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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 14 Avril 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/04093
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13-02292
APPELANTE
URSSAF PARIS – REGION PARISIENNE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Mme [E] en vertu d’un pouvoir général
INTIMEE
SAS GILBERT COULLIER PRODUCTION
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Caroline BIRONNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1158
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 2]
avisé – non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er février 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Laïla NOUBEL, lors des débats
ARRÊT :
-contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Vénusia DAMPIERRE, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
La société Gilbert Coullier Production a produit plusieurs spectacles de l’humoriste [Y] [N]. Elle a conclu également le 10 décembre 2003 avec ce dernier, à l’occasion d’un premier spectacle au Palais des sports [Localité 4] un “contrat d’enregistrement” par lequel l’artiste lui cédait à titre exclusif “les droits de reproduction, de communication et de mise à disposition du public de l’enregistrement à être réalisée à l’occasion du spectacle sous la forme et sous le contenu où il sera interprété par celui-ci sur la scène”.
L’article 9 de ce contrat stipule que Monsieur [N] percevra un salaire en rémunération de sa performance pour cet enregistrement et que en outre, en contrepartie des droits exclusifs consentis par l’artiste, le producteur versera à celui-ci une redevance calculée sur le chiffre d’affaires net éditeur facturé par la société Gilbert Coullier Production, avec un pourcentage augmentant en fonction du nombre d’exemplaires vendus.
La société a ensuite produit le nouveau spectacle de [Y] [N] au Palais des sports à [Localité 4] et a donc conclu le 5 mai 2010 avec ce dernier un contrat de travail l’engageant à représenter son spectacle et l’intéressé a perçu à ce titre une rémunération de 351837€ en 2011 et 209387€ en 2010.
Elle a signé ensuite avec l’artiste le 4 janvier 2011 un avenant n°3 au contrat du 10 décembre 2003 pour l’enregistrement de ce nouveau spectacle le 12 février 2011, précisant qu’il “reprend sans les nover et demeurant soumis à l’ensemble des dispositions du contrat d’enregistrement du 10/12/2013 et que notamment les dispositions concernant les rémunérations des parties, le cachet d’enregistrement de l’artiste interprète et les calculs des redevances demeurent conformes aux dispositions des avenants 1et 2 à ce contrat”. Il est précisé également que : “Ces redevances seront payées après récupération de l’ensemble des avances payées et imputées par le licencié sur le compte de l’artiste en vertu des dispositions du présent contrat”.
Elle a également conclu le 30 avril 2011 en sa présence un contrat avec la société Universal Pictures Video pour l’exploitation des enregistrements.
L’article 11 de ce contrat de licence prévoit que la société Universal Pictures Video
verse à la société Gilbert Coullier Production une somme de 1.500.000€ à titre d’avance récupérable par compensation sur l’ensemble des rémunérations qui pourront être dues au concontractant.
La société Gilbert Coullier Production a fait l’objet d’un contrôle par les services de l’URSSAF qui lui ont notifié le 9 janvier 2013 un redressement portant notamment sur des cotisations sur la somme de 90000€ que la société Gilbert Coullier Production avait versée à Monsieur [N] en 2011 . Les inspecteurs ont maintenu ce point de redressement que la société a contesté devant la commission de recours amiable qui l’a confirmé le 24 juin 2013 considérant que ces sommes étaient un salaire et non des redevances.
Le Tribunal des affaires de sécurité sociale [Localité 4] saisi par la société Gilbert Coullier Production a dans une décision du 30 janvier 2015:
– annulé ce point de redressement
– ordonné en conséquence le remboursement par l’URSSAF à la société Gilbert Coullier Production de la somme de 25782€ et majorations de retard, payée par cette dernière avec intérêts au taux légal à compter du jugement
– débouté la société Gilbert Coullier Production de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’URSSAF a fait appel de cette décision.
Prétentions :
L’URSSAF dans des conclusions écrites soutenues oralement à l’audience demande à la Cour d’infirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale [Localité 4], de confirmer le redressement et la décision de la commission de recours amiable du 24 juin 2013 et sollicite la somme de 5000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle que l’article L721-8 du code du travail prévoit trois conditions cumulatives pour que des redevances (ou royalties) ne soient pas considérées comme des salaires:
– l’absence physique de l’artiste
– un montant exclusivement fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement
– l’aléa économique.
Elle soutient qu’en l’espèce que la somme de 90000€ a été versée à Monsieur [N] avant toute diffusion et toute vente et n’était donc pas liée aux recettes d’exploitation, elle a d’ailleurs été calculée sur la base d’un chiffre d’affaires qui n’était que prévisionnel et avec un pourcentage unique et non progressif.
Elle soutient que même la notoriété de Monsieur [N] ne pouvait légitimer une prise en compte d’un chiffre d’affaires qui n’était pas réalisé et que le montant de la rémunération, pour ne pas être considéré comme salaire, doit avoir un caractère aléatoire et ne pas être fixé de façon forfaitaire. Elle estime en outre que la circulaire du 20 avril 2012 citée par la société Gilbert Coullier Production vise exclusivement les secteurs de la production cinématographique et phonographique et la jurisprudence invoquée le domaine musical, alors que Monsieur [N] n’est ni comédien ni musicien.
La société Gilbert Coullier Production dans des conclusions écrites soutenues à l’audience par son conseil demande à la Cour de confirmer la décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale et sollicite la somme de 5000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le contrat signé avec Universal prévoyait qu’il lui serait versée une redevance calculée sur le chiffre d’affaires net éditeur et qu’à titre d’avance la somme de 1.500.000€ a été payée immédiatement, que dans la mesure où elle devait elle-même payer à [Y] [N] un pourcentage sur les sommes perçues d’Universal en exécution du contrat de cession des droits d’enregistrement, elle lui a réglé la somme de 90.000€ en plus de son salaire, somme proportionnelle au chiffre d’affaires escomptée par Universal sur les ventes et non pas forfaitaire. Elle soutient que cette avance a d’ailleurs été largement dépassée et que [Y] [N] a droit à plus de 111000€.
Elle fait valoir que la cour de cassation a jugé que les redevances phonographiques versées à un artiste interprète n’étaient pas des salaires , que depuis la loi du 31 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, les redevances versées au artistes du spectacle et aux mannequins sont assimilées à des revenus du patrimoine et non d’activités.
MOTIFS :
Aux termes de l’article L7121-8 du code du travail, la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, par l’employeur ou tout autre utilisateur, n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement.
Ce texte ne pose que deux conditions pour que les sommes versées à un artiste à l’occasion de l’exploitation d’un enregistrement ne soient pas considérées comme un salaire soumis à cotisation:
– que sa présence physique ne soit plus nécessaire
– que la somme versée soit fonction du produit de l’exploitation de l’enregistrement.
L’URSSAF ne peut rajouter une condition qui n’est pas prévue par ce texte, à savoir que les chiffres d’exploitation servant de base au calcul soient les chiffres réels résultant de l’exploitation et rien n’interdit que soit versée une avance à l’artiste, calculée sur un chiffre d’affaire escompté avant sa réalisation.
En l’espèce, il apparaît à la lecture du contrat signé entre les sociétés Gilbert Coullier Production et Universal Pictures Video que la somme de 1500000€ versée par cette dernière l’était à titre d’avances sur les redevances, et n’étant pas une entreprise philanthropique, elle n’aurait pas accordé cette somme importante si elle n’avait pas fait de calculs prévisionnels sur les ventes futures notamment en tenant compte des résultats de l’enregistrement du spectacle précédent.
Le contrat de Monsieur [N] lui-même comportait clairement une partie salaire fixe au titre de l’enregistrement, qui lui a été payée, et une partie droits d’auteur proportionnelle aux résultats de vente. Les redevances versées à un artiste interprète, dans quelque domaine qu’il exerce, qui sont fonction du seul produit de l’exploitation de l’enregistrement rémunèrent les droits voisins qu’il a cédés au producteur et ne sont pas considérées comme des salaires.
La somme qui lui a été versée, correspond à 6% des sommes qualifiées elles-même d’avance sur redevances dans le contrat de licence, et que la société Gilbert Coullier Production a effectivement perçue, et cette dernière devait en application du contrat la liant à l’artiste lui en reverser un pourcentage à ce dernier.
La société Gilbert Coullier Production n’apporte aucun justificatif de ce que cette somme ne soit pas supérieure au pourcentage sur les ventes qui a été finalement due à Monsieur [N], mais le fait que la somme versée à titre d’avances corresponde ensuite aux ventes effectivement réalisées est sans incidence sur la qualification de la somme de 90.000€ versée, la condition de proportionnalité aux ventes prévisibles telle que figurant dans le contrat entre les sociétés Gilbert Coullier Production et Universal Pictures Video, suffisant à lui donner celle de redevance.
L’URSSAF en outre, qui conteste le caractère de redevance de cette somme, ne justifie nullement de ce que l’humoriste aurait perçu par ailleurs le pourcentage sur les ventes qui lui était dû en vertu de son contrat et dont elle ne conteste pas qu’il s’agisse de redevances.
Le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale qui annulé le redressement effectué par l’URSSAF sur cette somme et ordonné le remboursement sera donc confirmé.
Aucune considération d’équité ne justifie de faire droit à la demande formée par la société Gilbert Coullier Production sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale
Déboute la société Gilbert Coullier Production de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,