Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/05037 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OIFG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 JUIN 2019
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PERPIGNAN / FRANCE
N° RG 11-17-950
APPELANTE :
Madame [M] [K]
née le 29 Juin 1962 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2] / FRANCE
Représentée par Me Justice BUISSON substituant Me Valéry-Pierre BREUIL de la SCP MARTY – BENEDETTI-BALMIGERE – BREUIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
INTIMES :
Monsieur [Z] [T]
né le 12 Décembre 1974 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représenté par Me Jacques-Henri AUCHE substituant Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/012611 du 04/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
Monsieur [S] [F]
exerçant à l’enseigne ABC controle technique
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Wilfrid André VILLALONGUE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 AVRIL 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, prévu le 1er juin, délibéré prorogé aux 15 juin 2022, 29 juin 2022, 06 juillet 2022 et 14 septembre 2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
**
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 26 mai 2015, Madame [K] a fait l’acquisition auprès de Monsieur [T], moyennant la somme de 5.000 €, d’un véhicule de marque Audi mis en circulation pour la première fois le 28 avril 1999 et affichant 162.300 kilomètres au compteur.
Quelques mois après, soit en décembre 2015, la nouvelle propriétaire du véhicule a été confrontée à des problèmes de moteur.
Madame [K] a alors saisi le tribunal de grande instance de Perpignan en référé le 26 mai 2015 aux fins d’expertise judiciaire du véhicule. Désigné en qualité d’expert par ordonnance du 3 août 2016, Monsieur [L] a établi son rapport le 9 décembre 2016.
C’est sur cette base que, par acte d’huissier en date du 23 mai 2017, Madame [K] a ensuite fait assigner Monsieur [T] devant le tribunal d’instance de Perpignan en résolution de la vente du véhicule pour vices cachés.
Par acte d’huissier en date du 31 juillet 2018, Monsieur [T] a mis en cause Monsieur [S] [F], artisan garagiste qui avait réalisé le contrôle technique du véhicule le 18 mars 2015, auquel il a demandé sa garantie.
Vu le jugement contradictoire du 28 juin 2019 par lequel le tribunal a :
– débouté Madame [K] de l’intégralité de ses demandes,
– mis hors de cause Monsieur [F],
– dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté toutes les parties de toutes leurs autres demandes,
– mis les dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire ordonnée par ordonnance du tribunal de grande instance de Perpignan à la charge de Madame [K] et dit qu’ils seront recouvrés comme il est dit en matière d’aide juridictionnelle.
Vu la déclaration d’appel de Madame [K] en date du 17 juillet 2019,
Vu ses dernières conclusions en date du 15 janvier 2020, aux fins de voir réformer la décision entreprise et – en substance – :
– faire droit à son action rédhibitoire pour vices cachés et prononcer la résolution de la vente du véhicule avec toutes conséquences de droit,
– dire que Monsieur [T] sera tenu de récupérer le véhicule à ses frais lorsque toutes les causes de la décision auront été réglées après l’arrêt à intervenir,
– condamner ce dernier à lui payer les sommes suivantes :
5.000 € en restitution du prix du véhicule,
2.000 € pour frais de réparations inutiles,
1.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires,
2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner également aux entiers dépens de l’instance et d’appel, en ce compris les frais et honoraires de l’expert judiciaire, et le débouter de sa propre demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– statuer ce que de droit sur les demandes articulées par Monsieur [T] à l’encontre de Monsieur [F] exerçant à l’enseigne ABC contrôle technique,
Vu les dernières conclusions, en date du 21 novembre 2019 par lesquelles Monsieur [T] demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter Madame [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions, et à titre subsidiaire, pour l’essentiel de :
– constater sa bonne foi et son ignorance des vices invoqués,
– dire qu’il ne sera tenu que de la restitution du prix de vente à l’exclusion des frais de réparation et des dommages et intérêts complémentaires,
– dire engagée la responsabilité de Monsieur [F] et dire que ce dernier devra le relever et le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre à l’égard de Madame [K],
– débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
En toute hypothèse,
– débouter les adversaires de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraire,
– condamner tout succombant à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Auché Hédou qui affirme y avoir pourvu, par application de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions transmises le 7 janvier 2022 pour Monsieur [F], qui demande pour sa part à la cour de :
– à titre principal, de confirmer la décision de première instance, débouter Madame [K] et le mettre hors de cause,
– à titre subsidiaire, débouter Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes après avoir constaté que le rapport d’expertise judiciaire ne lui est pas opposable et que sa responsabilité n’est pas engagée,
– en tout état de cause, condamner Monsieur [T] à lui payer 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 mars 2022,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu’aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS
Sur l’existence de vices cachés
Pour débouter Madame [K], le tribunal d’instance a tout d’abord rappelé la règle selon laquelle le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus, puis il a constaté que :
– le prix du véhicule en cause, était supérieur à 40.000 € à l’état neuf, soit plus de huit fois le prix de la vente litigieuse,
– Madame [K] avait utilisé le véhicule quotidiennement pendant plus de six mois, y compris jusqu’au jour des opérations d’expertise en octobre 2016, à raison d’une moyenne de 30 kilomètres par semaine au vu du relevé du compteur qui affichait alors 170.211 km,
– elle avait indiqué à l’expert qu’elle rencontrait des difficultés, sans autre précision à ce sujet,
– l’expert a noté que le véhicule présentait de graves désordres principalement au niveau de la lubrification mais le rapport était peu précis quant à la nature de ces désordres et n’expliquait pas en quoi ils rendent le véhicule impropre à sa destination, alors par ailleurs qu’il était noté que des travaux – incomplets – avaient été réalisés par Top Garage à la diligence de Madame [K] bien après l’acquisition du véhicule litigieux,
– si l’expert a également noté que le circuit d’airbag était inopérant rendant le véhicule impropre à sa destination en terme de sécurité, cette affirmation était bien péremptoire en l’état d’un véhicule qui datait de 1999, époque à laquelle les airbags n’étaient guère répandus dans l’équipement des véhicules automobiles,
– cet équipement n’est toujours pas rendu obligatoire par la réglementation et que
l’on ne pouvait donc affirmer que le véhicule était impropre à la circulation et à un usage normal du fait qu’il était dépourvu d’un système d’airbag opérant, sauf à démontrer ce qui n’était nullement fait en l’espèce que le système d’airbag pouvait se déclencher de manière intempestive et provoquer un danger pour les usagers du
véhicule,
– si l’expert a noté également que le ‘système d’échappement a(vait) été modifié au niveau du catalyseur rendant le véhicule (impropre) à sa destination en raison de son taux de pollution » (sic), il n’avait procédé à aucune mesure du taux de produits polluants dans les gaz d’échappement,
– l’expert a également noté que le système des amortisseurs avait été modifié et n’explique pas en quoi cette modification rendait le véhicule impropre à sa destination et à l’usage auquel on peut raisonnablement le destiner,
– la modification des amortisseurs (remplacés par des combinés filetés permettant la modification des hauteurs de caisse et leur dureté) – si tant est qu’elle avait entraîné un vice – n’avait pu entraîner qu’un vice apparent et non caché,
– de même s’il a noté que le système de freinage avait été modifié puisque des freins ventilés percés avaient été installés à la place des disques d’origine qui étaient seulement ventilés, l’expert n’expliquait pas en quoi la présence de disques ventilés percés pouvaient rendre le véhicule impropre à l’usage auquel on le destinait,
– pour ce qui concernait les traces de pinces, signes d’accident important, l’expert a noté que cela ne nuisait en aucun cas à l’utilisation du véhicule,
– l’expert a noté du reste que le véhicule démarrait parfaitement et ne présentait pas de bruit suspect,
– il n’était donc pas établi que les vices sus-décrits affectant le véhicule litigieux étaient de nature à le rendre impropre à l’usage auquel on pouvait raisonnablement le destiner,
– enfin, certains de ses vices étaient apparents et découlaient de manière logique et évidente de l’âge du véhicule et de son kilométrage au moment de la vente.
Au soutien de son appel, Madame [K] fait valoir que le premier juge a apprécié de manière inexacte les éléments factuels et juridiques du dossier, et soutient en substance que
– le 1er rapport d’expertise amiable de Monsieur [R] (sa pièce n°1) avait mis en exergue que le véhicule avait subi un choc en soubassement affectant le berceau moteur, au niveau de la fixation du support moteur supérieur droit, de nature à remettre en cause la structure de la voiture elle-même, que les dommages au bloc moteur étaient insuffisamment réparés, insistant sur le fait que le véhicule avait également fait l’objet de divers chocs en sous-bassement au niveau des bas de caisse droit et gauche, de la carrosserie outre diverses modifications au niveau de l’échappement, estimant les réparations à une somme importante (l0.653,01 € TTC) par rapport de la valeur du véhicule, à dire d’expert, de 5.000 € TTC,
– le rapport d’expertise judiciaire, au contradictoire de Monsieur [T] était tout aussi clair puisque Monsieur [L] y relevait que le véhicule présentait de graves désordres principalement au niveau lubrification, les désordres constatés lors de l’accédit étaient en tous points antérieurs à la transaction, que la quasi-totalité de ces désordres reposait sur un véhicule au passé douteux assorti à un entretien chaotique à la façon des véhicules ‘tuning’, leur localisation faisait que seule une personne avertie sans avoir le niveau technique d’un professionnel, pouvait les déceler, et que ces désordres affectaient le comportement routier du conducteur et surtout la sécurité des occupants,
– il s’agissait ainsi d’un véhicule ayant subi de nombreux choc et ‘trafiqué’, afin de cacher les désordres existants aux yeux d’un acquéreur profane.
L’appelante conteste par ailleurs avoir conduit le véhicule objet du litige pendant plus de six mois comme indiqué par le premier juge, affirmant ne l’avoir utilisée que pendant un mois, souligne que ce véhicule aurait dû être doté d’un airbag ayant été mis en circulation en 1999 et non en 1990 comme indiqué dans le jugement dont appel et se réfère à la modification des amortisseurs ainsi que du système de freinage pour affirmer que les deux rapports font état de vices cachés présents lors de la transaction avec Monsieur [T].
Sur l’absence de dispositif d’airbag, la cour observe qu’en dépit de l’erreur de date, le jugement indique que cet équipement n’est toujours pas rendu obligatoire par la réglementation et que Madame [K] ne le conteste pas.
Sur l’utilisation du véhicule, il ressort du rapport amiable établi le 3 mars 2016 qu’il affichait 164.223 kilomètres au compteur, ce dont il s’infère que Madame [K] avait l’utiliser sur 1.923 kilomètres, tandis que ce rapport ne précise pas que le véhicule n’était plus roulant – pas plus que le rapport d’expertise judiciaire qui précise au contraire qu’au 21 octobre 2016 ‘il est roulant, Madame [K] a(ayant) déclaré l’utiliser quotidiennement avec certes des difficultés’, avec 170.211 kilomètres (soit une conduite sur près de 8.000 km en un an et demi).
Par ailleurs, et comme l’objecte à juste titre Monsieur [T], le rapport d’expertise amiable auquel l’appelante se réfère en premier lieu se contente d’indiquer que ‘Le véhicule a subi an choc en soubassement affectant le berceau moteur et le bloc moteur an niveau de la fixation du support moteur supérieur droit ; Les dommages au berceau ne modifient pas la géométrie du véhicule selon le contrôle du 13 novembre 2015 effectué par Madame [K] ; Les dommages au bloc moteur sont insuffisamment réparés puisqu’il subsiste une fuite sur le circuit de lubrification ; Le véhicule a également fait l’objet de divers chocs en soubassement (bas de caisse droite et gauche) et sur la carrosserie (choc visible sur l’aile avant gauche, choc arrière gauche visible depuis l’intérieur du coffre) ; Le véhicule a également fait l’objet de modifications en particulier an niveau du système d’échappement’.
Mais il ne précise en aucune manière en quoi ces constatations constitueraient des vices rendant le véhicule impropre à sa destination, et n’établit pas davantage que ces prétendus vices seraient cachés.
L’intimé oppose également à juste titre que le véhicule a fait l’objet d’un contrôle technique le 26 février 2015 qui a décelé quelques anomalies mais – qu’en dépit d’une ancienneté de 16 ans – le véhicule n’avait plus aucun défaut ou anomalie lorsqu’il a passé la contre-visite du 18 mars 2015 alors que le contrôle technique porte notamment sur le système de freinage, la pollution, la suspension et les essieux et certains équipements de sécurité.
Or si l’expert judiciaire a noté une modification au niveau des amortisseurs, rien ne vient démontrer qu’elle rendait le véhicule impropre à sa destination, de même que la modification du système de freinage observée par l’expert judiciaire, dont la cour constate à l’instar du premier juge qu’il n’est pas mentionné qu’il s’agissait d’un vice caché ou que l’installation de freins ‘ventilés percés’ rendait le véhicule impropre à sa destination.
Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris mérite confirmation que ce soit sur le rejet des prétentions de Madame [K] ou sur toutes les autres demandes qui ne sont qu’accessoires ou subséquentes, notamment les demandes formulées par Monsieur [T] à l’encontre de Monsieur [F], artisan ayant effectué le contrôle technique du véhicule
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, Madame [K] supportera les dépens d’appel.
En revanche, il ne peut être fait droit à la demande d’indemnité présentée par Monsieur [T] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile alors qu’il bénéficie de l’aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente procédure et que son conseil ne propose pas de renoncer à la part contributive de l’Etat conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Au regard de sa situation économique, il n’y a – inversement – pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [F] qu’il a mis en cause à toutes fins utiles.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [Z] [T] et de Monsieur [S] [F] ;
Condamne Madame [M] [K] aux dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Auché-Hédou qui affirme y avoir pourvu, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT