Droits des Artisans : 13 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01394

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Droits des Artisans : 13 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01394

N° RG 22/01394 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LJ3N

C2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

Me Jordan MICCOLI

la SELAS AGIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE

ARRÊT DU MARDI 13 DECEMBRE 2022

Appel d’un jugement (N° R.G. 21/00057 )

rendu par le Juge de l’exécution de [Localité 8] en date du 11 février 2022 suivant déclaration d’appel du 05 avril 2022 et assignation à jour fixe du 3 mai 2022

APPELANT :

M. [L] [M]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représenté par Me Jordan MICCOLI, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002195 du 10/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIME :

M. [B] [U]

né le [Date naissance 4] 1936 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté et plaidant par Me Alexine GRIFFAULT de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

M. Laurent Desgouis, vice-président placé,

Assistés lors des débats de Burel, greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 novembre 2022 fixée par ordonnance en date du 3 mai 2022 de Mme la première présidente de la cour d’appel de céans Mme Joëlle Blatry, conseiller a été entendue en son rapport

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Puis l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 10 mars 2010, M. [L] [M], artisan exerçant sous l’enseigne SM Froid, a publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] une déclaration d’insaisissabilité de son bien immobilier cadastré sur la commune de [Localité 12] (38) lieudit [Adresse 11], section [Cadastre 9], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

M. [B] [U] est, suivant décision du 6 janvier 2011 du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse, créancier de M. [M] pour la somme globale de 16.554,93€.

Suivant jugement du 28 juin 2011, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaire de M. [M].

Le 19 juin 2012, M. [U] a enregistré puis publié une inscription d’hypothèque judiciaire sur l’immeuble de M. [M] déclaré insaisissable.

Par acte extra-judiciaire du 11 juin 2013, M. [U] a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-immobilière qui a ensuite été publié au service de la publicité foncière de [Localité 8].

Suivant exploit d’huissier du 11 juin 2013, M. [U] a fait citer M. [M] en vente forcée de l’immeuble de [Localité 12].

Par jugement du 18 octobre 2013 rectifié par décision du 6 décembre 2013, le juge de l’exécution a, notamment, ordonné la vente forcée de l’immeuble litigieux.

Par arrêt du 22 avril 2014, la présente cour d’appel a invité les parties à formuler leurs observations sur le moyen soulevé d’office par la cour au titre de l’irrecevabilité de la procédure de saisie-immobilière au visa des articles L .642-18, R .642-22 à R. 642-29, outre R .642-36 à R .642-37-1 du code de commerce.

Par arrêt du 30 juin 2014, la présente cour d’appel, infirmant le jugement déféré, a, notamment, déclaré irrecevable la procédure de saisie immobilière diligentée par M. [U] à l’encontre de M. [M].

Par arrêt du 5 avril 2016, la Cour de cassation, cassant et annulant l’arrêt déféré, a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon.

Par arrêt du 10 janvier 2019, la cour d’appel de Lyon a, notamment :

confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 18 octobre 2013 rectifié par décision du 14 décembre 2013,

constaté que la procédure de saisie immobilière faisant suite au commandement du 14 mars 2013, devenu caduc, ne peut être poursuivie,

ordonné la radiation du commandement aux fins de saisie immobilière.

Selon acte extra-judiciaire du 31 décembre 2020, M. [U] a fait délivrer à M. [M] un nouveau commandement aux fins de saisie-vente de son bien immobilier sis sur la commune de Sermorieux.

Ledit commandement a été publié le 16 février 2021 au service de la publicité foncière de [Localité 8].

Suivant exploit d’huissier du 12 avril 2021, M. [U] a, de nouveau, poursuivi M. [M] en vente forcée de ce bien.

Le cahier des conditions de vente forcée de l’immeuble a été déposé par M. [U] au greffe le 15 avril 2021.

Par jugement d’orientation du 11 février 2022, le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu a, notamment :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée soulevée par M. [U],

déclaré recevable la procédure de saisie immobilière introduite par M. [U],

retenu la créance dont se prévaut le créancier poursuivant à la somme de 40.594,77€ en principal et intérêts outre intérêts postérieurs suivant décompte actualisé au 7 avril 2021,

ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi par adjudication judiciaire sur la mise à prix de 100.000€,

condamné M. [M] à payer à M. [U] une indemnité de procédure de 800€,

dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Par déclaration du 5 avril 2022, M. [M] a relevé appel de cette décision et a été, suivant ordonnance du 3 mai 2022, autorisé à assigner à jour fixe M. [U] pour l’audience du 7 novembre 2022.

L’assignation a été déposée électroniquement au greffe le 23 juin 2022.

Par uniques conclusions du 21 septembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

1) à titre principal, dire que M. [U] n’est pas fondé à diligenter une procédure de saisie immobilière au regard des dispositions de l’article L. 643-11 du code de commerce,

2) subsidiairement, constater que M. [U] ne justifie pas du montant de sa créance et ordonner la prescription des intérêts antérieurs au 31 décembre 2015,

3) en tout état de cause, condamner M. [U] à lui payer une indemnité de procédure de 2.000€.

Il fait valoir que :

sur la recevabilité de l’appel

le délai d’appel du jugement d’orientation est de 15 jours au regard de l’article R. 311-7 du code des procédures civiles d’exécution,

le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle interrompt le délai pour déclarer appel,

le jugement d’orientation a été signifiée le 28 février 2022 faisant courir le délai de 15 jours,

il a formé une demande d’aide juridictionnelle le 24 février 2022 dans le délai d’appel et la décision définitive a été rendue le 14 avril 2022 faisant courir un nouveau délai expirant le 29 avril 2022,

l’appel ayant été interjeté le 5 avril 2022, sa déclaration d’appel est régulière et recevable,

dans la procédure à jour fixe, l’irrégularité de la requête en fixation de la date d’audience présentée plus de 8 jours après la déclaration d’appel ne peut être sanctionnée que par le refus du premier président d’autoriser l’assignation à jour fixe et non par la cour d’appel, à laquelle l’ordonnance de fixation s’impose, sauf rétractation,

le premier président peut, sans recours, au mépris des exigences de l’article 919 alinéa 3, faire droit à une requête présentée au delà du délai de 8 jours de la déclaration d’appel,

ainsi, l’ordonnance du 3 mai 2022 a acquis l’autorité de la chose jugée et il n’appartient pas à la partie adverse de soulever un moyen tirée du défaut du respect du délai de 8 jours pour établir l’irrecevabilité de l’appel,

sur la recevabilité des demandes de M. [U]

au regard de sa mise en liquidation judiciaire et par application de l’article L .643-11 du code de commerce, M. [U] ne se trouve dans aucune des situations d’exception permettant à un créancier de recouvrer l’exercice individuel de son action à l’encontre du débiteur,

les intérêts revendiqués sont calculés sur le principal de la créance depuis l’année 2011 alors que l’action en paiement des intérêts se prescrit par 5 ans,

le commandement de saisie de 2012 a fait partir un nouveau délai de 5 ans et aucune cause interruptive de prescription n’est intervenue entre l’année 2012 et le nouveau commandement délivré le 31 décembre 2020,

dès lors, les intérêts antérieurs au 31 décembre 2015 sont prescrits.

Par uniques conclusions du 1er septembre 2022, M. [U] demande à la cour de :

1) à titre principal, déclarer irrecevable l’appel de M. [M] ,

2) subsidiairement, juger recevable et bien fondée la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,

3) très subsidiairement, confirmer le jugement déféré sauf à actualiser la somme due à 42.342,57€ au 31 août 2022, outre intérêts à compter du 1er septembre 2022,

4) en tout état de cause, condamner M. [M] à lui payer une indemnité de procédure de 2.000€.

Il fait valoir que :

sur l’irrecevabilité de l’appel de M. [M]

le jugement déféré a été signifié à M. [M] le 28 février 2022 et il en a relevé appel le 5 avril 2022, soit hors du délai de 15 jours,

de plus, il a déposé sa requête en assignation à jour fixe hors du délai de 8 jours,

sur l’irrecevabilité de la demande de M. [M] au regard de l’autorité de la chose jugée

la Cour de cassation dans son arrêt du 5 avril 2016 a posé le principe selon lequel le créancier poursuivant, à qui la déclaration d’insaisissabilité est inopposable, peut exercer son droit de poursuite sur le bien par voie de saisie immobilière sans être soumis aux règles de la procédure civile,

la question de savoir si les règles de la procédure collective doivent être appliquées ou pas a été tranchée par la négative dans l’arrêt de la Cour de cassation,

dès lors, M. [M] ne pouvait pas saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L .643-11 du code de commerce,

sur la recevabilité de la procédure de saisie immobilière

la Cour de cassation depuis son arrêt du 5 avril 2016 est venue préciser que le fait que le bien immobilier soit considéré comme hors procédure collective permet aux créanciers d’exercer des poursuites y compris après le prononcé d’une clôture pour insuffisance d’actif,

dès lors, la cour confirmera le premier juge,

sur l’absence de prescription des intérêts

l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance par application de l’article 2242 du code civil,

la première assignation datant du 14 juin 2013 a donné lieu aux jugements des 8 octobre et 6 décembre 2013, puis à l’arrêt du 30 juin 2014, à l’arrêt de la Cour de cassation et à l’arrêt de la cour de renvoi de Lyon,

l’instance s’est donc trouvé éteinte par ce dernier arrêt du 10 janvier 2019,

Il a fait signifier un nouveau commandement de payer le 2 septembre 2020, de sorte qu’il n’encourt aucune prescription.

Le 2 novembre 2022, M. [U] a déposé un incident sur la recevabilité de l’appel de M. [M].

Selon décision de la présidente de la première chambre civile du 3 novembre 2022, l’incident a été joint au fond.

MOTIFS

1/ sur la recevabilité de l’appel de M. [M]

M. [U] soutient que l’appel de M. [M] est irrecevable, d’une part, pour avoir été interjeté hors du délai de 15 jours courant à compter de la signification du jugement d’orientation et, d’autre part, pour non-respect du délai de 8 jours dans le cadre de la procédure à jour fixe visé par l’article 919 alinéa 3 du code de procédure civile courant à compter de la déclaration d’appel.

Le jugement d’orientation a été signifié à M. [M] le 28 février 2022, ce qui a fait courir le délai de 15 jours posé par l’article R .311-7 du code des procédures civiles d’exécution.

M. [M] oppose à M. [U] la suspension du délai d’appel du fait de son dépôt de demande d’aide juridictionnelle.

Au soutien de sa position, M. [M] verse uniquement la décision d’aide juridictionnelle complétive du 14 avril 2022, alors que l’appel a été interjeté le 5 avril 2022.

La cour trouve à son propre dossier une décision d’aide juridictionnelle totale au bénéfice de M. [M] du 10 mars 2022 qui a fait courir un nouveau délai de 15 jours expirant le 25 mars 2022.

Dès lors, l’appel de M. [M] ayant été interjeté, le 5 avril 2022, hors du délai de 15 jours, celui-ci doit être déclaré irrecevable.

Au regard des précédentes considérations, il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité de la requête en assignation à jour fixe au regard du respect du délai de 8 jours visé par l’article 919 alinéa 3 du code de procédure civile

Enfin, du fait de l’irrecevabilité de l’appel et corrélativement d’absence de saisine de la cour, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de l’intimé dont celle tendant à réactualiser le montant de sa créance .

2/ sur les mesures accessoires

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de M. [U].

Enfin, M. [M] supportera les dépens de la procédure d’appel avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable l’appel interjeté par M. [L] [M],

Y ajoutant,

Condamne M. [L] [M] à payer à M. [B] [U] la somme de 2.000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [L] [M] aux dépens de la procédure d’appel avec distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile .

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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