N° de minute : 242/2022
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 6 octobre 2022
Chambre civile
Numéro R.G. : N° RG 20/00362 – N° Portalis DBWF-V-B7E-RLR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :19/1110)
Saisine de la cour : 28 septembre 2020
APPELANTS
M. [Y] [V] [F]
né le 29 mars 1959 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Fabien CHAMBARLHAC de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
Mme [C] [L] [F]
née le 17 septembre 1938 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.A.R.L. SOCIETE PEANUTS, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Stéphane LENTIGNAC de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH,,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
Selon acte notarié reçu le 26 mars 2002, M. [K] [L] [F] et Mme [U] [O] [P], son épouse, ont donné en location à la société Peanuts un local commercial formant le lot n° 8 d’un immeuble collectif situé [Adresse 1], pour une durée de neuf ans à compter du 1er décembre 2001 et destiné à l’exploitation d’un commerce de snack, restaurant, plats à emporter.
Selon acte sous seing privé en date du 10 juillet 2002, M. [K] [F] et Mme [U] [P], son épouse, ont donné en location à M. [G] un local commercial formant le lot n° 7 du même immeuble, pour une durée de neuf ans à compter du 10 juillet 2002 et destiné à l’exploitation d’un commerce de boucherie-charcuterie, comestibles en détail.
Le 28 novembre 2002, M. [G] a été autorisé à exploiter une activité de poissonnerie gros demi-gros, traiteur plats à emporter.
Par acte notarié du 26 décembre 2002, M. [K] [L] [F] et Mme [U] [O] [P] ont vendu à Mme [C] [L] [F] les lots de copropriété n° 7 et 8.
Par acte notarié du 15 juin 2007, Mme [C] [L] [F] a fait donation de la nue-propriété de ces lots à M. [Y] [V] [F].
M. [G] a cédé son fonds de commerce à la société Les reflets de l’océan qui, elle-même l’a cédé à la société Ulysse fried chicken.
Par exploit du 10 octobre 2010, la société Peanuts a fait signifier à Mme [F] une demande de renouvellement de bail commercial.
Par acte notarié en date du 23 juin 2011, les consorts [F] ont donné en location à la société Ulysse fried chicken le local commercial formant le lot n° 7, pour une durée de neuf ans à compter du 10 juillet 2011, pour y exploiter un commerce de snack, restauration sur place et à emporter.
Par acte du 23 novembre 2015, la société Peanuts, en sa qualité d’associé unique de la société Ulysse fried chicken, a procédé à l’absorption de cette dernière.
Selon « commandement à locataire » en date du 27 mai 2016, la société Peanuts a été sommée de régler un arriéré locatif de 765.818 FCFP au titre du bail du 23 juin 2011, de condamner les ouvertures pratiquées dans le mur séparatif et de mettre un terrme à la réunion irrégulière avec le local contigu.
Selon « commandement à locataire » en date du 27 mai 2016, la société Peanuts a été sommée de régler un arriéré locatif de 1.435.242 FCFP au titre du bail du 26 mars 2002, de condamner les ouvertures pratiquées dans le mur séparatif et de mettre un terrme à la réunion irrégulière avec le local contigu.
Selon ordonnance du 7 décembre 2016, le juge des référés de Nouméa, observant que la locataire ne justifiait pas de l’existence d’un passe-plat et d’une double porte-battante avant son entrée dans les lieux et que les loyers d’avril et mai 2016 avaient été versés après l’expiration du délai d’un mois, a :
– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande en paiement,
– constaté la résiliation des baux consentis le « 26 mars 2002 et le 23 juin 2016 », à compter du 28 juin 2016,
– accordé un délai de grâce de trois mois à compter de la notification de la décision à la société Peanuts pour réaliser les « travaux de réunion des locaux »,
– décidé que, passé ce délai, les occupants devraient quitter les lieux, et qu’il leur appartiendrait de procéder dans ce délai à leur déménagement,
– autorisé, passé ce délai, le propriétaire à faire procéder à l’expulsion de celui-ci, ainsi que de tous occupants du chef de cette dernière partie, par tous moyens de droit, au besoin avec le concours de la force publique,
– dit que pendant le cours des délais accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit seraient suspendus,
– dit que si le locataire se libérait dans le délai et selon les modalités fixés, la clause de résiliation de plein droit serait réputée ne pas avoir joué,
– dit que si le locataire ne respectait pas ses engagements, la clause résolutoire serait acquise et il pourrait être procédé à son expulsion sans autre formalité,
– condamné la société Peanuts à payer aux consorts [F] une indemnité d’occupation de 187.905 FCFP par mois depuis le 28 juin 2016 pour le bail conclu le 26 mars 2002,
– condamné la société Peanuts à payer aux consorts [F] une indemnité d’occupation de 166.727 FCFP par mois depuis le 28 juin 2016 pour le bail conclu le 23 juin 2011,
– condamné la société Peanuts à payer aux consorts [F] la somme de 100.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Peanuts aux dépens.
Par requête introductive d’instance déposée le 10 avril 2019, les consorts [F], sollicitant le bénéfice des clauses résolutoires insérées dans les baux des 26 mars 2002 et 23 juin 2011 au motif qu’il n’avait pas été donné suite aux deux commandements, ont attrait la société Peanuts devant le tribunal de première instance de Nouméa pour obtenir son expulsion et le paiement de l’arriéré locatif.
La société Peanuts a déposé des conclusions le 10 mars 2020.
Selon jugement en date du 7 septembre 2020, la juridiction saisie a :
– écarté des débats les conclusions de la société Peanuts du 10 mars 2020,
– débouté les consorts [F] de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les consorts [F] aux dépens.
Le premier juge a principalement retenu :
– que le tribunal n’était pas en mesure de vérifier les éventuels paiements effectués par le locataire ;
– que les bailleurs n’identifiaient pas les dispositions contractuelles violées par la société Peanuts ;
– qu’il était démontré que la société Peanuts avait muré les ouvertures litigieuses ;
– que la réunion des locaux n’était pas sanctionnable dès lors que la destination contractuelle des locaux n’avait pas été modifiée et qu’il n’était pas argué de travaux sans autorisation du bailleur.
Selon requête déposée le 28 septembre 2020, les consorts [F] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions transmises le 25 novembre 2021, les consorts [F] demandent à la cour de :
– réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
à titre principal,
– constater l’acquisition des clauses résolutoires insérées dans les baux commerciaux du 26 mars 2002 d’une part et du 23 juin 2011 d’autre part ;
– dire et juger ces deux baux résiliés de plein droit à compter du 28 juin 2016, faute pour la société Peanuts de s’être conformée aux causes des commandements à locataire défaillant notifiés le 27 mai 2016 ;
à titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation judiciaire desdits baux à effet du 28 juin 2016 ;
et en toutes hypothèses,
– rejeter les demandes reconventionnelles de la société Peanuts comme nouvelles et sans lien suffisant avec les prétentions principales des appelants ;
– ordonner1’expulsion de la société Peanuts des locaux commerciaux dont s’agit ;
– condamner la société Peanuts à payer aux requérants les sommes de :
1.628.147 FCFP en loyers échus, au titre du bail du 26 mars 2002 tacitement renouvelé le 1er décembre 2010, comptes arrêtés au 28 juin 2016, avec intérêts au taux légal depuis le 28 septembre 2016
932.577 FCFP en loyers échus, au titre du bail du 23 juin 2011, comptes arrêtés au 28 juin 2016, avec intérêts au taux légal depuis le 28 septembre 2016 ;
– condamner la société Peanuts à leur payer, à compter du 1er juillet 2016 et jusqu’à la date effective de restitution des lieux ou de son expulsion, une indemnité d’occupation d’un montant de :
258.632 FCFP par mois pour ce qui concerne les locaux, objet du bail du 26 mars 2002 tacitement renouvelé le 1er décembre 2010
200.000 FCFP par mois en ce qui concerne le bail commercial du 23 juin 2011 ;
– condamner la société Peanuts à leur payer une somme de 1.500.000 FCFP en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, ces derniers comprenant le coût des constats d’huissier, commandements à locataire défaillant, mises en demeure et congé avec refus de renouvellement.
Dans des conclusions transmises le 31 mai 2021, la société Peanuts prie la cour de :
– débouter les consorts [F] de toutes leurs demandes ;
s’agissant des demandes formulées au titre du bail du 23 juin 2011,
– prononcer la nullité de la clause d’indexation du bail commercial en date du 23 juin 2011 ;
– constater que les demandeurs ont renoncé à leur demande formulée du chef du jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement de l’arriéré d’indexation de loyer ;
– débouter les bailleurs de leur demande de constat du jeu de la clause résolutoire pour non-paiement des arriérés d’indexation du loyer ;
– débouter les bailleurs de leur demande de condamnation au titre des arriérés d’indexation de loyer ;
– débouter les bailleurs de leur demande de condamnation au titre de loyers impayés ;
– débouter les bailleurs du surplus de leurs demandes ;
s’agissant des demandes formulées au titre du bail du 26 mars 2002,
– débouter les bailleurs de leur demande de condamnation au titre des arriérés d’indexation de loyer pour la période du mois de septembre 2011 à juin 2016 ;
– débouter les bailleurs de leur demande de constat du jeu de la clause résolutoire pour non-paiement des arriérés d’indexation du loyer ;
– débouter les bailleurs de leur demande de condamnation au titre de loyers impayés ;
– debouter les bailleurs de leur demande de constat du jeu de la clause résolutoire pour le surplus des motifs invoqués ;
– débouter les bailleurs du surplus de leurs demandes ;
à titre reconventionnel,
– condamner les bailleurs à réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires de remise en état du local commercial au droit du conduit d’extraction (mise en étanchéité, retrait de la cale-marteau, fixation du luminaire non réinstallé) pour mettre fin à ces désordres subis par le locataire, et ce sous astreinte de 50.000 FCFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– condamner solidairement les consorts [F] à payer à la société Peanuts la somme de 2.781.555 FCFP au titre des travaux d’étanchéité réalisés à ses frais avancés ;
en tout état de cause,
– condamner les consorts [F] au paiement de la somme de 500.000 FCFP sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2022.
Sur ce, la cour,
1) Les parties sont liées par deux baux, le premier daté du 26 mars 2002 et afférent au lot n° 8, le second daté du 23 juin 2011 et afférent au lot n° 7.
2) Les consorts [F], qui ont fait délivrer deux commandements visant la clause résolutoire insérée dans chacun des baux, invoquent l’acquisition de ces clauses résolutoires à la date du 28 juin 2016, en raison d’un défaut de paiement des loyers d’une part, et de l’exécution de travaux sans autorisation d’autre part.
3) Le 27 mai 2016, Me [D], huissier de justice à [Localité 5], a fait commandement à la société Peanuts de payer « une somme de 1.435.242 FCFP au titre de l’indexation contractuelle des loyers sur l’indice BT21 depuis le mois de juillet 2011 et des loyers d’avril et mai 2016 » au titre du bail du 26 mars 2002.
Les consorts [F] produisent un décompte de l’arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2016 et faisant apparaître un solde de 1.435.242 FCFP au 1er mai 2016, après correction des erreurs de frappe qui affectent les loyers de juillet à novembre 2013 (182.332 FCFP au lieu de 183.332 FCFP), qui prend en considération l’indexation suivante :
164.680 FCFP jusqu’au mois de novembre 2011
173.819 FCFP à compter de décembre 2011
182.332 FCFP à compter de décembre 2012
187.023 FCFP à compter de décembre 2013
186.709 FCFP à compter de décembre 2014
187.905 FCFP à compter de décembre 2015.
La locataire retient des montants légèrement différents :
164.680 FCFP jusqu’au mois de novembre 2011
173.818 FCFP à compter de décembre 2011
182.331 FCFP à compter de décembre 2012
187.002 FCFP à compter de décembre 2013
186.689 FCFP à compter de décembre 2014
187.884 FCFP à compter de décembre 2015.
Le loyer, initialement fixé à 126.796 FCFP, a été indexé selon les modalités suivantes :
« REVISION DU LOYER
Afin que le loyer mensuel ci-dessus reste en rapport avec le coût de la vie, les parties conviennent, à titre de condition essentielle et déterminante, de l’indexer sur l’lNDlCE BATIMENT DE NOUVELLE-CALEDONIE BT21 « Tous Travaux Confondus’, établi par l’Institut Territorial de la Statistique et des Etudes Economiques et publié au Joumal Officiel de la Nouvelle-Calédonie, et de lui faire subir une fois par an les mêmes variations d’augmentation ou de diminution.
A cet effet, le réajustement s’effectuera chaque année et pour la première fois à la date anniversaire pour le paiement du premier loyer.
A cette date, le nouveau montant du loyer, applicable pendant toute l’année qui sera à courir, sera calculé en tenant compte du nouvel indice de référence publié à la date anniversaire de celui pris pour base, qui est celui du mois de juin 2001 qui s’élève à 101,28.
En cas de désaccord entre les parties, à l’occasion de la modification d’un terme de loyer, le service de celui-ci n’en sera pas suspendu, ni retardé ; il continuera ponctuellement sur la base de l’échéance précédente, sauf redressement après solution du litige. »
Compte tenu de l’évolution de l’indice BT21, le loyer dû par la société Peanuts s’élevait à :
164.680 FCFP jusqu’au mois de novembre 2011
173.818 FCFP à compter de décembre 2011
182.331 FCFP à compter de décembre 2012
187.010 FCFP à compter de décembre 2013
186.697 FCFP à compter de décembre 2014
187.892 FCFP à compter de décembre 2015.
La société Peanuts ne démontre pas avoir effectué avant le 27 mai 2016 des règlements qui auraient été omis par le décompte précité. En conséquence, les consorts [F] détenaient une créance de 1.434.841 FCFP à la date du 27 mai 2016.
La clause résolutoire prévoit :
« Xll.- Clause résolutoire
Art. 1. – A défaut de paiement à son échéance exacte d’un seul terme de loyer ou de tout rappel de loyer consécutif à une augmentation de celui-ci, comme à défaut de remboursement de frais, taxes, imposition, charges, ou prestations qui en constituent l’accessoire, ou enfin à défaut de l’exécution de l’une ou l’autre des clauses et conditions du présent bail ou de tout règlement de copropriété éventuel qui fait également la convention des parties, ou encore d’inexécution des obligations imposées aux locataires par la loi ou les règlements, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d’exécuter restés sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit.
Art. 2. – Si dans ce cas, le preneur se refusait à quitter les lieux loués, son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef, pourrait avoir lieu sans délai en vertu d’une simple ordonnance de référé rendue par M. le président du tribunal civil de Nouméa, a qui compétence de juridiction est expressément attribuée aux termes des présentes. »
Ainsi, il est expressément prévu que le défaut de paiement d’un rappel consécutif à une augmentation du loyer entre dans le champ d’application de la clause résolutoire. Autrement dit, la société Peanuts est mal venue à prétendre qu’elle ne pourrait « être en droit sanctionnée par la résolution du bail du seul chef du défaut de paiement des arriérés d’indexation ».
Les consorts [F] justifient que selon lettre remise par Me [W] du 17 juillet 2014 à une personne habilitée à prendre l’acte, ils avaient mis en demeure la locataire de régler un arriéré locatif au titre de l’indexation et « d’indexer correctement le loyer au 1er décembre prochain ». En dépit de cette injonction, la société Peanuts a continué à s’acquitter d’un loyer mensuel de 164.680 FCFP. Elle admet que l’arriéré au titre de la seule indexation était de 928.698 FCFP.
Les causes du commandement n’ayant pas été réglées dans le délai imparti, la clause résolutoire a été acquise le 27 juin 2016.
4) Le 27 mai 2016, Me [D], huissier de justice à [Localité 5], a fait commandement à la société Peanuts de payer « une somme de 765.818 FCFP au titre de l’indexation contractuelle des loyers sur l’indice BT21 depuis le mois d’août 2012 et des loyers d’avril et mai 2016 » au titre du bail du 23 juin 2011.
Les consorts [F] produisent un décompte de l’arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2016 et faisant apparaître un solde de 765.850 FCFP au 1er mai 2016, qui prend en considération l’indexation du loyer selon les modalités suivantes :
162.366 FCFP jusqu’au mois de juillet 2013
166.925 FCFP à compter d’août 2013
166.859 FCFP à compter d’août 2014
166.727 FCFP à compter d’août 2015.
La société Peanuts argue de la nullité de l’indexation mise en oeuvre par ses adversaires.
La clause d’indexation insérée dans le bail contient notamment les dispositions suivantes :
« Clause d’indexation annuelle du loyer
Art. 1. – Le loyer ci-dessus stipulé sera exigible sans variation du dix juillet deux mil onze (10 juillet 2011), date d’effet du présent bail, au neuf juillet deux mil douze (9 juillet 2012).
A compter du dix juillet deux mil douze (10 juillet 2012), et pour chacune des années suivantes à cette même date du dix juillet, le loyer variera automatiquement sans que le bailleur ou le preneur ait à formuler de demande particulière à cette fin.
Cette variation sera proportionnelle à celle de l’lNDlCE BATIMENT DE NOUVELLE CALEDONIE – BT 21 « tous travaux confondus », établi par l’lnstitut Territorial de la Statistique et des Etudes Economiques et publié au Journal Officiel de Nouvelle Calédonie (base 100 en décembre 2000).
L’indexation s’effectuera en appliquant au loyer initial le rapport existant entre l’INDlCE BATIMENT DE NOUVELLE CALEDONIE – BT 21 « tous travaux confondus » du mois d’avril 2011, et qui s’élevait a CENT TRENTE NEUF virgule ZERO SEPT (139,07), (dit indice de base), et l’indice du même mois précédent la date d’indexation, (dit indice d’indexation).
Le nouveau loyer sera donc calculé selon la formule :
LN = IL ×IBTT’I’
IBTT’B’
Et dans laquelle :
IL représente le loyer initial ;
LN représente le loyer nouvellement applicable ;
IBTT’B’ représente l’indice de base ;
IBTT’I’ représente I’indice d’indexation.
Le nouveau loyer sera exigible dès la première échéance qui suivra la date d’indexation, sans qu’il soit besoin d’une notification préalable.
Toutefois les parties conviennent expressément que, malgré le jeu de la présente clause d’indexation, le loyer ainsi indexé ne pourra en aucun cas être inférieur au loyer initial ci-dessus stipulé, lequel constitue un loyer plancher.
En cas de désaccord entre les parties, à l’occasion de la modification d’un terme de loyer, le service de celui-ci n’en sera pas suspendu ni retardé ; il continuera ponctuellement sur la base de l’échéance précédente, sauf redressement après solution du litige.’
L’article L 145-15 du code du commerce prévoit que « sont nuls et de nul effet, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54. »
Il n’existe pas dans le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie de dispositions relatives aux clauses d’échelle mobile similaires à celles de l’article L 145-39 qui figure dans le code de commerce applicable dans les départements français.
Les articles L 112-1 à L 112-4 du code monétaire et financier qui régissent les clauses prévoyant des indexations n’ont pas été rendus applicables en Nouvelle-Calédonie.
Enfin, aucun disposition de la délibération n° 094 du 8 août 2000 relative à la révision des loyers des baux d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ne prohibe les clauses d’échelle mobile qui, telle que la clause litigieuse, encadreraient la baisse du loyer indexé.
Dans ces conditions, l’exception de nullité de la « clause d’indexation annuelle du loyer » sera rejetée.
La société Peanuts ne remet pas en cause le calcul des diverses revalorisations retenues par les bailleurs, ni ne démontre avoir effectué des paiements qui auraient été omis.
Aucun élément du dossier ne démontre que les consorts [F] auraient renoncé à se prévaloir d’un défaut de paiement de l’arriéré tenant à l’indexation à l’appui d’une demande de résiliation du bail.
Compte tenu de l’exigibilité du « nouveau loyer (…) dès la première échéance qui suivra la date d’indexation, sans qu’il soit besoin d’une notification préalable », le défaut de paiement du loyer révisé est sanctionné par la clause résolutoire qui a vocation à jouer « en cas de non-exécution par le preneur de l’un quelconque de ses engagements ou en cas de non-paiement à son échéance de l’un quelconque des termes du loyer convenu ».
Il résulte de ce qui précède que l’arriéré locatif s’élevait à 765.850 FCFP lorsque le commandement a été délivré et qu’en l’absence de régularisation dans le délai d’un mois, la clause résolutoire a été acquise le 27 juin 2016.
5) Au jour de l’acquisition des clauses résolutoires, la société Peanuts était redevable de :
– 932.577 FCFP au titre du bail du 23 juin 2011
– 1.622.733 FCFP (1.434.841 + 187.892) au titre du bail du 26 mars 2002.
La société Peanuts sera condamnée à payer ces sommes.
6) Les consorts [F] réclament le paiement d’une indemnité de 258.632 FCFP pour l’occupation du lot n° 8 et d’une indemnité de 200.000 FCFP pour l’occupation du lot n° 7, à compter du 1er juillet 2016.
Le bail du 26 mars 2002 ( XIII – Art.3) prévoit que « l’indemnité d’occupation à la charge du preneur en cas de non délaissement des locaux après résiliation de plein droit ou judiciaire ou expiration du bail sera établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majorée de 50 % ».
Dans ces conditions, les bailleurs pourraient prétendre à une indemnité d’occupation mensuelle de : (186.697 x 5 + 187.892 x 7) x 1,5 / 12 = 281.091 FCFP.
Les consorts [F] limitant leur demande à la somme de 258.632 FCFP, ce montant sera retenu par la cour.
Aucune clause du bail du 23 juin 2011 ne définit pas les modalités de fixation de l’indemnité d’occupation par le preneur, en cas de résiliation du bail.
Les consorts [F] ne démontrant pas que le montant réclamé correspondrait à la valeur locative du lot n° 7, l’indemnité d’occupation sera fixée à 166.727 FCFP, montant du loyer à la date de la résiliation.
7) La demande en remboursement d’une somme de 2.781.555 FCFP représentant le coût de travaux d’étanchéité réalisés par la société Peanuts et celle tendant à la réfection du local au droit du conduit d’évacuation avaient été formulées en première instance dans des conclusions déposées le 10 mars 2020 qui ont été écartées des débats par le premier juge comme étant tardives. Il s’agit donc de prétentions formulées pour la première fois en appel.
Les consorts [F] excipent de leur irrecevabilité.
La demande tendant à l’exécution de travaux de réfection qui ne tend pas à opposer compensation, à faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, est irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile.
En revanche, la demande en remboursement, puisqu’elle permettra, si elle est accueillie, de réduire le montant de la créance locative des consorts [F], doit être déclarée recevable en application de ce même article.
Il résulte du dossier que :
– Dans un rapport daté du 1er février 2013, M. [J], expert commis le 25 juillet 2012 par le juge des référés de Nouméa, sur assignation des sociétés Peanuts et Ulysse fried chicken qui se plaignaient d’un « important trouble causé par des fuites d’eau provenant du plafond », a confirmé que les locaux étaient victimes d’infiltrations « dans la salle de restaurant par le joint entre l’auvent en tôle ondulée et la maçonnerie de la terrasse de l’appartement du dessus » et d’infiltrations « à partir de la couverture de l’ancienne trémie d’escalier par le joint entre la tôle et la maçonnerie », a préconisé la reprise du solin sur l’auvent en façade, la fermeture des joints de l’ancienne trémie d’escalier et le bouchage de l’ouverture dans la protection de la façade ouest au coin de l’ancienne trémie, et évalué les travaux de reprise à 200.000 FCFP.
– Par un arrêt du 29 octobre 2015, cette cour, constatant la persistance du problème d’étanchéité depuis l’expertise judiciaire, en l’absence de travaux de reprise réalisés par les bailleurs, a fait injonction aux bailleurs de « réaliser des travaux d’étanchéité du plafond des locaux donnés à bail » dans les quinze de la signification de l’arrêt, sous astreinte.
– La société Peanuts a confié à M. [A], artisan exploitant sous l’enseigne « Menuiserie du lagon », la réfection de la toiture et des murs et plafonds endommagés par les infiltrations.
Il résulte de ce qui précède que l’inertie des bailleurs ont contraint la société Peanuts à réaliser des travaux qui leur incombaient. Ayant par leur négligence contribué à l’aggravation des dommages, ils rembourseront le coût de l’intégralité des travaux réalisés par M. [A], soit la somme de 2.781.555 FCFP.
Par ces motifs :
La cour,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Peanuts à payer aux consorts [F], au titre des loyers échus, les sommes de :
– 932.577 FCFP au titre du bail du 23 juin 2011,
– 1.622.733 FCFP au titre du bail du 26 mars 2002,
outre intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2016, date de l’assignation en référé ;
Constate l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail conclu le 26 mars 2002 à la date du 27 juin 2016 ;
Constate l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail conclu le 23 juin 2011 à la date du 27 juin 2016 ;
Enjoint à la société Peanuts de libérer les lieux, dans le mois de la signification de la présente décision ;
Condamne la société Peanuts à payer, à compter du 1er juillet 2016, aux consorts [F] une indemnité d’occupation de :
– 258.632 FCFP pour le lot n° 8
– 166.727 FCFP pour le lot n° 7 ;
Condamne solidairement Mme [C] [L] [F] et M. [Y] [V] [F] à payer à la société Peanuts la somme de 2.781.555 FCFP ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Peanuts aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier,Le président.