N° RG 22/00901 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JA4D
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 18 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00117
Président du tribunal judiciaire de Dieppe du 28 février 2022
APPELANTS :
Monsieur [D] [O]
exerçant sous l’enseigne TV SAT SERVICES
RCS de Rouen n° 422 390 658
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté et assisté par Me Jean-Marie MALBESIN de la SCP LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par MePESCHIUTTA
SA AXA FRANCE IARD
RCS de Nanterre n° B722 057 460
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Jean-Marie MALBESIN de la SCP LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par Me PESCHIUTTA
INTIMEE :
EURL MAISONS PHILIPPE LUCAS
RCS de Rouen n° 413 174 392
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me BARRABE, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 octobre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l’audience publique du 12 octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 18 janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent à cette audience.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sci Les verts bois, propriétaire de locaux commerciaux à Quiberville-sur-Mer (76) a confié leur rénovation à l’Eurl Maisons Philippe Lucas. Se plaignant de désordres, elle a obtenue la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire par ordonnance du juge des référés du 1er février 2021.
Dès sa première note aux parties du 26 octobre 2021, l’expert désigné a relevé des anomalies sur l’installation électrique des locaux reprise dans le cadre de ces travaux et a préconisé les mises en cause de l’entreprise TV Sat services qui est intervenue en sous-traitance pour réaliser les travaux d’électricité. Il a sollicité la production de pièces concernant l’installation.
Par actes d’huissier du 22 novembre 2021, l’Eurl Maisons Philippe Lucas a fait assigner M. [D] [O], artisan exerçant sous l’enseigne TV Sat services, et la Sa Axa France Iard afin que les opérations leur soient étendues en application de l’article 145 du code de procédure civile et que l’artisan communique un certificat du Consuel.
Par ordonnance contradictoire du 28 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dieppe a fait droit aux demandes d’extension des opérations expertales et de production de pièces, en ordonnant l’obtention et la communication par l’artisan des certificats du Consuel se rapportant aux travaux électriques réalisés, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé un délai de trois semaines suivant la signification de l’ordonnance, condamné les défendeurs aux dépens.
Par déclaration au greffe du 11 mars 2022, M. [D] [O] et la Sa Axa France Iard ont formé appel de l’ordonnance.
Par décision du 2 mai 2022, l’affaire a été fixée à bref délai suivant les dispositions des articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notfiées le 17 juin 2022, M. [D] [O] et la Sa Axa France Iard demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835, 695, 696 et 699 du code de procédure civile, de :
– réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à M. [O] d’obtenir et de communiquer à l’Eurl Maisons Philippe Lucas les certificats du Consuel sous astreinte, condamné M. [D] [O] et la Sa Axa France Iard aux dépens de l’instance,
statuant à nouveau,
– rejeter les prétentions de l’Eurl Maisons Philippe Lucas à cette fin,
– rejeter l’appel incident de l’Eurl Maisons Philippe Lucas,
– condamner l’Eurl Maisons Philippe Lucas à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’Eurl Maisons Philippe Lucas aux dépens, dont distraction au profit de la Scp Lenglet Malbesin et associés.
Ils font valoir que :
– M. [O] est intervenu en sous-traitance pour une part modeste des travaux suivant bon de commande du 18 mars 2016 qui ne comprenait que des interventions d’un montant de 1 028,20 euros ;
– l’Eurl Maisons Philippe Lucas avait la responsabilité de la conception et de la réalisation de tous les travaux prévus dans le cadre de la rénovation du local commercial ;
– le constat d’huissier produit date du 9 octobre 2017 et a été établi plus d’un an après son intervention ;
– le certificat du Consuel n’était lors des travaux, obligatoires que pour les maisons neuves mais n’était pas obligatoire pour les travaux de rénovation intérieure, n’était pas exigible en l’espèce et alors qu’aucune disposition du contrat n’en prévoyait la fourniture au cocontractant ;
– le défaut de conformité allégué résulte d’une note aux parties antérieure à sa mise en cause dans le cadre de l’extension des opérations de sorte que l’artisan n’a pu faire ses observations ;
– les conditions de mise en oeuvre des articles 835 et 834 du code de procédure civile ne sont pas réunies ;
– M. [O] ne peut produire ce certificat dont l’obtention devait être recherchée en 2016 par le constructeur et qui ne peut plus être recherchée aujourd’hui ;
– l’astreinte, en son principe et son montant, est purement comminatoire et doit être écartée.
Par dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2022, l’Eurl Maisons Philippe Lucas demande au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1103 et 1194 du code civil, le décret n°72-1120 du 14 décembre 1972 modifié le 6 mars 2001, de confirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a limité l’astreinte à 30 euros par jour de retard passé un délai de trois semaines suivant la signification de la décision, et de :
– fixer le montant de l’astreinte à compter du 28 février 2022,
– débouter M. [O] et la Sa Axa France Iard de leurs demandes,
– condamner in solidum M. [O] et la Sa Axa France Iard à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [O] et la Sa Axa France Iard aux dépens, avec autorisation de recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de la Selarl Gray Scolan, avocats associés.
Elle soutient que :
– la communication du certificat du Consuel est une obligation de faire qui entre dans le champ d’application de l’article 835 du code de procédure civile ;
– les travaux d’électricité ont été exclusivement effectués par l’appelant et les pièces produites démontrent la nécessité d’une mise hors tension de l’installation électrique ;
– si la production du certificat n’est pas expressément mentionnée dans les pièces contractuelles, elle est nécessaire à la remise sous tension de l’installation ;
– il est d’usage que l’électricien effectue la démarche d’obtention du certificat du Consuel ;
– les dispositions du décret n°72-1120 du 14 décembre 1972 sont applicables puisque l’importance des travaux réalisés par l’électricien, soit de nouveaux câblages pour l’alimentation du local commercial impliquait la mise hors tension de l’installation dont la rénovation a été complète et dont les éléments situés en aval du point de livraison de l’électricité ont été déposés et reposés ou remplacés ; M. [O] avait l’obligation réglementaire de l’obtenir ;
– il a procédé de la sorte sur six autres chantiers traités pour elle.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la communication du certificat de conformité de l’installation électrique
L’article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 1 du décret n° 72-1120 du 14 décembre 1972 discuté par les parties précise que doit faire l’objet, préalablement à sa mise sous tension par un distributeur d’électricité, d’une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur pour le type d’installation considérée.
Ce texte a toutefois été abrogé par le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie de sorte que lors de l’exécution des travaux commandés le 18 mars 2016 et facturés le 14 avril 2016 le texte applicable était l’article D. 342-19 du code de l’énergie dont la rédaction est proche :
I. – Doit faire l’objet, préalablement à sa mise sous tension par un distributeur d’électricité, d’une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur pour le type d’installation considérée :
3° Toute installation électrique entièrement rénovée alimentée sous une tension inférieure à 50 kilovolts, dès lors qu’il y a eu mise hors tension de l’installation par le distributeur à la demande de son client afin de permettre de procéder à cette rénovation.
II. – L’attestation établie et visée dans les conditions précisées à la présente sous-section doit être remise au distributeur par l’abonné …
Manifestement, M. [O] ne refuse pas de transmettre la pièce réclamée mais n’en dispose pas matériellement.
Le contrat de sous-traitance signé avec le constructeur, l’Eurl Maisons Philippe Lucas, ne met pas à la charge de l’artisan l’obligation de faire procéder au contrôle de conformité mis en oeuvre par le Consuel.
L’article 3-2 de la convention en page 2 indique que ‘ Le sous-traitant doit respecter les règles de l’art, les dispositions légales et réglementaires et les prescriptions particulières. Le sous-traitant ne peut pas traiter directement avec le maître de l’ouvrage pendant l’exécution du contrat de construction.’.
Cette disposition est d’ordre général et ne définit pas les conditions d’obtention du certificat auprès de l’autorité chargée de l’émettre.
En outre, M. [O] est intervenu sur la base d’un ‘forfait de pose appareillage PC/inter/Spot plafond/radiateurs/tableau électrique et mise à la terre’, travaux facturés le 14 avril 2013 au prix de 1 028,20 euros, payés le 11 mai 2016 suivant mentions manuscrites et signature sans l’expression de difficultés. L’Eurl Maisons Philippe Lucas s’est réservé l’exécution de travaux électriques et de pose d’appareillages réalisés ultérieurement. La facturation de la réception du chantier à la Sci Les verts bois a été émise le 4 mai 2016, sans réclamation particulière contemporaine à l’encontre de M. [O] dont la facture a été acquittée.
Ainsi, aucun élément du dossier ne permet de vérifier que le certificat devait être obtenu en cours de chantier, précisément à l’achèvement de la prestation de M. [O], alors que sa finalité est de permettre au maître de l’ouvrage de bénéficier de la mise en service de la distribution d’énergie en fin de travaux.
En toutes hypoyhèses, le constructeur doit, lors de la livraison des travaux, remettre les documents administratifs validant la conformité des travaux électriques réalisés au maître de l’ouvrage qui, particulièrement dans ce cas, en assure la conservation pour remise au distributeur d’énergie.
En conséquence, il n’est pas démontré que l’obligation d’obtenir le certificat de conformité pesait sur M. [O] ; la demande dirigée à son encontre se révèle d’autant plus contestable que tant le maître d’ouvrage que le constructeur sont tenus d’en conserver un exemplaire.
La demande formée par L’Eurl Maisons Philippe Lucas sera rejetée, la décision entreprise infirmée.
Sur les frais de procédure
L’ordonnance est infirmée sur les dispositions relatives aux dépens.
Partie perdante, l’Eurl Maisons Philippe Lucas sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Les avocats, la Selarl Gray Scolan, avocats associés et la Scp Lenglet Malbesin et associés, bénéficieront des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En équité, l’Eurl Maisons Philippe Lucas est condamnée à payer à M. [O] et son assureur, la Sa Axa France Iard, pris ensemble, la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par ordonnance mise à disposition au greffe,
Dans les limites de l’appel formé,
Infirme l’ordonnance entreprise,
Déboute l’Eurl Maisons Philippe Lucas de sa demande de communication du certificat de conformité de l’installation électrique du Consuel sous astreinte dirigée contre M. [D] [O],
Condamne l’Eurl Maisons Philippe Lucas à payer à M. [D] [O] et la Sa Axa France Iard, pris ensemble, la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’Eurl Maisons Philippe Lucas aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, La présidente de chambre,