Droits des Artisans : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/03203

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Droits des Artisans : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/03203

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

N° 2022/

GM

Rôle N° RG 20/03203 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFV54

S.A.R.L. TECH POSE

C/

[B] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le : 15/12/22

à :

– Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

– Me Céline CECCANTINI, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 05 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00570.

APPELANTE

S.A.R.L. TECH POSE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [B] [Z], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Céline CECCANTINI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet prenant effet le 01/02/2016, Mme [B] [Z] a été engagée par la société Tech Pose en qualité de responsable service Tech Pose, statut cadre, niveau a, coefficient 85, avec comme affectation le dépôt de [Localité 3].

Sa rémunération s’élevait à 3.800 euros bruts par mois avec la possibilité de percevoir une prime mensuelle variable sur la réalisation d’objectifs,qui devait être versée sous réserve de la réalisation des objectifs déterminés par la direction (le cumul annuel de cette prime mensuelle sur l’année de référence pouvant atteindre10 % du salaire annuel brut).

La société Tech Pose employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.

Par courrier du 19/04/2017, remis en mains propres, l’employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement fixé au 02/05/2017. Il lui a notifié sa mise à pied immédiate a titre conservatoire.

Par courrier recommandé daté du 5 mai 2017, la société Tech Pose a notifié à la salariée son licenciement pour insuffisance professionnelle et inadaptation au poste .

Mme [B] [Z] a saisi le conseil de Prud’hommes de Nice aux fins de voir constater le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement et en condamnation de la société Tech Pose a lui payer diverses sommes.

Par jugement rendu le 06 février 2020, le conseil de prud’hommes de Nice a :

-déclaré les demandes de Mme [B] [Z] recevables et bien fondées ,

-dit et jugé que le licenciement de Mme [B] [Z] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ,

-condamné la société Tech Pose à verser à Mme [B] [Z] les sommes suivantes :

13 300 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 131,36 euros au titre d’accessoires de salaires impayés,

-condamné la société Tech Pose au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

-dit n’y avoir lieu d exécution provisoire ,

-débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes.

La société Tech Pose a interjeté un appel partiel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture est rendue le 6 octobre 2022.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le’19 août 2020 à la partie adverse, la société Tech Pose demande à la cour d’appel de’:

-infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-infirmer la décision en ce qu’elle a condamné la société Tech Pose au titre d’accessoires de salaire impayés,

-infirmer la décision attaquée en ce qu’elle a condamné la société Tech Pose à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

-débouter Mme [Z] de toutes demandes tendant à augmenter les dommages et intérêts qui lui ont été octroyés,

dans l’hypothèse d’un principe de condamnation,

confirmer le montant des dommages et intérêts octroyés à l’intimée,

débouter l’intimée de sa demande au titre de harcèlement moral,

confirmer de ce chef la décision attaquée,

condamner l’intimée à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur sa demande tendant à voir dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l’employeur indique que le conseil de prud’hommes a considéré à tort que le licenciement de Mme [Z] n’était pas fondé dans la mesure où elle n’aurait fait l’objet d’aucune observation ni remarque et dans la mesure où l’employeur aurait manqué à son obligation de formation professionnelle. Or, non seulement la salariée avait été mise en garde de façon verbale à plusieurs reprises, mais, de surcroît, elle avait accepté le poste en toute connaissance de cause.

La lettre de licenciement fait état de deux causes d’insuffisance professionnelle :

– une communication difficile à la fois en interne et en externe ,

– un manque de rigueur à la fois dans les sujets courants, mais également dans les sujets transverses.

La société Tech Pose verse aux débats pas moins de 33 pages de mails qui démontrent entre autres une communication difficile en interne avec les salles, avec la hiérarchie, avec son supérieur hiérarchique direct, avec son gestionnaire, mais également une communication difficile en externe avec les clients et certains poseurs.

Sur sa demande tendant à voir rejeter la demande indemnitaire de l’intimée pour harcèlement moral, l’employeur rétorque que les pièces versées aux débats par la salariée pour tenter de retenir sa thèse ne sont que la démonstration de relations de travail dans toute leur complexité.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2010 à la partie adverse, Mme [B] [Z] demande à la cour d’appel de’:

-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ,

-infirmer le jugement sur le montant alloué au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée en première instance à 13 300 euros,

-fixer le montant alloué du chef de ce préjudice à la somme de 45 600 euros,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement intervenu dans des conditions vexatoires et frustratoires

-condamner la société Tech Pose a lui verser une indemnité qui ne saurait être inférieure a 4 mois de salaire, soit une somme de 15 200 euros,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Tech Pose à lui verser la somme de 5 161,36 euros au titre d’accessoire de salaire impayé,

-condamner la société Tech Pose à lui paye 5161,36 euros au titre d’accessoire de salaire impayé,

-condamner la société Tech Pose à lui régler 4.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société Tech Pose aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Sur sa demande tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse son licenciement, Mme [B] [Z] fait valoir que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige retient comme motifs de rupture l’insuffisance professionnelle et l’inadaptation au poste.Or, pour constituer un motif légitime de rupture du contrat de travail, l’insuffisance professionnelle ou l’inadaptation au poste doivent être prouvées par des faits concrets et vérifiables. L’employeur ne peut envisager cette solution ultime qu’après s’être assuré que tous les moyens ont bien été donnés au salarié pour1’accomplissement de sa mission.

En l’espèce :

– il n’existe aucun élément objectif pouvant justifier une insuffisance professionnelle ou un inadaptation au poste.

– les éléments retenus contre la concluante, au-delà de leur caractère purement fallacieux, sont essentiellement conjoncturels et ne suffisent pas à caractériser une insuffisance professionnelle ou une inadaptation au poste,

– ces éléments retenus contre la concluante ne lui sont pas directement imputables.

Sur sa demande indemnitaire au titre d’un harcèlement moral, la salariée fait valoir qu’elle a rapidement été mise en difficulté sur son poste par certains de ses collègues de travail, au point de la déstabiliser psychologiquement et de lui faire subir des humiliations répétées.

MOTIFS DE LA DECISION’

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail’

1-Sur la demande indemnitaire pour harcèlement moral’

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il y a d’abord lieu d’examiner la matérialité des faits invoqués par l’intimée afin de vérifier s’ils sont matériellement établis.

S’agissant du «’lynchage de l’intéressée’», l’intimée produit aux débats trois attestations précises d’artisans. Un artisan a pu constater qu’à différentes reprises, M [S] a cherché à dénigrer le travail qu’avait effectué l’intimée. Un autre témoin fait état de ce que la salariée a une fois été «’attaquée’» par les vendeurs et l’encadrement concernant «’ sa personne’» et non son travail. Enfin, un artisan indique avoir assisté à une réunion de fin d’année avec les artisans du var et des alpes-maritimes lors de laquelle M. [S] coupait la parole de Mme [B] [Z], la mettait en porte à faux dés qu’elle prenait la parole.

Ces attestations ne permettent pas de retenir le «’lynchage’» de l’intéressée. Ils démontrent en revanche un comportement dénigrant à plusieurs reprise de M. [S] contre Mme [B] [Z] ainsi qu’une hostilité ,une foi, des vendeurs contre la salariée. Ce fait n’est que partiellement matériellement établi.

S’agissant du fait que M. [S] aurait tenté de la rendre responsable de l’agression d’un artisan poseur, les pièces versées aux débats reprennent surtout les accusations de Mme [B] [Z] contre M. [S] mais n’établissent pas matériellement ce fait.

La volonté de mettre en défaut la salariée ne résulte pas des courriels produit aux débats par cette dernière, dans la mesure où ces courriels ont été écrits par cette dernière et ne sont pas corroborés par d’autres pièces objectives. Ce fait n’est pas matériellement établi.

La salariée verse aux débats un certificat médical du 18 avril 2017 d’un médecin généraliste , lequel a pu constater que Mme [B] [Z] se trouvait dans un état de’:«’stress quasi permanent avec difficulté d’endormissement et de concentration.’»

L’échange de courriels entre la salariée et M. [M] [S] les 5 et 6 avril 2017 établit qu’effectivement, Mme [B] [Z] a été confrontée à un changement d’organisation pendant l’une de ses absences. Ce fait matériel est établi.

Dans un courriel du 6 avril 2017, Mme [B] [Z] se plaint auprès de son supérieur hiérarchique de recevoir continuellement des mails agressifs et dénigrant. Ce fait matériel (la plainte de Mme [B] [Z]) est établi.

Mme [B] [Z] verse aux débats un courriel du 29 mars 2017 adressé à son supérieur hiérarchique dans lequel elle prétend être humiliée, dénigrée dans son travail, harcelée moralement et agressée verbalement Ce fait matériel est établi (le courriel adressé au supérieur).

S’agissant du fait que la direction n’aurait pas réagi suite à l’envoi de ce courriel, ce fait matériel n’est pas suffisamment établi.

M.[I] [H] atteste qu’il s’est entretenu avec M. [Y] [D], en avril 2017, lequel lu a dit qu’il voulait se séparer de Mme [B] [Z]. M. [Y] [D] lui a alors demandé d’attendre une «’note’» de la salariée , laquelle s’était plainte auprès de lui d’être harcelée par l’un de ses collègues. Le témoin ajoute que quelques jours plus tard, M. [Y] [D] lui a demandé de se séparer de la salariée sur le champs, malgré son avis défavorable.

Pour autant, cette attestation ne démontre pas sans nul doute possible que le licenciement de la salariée était une mesure de rétorsion suite au harcèlement répété dont elle estimait être l’objet de la part de M. [S]. Ce fait matériel n’est pas établi.

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

En effet, pour l’essentiel, il s’agit de plaintes formulées par Mme [B] [Z] dans ses courriels, ces plaintes n’étant pas suffisamment corroborées par les autres pièces objectives versées aux débats. Si des artisans ont constaté qu’un salarié en particulier, M. [S], cherchait à dénigrer le travail de Mme [B] [Z] et à la déstabiliser lors de certaines réunions, les autres pièces ne permettent pas de savoir si ce comportement de M [S] était fréquent. Un témoin fait état de ce que la salariée a une fois été «’attaquée’» par les vendeurs et l’encadrement concernant «’ sa personne’» et non son travail. Il ne peut en être déduit que cette situation était fréquente. Ces faits matériels témoignent seulement de l’existence d’un mauvais climat relationnel au sein de l’entreprise.

Si la salariée verse aux débats un certificat médical du 18 avril 2017 d’un médecin généraliste , lequel a pu constater qu’elle se trouvait dans un état de’:«’stress quasi permanent avec difficulté d’endormissement et de concentration’», cette pièce médicale ne permet pas, sans nul doute possible, de conclure que cet état était lié au harcèlement moral dénoncé.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [B] [Z] de dommages intérêts pour harcèlement moral.

2-Sur la demande en paiement d’accessoires du salaires’

L’article 6 intitulé’:’«’rémunération’» du contrat de travail de l’intimée stipule qu’en plus de son salaire, Mme [B] [Z] pourra percevoir’: «’une prime mensuelle variable sur la réalisation d’objectifs, qui sera versée sous réserve de la réalisation des objectifs déterminés par la direction (le cumul de cette prime mensuelle sur l’année de référence pouvant atteindre 10 % du salaire annuel brut).’»

Si l’employeur n’a ni précisé les’objectifs’à réaliser ni fixé des conditions de calcul vérifiables de cette rémunération, cette part doit être intégralement versée au salarié.

En l’espèce, la société Tech pose ne démontre aucunement avoir porté à la connaissance de la salariée les objectifs à réaliser pour pouvoir prétendre au versement de la prime mensuelle variable sur objectifs stipulée par le contrat de travail. Bien au contraire, l’appelante reconnaît , dans ses conclusions, n’avoir fixé aucun objectif à Mme [B] [Z], afin de ne pas la pénaliser dans la gestion de son poste parce qu’elle rencontrait des difficultés. La prime sur objectifs est donc intégralement due à l’intimée.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Tech Pose à verser à Mme [B] [Z] la somme de 5 161,36 euros au titre d’accessoire de salaire impayé.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail’

1-Sur la demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse’

L’employeur a notifié à la salariée son licenciement par courrier du 05 mai 2017 pour’: «’insuffisance professionnelle et inadaptation au poste ».

Plus précisément, la lettre de licenciement invoque les griefs suivants’:

-une «’communication difficile’». La lettre indique’:’«’votre incapacité à communiquer et à rassembler est également confirmée par vos échanges inappropriés avec malhabiles avec les différents services.’». Elle mentionne encore’:’«’M.[H] vous a alerté à plusieurs reprises sur ce sujet, il vous avait aussi demandé d’assouplir votre relationnel et mis en avant la nécessaire bonne collaboration que vous deviez entretenir avec vos interlocuteurs, qui déploraient votre mode de communication et une façon d’échanger qui ressemblait d’ailleurs davantage à de l’agression verbale qu’à une réelle volonté de collaborer (…)’».

-‘«’des problèmes de rigueur, de qualité de travail et de tâches non exécutées (enquête satisfaction, contrat de sous-traitance…’» La lettre donne des exemples tels que l’absence de procès-verbaux de pose, des problèmes de paiement des artisans, des avances aux artisans sans factures, des délais de traitement des demandes.Elle mentionne’:’«'(‘) malgré la bienveillance et les échanges fréquents avec M. [H] sur plusieurs mois, il y a une dégradation constante dans vos relations avec vos interlocuteurs et dans votre travail, sans que vous n’ayez à aucun moment semblé être en mesure de corriger ces problèmes et en mesure de maîtriser la situation.’»

Selon l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’article L1235-1 du même code , ajoute :’«’En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l’article L. 1411-1, l’employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d’orientation proposer d’y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.

Le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre.

A défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.’»

L’insuffisance professionnelle’peut justifier un’licenciement’dès lors que l’employeur s’appuie sur des faits précis que le juge peut contrôler.

En l’espèce, les différents courriels produits par la société Tech Pose, au soutien des deux griefs principaux de la lettre de licenciement, témoignent seulement des aléas et difficultés rencontrés par la société et par ses salariés (dont Mme [B] [Z]) dans l’exécution des commandes des clients. Les salariés de la société Tech Pose (dont Mme [B] [Z]) échangent autour de commandes de cuisine concernant parfois des erreurs de pose, de meubles cassés, de défauts de respect des plans, de retards de prise de contacts avec les clients, etc..Toutefois, il n’apparaît pas que la salariée serait exclusivement à l’origine de ces problèmes qui impliquent différents intervenants dont des artisans. L’insuffisance professionnelle de Mme [B] [Z], en particulier son manque de rigueur, est insuffisamment mise en exergue.

De plus, ces échanges d’informations par courriels ne révèlent pas d’agression verbale de la salariée, ni une communication difficile de sa part avec son supérieur hiérarchique direct et avec les clients ou certains poseurs. Au contraire, c’est Mme [B] [Z] qui se plaint, au travers de certains courriels, du ton agressif ou dénigrant employé par des collègues pour s’adresser elle par écrit. Il y a de toutes les façons très peu de courriels de Mme [B] [Z] elle-même, ce qui ne permet pas de s’assurer de la communication difficile de cette dernière.

Le courrier de plainte du 26 mars 2017 d’une cliente, outre qu’il n’est que partiellement lisible, exprime avant tout un mécontentement de cette dernière quant aux prestations de la société Tech Pose concernant la pose de sa cuisine. Il apparaît que certains griefs de cette cliente ne sont pas imputables à la salariée, tandis que la réalité d’autres griefs n’est pas établie sans nul doute possible.

Le compte rendu de la réunion du 23 janvier 2017 (à laquelle participait Mme [B] [Z] ainsi que d’autres salariés de l’employeur) est également seulement partiellement lisible. Ce document indique que la salariée bénéficie d’un nouveau collaborateur qui doit principalement être le «’relais de [B] sur le terrain’» afin d »«’améliorer la réactivité de Tech Pose sur le terrain’» et de «’diminuer les tensions entre les salles et Tech Pose’». Cependant, ce n’est pas parce qu’un collaborateur vient assister la salariée que cela signifie nécessairement que cette dernière ‘présente «’ des problèmes de rigueur, de qualité de travail et de tâches non exécutées’» (comme l’indique la lettre de licenciement).

Ce compte-rendu ne mentionne pas précisément de défaillances de la salariée. Si ce document évoque le fait que la communication entre cette dernière et «’les salles’» doit s’améliorer, rien ne permet d’imputer ces problèmes de communication à la salariée spécialement.

Il n’est pas contesté que jusqu’à l’arrivée de ce collaborateur, Mme [B] [Z] a subi une surcharge de travail suite à la démission d’une assistante administrative pour la seconder. Le recrutement d’un collaborateur pour venir aider Mme [B] [Z] peut donc tout aussi bien témoigner du fait que celle-ci faisait face à une surcharge de travail.

En outre, M. [I] [H], ancien directeur d’achats au sein de la société Tech Pose, atteste qu’il existait des problèmes de communication et de fonctionnement bien avant l’arrivée de Mme [B] [Z]. Il précise qu’il y avait un climat hostile au sein de la société lorsque cette dernière est arrivée.

Surtout, il précise que la salariée n’a pas pu bénéficier d’une passation de l’ancienne responsable du service pose et qu’elle a’:’«’hérité d’une situation difficile en termes de de dossiers’: sav à gérer sans historique ou encore artisans ayant décidé d’arrêter de collaborer avec Tech Pose au départ de Mme [U]’».

Ainsi, la salariée n’a pas pu bénéficier d’un échange d’informations sur son nouveau poste de travail avec son prédécesseur. De plus, elle a immédiatement dû faire face à une situation professionnelle dégradée préexistante. Il existe donc une responsabilité de l’employeur quant à l’insuffisance professionnelle et l’inadaptation au poste qu’il reproche à la salariée.

Par ailleurs, les résultats professionnels antérieurs de la salariée sont plutôt bons. La fiche d’entretien professionnel du 29 juin 2016 relève que tous les critères d’évaluation de Mme [B] [Z] sont satisfaisants et qu son sens du service est très satisfaisant. Sa note globale obtenue, de 25/32, est très supérieure à la moyenne.

Les mises en garde verbales de la salariée dont fait état la société Tech Pose ne sont pas démontrées. Enfin, l’employeur invoque l’inadaptation de la salariée à son poste de travail, alors même que cette dernière n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle.

L’insuffisance professionnelle et l’inadaptation au poste de Mme [B] [Z] ne sont pas suffisamment caractérisées.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le jugement est confirmé ce ce chef.

2-Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’

L’employeur a notifié à la salariée son licenciement par courrier du 05 mai 2017 pour insuffisance professionnelle et inadaptation au poste ».

L’article L1235-5 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi du 8 août 2016 dispose’:Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l’article L. 1235-2 ,

2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article L. 1235-3 ,

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l’article L. 1235-2 s’appliquent même au licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

Mme [B] [Z] peut seulement prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi, compte tenu d’une ancienneté de moins de deux années au moment de son licenciement . Licenciée le 5 mai 2017, la salariée s’est inscrite à pôle emploi et a dû quitter son logement le 30 juin 2017 du fait de difficultés à honorer le règlement des loyers (ce dont atteste le 10 octobre 2017 l’agence immobilière qui gérait la location de son logement). Elle a retrouvé un emploi le 2 novembre 2017 moyennant une perte de rémunération de 1300 euros par mois par rapport à son poste de travail auprès de la société Tech Pose.

Mme [B] [Z] ne démontre pas son affaiblissement psychologique en lien avec sa perte d’emploi, le certificat médical produit imputant la dégradation de son état psychique au harcèlement moral dont elle se disait la victime.

Une indemnité d’un montant de 16 000 euros réparera intégralement son préjudice. Il y a lieu de condamner la société Tech Pose à régler à l’intimée la somme’ de 16 000 au titre des dommages-intérêts.Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

3-Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire’

Le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et cumuler une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire, les juges du fond devant caractériser ce comportement et un préjudice.

En l’espèce, Mme [B] [Z] ne démontre pas suffisamment la faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement.

Mme [B] [Z] est déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les frais du procès’:

La société’ Tech Pose est déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Tech Pose sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3000 euros au profit de l’appelant.

PAR CES MOTIFS’:

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mis à disposition au greffe, en matière prud’homale’:

-Confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Tech Pose à régler à Mme [B] [Z] la somme de 5131, 36 euros au titre de la prime sur objectifs,

-Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demande de Mme [B] [Z] de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

-Confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

-Infirme le jugement en qu’il a condamné la société Tech Pose à régler à Mme [B] [Z] la somme de 13 300 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef de jugement infirmé,

-Condamne la société Tech Pose à régler à Mme [B] [Z] la somme de 16 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

-Condamne la société Tech Pose aux dépens de première instance et d’appel,

-Rejette la demande de la société Tech Pose d’indemnité de procédure,

-Condamne la société Tech Pose à verser à Mme [B] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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