COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
SB/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01566 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ELK3
Jugement du 15 Mai 2018
Tribunal d’Instance de LAVAL
n° d’inscription au RG de première instance 17/000073
ARRET DU 31 JANVIER 2023
APPELANTE :
Madame [M] [B] divorcée [F]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier I070026, et Me LESAGE substituant Me JUGUET, avocat plaidant au barreau d’ANGERS
INTIMES :
Monsieur [R] [F]
né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Elisabeth BENARD de la SCP DESBOIS-BOULIOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAVAL – N° du dossier 1700
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’ANJOU ET DU MAINE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué par Me Audrey PAPIN, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180330
INTERVENANTE VOLONTAIRE
SOCIÉTÉ MCS ET ASSOCIES, agissant en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’ANJOU ET DU MAINE
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué par Me Audrey PAPIN, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 21 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 31 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d’un acte authentique reçu en date du 3 mai 2001, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine (le Crédit agricole) a consenti à M. [R] [F] et Mme [M] [B] un prêt immobilier d’un montant de 92 993,90 euros destiné à financer l’acquisition d’un immeuble situé à [Adresse 14] (53).
Suivant une offre préalable intitulée ‘offre de crédit immobilier’, acceptée le 23 avril 2002, le Crédit agricole leur a également consenti un prêt d’un montant de 10 671 euros, remboursable en 120 mensualités au taux variable de 6,20 % l’an, afin de financer les travaux d’amélioration de l’immeuble acquis le 3 mai 2001.
Par jugement rendu le 5 novembre 2008, le tribunal de commerce de Laval a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de M. [F], artisan plâtrier.
Le 29 décembre 2008, le Crédit agricole a déclaré sa créance au titre du prêt consenti le 23 avril 2002 pour un montant de 9 175,97 euros.
Selon jugement rendu le 18 octobre 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Laval a prononcé le divorce des emprunteurs, mariés depuis le [Date mariage 5] 2001, et a homologué la convention des époux ayant attribué à M. [F] l’immeuble indivis acquis le 3 mai 2001, à charge pour ce dernier de régler les mensualités de remboursement des deux prêts consentis par le Crédit agricole.
Les modalités de remboursement arrêtées par le plan de redressement n’ayant pas été respectées, le tribunal de commerce a, par jugement rendu le 7 mars 2012, ouvert une procédure de liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d’actif par un jugement rendu le 15 juillet 2015.
Le remboursement du prêt consenti le 23 avril 2002 n’ayant plus été honoré, le Crédit agricole a prononcé, le 19 avril 2017, la déchéance du terme et mis en demeure M. [F] et Mme [B] de lui régler les sommes restant dues à ce titre.
Par acte d’huissier délivré le 31 janvier et 19 mai 2017, le Crédit agricole a fait assigner M. [F] et Mme [B] devant le tribunal d’instance de Laval aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 5953,83 euros outre intérêts au taux de 1,71 % à compter du 6 janvier 2017.
Par jugement rendu le 15 mai 2018, le tribunal d’instance de Laval a :
– déclaré irrecevable l’action en paiement engagée par le Crédit agricole à l’égard de M. [F],
– condamné Mme [M] [B] divorcée [F] à payer au Crédit agricole les sommes de :
– 5 536,39 euros outre les intérêts au taux de 1,71 % l’an, à compter du 27 avril 2017, au titre du prêt de 10 671 euros du 23 avril 2002,
– 50 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2017, au titre de l’indemnité forfaitaire,
– rejeté les plus amples prétentions des parties,
– condamné Mme [M] [B] divrocée [F] aux dépens.
Pour déclarer irrecevable l’action engagée à l’encontre de M. [F] par le Crédit agricole, le premier juge a considéré que le prêteur ne justifiait d’aucune exception à la règle posée par l’article L. 643-11 du code de commerce selon laquelle le jugement de clôture pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.
Par déclaration reçue au greffe le 23 juillet 2018, Mme [B] a interjeté appel de l’ensemble des chefs de dispositif de cette décision, intimant M. [F] et le Crédit agricole.
Le Crédit agricole et M. [F] ont formé un appel incident.
Mme [B] demande à la cour d’appel :
– d’infirmer le jugement et le réformant intégralement de :
– dire que le contrat litigieux est un contrat de crédit à la consommation et non un contrat de crédit immobilier,
– constater la forclusion de la demande en paiement formulée à son encontre,
– dire, subsidiairement, que le prêt litigieux lui est inopposable compte tenu de l’acte de liquidation de communauté intervenue le 29 avril 2011 entre elle et M. [F],
– débouter, en tous cas, le Crédit agricole de ses demandes dirigées à son encontre,
– condamner le Crédit agricole à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La SAS Mcs et associés, venant aux droits du Crédit agricole prie la cour d’appel :
– de la recevoir en son intervention volontaire,
– de débouter Mme [B] de son appel,
– d’infirmer le jugement entrepris,
– de condamner solidairement M. [F] et Mme [B] à lui payer la somme de 5 953,83 euros outre intérêts au taux de 1,71 % l’an, à compter du 6 janvier 2017,
– de rejeter toute prétention contraire,
– de condamner solidairement M. [F] et Mme [B] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement M. [F] et Mme [B] aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
M. [F] sollicite de la cour d’appel qu’elle :
– confirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en paiement engagée par le Crédit agricole à son encontre,
Réformant :
– condamne le Crédit agricole à lui payer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,
– condamne le Crédit agricole aux dépens de première instance,
Y additant :
– condamne le Crédit agricole à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,
– le 23 octobre 2018 pour Mme [B],
– le 21 février 2019 pour M. [F],
– le 10 mars 2022 pour la SAS Mcs et associés, venant aux droits du Crédit agricole.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité des conclusions en intervention volontaire de la SAS Mcs et associés
Il est constant que les conclusions ou les pièces déposées après l’ordonnance de clôture, dont la révocation n’a pas été demandée ou prononcée, sont irrecevables.
En l’occurrence, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 7 mars 2022, les conclusions en intervention volontaire notifiées par la SAS Mcs et associés en date du 10 mars 2022 doivent nécessairement être déclarées irrecevables.
Par conséquent, la cour d’appel reste saisie des conclusions n’3 notifiées par le Crédit agricole le 16 mai 2019 dont le dispositif énonce des demandes identiques à celles formées par les conclusions déclarées irrecevables, à l’exception de la prétention tendant à voir déclarer la SAS Mcs et associés recevable en son intervention volontaire.
– Sur l’action en paiement dirigée à l’encontre de Mme [B]
Au soutien de son appel, Mme [B] fait valoir que le contrat de prêt litigieux, contrairement à ce qu’à retenu le premier juge, doit être qualifié de crédit à la consommation et non de crédit immobilier en application des dispositions de l’article L. 312-2 du code de la consommation, aux termes desquelles les dépenses relatives à la réparation, l’entretien et l’amélioration d’un immeuble sont exclues du champ d’application du crédit à la consommation lorsque le montant du crédit est supérieur à 75 000 euros. Elle en déduit qu’en vertu des dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation, l’action en paiement devait être engagée dans les deux ans du premier incident de paiement non régularisé ce qui n’a pas été le cas en l’espèce de sorte que l’action intentée est forclose.
A titre subsidiaire, elle prétend que l’acte liquidatif de communauté, qui a fait l’objet d’une publication auprès des services de la publicité foncière, est opposable erga omnes de sorte que les stipulations ayant transféré à la charge de M. [F] l’obligation de rembourser le prêt litigieux sont opposables au prêteur qui n’est donc pas fondé à agir en paiement à son encontre.
En réponse, le prêteur soutient que le prêt litigieux, qui s’ajoutait à un prêt notarié, dépassait le seuil applicable à la date de souscription justifiant qu’il soit qualifié de crédit immobilier. Il ajoute que ce moyen est quoi qu’il en soit inopérant dès lors qu’un même délai de prescription s’applique en matière de crédit immobilier en vertu de l’article L. 137-2 du code de la consommation et que le premier incident non régularisé date du 10 juin 2016. En outre, il souligne que l’appelante ne peut se prévaloir de l’acte liquidatif, lequel ne produit d’effets qu’entre les parties signataires.
Il est exact qu’en application des articles L. 311-3 4° c) et L. 312-2 c) du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause, les opérations portant sur des immeubles, notamment les opérations qui sont liées à des dépenses de réparation, d’entretien ou d’amélioration d’un immeubles lorsque le montant de ces dépenses est inférieur ou égal à 21500 euros relèvent du champ d’application du crédit à la consommation. Dès lors, le prêt litigieux, consenti le 23 avril 2002 pour un montant de 10 671 euros aux termes d’un acte distinct du prêt assurant le financement de l’acquisition de l’immeuble, étant relevé qu’il n’est pas démontré que l’acquisition de l’immeuble et les travaux de rénovation résultaient d’une opération juridique unique permettant de cumuler leurs montants, doit être qualifié de crédit à la consommation.
En vertu des dispositions de l’article L. 311-37, devenu L. 311-52 puis R. 312-35, du code de la consommation, l’action en paiement doit être engagée dans les deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé sous peine de forclusion.
En l’espèce, le prêteur verse aux débats l’historique des versements opérés dans le cadre du prêt litigieux dont il ressort, et sans que cela soit contesté par Mme [B], que la première échéance non réglée, qui caractérise le premier incident de paiement non régularisé, est celle du 10 juin 2016.
L’assignation en paiement ayant été délivrée à Mme [B] en date du 19 mai 2017, soit moins de deux ans à compter de ce premier incident de paiement non régularisé, l’action en paiement engagée à l’encontre de cette dernière ne se trouvait pas atteinte par la forclusion.
La fin de non-recevoir tirée de la forclusion doit donc être rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a déclaré le prêteur recevable en son action.
De même, s’il n’est pas contesté que l’acte notarié de liquidation-partage reçu le 29 avril 2011, dont se prévaut Mme [B], prévoit, en contrepartie de l’attribution du bien immobilier indivis à M. [F], que ce dernier sera désormais seul redevable du remboursement des prêts souscrits auprès du Crédit agricole, cet acte ne peut emporter convention qu’entre les parties signataires, à savoir M. [F] et Mme [B], et ne peut donc, en application du principe de l’effet relatif des contrats, créer des obligations à l’égard du Crédit agricole qui demeure tiers à cette convention, étant relevé que la publication de cet acte aux services de la publicité foncière, laquelle a pour seul effet de rendre opposable le transfert de propriété résultant de l’attribution de l’immeuble, ne peut avoir pour conséquence de contraindre le prêteur à libérer l’un des co-emprunteurs solidiaires de son engagement contractuel résultant du prêt litigieux.
Dans ces conditions, Mme [B] demeurant contractuellement tenu vis-à vis du prêteur, ce dernier est fondé à agir en paiement à son encontre. Mme [B] ne peut qu’être déboutée de sa demande tendant à voir déclarer le prêt litigieux inopposable à son égard.
Il ressort des pièces versées aux débats que le Crédit agricole a prononcé, après avoir mis en demeure Mme [B] de régler les échéances exigibles, la déchéance du terme du prêt consenti le 23 avril 2002 en date du 19 avril 2017. Le Crédit agricole justifie donc d’une créance exigible.
Au vu du décompte arrêté au 5 janvier 2017 et du décompte arrêté au 19 avril 2017, qui ne sont pas contestés par Mme [B], cette dernière reste redevable, en sa qualité de co-emprunteur solidaire, des sommes suivantes :
– 4 987,25 euros au titre du capital restant dû,
– 517,02 euros au titre du capital des échéances impayés,
– 62,02 euros au titre des intérêts échus et intérêts de retard arrêtés au 5 janvier 2017,
– 387,54 euros au titre de l’indemnité forfaitaire conventionnelle.
Le prêteur ne peut solliciter le paiement des intérêts sur le capital restant dû avant la date de son exigibilité, soit antérieurement au prononcé de la déchéance du terme. En revanche, comme l’a justement relevé le premier juge, une indemnité forfataire conventionnelle peut être sollicitée par le prêteur. Dans la mesure où l’indeminité réclamée n’excède pas ce que prévoient les dispositions des articles L. 312-22 et R. 312-3 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige, et compte tenu de l’ancienneté du prononcé de la déchéance du terme, il n’apparaît pas que le montant de cette indemnité soit manifestement excessif au sens de l’article 1152, devenu 1231-5, du code civil.
Par suite, il convient de condamner Mme [B] à payer au Crédit agricole la somme de 5 953,83 euros outre intérêts au taux de 1,71 % l’an sur la somme de 4 987,25 euros à compter du 19 avril 2017 et sur la somme de 517,02 euros à compter du 6 janvier 2017, et au taux d’intérêt légal sur la somme de 387,54 euros à compter du 19 avril 2017, date de la mise en demeure ayant prononcé la déchéance du terme.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
– Sur l’action en paiement dirigée à l’encontre de M. [F]
S’appuyant sur les dispositions de l’article L. 643-11 du code de commerce, M. [F] estime que le Crédit agricole ne peut se prévaloir d’aucune exception de nature à permettre au prêteur de recouvrer l’exercice individuel de l’action en paiement à son encontre. Il ajoute que le Crédit agricole se contredit en soutenant, d’une part, que le prêt litigieux est en dehors du périmètre de la liquidation judiciaire, alors que la créance afférente à ce prêt a été déclarée dans le cadre de la procédure, et en ayant, d’autre part, saisi le tribunal de commerce de Laval d’une requête en réouverture de la liquidation judiciaire aux fins de réalisation de l’immeuble par le mandataire liquidateur. Il ajoute que le jugement rendu le 15 novembre 2017 déboutant le prêteur de cette demande a acquis force de chose jugée. Il en conclut que c’est à juste titre que le premier juge a déclaré irrecevable l’action en paiement engagée par le Crédit agricole à son encontre au titre du prêt litigieux.
Le Crédit agricole au contraire réfute toute irrecevabilité de l’action en paiement car, selon lui, outre que le prêt litigieux est totalement étranger à l’activité professionnelle de M. [F] de sorte qu’il n’entrait pas dans le périmètre de la liquidation judiciaire, l’immeuble dont est propriétaire M. [F] échappe à l’effet réel de la procédure collective en vertu de la déclaration d’insaisissabilité régularisée postérieurement à la conclusion du prêt litigieux. S’appuyant sur un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 13 septembre 2017, il ajoute que la déclaration d’insaisissabilité régularisée postérieurement à la naissance de sa créance lui étant inopposable, il bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble, qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance. Il précise que cet immeuble ne figurant pas parmi les actifs de la liquidation judiciaire, la règle relative à l’interdiction d’agir contre le débiteur postérieurement au jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne s’applique pas et ne peut donc faire obstacle à son action en paiement laquelle doit par conséquent être déclarée recevable. Il relève que, par jugement rendu le 15 novembre 2017, le tribunal de commerce de Laval a rejeté la requête dont il l’avait saisi en réouverture de la liquidation judiciaire au motif que l’immeuble litigieux se trouvait hors procédure et qu’il lui était dès lors loisible d’exercer la voie d’exécution de son choix sur ce bien.
M. [F], qui s’en est d’ailleurs prévalu dans le cadre de l’instance en réouverture de la procédure de liquidation judiciaire introduite devant le tribunal de commerce de Laval ayant donné lieu au jugement rendu le 15 novembre 2017, ne conteste pas avoir régularisé en date du 2 mars 2007 une déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble acquis le 3 mai 2001, en application des dispositions de l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015.
En vertu de ces mêmes dispositions, cette déclaration d’insaisissabilité, dont la régularité n’a pas été contestée, n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Il en découle, d’une part, que cette déclaration est inopposable au Crédit agricole dont le droit de créance au titre du prêt ligieux est né antérieurement à la publication de cette déclaration et en dehors de l’activité professionnelle de M. [F] et, d’autre part, que l’immeuble insaisissable, échappant à l’effet réel de la procédure collective, n’est pas entré dans le gage commun des créanciers interdisant au liquidateur de le réaliser dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d’actif par un jugement rendu le 15 juillet 2015.
Pour autant, et contrairement à ce que soutiennent les parties, la créance résultant du prêt litigieux autorisait le Crédit agricole à déclarer sa créance à la procédure collective afin de participer aux distributions éventuelles nonobstant son droit d’agir sur l’immeuble par lui saisissable.
Si le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble est inopposable bénéficie d’un droit de poursuite sur l’immeuble, il n’en demeure pas moins soumis, dans le cadre de la procédure collective, au principe d’ordre public de l’arrêt des poursuites ainsi qu’à l’interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d’ouverture. Il en résulte que, s’il doit être en mesure d’exercer le droit qu’il détient sur l’immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance, cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci, quand bien même la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif, dans la mesure où le prononcé d’une condamnation à paiement, qui revient à autoriser le créancier à agir sur l’ensemble du patrimoine du débiteur, se heurte au principe de la non-reprise des poursuites individuelles posé par l’article L. 643-11 du code de commerce, et dont les exceptions, qui doivent être interprétées strictement, n’envisagent aucunement la situation du créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable.
Il en découle que si le Crédit agricole est fondé à solliciter un titre exécutoire lui permettant d’exercer son droit sur l’immeuble, il ne peut obtenir, contrairement à ce qu’il soutient, la condamnation à paiement de M. [F].
Partant, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a déclaré le Crédit agricole irrecevable en son action en paiement dirigé à l’encontre de M. [F] au titre du prêt litigieux.
En revanche, le Crédit agricole étant fondé à obtenir un titre exécutoire, dont la demande résulte nécessairement de celle tendant à la condamnation à paiement de M. [F], afin d’exercer le droit qu’il détient sur l’immeuble dont ce dernier est propriétaire, il convient de constater que le prêteur est titulaire d’une créance exigible à l’encontre de M. [F] au titre du prêt souscrit le 23 avril 2002 et d’en fixer le montant à la somme de 5 953,83 euros outre intérêts au taux de 1,71 % l’an sur la somme de 4 987,25 euros à compter du 19 avril 2017 et sur la somme de 517,02 euros à compter du 6 janvier 2017, et au taux d’intérêt légal sur la somme de 387,54 euros à compter du 19 avril 2017.
– Sur les demandes accessoires
M. [F] et Mme [B], qui succombent au moins partiellement, seront condamnés in solidum aux entiers dépens d’appel, les dispositions relatives aux frais et dépens du jugement déféré étant confirmées.
Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé au recouvrement des dépens d’appel.
L’équité commande de condamner M. [F] et Mme [B] in solidum à verser au Crédit agricole une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [F] et Mme [B] seront par conséquent déboutés leurs demandes formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
DECLARE irecevables les conclusions d’intervention volontaire notifiées le 10 mars 2022 par la SAS Mcs et associés,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en paiement engagée par le Crédit agricole à l’égard de M. [R] [F], rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [M] [B] divorcée [F] aux dépens,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action engagée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine à l’encontre de Mme [M] [B] épouse [F],
DECLARE par conséquent la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine recevable en son action dirigée à l’encontre de Mme [M] [B] divorcée [F],
CONDAMNE Mme [M] [B] divorcée [F] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 5 953,83 euros outre intérêts au taux de 1,71 % l’an sur la somme de 4 987,25 euros à compter du 19 avril 2017 et sur la somme de 517,02 euros à compter du 6 janvier 2017, et au taux d’intérêt légal sur la somme de 387,54 euros à compter du 19 avril 2017,
DEBOUTE Mme [M] [B] divorcée [F] de l’ensemble de ses demandes,
CONSTATE que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine est titulaire d’une créance exigible à l’encontre de M. [R] [F] au titre du prêt consenti le 23 avril 2002, afin de permettre au créancier d’exercer son droit sur l’immeuble situé à [Adresse 14] (53), dont M. [R] [F] est propriétaire,
FIXE cette créance à la somme de 5 953,83 euros outre intérêts au taux de 1,71 % l’an sur la somme de 4 987,25 euros à compter du 19 avril 2017 et sur la somme de 517,02 euros à compter du 6 janvier 2017, et au taux d’intérêt légal sur la somme de 387,54 euros à compter du 19 avril 2017,
DEBOUTE M. [R] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [R] [F] et Mme [M] [B] divorcée [F] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [R] [F] et Mme [M] [B] divorcée [F] aux entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL