Droits des Artisans : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01446

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Droits des Artisans : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01446

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01446 – N��Portalis DBVH-V-B7G-INHU

SL-AB

JUGE DE LA MISE EN ETAT D’ALES

05 avril 2022 RG:20/00483

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANG UEDOC

C/

[W]

Grosse délivrée

le 15/12/2022

à Me Pascale COMTE

à Me Marie-ange SEBELLINI

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d’ALES en date du 05 Avril 2022, N°20/00483

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC

Société Coopérative à capital et personnel variables, régie par les articles L 512-20 et L 512-54 du Code Monétaire et Financier et par l’ancien Livre V du Code Rural,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [L] [W]

né le 31 Août 1966 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Marie-ange SEBELLINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003840 du 06/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [L] [W], anciennement artisan menuisier, a, par acte d’huissier du 2 avril 2020 assigné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Languedoc devant le tribunal judiciaire d’Alès sur le fondement de l’article 1240 du code civil pour la voir condamner au paiement de la somme de 89 536,60 euros correspondant à des chèques falsifiés portés à l’encaissement entre le 12 août 2010 et le 20 août 2015, lesquels auraient été détournés par son ex-compagne, Mme [E] [K], faits qu’il aurait découverts après le départ de cette dernière en septembre 2017 pour lesquels il a déposé une plainte pénale le 4 septembre 2017.

Par conclusions du 6 octobre 2021, la CRCAM du Languedoc a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription, à l’exception du chèque émis le 20 août 2015 et demandé au juge de la mise en état de déclarer l’action introduite à son encontre irrecevable.

Par ordonnance du 5 avril 2022, le juge de la mise en état a :

– débouté la CRCAM du Languedoc de sa demande de fin de non-recevoir ;

– constaté que l’instance pouvait se poursuivre sur la totalité des demandes ;

– condamné la CRCAM du Languedoc aux dépens de l’incident ;

– condamné la CRCAM du Languedoc à payer la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a retenu que M. [W] n’avait pu avoir connaissance du dommage allégué qu’à l’occasion de l’événement rapporté dans sa plainte pénale du 4 septembre 2017 et a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription sur le fondement des dispositions de l’article 2224 du code civil.

Par déclaration du 21 avril 2022, la CRCAM du Languedoc a interjeté appel de cette décision.

L’affaire a été fixée à bref délai à l’audience du 3 novembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 15 décembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, l’appelante demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée et de :

– accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

– déclarer prescrite l’action exercée par M. [W] pour tous les chèques encaissés antérieurement au 2 avril 2015, soit l’ensemble des chèques produits au soutien de sa demande, à l’exception de celui émis le 20 août 2015 pour 2 714,16 euros ;

– déclarer irrecevable la prétention à l’exception de celle qui serait maintenue pour le chèque émis le 20 août 2015 pour 2 714,16 euros ;

– condamner M. [W] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle reproche au premier juge de s’être exclusivement fondé sur une simple attestation accréditant les déclarations de M. [W] alors que celles-ci sont précisément contredites par les déclarations de son ex-compagne. Elle critique la date retenue pour la fixation du point de départ de la prescription en excipant de l’absence de contrôle de l’encaissement des chèques par M. [W] auquel n’aurait pas dû échapper le détournement allégué des chèques à réception des relevés bancaires mensuels et soutient que l’incurie dans la gestion de ses affaires n’est jamais admise comme un motif exonératoire légitime.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, l’intimé demande à la cour de :

– débouter la CRCAM du Languedoc de son appel et de toutes ses demandes ;

– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– statuer ce que de droit sur l’article 700 et les dépens comme en matière d’aide juridictionnelle.

Il soutient qu’il ignorait tout des agissements délictueux de sa compagne et qu’il n’a été en mesure d’agir à l’encontre de la banque présentatrice des chèques falsifiés qu’au moment de la découverte des bordereaux de chèques en septembre 2017. Il excipe de son analphabétisme que le premier juge a pris en considération.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l’action :

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Les parties s’opposent en l’espèce sur la détermination du point de départ de la prescription que M. [W] demande à la cour de fixer à la date de son dépôt de plainte du 4 septembre 2017 en arguant de la découverte du détournement et de la falsification des chèques à cette date tandis que l’appelante invoque la date d’encaissement des chèques en arguant de l’obligation de contrôle qui pesait sur l’intimé à réception de ses relevés bancaires.

Le premier juge a retenu que M. [W] n’avait pu avoir connaissance du dommage qu’à l’occasion de l’événement rapporté dans sa plainte en se fondant sur une attestation de Mme [F] selon laquelle il ne savait pas écrire et que sa compagne était titulaire d’un BEP comptabilité, éléments permettant de considérer qu’il avait pu, en toute bonne foi, ne pas réaliser l’existence de la fraude.

L’appelante oppose que l’analphabétisme de M. [W] ne l’a pas empêché de gérer son entreprise pendant de nombreuses années et que le montant des sommes prétendument détournées n’aurait pas dû échapper à la vigilance d’une personne normalement diligente compte tenu de l’ampleur des sommes représentant un manque à gagner de plus de 80 000 euros.

L’appelante fonde son argumentation sur la faute imputable à M.[W] qui aurait fait preuve d’incurie dans la gestion de ses affaires et soutient qu’il aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action à la date d’encaissement des chèques.

Il résulte cependant de la plainte déposée le 4 septembre 2017 par l’intimé que les chèques litigieux qui lui avaient été remis par ses clients en contrepartie de l’exécution de travaux par ses soins dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle n’ont précisément pas été encaissés au sein de sa propre banque puisqu’ils ont été détournés par sa compagne qui les a falsifiés et en a obtenu le paiement à son seul profit par l’intermédiaire de la banque présentatrice.

La chronologie des événements tels que décrits par M. [W] dans sa plainte atteste qu’il n’a découvert le détournement des chèques litigieux par sa compagne qu’à la date de sa plainte, à partir de laquelle il a été en mesure d’exercer son action à l’encontre de la banque présentatrice des chèques.

L’analphabétisme de M. [W] est à cet égard sans aucune incidence dès lors qu’il est établi que c’est seulement à la date du dépôt de plainte qu’il a eu connaissance de l’encaissement des chèques litigieux par la CRCAM du Languedoc, événement devant seul être pris en considération pour la fixation du point de départ de la prescription de son action diligentée à l’encontre de cette dernière.

La décision déférée mérite ainsi confirmation.

Sur les autres demandes :

Succombant en son appel, la CRCAM du Languedoc sera condamnée à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, lesquels seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, M. [W] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.

L’appelante sera déboutée de sa prétention au titre de l’article 700 du code de procédure civile en ce qu’elle succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise dans l’intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la CRCAM du Languedoc aux entiers dépens de l’appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, M. [W] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale ;

Déboute la CRCAM de l’intégralité de ses prétentions.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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