Droits des Artisans : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 17/05906

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Droits des Artisans : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 17/05906

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 06 OCTOBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 17/05906 – N° Portalis DBVK-V-B7B-NMMI

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 OCTOBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 14/00270

APPELANT :

Monsieur [C] [L] [O]

né le 04 Juillet 1980 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [A] [Y] [W]

né le 01 Juillet 1955 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 2]

et

Madame [R] [M] [P] épouse [W]

née le 09 Mars 1968 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentés par Me Yves FERES de la SELARL FERES & ASSOCIES, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué par Me Anne CROS avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [N] [S]

[Adresse 5]

[Adresse 4] (PAYS BAS)

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Serge MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 07 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 JUIN 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 20 avril 2022.

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

– contradictoire,

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [W] et Mme [R] [P] épouse [W] sont propriétaires d’un château sis lieu-dit [Localité 6].

Après établissement d’un devis n°2009111 rédigé en anglais, non daté et non signé, M. et Mme [W] ont confié à M. [N] [S] exerçant sous le nom commercial « Le Voisin Service Maison » des travaux d’étanchéité et de pose de carrelage sur une terrasse de 50 m² au prix de 2 690,25 euros TTC.

Les travaux d’étanchéité ont été réalisés en octobre 2010 et le carrelage a été posé en mai 2011.

M. [U] [O] serait intervenu sur le chantier avec M. [S] selon des modalités qui sont discutées entre les parties.

M. et Mme [W] se sont rapidement plaints de désordres affectant le carrelage et d’infiltrations d’eau dans la pièce située au-dessous de la terrasse.

Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne du 24 mai 2012, M. et Mme [W] ont obtenu la désignation de M. [T] [F] avec pour mission de réaliser une expertise des désordres.

Ces opérations d’expertise ont été déclarées communes et opposables à M. [U] [O] par ordonnance du 31 octobre 2012.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 8 août 2013.

Par actes d’huissier signifiés le 5 février 2014, M. et Mme [W] ont fait assigner M. [S] et M. [O] devant le tribunal de grande instance de Carcassonne aux fins de les voir solidairement condamner à leur payer :

‘ 36 758,20 euros indexée sur l’indice BT de la construction à compter du dépôt du rapport au titre de leur préjudice matériel ;

‘ 8 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

‘ 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

‘ 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :

‘ jugé que M. [O] était intervenu sur le chantier de M. et Mme [W] en qualité de sous-traitant de M. [S] ;

‘ jugé que M. [S] et M. [O] entièrement responsables des désordres affectant la terrasse de M. et Mme [W] et des dommages en découlant ;

‘ condamné in solidum M. [S] et M. [O] à payer à M. et Mme [W] les sommes de :

– 20 330,20 euros TTC au titre des travaux de reprise, avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction en vigueur à la date du jugement par référence à celui en vigueur à la date du dépôt du rapport d’expertise ;

– 5 063,64 euros en réparation du préjudice matériel ;

– 8 000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

‘ débouté M. et Mme [W] du surplus de leurs demandes ;

‘ débouté M. [S] et M. [O] de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles ;

‘ condamné in solidum M. [S] et M. [O] à payer à M. et Mme [W] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ prononcé l’exécution provisoire du jugement ;

‘ condamné in solidum M. [S] et M. [O] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire et autorisé la distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 14 novembre 2017, M. [O] a relevé appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de M. [O] remises au greffe le 19 juin 2018 ;

Vu les dernières conclusions de M. [S] remises au greffe le 28 juin 2018 ;

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [W] remises au greffe le 30 juillet 2018 ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur le contrat liant M. et Mme [W] à M. [S],

La formation du contrat d’entreprise n’exige aucune forme particulière, il peut être verbal ou écrit. Le contrat demeure valable même si le prix n’a pas été fixé lors de l’accord des parties. Ce prix peut être fixé par le juge en fonction des éléments dont il dispose.

Lorsque les deux parties n’ont pas la qualité de commerçant, la preuve du contrat d’entreprise doit être apportée conformément aux articles 1341 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

En l’espèce, M. et Mme [W] fondent l’intégralité de leurs demandes sur le devis n°2009111 rédigé en anglais par M. [S] décrivant des travaux à réaliser sur une terrasse de 50 m² au prix de 2 690,25 euros TTC : dépose de l’ancien revêtement, mise en place d’un produit étanche et pose des nouveaux carreaux fournis par le client.

Ce document précisait que M. [S] ne fournissait pas le carrelage qui a été acheté directement par M. et Mme [W] le 2 décembre 2010 auprès du fournisseur Mosaic Del Sur au prix de 5 063,64 euros TTC

M. et Mme [W] et M. [S] s’accordent sur le fait qu’ils ont conclu un contrat d’entreprise portant sur les prestations figurant au devis précité et au prix mentionné.

Sur l’intervention de M. [O],

Aux termes de l’article 1315 ancien du code civil, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

M. et Mme [W] soutiennent que M. [O] est intervenu sur le chantier en qualité de sous-traitant, ce que ce dernier conteste fermement.

Il convient en premier lieu de relever que le simple fait que M. [O] soit immatriculé comme artisan au RCS ne suffit pas à démontrer qu’il est intervenu en qualité de sous-traitant de M. [S]. De même, la seule apparition ponctuelle et photographiée de M. [O] sur le chantier ne constitue pas une preuve suffisante de l’objet précis de son intervention. Enfin, la participation active de M. [O] à l’expertise judiciaire ne saurait constituer un aveu de sa part quant à l’existence d’un contrat de sous-traitance.

M. et Mme [W] n’apportent aucune preuve d’un contrat d’entreprise conclu entre M. [S] et M. [O].

M. [S] s’associe à la demandes des maîtres d’ouvrage mais n’apporte pas davantage la preuve de l’existence d’un contrat de sous-traitance : il a reconnu une collaboration de M. [O] « de manière non officielle ».

Il ne ressort en outre des écritures des parties et des opérations d’expertise aucun élément factuel établissant que M. [O] serait intervenu de façon autonome sur le chantier. Les multiples allégations en ce sens figurant dans les écritures de M. et Mme [W] ne sont étayées par aucun élément de preuve factuel.

Il ressort au contraire des éléments versés au dossier que M. [O] est intervenu sans matériel personnel et constamment sous les ordres directs de M. [S] dans le cadre d’une activité salariée dissimulée.

M. et Mme [W] et M. [S] ne sont donc pas fondés à se retourner contre M. [O] sur le fondement d’un contrat de sous-traitance dont l’existence n’est pas démontrée. Leurs demandes de ce chef seront en conséquence intégralement rejetées.

Le jugement déféré sera donc infirmé en qu’il a condamné M. [O] solidairement avec M. [S]. M. [O] sera mis hors de cause.

Sur les demandes formées par M. et Mme [W],

M. et Mme [W] soutiennent que M. [S] doit être déclaré responsable des désordres et condamné à indemniser le préjudice subi sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil.

L’expert judiciaire a constaté que les prestations proposées par M. [S] ne respectaient pas les règles de l’art et le DTU applicable. En particulier, M. [S] a omis de réaliser l’étanchéité nécessaire sur la terrasse avant de poser le carrelage.

M. [S] n’aurait pas dû déposer les anciens carreaux sans s’assurer que la totalité du nouveau carrelage nécessaire avait été livré.

L’ouvrage présente de nombreux défauts de conception et d’exécution :

‘ étanchéité non conforme au DTU applicable ;

‘ absence de couche drainante ;

‘ absence de forme de pente sur la surface ;

‘ absence de remontées d’étanchéité sur les murs et sous les menuiseries ;

‘ décollement de nombreux carreaux (environ 30%) ;

Par ailleurs, le plafond et certains murs des pièces situées en-dessous de la terrasse présentent des infiltrations d’eau et des traces d’humidité.

Il a également omis de faire les joints, de réaliser les remontées d’étanchéité et ne s’est pas assuré de la parfaite étanchéité sur les endroits non carrelés.

M. [S] n’apporte pas la preuve de fautes commises par les maîtres d’ouvrage susceptible de justifier un partage de responsabilité. En effet, M. et Mme [W] n’ont aucune compétence en matière de construction et étaient donc fondés à se reposer sur la compétence de M. [S] concernant le stock de carreaux disponible ainsi que pour le suivi et la protection du chantier contre les infiltrations.

L’expert judiciaire a évalué le coût des travaux de réfection nécessaires comprenant dépose de tous les carrelages, enlèvement du film d’étanchéité, réalisation d’une étanchéité conforme et nouvelle pose de carrelage :

‘ réfection totale de la terrasse avec carrelage : 12 786,70 euros TTC (TVA 7%) ;

‘ remise en état du plafond au-dessous de la terrasse : 7 543,50 euros TTC (TVA 7%) ;

Soit un montant total de travaux de 20 330,20 euros TTC, somme qui devra être indexée sur l’indice BT01

En cas de changement du taux de TVA applicable entre la date de l’expertise judiciaire (taux de 7%) et la date du paiement effectif de la somme de 20 330,20 euros TTC, il conviendra de réajuster ce montant exprimé TTC en fonction du taux de TVA applicable à la date du paiement effectif de cette somme.

Il conviendra d’ajouter à ce montant de travaux une somme représentant le remboursement du carrelage payé par les maîtres d’ouvrage et définitivement perdu à hauteur de 5 063,64 euros TTC.

Le premier juge a exactement apprécié le montant du préjudice de jouissance subi à hauteur de 8 000 euros.

La demande de dommages-intérêts concernant un préjudice moral spécifique et distinct du préjudice de jouissance sera rejetée à défaut d’être justifiée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ayant condamné M. [S].

Sur les autres demandes,

L’exercice d’une action en justice est un droit pour chacun qui ne dégénère en abus qu’en présence d’une faute caractérisée.

En l’espèce, M. [O] n’apporte pas la preuve d’une telle faute à l’encontre de M. et Mme [W], de sorte que sa demande formée de ce chef sera rejetée, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.

Le jugement déféré sera également confirmé en toutes ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais non compris dans les dépens, sauf à préciser que seul M. [S] doit être condamné de ces chefs.

Les dépens d’appel seront mis à la charge in solidum de M. [S] et de M. et Mme [W] qui succombent en appel contre M. [O], avec répartition définitive à hauteur de moitié chacun.

M. et Mme [W] devront verser une indemnité de 2 000 euros à M. [O] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile étant précisé que M. [O] ne forme aucune demande de ce chef contre M. [S].

Les autres demandes accessoires seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant :

‘ jugé que M. [O] était intervenu sur le chantier de M. et Mme [W] en qualité de sous-traitant de M. [S] ;

‘ jugé M. [O] responsable des désordres affectant la terrasse ;

‘ condamné M. [O] à verser à M. et Mme [W] les sommes de 20 330,50 euros TTC, 5 063,64 euros TTC, 8 000 euros et 2 500 euros et à supporter les dépens ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Met hors de cause M. [O] ;

Déboute M. et Mme [W] de toutes leurs demandes principales et accessoires formées contre M. [O] ;

Y ajoutant,

Dit que le montant de 20 330,20 euros mis à la charge de M. [S], exprimé TTC en tenant compte d’un taux de TVA de 7% devra être recalculé le cas échéant en tenant compte du taux de TVA applicable à la date du paiement effectif de cette somme ;

Dit que les dépens d’appel seront supportés in solidum par M. [S] d’une part et par M. et Mme [W] d’autre part, avec répartition définitive à hauteur de moitié à la charge de chacun avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [W] à payer une indemnité de 2 000 euros à M. [O] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,

 


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