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SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 octobre 2016
Rejet
M. FROUIN, président
Arrêt n° 1841 F-D
Pourvoi n° R 15-15.024
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Sphère France, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 4 février 2015 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à M. L… F…, domicilié […] ,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 20 septembre 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Ludet, conseiller rapporteur, M. Mallard, conseiller, M. Richard de la Tour, avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ludet, conseiller, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Sphère France, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. F…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 4 février 2015), que M. F…, auteur compositeur de musique et la société Sphère France ont conclu le 18 février 2012 un contrat qualifié de convention de coproduction pour assurer la réalisation et le développement de la production d’un album musical de type CD pour l’artiste ainsi qu’une convention de vente en ligne des produits de celui-ci ; que M. F… a saisi la juridiction prud’homale afin de voir requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et solliciter sa résiliation judiciaire, ainsi que la condamnation de la société Sphère France au paiement de diverses indemnités de requalification et de rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Sphère France fait grief à l’arrêt de faire droit à ces demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu’aux termes de l’article L. 7121-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; qu’en retenant à l’appui de sa décision que la convention de coproduction conclue entre la société Sphère France et M. F…, musicien professionnel, relevait de cette présomption légale sans caractériser l’existence d’une rémunération convenue au profit de l’artiste pour sa prestation d’enregistrement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
2°/ que la participation aux pertes, impliquant la renonciation de l’artiste à toute rémunération si l’exploitation est déficitaire, exclut que la convention ait été conclue moyennant rémunération et, partant, la présomption de salariat ; qu’en retenant cependant à l’appui de sa décision que « la seule participation aux risques financiers ne suffit pas à combattre la présomption de salariat », la cour d’appel a violé par fausse interprétation l’article L. 7121-3 du code du travail ;
3°/ que la convention de coproduction, par laquelle une entreprise exploitant un studio d’enregistrement et un artiste conviennent par contrat d’affecter à une entreprise commune, à savoir la production d’un phonogramme et sa fixation sur CD, leurs moyens financiers, matériels et leur industrie, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter, et s’engagent à contribuer aux pertes, est une société en participation, de sorte que l’artiste coproducteur acquiert lui-même la qualité d’organisateur de spectacle public justifiant son inscription au registre du commerce, laquelle est exclusive de la présomption de salariat ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que le financement de l’album de M. F… dont la réalisation constituait l’objet de la convention de coproduction était partagée pour moitié par ce dernier ; qu’en retenant cependant la qualification de contrat de travail sans rechercher, comme l’y invitait la société Sphère France, si les conditions de réalisation de l’album convenues ne conféraient pas à M. F…, qui en avait pris l’initiative et en partageait la responsabilité, la qualité de coentrepreneur du spectacle, exclusive de la présomption, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7121-3 du code du travail, 1871 du code civil et L. 230-1 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ que l’acte clair n’autorise aucune interprétation ; que les stipulations d’un contrat doivent être analysées dans leur ensemble ; que la convention de coproduction stipulait au chapitre des « obligations de Sphère » et à l’article « modalités de réalisation » : « Sphère s’engage à respecter les directives de développement du projet. Par directives, on entend explicitement les budgets, temps de réalisation et résultats tels que décidés et souhaités par [l’Artiste] et donc, d’un commun accord entre Sphère et [l’Artiste] » ; que Sphère s’interdisait par ailleurs, par la stipulation d’une clause de « liberté artistique », « toute ingérence artistique » lors de la réalisation de la production ; qu’aux termes de la clause « droits d’usage », l’artiste, pourvu qu’il fût titulaire des droits d’usage, pouvait demander à Sphère d’utiliser ou d’insérer les oeuvres de son choix dans la production ; que la convention prévoyaitencore au chapitre « Obligations des artistes » et à l’article « Collaborateur, partenaire, sous-traitant externe et produits informatiques : Sauf accord express entre les parties, les Artistes ne peuvent, pour tout ou partie du projet, imposer l’utilisation d’un produit, d’un collaborateur, d’un sous-traitant ou tout partenariat à Sphère afin de mener à bien l’exécution, le développement et la réalisation de la présente convention. De même, les Artistes ne peuvent interdire pour tout ou partie du projet l’utilisation d’un produit, d’un collaborateur, d’un sous-traitant ou tout partenariat à Sphère afin de mener à bien l’exécution de la présente convention, sauf accord express entre les deux parties” ; que cette clause avait exclusivement pour objet et pour effet de conférer à Sphère, coproducteur et auteur de prestations matérielle d’enregistrement et fixation
d’un phonogramme sur support, le droit de choisir les moyens de sa réalisation, l’artiste se trouvant pour sa part tenu d’exécuter personnellement la prestation intellectuelle convenue dans les conditions convenues d’un commun accord ; qu’elle ne conférait nullement à Sphère le droit d’imposer à M. F… des collaborateurs et/ou sous-traitants pour sa propre prestation artistique ; que l’artiste, qui avait décidé des « budget, temps de réalisation et résultats » du projet, n’était donc pas « privé de toute autonomie dans les conditions d’exécution de sa production » ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel, qui a dénaturé par omission les stipulations du contrat de production, lesquelles ne pouvaient être analysées que dans leur ensemble, a violé l’article 1134 du code civil ;
5°/ que l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais exclusivement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs, qui doivent caractériser l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en requalifiant en contrat de travail la convention de coproduction conclue entre la société Sphère France et M. F… moyennant une participation aux bénéfices et aux pertes, aux termes de motifs inopérants, déduits de ce que la stipulation « Collaborateur, partenaire, sous-traitant externe et produits informatiques » du contrat de coproduction aurait fait de la société Sphère France « le seul décideur des moyens matériels et humains destinés à mener à bien l’exécution du projet », qui ne caractérisent, ni le pouvoir de la société Sphère France de donner des directives à M. F… pour la réalisation du projet, ni celui d’en contrôler l’exécution, ni davantage celui de sanctionner d’éventuels manquements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que c’est par une interprétation, exclusive de dénaturation, de la convention de coproduction rendue nécessaire par l’ambiguïté de ses termes, que la cour d’appel a retenu qu’elle imposait à l’artiste les modalités d’exécution et de production le privant de toute initiative et du libre choix des moyens ; qu’ayant constaté que l’employeur ne produisait aucun élément de nature à justifier que l’artiste exerçait l’activité qui avait fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, la cour d’appel en a exactement déduit que l’artiste se trouvait soumis à la présomption de salariat posée par l’article L. 7121-3 du code du travail ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit en ses deux premières branches, et qui manque en fait en sa cinquième branche, ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen ci-après annexé :