailleur voire sur certains points à l’exclure s’agissant de la structure de l’immeuble, la cour retiendra néanmoins qu’il est suffisamment établi :
-que les menuiseries sont peu isolantes et que la porte d’entrée laisse passer l’air, étant précisé que sur ce dernier point le constat même établi par Maître [B] fait ressortir que le mur en pourtour de la porte d’entrée est en mauvais état, et qu’il y a un jour important à la base de cette porte, ces différents éléments n’apparaissant manifestement pas être le résultat d’un mauvais entretien et de dégradations imputables aux locataires, quand bien même la société Habitat Logement insiste particulièrement dans ses écritures sur le fait que les intimés auraient laissé un logement très mal entretenu et envahi de déchets, fait avéré au vu du constat ;
-qu’il existe une infiltration en toiture qui a entraîné la survenance d’humidité dans la chambre de l’étage.
Sur l’installation électrique :
Il résulte du rapport de l’ARS que l’installation électrique a été remaniée à plusieurs reprises par les locataires et présente diverses anomalies à savoir des fils électriques et des dominos apparents un boîtier électrique non sécurisé , des prises électriques et des interrupteurs descellés et la présence de nombreuses multiprises et radiateurs électriques sur prise. Il est encore relevé que les escaliers menant à l’étage ne sont pas dotés d’un éclairage fonctionnel, l’installation disjonctant à chaque allumage et que cela crée un risque de chute pour les occupants.
Dès lors toutefois qu’il résulte de éléments de la cause que manifestement l’essentiel des anomalies constatées résulte d’interventions inadaptées des locataires sur le système électrique, étant précisé qu’aucune autre pièce du dossier, que ce soit l’état des lieux d’entrée ou que ce soit un quelconque rapport technique, ne vient établir que le propriétaire aurait initialement fourni un logement qui ne présentait pas un système électrique conforme, créant ainsi un préjudice de jouissance perdurant dans le temps. Tout au plus convient-il d’observer que le constat d’entrée dans les lieux fait apparaître que certains petits points étaient à reprendre , mais que le bailleur a justifié de ce que dès le mois de juillet 2011, il a fait intervenir un électricien pour procéder à différents travaux d’électricité ( facture entreprise Electricité Service d’un montant de 665,70 euros ).
Dès lors, la cour ne peut considérer que la responsabilité contractuelle de la société Habitat Logement Immobilier est engagée de ce chef et pourrait justifier sa condamnation à des dommages et intérêts.
Sur les risques d’intoxication au CO : il a été relevé dans le rapport de l’ARS qu’il existait dans le séjour un élément de danger tenant à l’existence de l’insert en bois lequel n’est pas alimenté par en air comburant à proximité ; que sa vitre est par ailleurs fissurée, tous éléments qui laissaient craindre à une intoxication au monoxyde de carbone. La société Habitat Logement Immobilier a justifié sur ce point qu’elle a dès la première demande condamné l’insert litigieux, la facture correspondant à ces travaux étant produite aux débats.
Sur le défaut du système d’évacuation de l’immeuble :
Le rapport de l’ARS énonce que l’évacuation des eaux usés, pourtant reliée au système d’assainissement collectif de la commune, est régulièrement source de refoulements dans la maison (photographies présentées par les locataires) et que le puisard est plein.
Toutefois, il ne peut être conclu de plano à une responsabilité du bailleur de ce chef alors que la vidange des puisards relève normalement du domaine des réparations locatives.
Par ailleurs, s’agissant du problème d’évacuation sous l’évier de la cuisine, il résulte des factures produites par le bailleur que ce dernier a fait intervenir un artisan le 28 février 2013 pour la fourniture et la pose d’un ensemble vidange évier deux bacs , la réparation d’une fuite du lavabo Le système de vidange de l’évier de cuisine devait donc fonctionner à cette date et les locataires n’expliquent ni quand ni pourquoi la vidange aurait cessé d’être fonctionnelle.
Par ailleurs, il ne résulte pas des éléments de la cause que les locataires auraient à un quelconque moment mis en demeure leur bailleur d’avoir à procéder à des réparations de ce chef.
Dès lors les désordres ainsi constatés ne peuvent suffire à caractériser l’existence d’un trouble de jouissance dont le bailleur aurait à rendre compte.
Sur le chauffage :
Il ne s’évince pas du rapport de l’ARS que la chaudière n’aurait pas été en état de fonctionnement
Les locataires ont certes soutenu que les radiateurs ne chauffaient pas mais n’ont pas apporté de justificatifs, étant précisé que l’inspecteur de salubrité ne s’est pas prononcé sur ce point.
Sur les problèmes d’humidité, sur l’état des revêtements et sur le risque d’exposition au plomb
Il a déjà été rappelé que le rapport de l’ARS avait mis en évidence que l’immeuble était très mal isolé. Les infiltrations provenant de la toiture et qui ont été décrites plus haut sont à l’origine de remontées capillaires lesquelles dégradent les surfaces intérieures. Les surfaces sont auréolées des moisissures sont visibles et les revêtements sont décollés , effrités. Au delà des fissures , les briques peuvent être visibles , les revêtements sont abîmés et les peintures écaillées. Le rapport précise qu’il y a un mur amianté dans une des chambres et que la dégradation des revêtements entraîne une exposition au plomb présent dans les anciennes peintures.
S’agissant des risques sanitaires liés à la présence de plomb, le rapport précise que ‘le diagnostic plomb fourni par les représentants du bailleur et réalisé en janvier 2019 indique la présence de 9, 63 % de classe 2 (en état d’usage) . A ce jour, les peintures apparaissent nettement dégradées et le locataire a effectué à l’étage des travaux impactant les anciennes peintures . Une plombimétrie a été demandée pour les enfants’.
Cette dégradation des revêtements, si elle est liée à certains comportements imputables aux locataires, à savoir notamment un défaut d’entretien manifeste de la part de ces derniers et le fait pour eux d’avoir bouché certaines grilles d’aération, résulte également d’une insuffisance d’isolation de l’immeuble et de désordres en toiture qui ont entraîné une humidité affectant l’ensemble du logement. Les photographies annexées aux constatations font apparaître des murs largement auréolés et tachés de moisissures. Si les travaux engagés par les locataires ont certes eu pour effet de contribuer à détériorer certaines peintures de l’étage, il n’en demeure pas moins que la détérioration apparaît liée en grande partie à l’humidité ambiante, et cette détérioration de peintures anciennes a eu pour effet de créer un risque d’exposition au plomb.
Par ailleurs, alors que l’état d’entrée dans les lieux fait apparaître que certaines revêtements étaient à l’état d’usage voire très usagés, le bailleur ne prétend pas avoir fait des travaux pour refaire les revêtements pendant le cours du bail depuis 2011, alors pourtant que les peintures étaient anciennes et susceptibles en cas de dégradations de créer des difficultés liées à l’exposition au plomb.
Au final, les locataires ont dû vivre dans une atmosphère humide dans un environnement dégradé outre une certaine exposition au plomb subissant de ce fait un préjudice de jouissance incontestable.
Au vu de l’ensemble des éléments, la cour conclut comme le premier juge que des manquements du bailleur caractérisés, manquements correspondant notamment à une violation des 1 (clos et couvert), 2 (étanchéité à l’air) et 4 (revêtements pouvant être nuisibles pour la santé) sont à l’origine de ce préjudice.
Toutefois, ce préjudice n’a pas l’ampleur que lui a reconnu le jugement entrepris. Par ailleurs, il ne résulte pas des éléments de la cause que ce préjudice a été subi depuis l’origine du bail. Ni l’état des lieux d’entrée ni aucune autre pièce ne font apparaître que les causes essentielles de la dégradation de l’habilité du logement à savoir les infiltrations en toiture existaient depuis l’entrée dans les lieux et que l’insalubrité existait dès l’origine , les quelques attestations produites sur ce point par les parties intimées étant particulièrement succinctes, non circonstanciées et rédigées de manière stéréotypée.
Au vu des éléments dont elle dispose, la cour chiffrera le préjudice subi par les époux [I] à la somme de 5000 euros, somme à laquelle sera condamnée la bailleresse par réformation du jugement entrepris étant ici rappelé que la cour n’est pas saisie dans le cadre du présent appel des dispositions concernant le préjudice de santé des enfants.
Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Il n’y a pas lieu pour la cour de statuer sur les dépens de la procédure de première instance et sur les indemnités procédurales réclamées pour cette même procédure, dès lors qu’il a été statué de ce chef par le jugement du 28 septembre 2021.
Au regard de ce qui a été jugé, il convient de condamner le bailleur aux dépens d’appel , sans qu’il y ait lieu toutefois de faire application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 non plus que des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réformant partiellement le jugement entrepris et émendant sur le quantum des dommages et intérêts accordés aux époux [I] pour préjudice de jouissance,
Condamne la société Habitat Logement Immobilier à payer à M. [D] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Condamne la SA Habitat Logement Immobilier aux dépens d’appel, recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle ;
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ni des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
Fabienne DUFOSSÉ
LE PRESIDENT
Véronique DELLELIS