Droits des Artisans : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/05479

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Droits des Artisans : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/05479

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 05 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/05479 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OJBE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 JUIN 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 16/02399

APPELANTE :

Madame [U] [L]

née le 12 Février 1960 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Alice PASCAL substituant Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

INTIMEES :

SA Pacifica

pris en la persone de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Andréa DA SILVA substituant Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER , avocat postulant et plaidant

Mutualite Sociale Agricole du Languedoc

ayant son siège social [Adresse 1], représentée par son directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège social.

[Adresse 1]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

Greffier lors des débats : Henriane MILOT

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 28 mai 2012, Madame [U] [L] a été victime d’un accident dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle de monitrice d’équitation gérant un centre équestre: en tentant d’arrêter des chevaux affolés prenant la fuite, elle a été heurtée violemment au visage, chuté et subi une perte de connaissance.

Après consolidation de ses blessures, elle a été reconnue travailleur handicapé à 55 %.

Le 18 décembre 2014, elle a sollicité en référé une expertise judiciaire au contradictoire de la société Pacifica auprès de laquelle elle était assurée et de la MSA et le docteur [V] désigné par ordonnance du 30 janvier 2015 – et son sapiteur le docteur [B] – ont déposé leur rapport le 26 janvier 2016

Le 21 avril 2016, l’assureur a formulé une offre d’indemnisation qu’elle a refusée.

Cest dans ce contexte que, le 5 septembre 2016, Madame [L] a fait assigner la société Pacifica et la MSA en paiement (en deniers ou quittance) d’une somme globale de 123.123 €.

Vu le jugement en date du 24 juin 2019 – réputé contradictoire du fait de la défaillance de la MSA et expressément assorti de l’exécution provisoire – par lequel le tribunal de grande instance de Béziers a :

– condamné la compagnie d’assurances Pacifica à payer à Madame [L], en deniers ou quittances pour tenir compte des provisions versées, les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

– 1.905 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

– 3.741 € au titre de l’aide ménagère,

– 10.000 € au titre des souffrances endurées,

– 2.000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

– 8.000 € au titre du préjudice d’agrément,

– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

– condamné la compagnie d’assurances Pacifica à payer à Madame [L] une indemnité de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens comprenant également les frais de référé et d’expertise,

Vu la déclaration d’appel de Madame [L] en date du 1er août 2019,

Vu l’ordonnance du 28 novembre 2019 prononçant la caducité partielle de cette déclartion à l’égard de la MSA du Languedoc faute pour l’appelante d’avoir procédé à sa signification dans le délai qui lui était imparti,

Vu les dernières conclusions transmises le 16 mars 2020 par Madame [L] qui demande en substance à la cour de :

– réformer le jugement entrepris sur le quantum et ajouter aux condamnations de première instance celle de lui payer les sommes suivantes :

– 2.000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 7.010 € au titre des frais médicaux,

– 40.000 € au titre de l’incidence professionnelle,

– 21.980 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

– confirmer le jugement pour le surplus et rejeter l’appel incident,

– condamner l’assureur à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel,

Vu les dernières conclusions déposées le 19 octobre 2020 pour le compte de Pacifica, aux fins de voir :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déduit les créances de l’organisme social sur les postes d’indemnisation des pertes de gains professionnels, d’incidence professionnelle et de déficit fonctionnel permanent.

– le confirmer partiellement quant aux sommes à allouer à Madame [L], soit :

– 3.741 € au titre de l’aide ménagère,

– 10.000 € au titre des souffrances endurées,

– 2.000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

– 2.500 € au titre du préjudice d’agrément,

– rejeter toute autre demande comme étant infondée et injustifiée.

– en tout état de cause, déduire des sommes allouées à l’assurée les provisions d’ores et déjà versées à hauteur de 25.000 €,

– au besoin, condamner Madame [L] à restituer toute somme indument perçue,

– rejeter la demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre reconventionnel, condamner Madame au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit son avocat,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 octobre 2022,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu’aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS

Le tribunal de grande instance de Béziers a examiné chacun des postes de préjudices invoqués et, d’une part, il en a exclu certains comme étant hors du champ de la garantie contractuelle (le préjudice esthétique temporaire ainsi que les frais médicaux) et, d’autre part il a imputé sur les sommes susceptibles d’être allouées à l’assurée les indemnités versées par la MSA soit au titre des indemnités journalières s’agissant de la ‘perte de gains professionnels’, soit par le biais de la rente accident de travail pour ce qui concerne le poste ‘incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent’.

Au soutien de son appel, Madame [L] fait valoir que, dans le cadre d’une assurance prévoyance comme celle qu’elle avait souscrite, l’indemnité contractuelle était due à la réalisation du dommage, sans possibilité de recours de la part de l’organisme de sécurité sociale et avec possibilité de cumul des indemnités d’assurance et de sécurité sociale.

Elle ajoute à bon droit qu’en présence de clauses limitatives de garantie invoquées par l’assureur – telles que celles visées par la société Pacifica en l’espèce -, c’est à ce dernier qu’il incombe d’établir à l’égard de l’assuré qui conteste l’opposabilité de ces clauses que les conditions générales où elles figurent ont été portées à la connaissance du souscripteur et acceptées par lui au moment de la signature du contrat (Cass. 2e Civ., 5 février 2004, n° 02-15.383 et 01-03.585, Bulletin civil 2004, II, n° 50).

En l’espèce, Madame [L] a souscrit le 9 avril 2010 avec la société Pacifica un contrat d’assurance ‘Garantie Accidents de la Vie, formule Solo’ couvrant également les ‘accidents professionnels et toute activité donnant lieu à rémunération pour les professions concernées (Agriculteur, Artisan, Commerçant et Profession libérale)’ et ce, après exprimé le besoin d’une assurance lui permettant d’être indemnisée ‘en cas de déficit fonctionnel permanent d’un taux supérieur ou égal à 5% ou de décès, si cet évènement est la conséquence d’un accident de la vie privée, d’un accident médical, d’un attentat, d’une agression ou d’une catastrophe naturelle’ ainsi que d’un ‘accident de la vie professionnelle’.

L’assurée reconnaît avoir à cette occasion reçu les documents suivants : le double de sa demande d’adhésion, l’attestation d’assurance provisoire ainsi que le tableau comparatif des formules, des garanties et limites de garanties, comme cela est mentionné dans la déclaration qu’elle a signée le 4 avril 2010.

En revanche, elle conteste formellement avoir été destinataire des conditions générales comportant des clauses d’exclusion invoquées par la société Pacifica.

Or la cour constate que la société Pacifica ne rapporte pas la preuve que ces conditions générales ont été portées à la connaissance de Madame [L] lors de la souscription. Dans ce cas, ces conditions générales sont privées de caractère contractuel et ce, nonobstant la stipulation suivante : ‘Le double de la présente demande d’adhésion, les conditions générales et la confirmation d’adhésion constituent mon contrat’.

Il s’en déduit que cet assureur ne peut se prévaloir de la clause prévue en page 19 de ces conditions générales non connues de l’assurée, prévoyant que ‘les remboursements et versements effectués ou dus par des tiers payeurs ne se cumulent pas avec notre indemnisation’, l’assuré s’engageant ‘à faire intervenir au préalable (c)es organismes’, à leur déclarer l’accident et à notifier à l’assureur les prestations dès leur notification, dès lors qu’elles ‘viennent en déduction de l’indemnité (contractuellement) due’ qui n’est qu’un ‘complément’.

Le jugement mérite donc infirmation pour avoir déduit de l’indemnité de 40.000 € retenue au titre de l’incidence professionnelle et du déficit professionnel permanent et de la somme de 21.980 € correspondant à l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent, la rente d’accident du travail servie par la MSA par le biais d’un capital de 90.989,73 €, pour rejeter les prétentions de Madame [L] au titre de l’incidence professionnelle et de ses déficits permanents.

Le premier juge ne pouvait pas non plus déduire de la somme de 8.567 € représentant le salaire versé par Madame [L] à sa remplaçante, celle de 9.734,92 € représentant les indemnités journalières qui lui ont été versées sur la même période, cela pour rejeter la demande d’indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels.

La cour infirmera également le jugement qui a rejeté les prétentions de Madame [L] au titre du préjudice esthétique temporaire ou des frais médicaux et dentaires aux motifs que ces préjudices n’étaient pas garantis par le contrat d’assurance alors que ces exclusions ne résultent pas du tableau comparatif qui est en l’espèce le seul document complémentaire ayant valeur contractuelle.

Au vu du rapport d’expertise qui fixe à 2,5 sur 7 le préjudice esthétique avant consolidation, il sera fait droit à la demande de condamnation à concurrence de 2.000 € et, s’agissant des frais médicaux justifiés sur pièces, la société Pacifica sera également condamnée à la somme justement réclamée par l’assurée.

Le jugement sera confirmé et les prétentions formulées par la société Pacifica dans le cadre de son appel incident seront rejetées s’agissant du déficit fonctionnel temporaire ou de la perte des gains professionnels actuels. En effet, l’assureur fonde son argumentation sur dispositions des conditions générales non opposables à Madame [L].

Quant à l’évaluation du préjudice d’agrément que l’assureur demande à voir réduire de 8.000 € à 2.500 €, la cour observe que l’expert a noté en conclusion de son rapport qu’ ‘il n’y a pas de préjudice d’agrément imputable aux conséquences ORL, faciales ou de la fracture de la clavicule droite ou conséquences psychiatriques, hormis la pratique de l’équitation à titre de loisir’, tandis que Madame [L] ne conclut pas spécialement sur ce point et produit seulement deux photographies montrant qu’elle a participé à des spectacles équestres.

Le jugement sera donc réformé sur le quantum de ce préjudice.

Partie globalement perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société Pacifica supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à Madame [L] une indemnité au titre des frais par elle exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, et mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [L] de ses demandes au titre de l’incidence professionnelle et de ses déficits permanents, de la perte de gains professionnels actuels, du préjudice esthétique temporaire ainsi que des frais médicaux et dentaires ;

Le réforme sur l’indemnisation du préjudice d’agrément ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la société Pacifica à payer à Madame [L] les sommes suivantes :

– 2.000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 7.010 € au titre des frais médicaux,

– 40.000 € au titre de l’incidence professionnelle,

– 21.980 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

– 2.500 € au titre du préjudice d’agrément,

– 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions non contraires ;

Condamne la société Pacifica aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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