COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 26 JANVIER 2023
N° RG 19/02955 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LBNB
Monsieur [N] [M]
c/
Monsieur [Y] [V]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 avril 2019 (R.G. 18-002935) par le Tribunal d’Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 24 mai 2019
APPELANT :
[N] [M]
né le 15 Avril 1960 à [Localité 3]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Marie RAYSSAC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[Y] [V]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Emmanuel GAUTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Dans le cadre de la rénovation de son immeuble situé [Adresse 2], M. [N] [M] a confié à M. [Y] [V], artisan-maçon, différents travaux de maçonnerie et de ravalement des façades.
Les parties se sont trouvés en désaccord sur les prestations réalisées.
Par acte d’huissier du 22 juin 2018, M. [Y] [V] a assigné M. [N] [M] devant le tribunal d’instance de Bordeaux aux fins de paiement d’une facture impayée d’un montant de 6773,80 euros.
Par jugement du 29 avril 2019, le tribunal d’instance de Bordeaux a :
– condamné M. [M] à payer à M. [V] la somme de 6 773,80 euros faisant l’objet de la facture n°F22018-03
– condamné M. [V] à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros pour réparation du préjudice résultant de la dégradation de la peinture de la porte du garage
– ordonné la compensation des sommes dues en application de l’article 1347 du code civil, conformément au dispositif
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
– condamné M. [M] à payer à M. [V] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné M. [M] au paiement des dépens
– ordonné l’exécution provisoire
M. [M] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 février 2020, il demande à la cour, sur le fondement des articles 1103 et 1217 du code civil, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme principale de 6 773,80 euros outre celle de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a rejeté ses demandes incidentes.
Par conséquent, il demande à la cour de :
– dire que la facture de M. [V] n’est pas due ou en tout état de cause la diminuer à hauteur des prestations réellement réalisées soit 948,80 euros
– condamner M. [V] au paiement de 14 550 euros au titre des pénalités de retard
– condamner M. [V] au paiement de 2 072 euros au titre du coût du garde meuble
– rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions de M. [V]
– condamner M. [V] au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 novembre 2019, M. [V] demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1217 et 1219 du code civil, de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Bordeaux le 29 avril 2019 en ce qu’il a
– condamné M. [M] à lui payer la somme de 6 773,80 euros, outre celle de 1 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile
– réformer le jugement entrepris pour le surplus, et statuant à nouveau :
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– condamner l’appelant au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la facture du 4 mars 2018 d’un montant de 6773,80 euros
Le tribunal a considéré que cette facture récapitulative du compte entre les parties, selon M. [V], était due, alors que M. [M] ne démontrait pas que les prestations facturées n’auraient pas été réalisées.
M. [M] considère au contraire que l’ensemble des travaux prévus n’a pas été réalisé. Notamment il résulte du constat d’huissier et des témoignages de ses voisins que le dé-jointement n’a pas été réalisé. Par ailleurs, il expose qu’il n’a pas à supporter la pose d’un échafaudage sur la façade arrière alors que le ravalement de cette façade n’a pas été réalisé. Enfin, l’enlèvement de gravats, n’a pas davantage été effectué.
M. [V], bien au contraire soutient que seuls les travaux réalisés ont été facturés. Notamment les travaux de dé-jointement ont été réalisés sur la façade arrière et ont nécessité le montage d’un échafaudage. En outre, l’appelant ne rapporte pas la preuve que les gravats n’auraient pas été enlevés.
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L’article 1353 du code civil dispose : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
Aussi, il appartient à M. [V] qui réclame le paiement de travaux, dont la réalisation est contestée par l’appelant de rapporter la preuve qu’il a bien exécuté les travaux qu’il a ensuite facturés. Pour sa part M. [M] doit démontrer que tout ou partie des travaux facturés ne sont pas dus ou qu’il s’est libéré de son obligation de paiement.
Il convient de rappeler que la facture litigieuse du 4 mars 2018, concerne à la fois des travaux qui auraient été réalisés sur la façade avant (côté rue) et des travaux qui auraient été réalisés sur la façade arrière ( côté jardin).
Les travaux facturés relatifs à la façade avant concernent le montage et le démontage d’un échafaudage, la protection des fenêtres, Hydro-gommage de la façade, et un jointement partiel.
M. [M] a versé aux débats un procès-verbal de constat dressé le 13 juillet 2018, aux termes duquel l’huissier de justice a consigné les déclarations de son client « M. [M] me déclare ‘ » puis a constaté que « ‘. J’observe que la façade de la maison en pierres de taille a un bel aspect. Je relève l’absence de marques au pourtour des pierres ; je n’observe pas d’éclats ». Il convient de relever que l’huissier de justice a parfaitement noté l’état de la façade sans affirmer, ce qui ne ressortait pas de sa compétence, si un dé-jointement avait été entrepris sur cette façade. On ne peut affirmer à la lecture de son acte, y compris en contemplation des photographies en annexes de celui-ci, qu’un tel dé-jointement n’aurait pas été réalisé, l’absence d’éclats ne pouvant davantage constituer la preuve d’une inexécution de l’enlèvement des joints, alors qu’il peut au contraire être la marque d’un travail soigné. En outre M. [V] n’a pas facturé, concernant la façade avant un dé-jointement mais un Hydro-gommage, ce qui explique l’absence d’éclats autour des pierres de taille. Par ailleurs, les voisins de M. [M], les époux [A], évoquent une altercation entre les parties, en septembre 2017, à propos du résultat du travail de dé-jointement de la façade côté arrière, et non sur la façade côté rue.
Il résulte de ces observations que la facturation des travaux de dé-jointement est justifiée.
En ce qui concerne la façade arrière, si M. [M] conteste devoir payer pour le montage et le démontage d’un échafaudage, alors que M. [V] n’a pas réalisé le ravalement de la façade, il convient d’observer qu’une telle prestation n’a pas été effectivement facturée, mais simplement un dé-jointement qui nécessitait également la présence d’un échafaudage. En outre, l’appelant ne conteste pas la réalisation de ces travaux de dé-jointement qui seuls ont été facturés. Par ailleurs, si M. [M] affirme que ce serait en raison du retard d’intervention de M. [V] qu’il n’aurait pas effectué ce ravalement, il ne démontre pas que les retards pris par les travaux seraient imputables à celui-ci. Il résulte notamment des pièces du dossier que M. [M] a en effet confié à une société Ocordo, agence de travaux, ses travaux de rénovation qui tous ont été ensuite sous traités à différents corps de métiers, la maitrise d »uvre étant confiée à M. [T] exerçant son activité à l’enseigne : « JD CONSEIL » . Or, il résulte des propres pièces de l’appelant qu’à la fin de l’année 2017, un important contentieux est né entre M. [M] et son maitre d »uvre si bien que ce dernier a résilié son contrat ( cf : pièce 3 de l’appelant). En outre, M. [M] adopte une position ambiguë quant au montage d’un échafaudage sur la façade arrière puisqu’il conclut « c’est donc la faute de l’entrepreneur si celui-ci a monté l’échafaudage sans réaliser les travaux » ce qui laisse entendre qu’un tel ouvrage a bien été réalisé, mais il verse au débat l’attestation du menuisier, M. [O], qui affirme que tout le temps de sa présence sur le chantier, de septembre 2016 à mars 2018, il n’a pas vu d’échafaudage monté sur la maison de M. [M], alors qu’à tout le moins, il n’est pas discuté qu’un échafaudage avait été monté sur la façade côté rue, si bien qu’une telle attestation ne peut être sérieusement retenue.
En ce qui concerne l’enlèvement des gravats, M. [V] ne peut rapporter la preuve positive de l’exécution de cette tâche, alors que M. [M] ne verse au débat aucun élément qui démontrerait que l’enlèvement ne se serait pas produit. Notamment, il n’a pas fait constaté par l’huissier de justice le 13 juillet 2018, que des gravats se trouvaient toujours sur le chantier.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a jugé que la facture du 20 mars 2017 était due.
Sur la facture du 12 décembre 2017
Le tribunal a considéré que cette facture était due alors qu’elle était identique au devis du 20 mars 2017 lequel avait fait l’objet d’un avoir le 4 mars 2018 pour tenir compte de la repose de la moitié du mur, et non de la totalité comme cela avait été prévu à l’origine.
M. [M] considère que ce mur aurait dû être remonté en pierres, et non en parpaings, alors que rien n’avait été précisément prévu dans le devis.
M. [V] sollicite la confirmation du jugement sur ce point.
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A partir du moment où le mur d’origine était en pierre de taille, et que le devis ne précisait pas que le mur serait remonté avec un autre matériau, il appartenait au maçon de remonter le mur avec un matériau identique, faute d’avoir reçu l’accord du maitre de l’ouvrage pour utiliser des parpaings.
En conséquence, il convient de déduire des sommes dues par M. [M] la somme de 950 euros représentant le coût facturé par M. [V] de la repose du mur.
En conséquence, le jugement déféré sera reformé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa réclamation à ce titre.
Sur la créance de M. [V]
La créance de M. [V] s’élève à la somme de : 5823,80 euros ( 6773,80 euros ( facture du 4 mars 2018) ‘ la somme de 950 euros ) )
Sur la dégradation de la peinture de la porte du garage
Le tribunal a considéré que M. [V] avait endommagé la peinture de la porte du garage de M. [M] puisque l’altération de la peinture en périphérie de celle-ci correspondait à l’enlèvement du papier adhésif destiné à fixer le polyane prévu au devis pour protéger les portes et les fenêtres. Il a ainsi condamné M. [V] à payer à M. [M] la somme de 1000 euros en réparation de ce préjudice.
M. [M] sollicite la confirmation du jugement sur ce point.
M. [V] conteste être responsable de cette dégradation alors que d’autres entreprises sont intervenues sur le chantier et que cette dégradation n’a été constatée que le 13 juillet 2018, soit bien après son intervention.
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Il résulte du constat d’huissier dressé le 13 juillet 2018 par Me [R], que l’altération de la peinture est visible en périphérie de la porte et correspond ainsi que le tribunal l’a justement relevé à l’enlèvement du papier adhésif destiné à fixer le polyane prévu au devis pour protéger cette porte, alors en outre qu’aucune autre entreprise que celle de l’intimé n’avait de raison de protéger la dite porte, en sorte que c’est à juste raison que le tribunal a jugé que cette dégradation était imputable à M. [V].
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [V] à payer la somme de 1000 euros en réparation de ce préjudice.
Sur les pénalités de retard et les frais de garde meuble
Le tribunal a rejeté la demande de M. [M] au titre des pénalités de retard dont serait débiteur M. [V], considérant que les retards provenaient des modifications exigées par le maitre de l’ouvrage.
M. [M] soutient qu’il résulte du devis signé par les parties le 29 mars 2017 que les travaux devaient être exécutés par M. [V] du 17 avril au 31 octobre 2017, et qu’au-delà des pénalités d’un montant de 150 euros par jour de retard étaient dues. Il considère que l’on ne peut se fonder sur les rapports de chantiers établis par le maitre d »uvre pour considérer que les retards seraient dus à ses exigences de dernières minutes, alors qu’en outre les modifications demandées ne concernaient pas le lot de M. [V]. Il sollicite en outre le paiement par M. [V] des frais de garde meubles qu’il a dû supporter en raison de ces retards.
M. [V] fait valoir que le retard pris par le chantier n’est dû qu’à l’attitude changeante du maître d’ouvrage, ce qui a d’ailleurs entraîné le départ du maître d »uvre. A la lecture des 21 comptes rendus de chantier et des courriers adressés par M. [T], maître d »uvre, il apparaît qu’en aucun cas le retard pris par le chantier ne lui est imputable. En outre, il n’est pas davantage démontré que le retard des travaux de ravalement de façade est incompatible avec l’entrée de M. [M] dans l’immeuble.
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Ainsi que le premier juge l’a justement apprécié, le retard allégué sur le chantier de M. [M] résulte; selon les rapports de chantier qui seuls permettent de suivre sa chronologie; des demandes changeantes du maitre de l’ouvrage. En toute hypothèse, l’appelant ne rapporte nullement la preuve de l’imputabilité des retards à l’entreprise de M. [V]. ( cf : pièces 11 à 23 de l’intimé)
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il débouté M. [M] au titre de ses demandes au titre des pénalités de retard et des frais de garde meubles.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions devant la cour d’appel, si bien qu’elles supporteront toutes deux leurs frais et dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal d’instance de Bordeaux le 29 avril 2019, sauf en ce qu’elle a débouté M. [M] de sa demande au titre de la repose de la moitié du mur et dit par voie de conséquence que la créance de M. [V] s’élève à la somme de : 5823,80 euros.
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens et ses frais non compris dans les dépens.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE