Droits des Artisans : 27 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00534

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Droits des Artisans : 27 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00534

RUL/CH

[G] [P]

[Z]

[M] épouse [P]

C/

[B] [W]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00534 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FX3R

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 01 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 20/00124

APPELANTS :

[G] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-Luc SERIOT de la SCP GALLAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

[Z] [M] épouse [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc SERIOT de la SCP GALLAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉ :

[B] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Florian LOUARD, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par requête du 8 septembre 2020, M. [B] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Mâcon, notamment, des demandes suivantes contre de M. [G] [P] et Mme [Z] [M] épouse [P] :

« – constater l’existence d’une obligation au profit de Monsieur [W] de :

* 3 900 euros à titre de rappel de salaire en CESU, outre intérêts de droit sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

* 3 900 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et économique,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

* 3 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».

Par jugement du 1er juillet 2021, le conseil de prud’hommes a accueilli les demandes du requérant et condamné les époux [P] à lui payer diverses sommes à titre, notamment, de rappel de salaire, de dommages-intérêts pour préjudice moral et économique, et de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par déclaration du 13 juillet 2021, les époux [P] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières écritures du 27 avril 2022, les appelants demandent de :

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– débouter M. [W] de toutes ses demandes,

à titre reconventionnel,

– le condamner à leur verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières écritures du 22 février 2022, M. [W] demande de :

– débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes,

– confirmer le jugement déféré,

– condamner les défendeurs à lui verser in solidum les sommes suivantes :

* 3 900 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et économique,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que M. [W] développe dans ses écritures divers arguments relatifs à l’irrecevabilité invoquée de ses demandes.

Néanmoins, ces développements sont sans objet, les appelants ne formulant à cet égard aucune demande dans le dispositif de leurs conclusions et les moyens et arguments développés dans le corps de leurs écritures ont principalement trait au fond de ses prétentions, se limitant à « s’interroger sur la recevabilité de ses demandes devant le conseil de Prud’hommes, conformément aux dispositions des articles 31 et suivants et 122 du code de procédure civile », sans en tirer la moindre conséquence juridique.

I – Sur la relation de travail :

Au visa des dispositions légales relevant de la théorie générale des contrats, M. [W] soutient qu’un contrat lie les parties et qu’il repose sur la réalisation d’un marché de travaux consistant en la réfection d’un bien immobilier, en peinture et pose de parquets.

Au titre d’un « commencement de preuve par preuve par écrit », il prétend :

– qu’il a été embauché et salarié « par les défendeurs » pour la période du 1er au 31 octobre 2018 (pièce n° 1), cette période d’emploi correspondant à la première échéance de règlement des travaux prévus aux termes du « marché passé entre les parties » qui en prévoyait trois,

– qu’il a commandé les consommables nécessaires à la réalisation des travaux et qu’ils ont été réglés par M. [P],

– que par lettre du 19 décembre 2019 les époux [P] ne nient pas la réalisation des travaux ni le paiement d’un acompte en CESU concrétisant la relation de travail entre les parties (pièce n° 6),

et conclut que « ce commencement de preuve par écrit prouve l’existence d’un marché entre les parties et donc l’obligation en résultant, et prouve encore qu’il y a eu mise en ‘uvre de celui-ci renforçant encore la force de la présomption dont il se prévaut, la rendant irréfragable : il est employé des consorts [P] ».

Pour leur part les époux [P] opposent que :

– M. [W] s’est inscrit comme auto-entrepreneur le 20 novembre 2012 en qualité d’artisan « travaux spécialisés de construction ». En redressement judiciaire à compter du 13 juillet 2018, il a finalement été placé en liquidation judiciaire le 14 septembre suivant et la procédure a été clôturée 26 avril 2019 pour insuffisance d’actifs (pièce n° 5), de sorte qu’à l’époque du chantier litigieux, il n’était plus artisan indépendant mais salarié rémunéré par le biais de CESU,

– le règlement du salarié est intervenu de manière anticipée, à sa demande, et il s’en est suivi l’émission et la rédaction de pièces qui créent à tort l’apparence d’une relation de travail dès le 1er octobre 2018 (déclaration CESU du 06/11/2018, attestation Pôle Emploi (pièces n° 1 et 4),

– contrairement à ce qu’il prétend, M. [W] ne pouvait pas effectuer 120 heures de travail au domicile des époux [P] au cours du mois d’octobre 2018 puisqu’ils étaient absents, que leur domicile n’était pas accessible et les fournitures nécessaires au chantier n’ont été achetées qu’à partir du 5 novembre 2018 (pièces n° 6, 7, 10, 12 à 15),

– le planning estimé des jours et heures travaillés produit en première instance, et prétendument non contesté par les intimés, a en réalité été communiqué en cours de délibéré à la demande du conseil de prud’hommes, la privant de la possibilité de le contester, et aucun élément ne confirme ce décompte,

– les parties avaient préalablement et conjointement forfaitisé l’intervention de M. [W] à 120 heures et dans ce cadre il a travaillé en toute liberté, organisant ses temps de présence sur le chantier et ses interventions selon son bon vouloir,

– le règlement par anticipation, le 6 novembre 2018, au moyen d’un chèque libellé à l’ordre du salarié, des 120 heures de travail convenues pour être réalisées en novembre 2018 induit qu’il ne subsiste aucun quota d’heures non rémunérées susceptible d’être revendiqué par M. [W].

L’article 5 de l’accord paritaire du 13 octobre 1995 relatif au chèque emploi-service dispose que le contrat de travail CESU peut être utilisé pour des prestations de travail occasionnelles dont la durée hebdomadaire n’excède pas 8 heures ou pour une durée dans l’année de 1 mois non renouvelable. Pour ces emplois, le chèque emploi-service tient lieu de contrat de travail.

L’article 6 de l’accord dispose que le contrat de travail CESU peut également être utilisé pour des prestations de travail non occasionnelles. Dans ce cas, un contrat de travail doit être signé.

M. [W] soutient avoir travaillé du 1er au 31 octobre 2018 au domicile des époux [P] pour des travaux de rénovation et réclame confusément une somme de 3 900 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard à partir du jugement à intervenir, au motif que « les défendeurs n’apportent pas la preuve qu’ils sont libérés de leur obligation ni par le paiement du solde du marché, ni par un quelconque fait ayant produit l’extinction de leur obligation », demande formulée au titre d’un rappel de salaire dans sa requête initiale et analysée comme telle par les premiers juges.

La cour relève en premier lieu que dans le dispositif de ses conclusions, M. [W] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 2 300 euros à ce titre et qu’il ne formule sur ce point aucune demande à hauteur de 3 900 euros, étant observé que dans le premier courrier de son avocat aux époux [P], la somme réclamée à ce titre s’établissait à 3 200 euros (pièces n° 5 et 6) mais qu’il a ensuite ajouté une somme de 700 euros au titre de la pose d’un parquet.

Par ailleurs, M. [W] évoque au fil de ses conclusions la nécessité d’établir l’existence d’un contrat liant les parties, contrat alternativement qualifié de « contrat », de « contrat consensuel » ou de « contrat de travail ». Au-delà du fait qu’il ne formule pas, dans le dispositif de ses conclusions, la moindre demande de qualification d’un tel contrat, la cour relève que la relation de travail liant les parties sous la forme d’un CESU n’est pas contestée, seul son contenu (période de travail, durée du travail et rémunération) est discuté.

Selon l’article L. 1271-5 du code du travail, pour les emplois dont la durée de travail n’excède pas huit heures par semaine ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l’année, l’employeur et le salarié qui utilisent le chèque emploi-service universel sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l’un ou de l’autre par les articles L. 1242-12 et L. 1242-13, pour un contrat de travail à durée déterminée, et L. 3123-14 pour un contrat de travail à temps partiel, ou par les articles L. 741-2 et L. 741-9 du code rural et de la pêche maritime. Pour les emplois de durée supérieure, un contrat de travail est établi par écrit.

En cas de litige quant à l’existence ou au nombre d’heures effectuées, en l’absence de contrat écrit, il appartient au juge d’évaluer le nombre d’heures de travail accomplies par le salarié et de fixer les créances de salaire s’y rapportant.

En l’espèce, sous l’intitulé « de l’existence d’un contrat de travail entre les parties conclu dans le cadre d’un marché », M. [W] expose longuement avoir été embauché et salarié par les époux [P] et indique que la « valeur du marché » était de 5 728 euros « dont peinture payée directement par Monsieur [P] et Madame [Z] [M] profitant ainsi des prix attractifs réservés aux professionnels », soit 1 326,89 euros, lui laissant des émoluments fixés à 4 401,11 euros payés par CESU sur 3 mois, les 1 200 euros perçus correspondant à la première échéance convenue.

Pour leur part, les époux [P] oppose que les premiers juges ont retenu à tort que M. [W] avait travaillé du 1er au 31 octobre 2018 puis du 5 novembre au 8 décembre suivant, alors que selon eux les travaux n’ont commencé que le 5 novembre 2018 sans d’ailleurs être terminés.

Il ressort des pièces produites :

– d’une part que la période travaillée figurant sur le bulletin de paye (pièce n° 1) comme sur la déclaration CESU n° 2289603 (pièce n° 2) et l’attestation UNEDIC (pièce n° 4) est définit du 1er au 31 octobre 2018,

– que la durée de travail a été fixée à 120 heures de travail au taux horaire de 10 euros.

Dans ces conditions, la cour considère que ces éléments démontrent que M. [W] a travaillé durant cette période, les éléments produits par les époux [P] relatifs à leur absence et à l’inaccessibilité de leur domicile pendant cette période ne suffisent pas à établir que M. [W] n’a pu y travailler comme indiqué sur les documents afférents au CESU, les travaux pouvant avoir été effectués même en leur absence et l’accès au domicile pouvant se faire par un autre moyen inconnu des témoins, lesquels attestent seulement n’avoir laissé entrer personne, pas que personne n’est entré.

Sur ce point, l’affirmation de M. [W] selon laquelle M. [N] (pièce n° 14) atteste sous la dictée d’un des conjoints [P] ne repose sur aucun élément sérieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’écarter cette attestation.

En revanche, les époux [P] démontrent que M. [W] a été payé du travail effectué à ces dates, celui-ci produisant son bulletin de paye sur lequel figure la mention du paiement de la somme de 1 200 euros qu’il admet dans ses écritures avoir perçu. (pièce n° 1)

Pour le surplus, la cour relève que M. [W] ne produit strictement aucun élément relatif aux heures de travail qu’il prétend avoir effectué du 5 novembre au 8 décembre 2018, pas même le « décompte » auquel les premiers juges font référence dans leur jugement, pas plus qu’il ne produit d’élément de nature à confirmer l’affirmation selon laquelle la « valeur du marché » était de 5 728 euros et sa rémunération de 4 401,11 euros payés par CESU sur 3 mois.

En effet, les factures de novembre 2018 qu’il produit le concernent directement et ne font aucunement mention du chantier auxquelles se rapportent (pièces n° 2 à 4).

En outre, le courrier de son avocat du 28 novembre 2019 se borne à reprendre les affirmations de M. [W] en évoquant une somme différente de celle réclamée dans sa requête et un devis qui n’est aucunement produit (pièces n° 7 et 9).

Dans ces conditions, M. [W] n’est donc pas fondé à solliciter un rappel de salaires à ce titre, le jugement étant infirmé sur ce point.

II – Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral et économique :

Considérant que les défendeurs n’ont pas exécuté leurs obligations nées du contrat de travail tenant au paiement intégral des sommes dues, M. [W] soutient avoir subi un préjudice moral et économique dont il demande l’indemnisation à hauteur de 3 900 euros.

Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent que ses demandes sont infondées.

Par ailleurs, il ne justifie à cet égard d’aucun élément ni préjudice.

La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

III – Sur les dommages-intérêts pour « résistance abusive » :

Considérant que « Tous les éléments sont réunis en l’espèce pour caractériser la résistance abusive des défendeurs qui n’ignorent pas leur dette à l’égard du demandeur », M. [W] sollicite la somme de 5 000 euros destinée à « stigmatiser ce parasitisme économique insupportable ».

Toutefois, si le refus d’exécuter ses obligations peut, le cas échéant, être qualifié de résistance abusive justifiant une condamnation à des dommages-intérêts, celle-ci suppose la démonstration de la mauvaise foi du débiteur et d’un préjudice distinct subi par le créancier.

En l’espèce, M. [W] ne justifie ni de l’un ni de l’autre, procédant par voie d’affirmations et dénigrement, de sorte que sa demande sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV – Sur les demandes accessoires :

– Sur la remise des documents légaux rectifiés :

M. [W] sollicite la confirmation du jugement déféré sur ce point. Ses demandes étant par ailleurs rejetées, cette demande est sans objet et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– Sur les intérêts au taux légal :

M. [W] sollicite la confirmation du jugement déféré sur ce point. Ses demandes étant par ailleurs rejetées, cette demande est sans objet et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

M. [W] sera condamné à payer à M. et Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

La demande de M. [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

M.[W] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 1er juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Mâcon en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE l’ensemble des demandes de M. [B] [W],

CONDAMNE M. [B] [W] à payer à M. [G] [P] et Mme [Z] [M] épouse [P] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [W] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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