Contrat d’Artiste : 12 avril 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 14-29.427

·

·

Contrat d’Artiste : 12 avril 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 14-29.427
Ce point juridique est utile ?

COMM.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 avril 2016

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président

Décision n° 10092 F

Pourvoi n° A 14-29.427

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ M. [G] [U], domicilié Théâtre [Établissement 1], [Adresse 2],

2°/ la société Bonnie productions, société à responsabilité limitée, dont le siège est Théâtre [Établissement 1], [Adresse 2],

contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2014 par la cour d’appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société [Localité 1] événements, anciennement dénommée Espace congrès [Localité 1], société d’économie mixte, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 8 mars 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Debacq, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de Me Ricard, avocat de M. [U] et de la société Bonnie productions, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [Localité 1] événements ;

Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [U] et la société Bonnie productions aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société [Localité 1] événements la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. [U] et la société Bonnie productions

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté M. [U] et la société Bonnie Productions de toutes leurs demandes

AUX MOTIFS QUE

« Selon contrat du 24 novembre 2008, ECR a réservé à la société Bonnie Production la location d’une salle de spectacle de 782 places et des locaux d’accueil-vestiaire à [Localité 1] le 17 avril 2009 pour la représentation du spectacle de l’humoriste [G], intitulé ” j’ai fait l’con”, moyennant le prix total de 3.804 € HT sur lequel un acompte de 1.1137,40 € a été réglé selon facture du 16 décembre 2008.
Le contrat énonce en préambule que: “Espace Congrès de [Localité 1] se réserve expressément le droit de ne pas contracter pour le motif de la non-adéquation avérée ou révélée de la manifestation avec l’objet, l’esprit ou l’image de ses sites ou de la ville”
Au chapitre des obligations des contractants, le contrat prévoit notamment que la société Bonnie Productions devait faire son affaire de l’obtention auprès des autorités administratives compétentes et des tiers, de tous les agréments et autorisations nécessaires à la réalisation de la manifestation qu’elle organise.
Au chapitre des conditions de réservation, il indique qu’ECR se réserve expressément le droit de ne pas contracter, de façon provisoire ou définitive, soit à raison d’une communication incomplète des renseignements préalablement requis, soit à raison de la non délivrance ou de la non production, en temps utile, des autorisations administratives que la loi ou les règlements imposent au client.
Pour justifier l’annulation du contrat de réservation notifiée le 25 février 2009, l’appelante invoque d’abord le défaut d’autorisation d’exploiter de la société Bonnie Production qui dispose d’une licence de spectacles l’autorisant seulement à se produire en région parisienne pour les activités du théâtre installé [Adresse 2] à [Localité 2] et non à [Localité 1].
Cependant, la Cour constate que la société Bonnie Production est titulaire d’une licence d’entrepreneur de spectacle délivrée pour 3 ans le 3 octobre 2008 par le préfet d’Ile de France, que cette licence est accordée en tant qu’entrepreneur de tournées-diffuseur de spectacles et que l’appelant procède par simples affirmations quand il soutient que la licence ne permet pas d’effectuer des tournées en province.
Au surplus, le défaut d’autorisation administrative n’a pas été invoqué dans la lettre d’annulation de la réservation de sorte qu’ECR ne peut prétendre qu’il fonde cette annulation.
L’appelant invoque ensuite la validité et le bien-fondé de l’application de la clause précitée lui donnant le droit de ne pas contracter en raison de la non-adéquation avérée ou révélée de la manifestation avec l’objet, l’esprit ou l’image de ses sites ou de la ville.
S’agissant du sens de cette clause, elle ne se conçoit, selon ses termes mêmes, que si, postérieurement à la réservation d’une salle de spectacles, est révélée ou avérée que la manifestation réservée est contraire aux valeurs ou à l’image du gestionnaire de la salle ou de la ville de [Localité 1].
Le contrat litigieux étant un contrat de réservation de salle obéissant à diverses conditions, il est clair que cette clause donne la possibilité à ECR, dans les cas visés, de ne pas contracter mais également par voie de conséquence, et contrairement à ce qu’a estimé le premier juge et ce que soutiennent les intimés d’annuler la réservation après que celle-ci ait été faite puisque soutenir le contraire revient à vider cette clause de toute portée et de tout sens.
Cette clause est parfaitement valide et ne présente aucun caractère abusif puisqu’il doit être possible au loueur de la salle de choisir les spectacles qu’entend abriter et par conséquent de vérifier que celui annoncé dans le contrat de réservation est bien conforme à ce choix, faute de quoi, par exemple, un spectacle érotique non souhaité par ECR pourrait être présenté dans le contrat de réservation comme un spectacle de danse anodin.
La clause litigieuse étant ainsi valide, il reste à apprécier si elle est applicable à l’espèce, étant observé que même si la lettre d’annulation du 25 février 2009 ne la vise pas expressément, ECR s’y réfère manifestement puisqu’il indique dans ce courrier :
“Vous avez réservé dans nos espaces à [Localité 1], une salle en novembre 2008 afin d’y produire un de vos artistes en avril prochain. Il s’avère que cet artiste, par ses comportements choquants sur scène et ses dérapages verbaux génère réactions et émotions lors de ses passages. Au vu notamment des événements survenus fin décembre lors du spectacle programmé au [Établissement 2] de [Localité 2], nous préférons par principe de précaution, annuler la tenue du spectacle …. ”
Il apparaît donc que postérieurement à la signature du contrat de réservation, les événements survenus fin décembre 2008 au [Établissement 2] de [Localité 2] ont déterminé ECR, au vu des dérapages verbaux et des comportements choquants observés pendant le spectacle de l’artiste, à annuler la réservation. Il est établi et non contesté qu’au cours de cette représentation du 26 décembre 2008, [G] a mis en scène un simulacre de cérémonie consistant en la remise d’un prix fictif par une personne déguisée en déporté, à l’historien négationniste [H] [W] qui s’est vu décerner,”le prix de l’infréquentable et de l’insolence” et s’est vu remettre sur scène un trophée en forme de chandelier à trois branches coiffé de pommes, par un technicien habillé en pyjama et arborant sur la poitrine l’étoile jaune d’un déporté juif de la seconde guerre mondiale.
Ce spectacle a valu à M. [U], une condamnation pénale pour injure à caractère racial prononcée le 17 mars 2011 par la Cour d’appel de Paris qui a considéré dans son arrêt, que le prévenu avait eu pour objectif d’ : “offenser délibérément la mémoire d’un peuple en tournant en dérision, par le biais de la parole, de l’étoile jaune, support du mot “juif”, et de l’emblème du chandelier remis par un “déporté” à un spécialiste des thèses négationnistes, la déportation et l’extermination des juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale”.
Par ailleurs, il ressort des communiqués et articles de presse produits, que le spectacle du [Établissement 2] a provoqué de vives réactions de réprobation, notamment à [Localité 1] dont le maire a pris un arrêté le 30 mars 2009 interdisant la tenue du spectacle dans sa ville en raison du trouble à l’ordre public que risquait de provoquer le spectacle “j’ai fait le con” au regard de l’histoire de [Localité 1] dont de nombreux habitants et anciens résistants ont fait part de leur hostilité à la venue de [G].
Cet arrêté a été suspendu par le juge des référés administratifs qui a considéré qu’il n’était pas établi que la tenue du spectacle présentait pour l’ordre public des dangers auxquels les autorités de police ne seraient pas à même de faire face et que par suite, l’arrêté portait à la liberté d’expression une atteinte manifestement illégale.
Il n’en demeure pas moins, sur le strict plan de l’application de la convention liant les parties, que le spectacle proposé par l’humoriste, avec ses dérives constatées en décembre 2008, soit postérieurement à la réservation, est manifestement en opposition avec les valeurs et l’image de la ville de [Localité 1], marqué par un passé de résistance à l’occupant nazi et par les souffrances infligées pendant la deuxième guerre mondiale à ses habitants dont un grand nombre sont morts en déportation.
Les intimés qui soutiennent que le spectacle du [Établissement 2] du 26 décembre 2008 comportait une partie exceptionnelle dans un but de provocation extraordinaire qui ne devait pas se reproduire à [Localité 1], ne peuvent en fournir aucune assurance et rien ne garantit que l’artiste [G], n’ait pas prévu une nouvelle provocation du type de celle qu’il revendique clairement.
Dans ces conditions, c’est à bon droit, qu’en application de la clause contractuelle précitée, ECR a annulé la réservation d’un spectacle dont une partie s’avérait une apologie publique du négationnisme manifestement destinée à discréditer la déportation et le génocide juif, contraire à l’esprit et à l’image de la ville de [Localité 1].
En conséquence, les intimés seront déboutés de toutes leurs demandes et ils verseront ensemble une indemnité de 5.000€ à l’appelant » ;

1°) ALORS QUE les conditions générales de vente applicables au contrat litigieux de réservation d’une salle de spectacle stipulent en préambule que « Espace Congrès de [Localité 1] se réserve expressément le droit de ne pas contracter pour le motif de non-adéquation avérée ou révélée de la manifestation avec l’objet, l’esprit ou l’image de ses sites ou de la ville » ; qu’il résulte uniquement des termes clairs et précis de cette clause un droit pour le gestionnaire de la salle « de ne pas contracter » ; qu’en considérant que cette clause donnait la possibilité à l’Espace Congère de [Localité 1] d’annuler la réservation après que celle-ci ait été faite, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l’article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE la liberté de ne pas contracter ne s’exerce qu’en période précontractuelle ; qu’ainsi le droit de ne pas contracter, que se réserve le gestionnaire d’une salle de spectacle aux termes d’une clause figurant au préambule des conditions générales de vente applicables au contrat de réservation de la salle, ne l’autorise pas à se dédire du contrat par lequel il a réservé et loué la salle de spectacle à son cocontractant ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ; que la faculté, purement discrétionnaire, offerte au cocontractant, et à lui seul, de rompre le contrat après sa signature sans indemnité est potestative ; que la cour d’appel retient que la clause litigieuse donne la possibilité à l’Espace Congrès de [Localité 1] de ne pas contracter mais également par voie de conséquence d’annuler la réservation après que celle-ci ait été faite ; qu’en considérant que cette clause est parfaitement valide et ne présente aucun caractère abusif, la cour d’appel a violé l’article 1174 du code civil.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x