Droits des Artisans : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/03174

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Droits des Artisans : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/03174

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 05 JANVIER 2023

N° RG 19/03174 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LCBI

SA MAAF ASSURANCES

c/

Monsieur [T] [M]

Monsieur [S] [C] [F] [Z]

Madame [D] [P] épouse [Z]

SCI BELLIQUET

SAS SOLETBAT

Société STORME-PRUVOST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 avril 2019 (R.G. 17/00623) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d’appel du 06 juin 2019

APPELANTE :

MAAF ASSURANCES, Société Anonyme au capital de 160 000 000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NIORT sous le n° 542073580, dont le siège social se situe [Adresse 4] A [Localité 5]

Représentée par Me KECHA substituant Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE – JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[T] [M]

né le 07 Janvier 1965 à [Localité 9]

de nationalité Française

Profession : Artisan,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me CHUDZIAK de la SELARL CHUDZIAK & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIBOURNE

Monsieur [S] [C] [F] [Z]

né le 14 Mai 1958 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Viticulteur,

demeurant [Adresse 3]

[D] [P] épouse [Z]

née le 22 Avril 1963 à [Localité 8]

de nationalité Française

Profession : Viticultrice,

demeurant [Adresse 3]

La Société Civile Immobilière BELLIQUET, enregistrée auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de LIBOURNE sous le numéro 417 616 794, ayant son siège social [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux dument domiciliés audit siège.

Représentés par Me GUILLOUX substituant Me Thomas FERRANT de la SELARL CABINET FERRANT, avocat au barreau de BORDEAUX

La SAS SOLETBAT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Me Claire PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

Société STORME-PRUVOST SARL immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 433 519 725, dont le siège social est [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Ludovic VALAY de la SELARL VALAY-BELACEL-DELBREL-CERDAN, avocat au barreau d’AGEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 30 décembre 1997, M. et Mme [Z] ont constitué la SCI Belliquet dont ils sont les deux associés.

Par acte authentique du 30 décembre 1997, la SCI Belliquet a fait l’acquisition d’une maison d’habitation sise [Adresse 3] à [Localité 6], par apport en nature de M. [Z].

Cette maison ayant subi d’importants dégâts suite à une période de sécheresse au cours de l’année 2010, M. et Mme [Z] ont fait réaliser dans le cadre d’une garantie «catastrophe naturelle» des travaux de consolidation des fondations et de pose de micro-pieux, moyennant le prix de 111 671 ,80 euros TTC par l’entreprise Soltechnic. La société Soletbat est intervenue pour la réfection intérieure de la maison et notamment la reprise complète du revêtement de sol pour un montant de 51 634,90 euros, en sous-traitant la pose du carrelage à M. [M] dont le fabricant est la société Storme-Pruvost.

Les travaux ont débuté le 12 mai 2014. Le gros oeuvre a été achevé le 29 juillet 2014.

Par ordonnance du 3 décembre 2015, le juge des référés a désigné M. [B] en qualité d’expert judiciaire. Le rapport d’expertise a été remis le 31 octobre 2016.

Par actes des 8 et 12 juin 2017, la SCI Belliquet et M. et Mme [Z] ont assigné la société Soletbat, M. [M] et la société Storme-Pruvost devant le tribunal de grande instance de Libourne aux fins de condamnation solidaire aux travaux de reprise.

Par acte du 20 octobre 2017, M. [M] a assigné la compagnie MAAF Assurances SA en intervention forcée.

Par jugement du 25 avril 2019, le tribunal de grande instance de Libourne a :

– ordonné le rabat de la clôture et fixé celle-ci au 7 février 2019,

– condamné in solidum la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à verser à la SCI Belliquet et à M. [S] [Z] et Mme [D] [P], épouse [Z], la somme de 31 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres, avec intérêts au taux légal à effet de la décision,

– condamné in solidum la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à verser à M. [S] [Z] et à Mme [D] [P], épouse [Z], la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance, avec les intérêts au taux légal à effet de la décision,

– ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes,

– condamné M. [T] [M] et la société Storme-Pruvost à relever indemne la société Soletbat des condamnations prononcées à son encontre,

– dit que la compagnie MAAF Assurances devra garantir M. [T] [M] de sa condamnation,

– condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost à verser à la SCI Belliquet et à M. [S] [Z] et Mme [D] [P],épouse [Z], la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

La SA MAAF Assurances a relevé appel du jugement le 6 juin 2019 en ce qu’il :

– a condamné in solidum la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à verser à la SCI Belliquet et à M. [S] [Z] et Mme [D] [P], épouse [Z], la somme de 31 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres, avec intérêts au taux légal à effet de la décision,

– les a condamnés à verser à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance, avec les intérêts au taux légal à effet de la décision,

– a ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes,

– a condamné M. [M] et la société Storme-Pruvost à relever indemne la société Soletbat des condamnations prononcées à son encontre,

– a dit que la compagnie MAAF Assurances devra garantir M. [M] de sa condamnation,

– a condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost à verser à la SCI Belliquet et à M. et Mme [Z], la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– a condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost aux dépens, en ce compris les frais d’expertise.

Par ordonnance du 6 février 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Bordeaux a constaté l’irrecevabilité des conclusions signifiées par M. [T] [M] le 31 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2020, la SA MAAF Assurances demande à la cour, sur le fondement de l’article 1792 du code civil, de :

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Libourne du 25 avril 2019, en ce qu’il:

– a condamné in solidum la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à verser à la SCI Belliquet et à M. [S] [Z] et Mme [D] [P], épouse [Z], la somme de 31 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres, avec intérêts au taux légal à effet de la décision,

– les a condamnés à verser à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance, intérêts au taux légal à effet de la décision,

– a ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes,

– a condamné M. [M] et la société Storme-Pruvost à relever indemne la société Soletbat des condamnations prononcées à son encontre,

– a dit que la compagnie MAAF Assurances devra garantir M. [M] de sa condamnation,

– a condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost à verser à la SCI Belliquet et à M. et Mme [Z], la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,

– a ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

En conséquence, statuant de nouveau,

A titre principal,

– constater que la compagnie MAAF Assurance est l’assureur décennal de M. [M],

– constater que les désordres affectant les carreaux étaient apparents lors de la réception, qu’ils ne portent pas atteinte à la solidité de l’ouvrage et n’entraînent aucune impropriété à sa destination,

En conséquence,

– dire et juger que les désordres affectant la mise en ‘uvre des carreaux par M. [M] ne sont pas de nature décennale,

– dire et juger que la garantie décennale de la Compagnie MAAF Assurances n’est pas mobilisable,

– dire et juger que la responsabilité délictuelle de M. [M] n’a pas vocation à être garantie par MAAF Assurances,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de MAAF Assurances,

– débouter toutes les parties qui formuleraient des demandes à l’encontre de la Compagnie MAAF Assurances,

A titre reconventionnel,

– condamner M. et Mme [Z] et la SCI Belliquet à rembourser à MAAF Assurances la somme de 18 750 euros réglée en application de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Libourne,

– condamner M. [M] ou toute partie succombante à régler à MAAF Assurances la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que la responsabilité de M. [M] est partagée avec les sociétés Soletbat et Storme-Pruvost et qu’elle ne saurait excéder 25%,

En conséquence,

– dire et juger qu’une éventuelle condamnation de MAAF Assurances ne saurait excéder la somme de 7 750 euros au titre du préjudice matériel,

– dire et juger qu’une éventuelle condamnation de MAAF Assurances ne saurait excéder la somme de 200 euros au titre du préjudice de jouissance,

– débouter M. et Mme [Z] et la SCI Belliquet du surplus de leurs demandes,

– débouter toutes les parties qui formuleraient des demandes à l’encontre de la MAAF Assurances,

– ramener la demande de M. et Mme [Z] et de la SCI Belliquet sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

A titre reconventionnel,

– condamner M. et Mme [Z] et la SCI Belliquet à rembourser à MAAF Assurances la somme minimale de 10 800 euros (soit 18 750 – 7 750 euros), correspondant à la somme réglée en trop au titre de l’exécution provisoire attachée au jugement du tribunal grande instance de Libourne.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2020, la SCI Belliquet et M. et Mme [Z] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1792 et suivants, 1231-1 et 1641 et suivants du code civil, ainsi que des articles 1382 et 1383 ancien du code civil, de :

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Libourne du 25 avril 2019 en ce qu’il a :

– condamné in solidum la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à leur verser la somme de 31 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres, avec intérêts au taux légal à effet de la décision,

– ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes,

– condamné M. [M] et la société Storme-Pruvost à relever indemne la société Soletbat des condamnations prononcées à son encontre,

– a dit que la compagnie MAAF Assurances devra garantir M. [M] de sa condamnation,

– a condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost à leur verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– a condamné in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Libourne le 25 avril 2019 en ce qu’il a condamné in solidum la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à verser à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance, intérêts au taux légal à effet de la décision,

En conséquence,

– condamner in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la SARL Storme-Pruvost à verser à M. et Mme [Z] la somme de 11 654 euros au titre du préjudice de jouissance, intérêts au taux légal à effet de la décision,

En tout état de cause,

– condamner M. [M], la SA MAAF Assurances, la société Soletbat et la SARL Storme-Pruvost à verser à la SCI Belliquet et à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens dont distraction sera prononcée au bénéfice de Cabinet ARCC, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2020, la société Soletbat demande à la cour, sur le fondement des articles 1792 et suivants, ainsi que des articles 1147 et 1604 du code civil, de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Libourne le 25 avril 2019,

Statuant de nouveau,

– constater le caractère apparent et non réservé à la réception des désordres dont il est sollicité réparation,

En conséquence,

– dire et juger que la responsabilité de la société Soletbat ne saurait être recherchée sur quelque fondement que ce soit,

– débouter la SCI Belliquet et M. et Mme [Z] de l’intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que la société Soletbat n’a commis aucune faute,

– débouter la SCI Belliquet et M. et Mme [Z] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamner à tout le moins in solidum M. [M], son assureur MAAF Assurances et la société Storme-Pruvost à relever indemne la société Soletbat de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En toutes hypothèses,

– dire et juger que M. et Mme [Z] sont irrecevables à solliciter une indemnisation au titre des travaux de reprise,

– réduire de manière substantielle la somme qui pourrait être allouée en réparation de leur préjudice de jouissance,

– condamner la SCI Belliquet et M. et Mme [Z] ou toute partie succombante à verser à la société Soletbat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 novembre 2020, la SARL Storme-Pruvost demande à la cour, sur le fondement des articles 1642, 1642 1, 16418 et 1150 du code civil, ainsi que des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de :

– réformer le jugement en ses dispositions contraires aux intérêts de la Société Storme-Pruvost,

– juger que la responsabilité de la Société Storme-Pruvost ne peut être engagée ni déclarée,

– juger que les désordres esthétiques ou structurants du matériau étaient inhérents à son caractère artisanal, apparents et connus du maître d’ouvrage et du carreleur,

– constater et juger que les carreaux ont été livrés et réceptionnés sans réserves, pas plus avant leur mise en oeuvre, qu’après la pose,

– juger en tout état de cause que le maître d’ouvrage et le poseur ont concouru seul au dommage éventuel en ce qui concerne l’acceptation et la pose de carreaux,

– juger en tout état de cause que l’action est atteinte par la forclusion,

– juger qu’il ne pouvait y avoir condamnation in solidum,

– juger en tout état de cause qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre les griefs opposés tardivement, et nonobstant toute apparence, les désordres consécutifs à la pose défaillante,

– juger que si une condamnation devait être prononcée, l’absence de détermination du nombre ou métrés de carreaux interdit toute condamnation en l’absence de justification du préjudice précis.

– condamner toute partie succombante et en premier lieu M. et Mme [Z] et la SCI Belliquet à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens au profit de Maître Jean Gonthier avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS :

– Sur la responsabilité des constructeurs,

Sur la responsabilité de la société Solebat,

Il s’évince de l’article 1792-6 du code civil que la garantie de parfait achèvement à laquelle l’entrepeneur est tenu pendant un délai d’un an à compter de la réception s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postéireurement à la réception.

C’est sur le fondement de la disposition précitée que le jugement déféré a retenu la responsabilité de la société Soletbat conidérant que :

– la réception des travaux est intervenue de manière expresse et contradictoire le 28 juillet 2014,

-les consorts [Z] ont dénoncé à la société Solebtat divers désordres, au vu notamment d’un constat d’huissier en date du 20 novembre 2014 et de l’expertise amiable de M. [R] datée du 8 décembre 2014.

A titre liminaire, il y a lieu de considérer, conformément à l’analyse des premiers juges, qu’une réception expresse et sans réserve est intervenue le 28 juillet 2014, et ce, à la lecture du procès-verbal du même jour signé par les époux [Z] et comportant les mentions suivantes ‘ lu et approuvé’, ‘réception sans réserve, reste réfection marche de la salle de bains’ ( non effectué).

En outre, il ressort de la correspondance en date du 31 octobre 2014, des comptes-rendus de chantier du mois d’octobre 2014 et du constat d’huissier établi le 20 novembre 2014 que les désordres afférents au carrelage ont été dénoncés dans l’année de la réception.

Toutefois, pour contester l’application de la garantie de parfait achèvement, la société Soletbat soutient que l’ensemble des désordres en cause étaient apparents au moment de la réception et que dès lors qu’ils n’ont donné lieu à aucune réserve, ils ne sont pas susceptibles d’engager sa responsabilité.

Toutefois, c’est à juste titre que les premiers juges, se rapportant au rapport d’expertise judiciaire, de M. [U] [B] ont noté que si les défauts intrinisèques et factuels des carreaux étaient apparents lors de la délivrance du bien, un profane par contre ne pouvait pas déceler les imperfections résultant de leur mise en oeuvre. Les désordres concernés n’étant nullement apparents dans toutes leur ampleur et toutes leurs conséquences à la date de la réception expresse du 28 juillet 2014, leur caractère apparent sera écarté.

Par ailleurs, le caractère décennal des désordres devra être écarté puisque l’expert n’a relevé aucune impropriété à destination de l’ouvrage, aucune atteinte à la solidité de l’ouvrage, pas plus qu’un risque pour la sécurité des personnes, celui-ci notant simplement que l’absence de joint périphérique dans chaque pièce conduisait à créer un désordre par soulèvement de la chape et/ ou du carrelage ( début d’un éclat de carreau).

Il s’ensuit que les désordres en cause consistent en de simples désordres de nature esthétique suceptible d’engager la responsabilité de la société Soletbat sur le fondement de la garantie de parfait achèvement pour avoir été dénoncés à l’entreprise dans l’année suivant la réception des travaux.

Il en résulte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Soletbat sur le fondement de l’article de l’article 1792-6 du code civil.

Sur la responsabilité de M. [M], sous-traitant de la société Soltebat,

Il n’est pas contesté que la société Soletbat a intégralement sous-traité la réalisation du carrelage à M. [M] dont la responsabilité civile délictuelle peut être engagée par les maîtres de l’ouvrage, sous réserve pour ces derniers de démontrer l’existence d’une faute lui incombant.

Or, une telle faute est en l’état incontestable à la lecture du rapport d’expertise de M. [B] qui a constaté que la pose des carreaux était irrégulière et qui a relevé des problèmes de planéité, de coupe et de jointure. Il a conclu à l’existence d’une malfaçon dans la mise en oeuvre qui était avérée, compte-tenu du non respect des règles de l’art dans la pose des carreaux et de leur tri sélectif au moment de leur mise en oeuvre.

Au vu de ces éléments, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité délictuelle de M. [M], sous-traitant, à l’égard des époux [Z] et de la SCI Belliquet.

Sur la responsabilité de la société Storme-Pruvost,

L’article 1792-4 du code civil dispose que le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élement d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1793-2 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré.

Sont asimilés à des fabricants pour l’application du présent article :

-celui qui a importé une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement fabriqué à l’étranger,

-celui qui l’a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif.

Les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société Storm-Pruvost, fournisseur des carreaux sur le fondement de l’article 1792-4 du code civil, ce que cette dernière conteste considèrant que :

– les dommages constatés résultent des fautes exclusives de la société Soletbat et de son sous-traitant : en effet, la première a accepté la livraison des carreaux, sans émettre aucune réserve et le second a procédé à leur pose, sans procéder à un tri sélectif,

– les maîtres de l’ouvrage ont concouru à la réalisation du dommage, dès lors qu’ils ont opté pour un carreau artisanal, qui, de par sa nature, peut présenter divers aléas auquel il est généralement remédié par la livraison d’une quantité supérieure de marchandises à la commande.

Toutefois, la faute éventuelle des constructeurs ou des maîtres de l’ouvrage n’est pas à ce stade de nature à exonérer le fournisseur de sa responsabilité sur le fondement de l’article 1792-4 du code civil, s’agissant d’une responsabilité objective.

Néanmoins, dès lors que la responsabilité de la société Soletbat n’a pas été retenue sur le fondement des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil, la responsabilité du fabricant ne pourra être engagée sur le fondement de l’article 1792-4 du code civil. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

A titre subsidiaire, la SCI Belliquet et les époux [Z] recherchent la responsabilité de la société Stome-Pruvost sur le fondement contractuel, considérant que celle-ci a commis une faute, au regard des défauts affectant le carrelage livré et caractérisés comme suit par l’expert judiciaire:

-des empreintes de pattes de chats incrustées,

-des anfractuosités de 4 à 5 mm de circonsférence et de 2 mm de profondeur,

– la présence de grains de chaux de 3 à 5 mm de diamètre,

– des carreaux présentant des fissures structurelles.

La société Storm-Pruvost s’y oppose en arguant d’une fin de non-recevoir inhérente à cette action qu’elle considère comme prescrite au visa des articles 1642, 1642-1 et 1648 du code civil.

Toutefois, les dispositions précitées concernent la garantie du vendeur au titre des vices apparents et cachés, lesquelles ne sont pas applicables à l’action diligentée en l’espèce sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l’égard du fabricant. Le moyen ainsi soulevé sera écarté, l’action de la SCI Belliquet et des époux [Z] n’étant nullement prescrite.

Par ailleurs, force est de constater que la faute du fabricant est en l’espèce caractérisée dès lors que l’expert a retenu un vice intrinséque du matériau, bien que la fabrication et la technique artisanale utilisée pour l’élaboration des carreaux de Gironde ne soient pas encadrées par les normes.

La SARL Storme Pruvost ne peut nullement s’exonérer de sa responsabilité de ce chef à l’égard des maîtres de l’ouvrage en arguant de la faute de la société Soletbat et de son sous-traitant M. [M].

En effet, il est acquis que le fabricant de matériaux ne peut se voir exonérer de sa responsabilité contractuelle que s’il démontre une immixtion fautive du maître de l’ouvrage, laquelle suppose une compétence technique avérée de ce dernier et un acte positif à l’origine du dommage, lesquels ne sont nullement caractérisés en l’espèce.

En outre, la société Storme-Pruvost s’oppose à ce que soit prononcée une condamnation solidaire avec les locateurs d’ouvrage. Toutefois, force est de constater que chacune des parties a concourru de par son propre fait ou de par sa faute à la réalisation d’un même dommage. Il y a aura donc lieu à une condamnation in solidum des différents intervenants à l’acte de construire.

Enfin, la faute de la société Storm-Pruvost présente un lien de causalité direct avec le préjudice esthétique subi par les maîtres de l’ouvrage, lequel n’aurait pu exister si le fabricant n’avait pas livré des carreaux présentant un vice intrinsèque.

-Sur la garantie de la MAAF Assurances,

La MAAF Assurances critique le jugement déféré qui a retenu sa garantie et l’a condamnée in solidum avec les intervenants à l’acte de construire et la société Storme Pruvost à indemniser les maîtres de l’ouvrage du préjudice subi.

Elle considère qu’elle doit être mise hors de cause dès lors qu’elle a été attraite à la procédure par M. [T] [M] en sa qualité d’assureur décennal et que les dommages constatés ne présentent nullement un caractère decennal.

Il appert à la lecture de l’assignation délivrée le 20 octobre 2017 par M. [T] [M] que la SA MAAF Assurances a été appelée à la procédure en sa qualité d’assureur décennal de M. [M].

Or, les désordres en cause ne présentant nullement un caractère décennal, comme démontré plus avant, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris et d’ordonner la mise hors de cause de la SA MAAF Assurances.

Dans ce contexte, il ne pourra en outre qu’être fait droit à la demande reconventionnelle formulée par la SA MAAF Assurances qui sollicite le remboursement de la somme de 18 750 euros réglée aux époux [Z] et à la SCI Belliquet en exécution du jugement déféré assorti de l’exécution provisoire.

-Sur le préjudice subi par la SCI Belliquet et les époux [Z],

Conformément au chiffrage préconisé par l’expert judiciaire, le jugement déféré a condamné les intervenants à l’acte de construire et la société Storm Pruvost, fabricant des carreaux, à payer à la SCI Belliquet et aux époux [Z] la somme de 31 000 euros au titre des travaux réparatoires.

Les parties ne contestant nullement le coût des travaux de reprise, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

La société Soletbat demande toutefois à ce à titre que seule une condamnation au profit de la SCI Belliquet, propriétaire de l’immeuble soit ordonnée de ce chef et que le jugement entrepris soit réformé sur ce point en ce qu’il l’a condamnée à indemniser les époux [Z].

Toutefois, la facture de travaux en date du 29 juillet 2014 a été établie au nom de M. et Mme [Z] qui apparaissent comme les clients de la société Soletbat. Il s’ensuit que la société Soletbat sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

Partant, la soiété Soletbat, M. [T] [M] et la société Storm-Pruvost seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [Z] ainsi qu’à la SCI Belliquet la somme de 31 000 euros au titre des travaux de reprise.

Pour ce qui est du préjudice de jouissance, les époux [Z] et la SCI Belliquet contestent le jugement déféré quil leur a alloué de ce chef la somme de 3000 euros de ce chef.

Ils sollicitent l’infirmation du jugement sur ce point réclamtant de ce chef la somme de 11 654 euros, arguant de ce que les travaux dureront trois semaines, plus 45 jours de séchage et trois jours de traitement et qu’il seront contraints pour y procéder de faire porter leurs effets personnels dans un garde meuble.

L’expert quant à lui a chiffré la durée de réalisation des travaux à trois semaines et le préjudice de jouissance à 10 000 euros.

Pour évaluer le préjudice de jouissance subi, il convient de tenir compte, outre de la gêne occasionée par les travaux de reprise, du trouble de jouissance subi par les demandeurs sur l’ensemble de leur maison d’habitation depuis la réception de l’ouvrage en 2014 jusqu’à la réalisation des travaux de reprise. Par contre, la nécessité d’un déménagement des biens meubles appartenant aux époux [Z] n’est nullement démontrée.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de fixer la réparation de l’entier préjudice de jouissance subi par les époux [Z] et la SCI Belliquet à la somme de 6000 euros.

-Sur les recours en garantie,

La société Soletbat, qui considère qu’elle n’a commis aucune faute demande à être intégralement relevée indeme des condamnations prononcées à son encontre par M. [T] [M] son sous-traitant et par la société Storm-Pruvost.

La société Storm-Pruvost considère que cette action récursoire est prescrite en application de l’article L110-4 du code de commerce et de l’article 1604 du code civil s’agissant d’une ‘non-conformité apparente et compte-tenu d’une réception sans réserve des carreaux tant de la part de la société Soletbat que de son sous-traitant.

S’il est exact que le délai de prescription de l’article L110-4 du code de commerce, d’une durée de cinq ans commence normalement à courir au jour de la vente, il est en l’espèce suspendu s’agissant d’une action récursoire dirigée contre le faricant jusqu’à ce que la responsabilité de ce dernier ait été recherchée par les maîtres de l’ouvrage.

Or, en l’espèce, la société Storme-Pruvost a été assignée par les époux [Z] et la SCI Belliquet le 8 juin 2017. L’action récursoire en cause n’est donc pas prescrite.

Sur le fond, il s’évince des éléments du dossier que la société Soletbat a intégralement délégué la prestation de carrelage à M. [T] [M], qui au vu des conclusions du rapport d’expertise, est à l’origine de défauts dans la mise en oeuvre et d’un manquement de respect des règles de l’art. Pour ce qui est de la société Storm-Pruvost, elle a livré des carreaux présentant des vices intrinséques ayant contribué au désordre esthétique affectant l’ouvrage.

Dans ces conditions, compte-tenu des fautes respectives des parties, M. [T] [M] sera condamné à relever indemne la société Soletbat à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à son encontre et la société Storm-Pruvost à concurrence de 10%.

-Sur les autres demandes,

Les sociétés Soletbat, Storme-Pruvost, qui succombent à la procédure, seront déboutées de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ces deux sociétés, ainsi que M. [T] [M] seront condamnées en outre à payer aux époux [Z] et à la SCI Belliquet la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [M], qui a attrait à tort la SA MAAF Assurances à la procédure, sera condamné à payer à cette dernière la somme de 3000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les sociétés Soletbat, la société Storme Pruvost et M. [T] [M] seront condamnés aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit du cabinet ARCC, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

S’agissant des condamnations prononcées en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des époux [Z] et de la SCI Belliquet ainsi que des dépens, chacune des parties y sera tenue dans leurs rapports respectifs à concurrence de sa par de responsabilité dans le présent litige.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision rendue publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation de la SA MAAF Assurances à indemniser les présent dommage et s’agissant de la mobilisation de sa garantie et le quantum du préjudice de jouissance

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit qu’il y a lieu de mettre hors de cause la SA MAAF Assurances,

Dit que le préjudice de jouissance subi par M.et Mme [S] [Z] sera fixé à la somme de 6000 euros et condamne in solidum la société Soletbat, M. [T] [M] et la société Storme-Pruvost à leur régler ladite somme de ce chef,

Y ajoutant,

Condamne M. [T] [M] à relever indemne la société Soletbat à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à son encontre et la société Storme-Pruvost à concurrence de 10%,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] à payer aux époux [Z] et à la SCI Belliquet la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [M] à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 3000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés Soletbat, la société Storme-Pruvost et M. [T] [M] aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit du cabinet ARCC, en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit s’agissant des condamnations prononcées en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des époux [Z] et de la SCI Belliquet, ainsi que des dépens, que chacune des parties y sera tenue dans leurs rapports respectifs à concurrence de sa par de responsabilité dans le présent litige.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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