Droits des Artisans : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/00546

·

·

Droits des Artisans : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/00546

N° RG 21/00546 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NLRJ

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 22 décembre 2020

RG : 19/08141

S.A.R.L. EXCELNERGY PARTNER

C/

[O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 10 Janvier 2023

APPELANTE :

Société EXCELNERGY-PARTNER

[Adresse 3]

[Localité 2]

défaillante

Représentée par Me Anne CHAURAND, avocat au barreau de LYON, toque : 1836

Assistée de Me David TRUCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

M. [F] [O] exploitant agricole exerçant sour l’enseigne AGRI-ENVIRONNEMENT

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6] (69)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 16 Décembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Novembre 2022

Date de mise à disposition : 10 Janvier 2023

Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, conseiller, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Cécile NONIN, greffier

A l’audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Olivier GOURSAUD, président

– Stéphanie LEMOINE, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

La société Excelnergy-Partner (la société) a pour activité le courtage en énergies renouvelables.

Le 18 décembre 2018, à la suite d’un démarchage pour la réalisation d’un investissement sous la forme d’une construction d’une centrale photovoltaïque installée sur ses bâtiments agricoles, elle a signé avec M. [F] [O], exploitant agricole, une « convention de recherche de prestataires pour mission ou travaux spécifiques ».

M. [O] n’ayant pas donné suite à la proposition présentée par la société, cette dernière l’a fait assigner en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a débouté la société de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 22 janvier 2021, la société a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 septembre 2021, elle demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

– condamner M. [O] à lui payer la somme de 17 559,17 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution contractuelle, au visa des articles 1217 et suivants du code civil,

subsidiairement,

– condamner M. [O] à lui payer la somme de 17 559,17 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa faute délictuelle, au visa de l’article 1240 du code civil,

en tout état de cause,

– condamner M. [O] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

– condamner M. [O] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, distraits au profit de Maître Chaurand, avocat constitué.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 juin 2021, M. [O] demande à la cour de :

– déclarer régulier mais non fondé l’appel interjeté par la société,

– déclarer le tribunal judiciaire de Lyon incompétent pour statuer sur les demandes présentées par la société,

– dire et juger que les demandes présentées par la société doivent être portées devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence,

subsidiairement,

– déclarer irrecevables les demandes présentées par la société,

très subsidiairement,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes,

très subsidiairement encore,

– prononcer la nullité de la convention de recherche de prestataires pour mission ou travaux spécifiques signée le 18 décembre 2018,

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avocats sur son affirmation de droit.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 décembre 2021.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la compétence

M. [O] soulève une exception d’incompétence du tribunal judiciaire de Lyon au profit du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence sur le fondement de l’article 7 de la convention signée entre les parties.

La société fait valoir que l’article 48 du code de procédure civile répute non écrites les clauses dérogatoires de compétences à moins qu’elles n’aient été convenues entre des personnes ayant contracté en qualité de commerçant ; que M. [O] n’a pas contracté en qualité de commerçant ; que l’activité agricole est une activité de nature civile ; que la clause doit être réputée non écrite ; que le tribunal de commerce n’est pas matériellement compétent.

Réponse de la cour

La convention signée entre les parties prévoit, en son article 7, la compétence du « tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, nonobstant pluralité de défendeurs ou appel en garantie, même pour les procédures d’urgence ou les procédures conservatoires en référé ou par requête ».

Toutefois, force est de constater, d’une part, que M. [O] n’est ni commerçant ni artisan, d’autre part, que le litige ne porte pas sur une contestation relative à un acte de commerce, de sorte qu’il échappe à la compétence du tribunal de commerce.

En outre, selon l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.

M. [O] n’ayant pas contracté en qualité de commerçant, la clause d’attribution de compétence figurant au contrat est réputée non écrite.

Le tribunal judiciaire de Lyon étant compétent sur le fondement des articles 42 et 46 du code de procédure civile, au regard du domicile du défendeur et du lieu d’exécution de la prestation de services, il convient de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par l’intimé.

2. Sur l’action en responsabilité contractuelle

2.1. Sur la recevabilité de la demande

M. [O] fait valoir qu’en première instance, la société avait sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 27 559,17 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil et qu’en cause d’appel, elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 17 559,17 euros sur le fondement de l’article 1217 du code civil ; qu’elle émet donc des demandes nouvelles en cause d’appel qui doivent être déclarées irrecevables.

La société soutient que ses demandes en cause d’appel tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance dès lors qu’il s’agit de solliciter l’indemnisation du préjudice subi ; qu’elles sont donc recevables.

Réponse de la cour

Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges mêmes si leur fondement juridique est différent.

En l’espèce, la société qui agit en responsabilité civile pour obtenir l’indemnisation de son préjudice et qui invoque en appel l’article 1217 du code civil après s’être fondée devant le tribunal sur l’article 1240 du même code, n’introduit pas une demande nouvelle, la demande formée en cause d’appel à titre principal tendant aux mêmes fins que celle soumise au premier juge.

Sa demande est en conséquence recevable.

2.2. Sur le bien-fondé de la demande

La société soutient que M. [O] avait la volonté de procéder à l’installation d’une centrale photovoltaïque sur ses bâtiments ; qu’il a d’ailleurs déposé à cette fin une déclaration préalable de travaux en mairie ; qu’elle a rempli ses obligations en fournissant une offre conforme aux prévisions de la convention de recherche ; que les clauses de cette convention stipulent que le client doit contracter avec les sociétés sélectionnées par le courtier si elles sont conformes à la convention de recherche et s’il ne dispose pas d’offre de qualité comparable à des prix inférieurs.

M. [O] soutient qu’il ne s’est jamais engagé à l’installation d’une centrale photovoltaïque mais seulement à la recherche de prestataires ; que les devis et solutions fournis par la société ne peuvent correspondre aux objectifs définis par la convention du 18 décembre 2018 dans la mesure où cette convention n’avait aucun objectif sérieusement défini.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1103 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à l’espèce, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Encore, selon l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut, notamment, demander réparation des conséquences de l’inexécution.

En l’espèce, la convention signée entre les parties stipule notamment que :

– « 1. Nature de la recherche

Par les présentes, le client donne mandat au courtier, qui l’accepte, de rechercher une ou des entreprises spécialisée(s) dans le(s) corps de métier permettant en sa qualité de propriétaire-exploitant, la réalisation des prestations, travaux et/ou fournitures ci-après : opérateur photovoltaïque en vue d’installation d’une centrale solaire de 250 kWc sur environ 1600 m²»,

– « 4. Engagement du client

Le client demeure libre de refuser les devis et solutions qui lui sont communiqués,

– s’ils ne correspondaient pas aux objectifs définis dans la présente convention,

– s’ils sont de prix supérieurs pour des offres de qualité comparable, que le client aurait en mains au jour de la présentation des devis et solutions par Excelnegy-Partner »

– « 6. Rémunération de la prestation / sincérité des parties / terme de la mission

La prestation du courtier est gratuite pour le client [souligné dans le texte] car le courtier est exclusivement rémunéré par l’entreprise partenaire sélectionnée, grâce aux solutions délivrées par l’intermédiaire d’Excelnegy-Partner et acceptée par le client, parce que conformes aux présents accords.

La présente mission sera assumée par le courtier avec toute la rigueur nécessaire afin de satisfaire pleinement les objectifs de son client.

De son côté, le client déclare sincères ses intentions et les informations apportées. Il confirme avoir décidé de réaliser son projet dans les conditions définies par la présente convention de recherche, pour laquelle le courtier assumera toutes les charges liées à la présente mission (frais en personnel, déplacement, recherches, administratifs’). À défaut le courtier ne pourrait accepter la mission et engager les charges s’y rapportant.

La mission du courtier prend fin dès l’acceptation par le client du devis proposé par l’entreprise choisie pour chaque corps d’état ».

La société reproche à M. [O] de ne pas avoir donné suite à « la solution définitive » qu’elle lui a présentée le 27 février 2019, portant sur l’installation d’une centrale solaire par la société Actenergie pour un coût total de 219’489,60 euros HT.

Toutefois, la cour relève, d’une part, qu’alors que la convention de recherche de prestataires précise que « le client demeure libre de refuser les devis et solutions qui lui sont communiqués s’ils ne correspondaient pas aux objectifs définis dans la présente convention », ces derniers sont particulièrement imprécis (« installation d’une centrale solaire de 250 kWc sur environ 1600 m² »), puisqu’ils ne précisent ni les caractéristiques précises de l’installation envisagée, ni l’objectif de rentabilité espérée, ni même le coût approximatif de l’installation ou ses modalités de financement.

Si la société verse aux débats un document daté du 6 avril 2018, intitulé « pour l’installation d’une centrale solaire de 250 kWc sur toitures de bâtiments existants exploités par la société [O] [F] à [Localité 5] », qui mentionne que le « coût de l’installation« clé en main » [est] estimé à +/- 235’000 € HT », force est de constater que ce document n’est pas signé par M. [O] et que sa remise à l’intéressé n’est pas démontrée.

Au vu de ce qui précède, et en considération de l’imprécision des objectifs définis dans la convention, la société n’est pas fondée à soutenir qu’elle a rempli ses obligations en fournissant une offre conforme aux prévisions de la convention de recherche et à reprocher à M. [O] une inexécution fautive du contrat.

Aussi convient-il, par ajout au jugement déféré, de débouter la société de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

3. Sur l’action en responsabilité délictuelle

A titre subsidiaire, la société fonde sa demande d’indemnisation sur les dispositions de l’article 1240 du code civil, reprochant à M. [O] une rupture brutale et de mauvaise foi des relations commerciales.

M. [O] fait valoir que sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée dans la mesure où la société ne justifie d’aucune faute qui lui serait imputable ni d’un quelconque préjudice.

Réponse de la cour

La société n’est pas fondée à solliciter l’indemnisation d’un préjudice résultant d’une rupture brutale des relations commerciales alors que les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige ne sont pas applicables, l’intimée n’étant pas producteur, commerçant, industriel ou immatriculé au répertoire des métiers. Au surplus, le premier juge a exactement retenu qu’alors que la mise en ‘uvre de ces dispositions suppose qu’il soit abusivement mis un terme à une relation d’affaires qui s’était installée dans le temps, les éléments de l’espèce ne caractérisent pas cette durabilité.

Elle n’est pas davantage fondée à solliciter, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’indemnisation de son préjudice au titre d’une faute commise pendant la période précontractuelle, dès lors que les parties étaient déjà engagées dans des relations contractuelles, depuis la signature, le 18 décembre 2018, de la convention de recherche de prestataires.

Aussi convient-il, par confirmation du jugement attaqué, de la débouter de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

4. Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

La société fait valoir que le comportement de M. [O], qui est resté silencieux alors qu’il avait accepté l’installation d’une centrale photovoltaïque et entrepris des démarches en ce sens, constitue une résistance abusive et injustifiée à l’exécution du contrat susceptible d’indemnisation.

M. [O] fait valoir qu’il n’y a aucune résistance abusive de sa part ; qu’il a seulement refusé de donner suite à une proposition peu sérieuse et non rentable ; qu’il ne s’est de plus jamais engagé à faire procéder à l’installation d’une centrale photovoltaïque.

Réponse de la cour

La cour ayant retenu qu’aucune faute contractuelle ne pouvait être reprochée à M. [O], la société est nécessairement déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée à l’exécution du contrat, laquelle apparaît, au demeurant, redondante avec les demandes d’indemnisation formées au titre de la responsabilité contractuelle et, subsidiairement, de la responsabilité délictuelle.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.

En cause d’appel, la société est condamnée aux dépens et à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La SCP Aguiraud Nouvellet, avocats, qui en a fait la demande, est autorisée à recouvrer directement à l’encontre de la société les dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette l’exception d’incompétence,

Rejette la fin de non-recevoir soulevé par M. [F] [O],

Déboute la société Excelnergy-Partner de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

Déboute la société Excelnergy-Partner de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

Condamne la société Excelnergy-Partner à payer à M. [F] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d’appel,

Autorise la SCP Aguiraud Nouvellet, avocats, à recouvrer directement à l’encontre de la société Excelnergy-Partner les dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x