Contrat d’Artiste : 18 mai 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 15/18288

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Contrat d’Artiste : 18 mai 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 15/18288
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRET DU 18 MAI 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/18288

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/08214

APPELANT

Monsieur [H] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me François TEYTAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125

assisté par Me Ignacio DIEZ, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : L207

INTIME

Monsieur [X] [M] né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2]) pris en son nom personnel et ès-qualités d’administrateur de l’indivision sur le monopole de propriété artistique attachée aux oeuvres de [F] [M]

c/o [M] ADMINISTRATION

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: K0065

assisté par Me Jean-Jacques NEUER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : C0362

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 avril 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Mme Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Mme Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Assistée de M. Olivier HUGUEN, magistrat en stage, en application des articles 19 et 41-3 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée.

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par adjudication en date du 21 décembre 2007, M. [H] [O] s’est porté acquéreur pour un prix de 360.000 euros ( augmenté de 86 112 euros au titre des frais) d’une ‘uvre intitulée « Nature Morte » de l’artiste [F] [M] auprès de la Société de Ventes Volontaires [X] [F] SAS.

L”uvre était décrite de la manière suivante :

[F] [M]

« Nature Morte », 1921, Pastel sur papier signé et daté en haut à droite, 24, 5 x 32 cm.

Collection [U] [T], [Localité 4] ‘ Vente [Adresse 3], 29 novembre 1966, [Localité 4], lot n°66 ‘

Collection [U] [K], [Localité 4] ‘ collection particulière, [Localité 4]

Exposition : « [M] », Musée National d’Art Modernerne, [Localité 4], mars-avril 1964, porte le n°251 du catalogue de l’exposition.

En 2012, M. [O] a décidé de remettre l”uvre sur le marché et s’est adressé à la maison de ventes volontaires Millon & Associés afin d’inscrire l”uvre au catalogue d’une vente prévue le 20 avril 2012.

Sollicité par la maison de ventes volontaires le 4 avril 2012, M. [X] [M], fils du peintre, a examiné l”uvre et a rendu un avis aux termes duquel il a fait état de doutes quant à l’authenticité du pastel présenté. Un courrier en ce sens, daté du 21 juin 2012, a été adressé à la société Millon & Associés qui l’a transmis à M. [O], lui indiquant que, suite aux « doutes émis», elle avait préféré retirer le lot de la vente.

Saisi par M. [O], le président du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance rendue sur le siège en date du 1er mars 2013, notamment :

o mis hors de cause la société [M] Administration et M. [X] [M], ès qualités d’administrateur ;

o donné acte de l’intervention volontaire de M. [X] [M] en son nom personnel;

o ordonné une mesure d’expertise et désigné M. [T] [W] pour y procéder avec pour mission principale d’examiner l”uvre intitulée « Nature morte » et de dire si elle peut être considérée comme étant une ‘uvre authentique de [F] [M].

L’expert judiciaire a rendu son rapport le 30 septembre 2013 en concluant que l”uvre « Nature morte » est une ‘uvre authentique, datant de 1921, réalisée par [F] [M] (1881/1973), ce qui a été accepté par l’ensemble des parties.

Le 19 novembre 2013, M. [X] [M] a délivré un avis positif sur l’authenticité de l’oeuvre.

L’oeuvre proposée à une vente de la société de ventes volontaires [X] [F] le 2 décembre 2013 mentionnant dûment ses références au catalogue de M. [K] [S], sa provenance complète et une estimation de 400 000 -450 000 €, n’a pas été adjugée.

Elle a été vendue pour un prix de 300 000 € ( plus frais de 82 500 euros ) lors d’une vente du 5 décembre 2014, pour laquelle elle était estimée à 250 000-300 000 €.

C’est dans ces conditions que M. [O] a fait citer M. [M] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Par jugement du 23 juin 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

-Condamné M. [X] [M] à payer à M. [H] [O] la somme de 7 367,64 euros de dommages-intérêts ;

-débouté M. [H] [O] du surplus de ses prétentions et de sa demande complémentaire de publication ;

-débouté M. [X] [M] de ses demandes reconventionnelles ;

-condamné M. [X] [M] à payer à M. [H] [O] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Pour l’essentiel, le tribunal a retenu que M. [M] était responsable d’une légèreté blâmable dans l’établissement de l’avis qui s’est révélé faux ultérieurement, qu’en effet, il a commis des négligences fautives (en faisant une exploitation insuffisante du catalogue [S] dans lequel l’oeuvre figurait et en prenant insuffisamment en compte l’appartenance du pastel à la collection [K] en 1966 soit du vivant du peintre, ainsi que l’absence de remise en cause de son authenticité antérieurement, notamment lors de la vente de 2007 lors de laquelle la société de ventes volontaires était assistée d’un expert) et que l’ensemble des circonstances de la cause aurait dû le conduire à s’abstenir de refuser un certificat d’authenticité à l’approche de la vente sans proposer de procéder, le cas échéant, à des investigations complémentaires. Il a considéré que les préjudices en lien direct avec la faute étaient constitués de la nécessité de recourir à une expertise judiciaire ce qui a entraîné pour M. [O] des frais à hauteur de 7 367,64 euros, mais non de la perte alléguée sur la valeur de l’oeuvre, le demandeur ne pouvant faire supporter à M. [M] l’aléa des enchères et de l’évolution libre du marché de l’art.

M. [O] a fait appel du jugement par déclaration du 9 septembre 2015.

Selon dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2016, M. [O] demande à la cour de :

-Dire mal fondée la demande d’irrecevabilité de l’appel et des demandes de M. [H] [O] ;

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 juin 2015 en ce qu’il a jugé qu’en refusant de lui fournir le 21 juin 2011 et en sa qualité d’héritier, administrateur de l’indivision, un certificat d’authenticité de l”uvre « Nature Morte », M. [X] [M] a engagé sa responsabilité délictuelle au sens des dispositions de l’article 1240 du code Civil à son égard ;

-infirmer la décision entreprise s’agissant du quantum du préjudice accordé et condamner M. [Y] [M] à lui payer la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi ;

-ordonner la publication de la décision à intervenir dans la Gazette de l’Hôtel [Établissement 1] aux frais de l’intimé sans que le coût global de cette insertion n’excède la somme de 7 500 euros hors taxes ;

-condamner M. [X] [M] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Teytaud conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2016, M. [M] sollicite de la cour, au visa notamment de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de l’article 1382 du code civil, qu’elle:

A titre principal,

-dise et juge l’ensemble des demandes de M. [H] [O] irrecevables à l’égard de M. [X] [M], ès qualités d’administrateur de l’indivision [M] ;

en conséquence :

-le mette hors de cause en sa qualité d’administrateur de l’indivision [M] ;

-infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 juin 2015 en toutes ses dispositions défavorables à M. [X] [M] ;

-déboute M. [H] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

-infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 juin 2015 en toutes ses dispositions défavorables à M. [X] [M] ;

-déboute M. [H] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause, statuant a nouveau :

-prononce une amende civile à l’encontre de M. [H] [O] conformément à l’article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive ;

-condamne M. [H] [O] à verser une somme de 10 000 euros à Monsieur [X] [M], ès qualités d’administrateur, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

-condamne M. [H] [O] à verser la somme de 10 000 euros à M. [X] [M], ès qualités d’administrateur au titre des frais engagés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamne M. [H] [O] à verser la somme 20 000 euros à M. [X] [M], à titre personnel, au titre des frais engagés respectivement en première instance et en cause d’appel par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamne M. [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Etevenard conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance clôturant la procédure a été rendue le 15 mars 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la fin de non recevoir et sur la mise hors de cause de M. [Y] [M] ès qualités :

L’intimé fait valoir que les demandes formulées en cause d’appel à l’encontre de M. [Y] [M] ès qualités d’administrateur de l’indivision [M] sont irrecevables dès lors qu’il n’a pas été assigné au fond en cette qualité, que ces demandes nouvelles le privent d’un degré de juridiction lui causant nécessairement un grief, qu’au demeurant, M. [O] n’a aucun droit d’agir à l’encontre de l’administrateur de l’indivision [M] puisque les avis sur l’authenticité des oeuvres ont été délivrés à titre strictement personnel.

M. [O] réplique qu’il a interjeté appel dans les termes précis du jugement déféré lequel comporte une erreur matérielle que M. [Y] [M] n’a pas jugé utile de voir rectifier et qu’il a provoquée en entretenant volontairement une confusion entre son adresse personnelle et celle de [M] Administration chez laquelle il se domicilie, que M. [Y] [M] a bien été assigné au fond à titre personnel et qu’afin de mettre fin à toute discussion, il a régularisé une seconde déclaration d’appel.

La cour constate que, sur sa première page, le jugement qui lui est déféré désigne le défendeur comme étant M. [Y] [M] ‘ pris ès qualité d’Administrateur de l’indivision sur le monopole de propriété attachée aux oeuvres de [F] [M] ‘ alors que seul M. [Y] [M] à titre personnel était assigné par M. [O] devant le tribunal de grande instance de Paris.

Après avoir déposé une déclaration d’appel à l’encontre de ‘ M. [Y] [M] (…) Es qualité d’administrateur de l’indivision sur le monopole de propriété attachée aux oeuvres de [F] [M] ‘ en date du 9 septembre 2015 ( dossier 15/18288 ), M. [Y] [M] a régularisé une seconde déclaration d’appel, le 23 mars 2016, à l’encontre de M. [Y] [M].

Par ordonnance du 4 mai 2016, le magistrat chargé de la mise en état a joint les deux dossiers sous le numéro unique 15/18288.

Il s’ensuit qu’à ce jour, l’appel est régulièrement dirigé contre M. [Y] [M] en son nom personnel, que l’erreur matérielle figurant sur la première page du jugement n’a aucune incidence sur la saisine de la cour qui se voit soumettre un litige ayant donné lieu à un jugement condamnant M. [Y] [M] à titre personnel à des dommages et intérêts au profit de M. [O], outre condamnation à une indemnité de procédure et aux dépens.

Il résulte des dernières conclusions qui saisissent la cour que M. [O] ne forme aucune demande à l’encontre de M. [Y] [M] ès qualités d’administrateur de l’indivision [M], rendant sans objet la fin de non recevoir soulevée par l’intimé.

Les demandes formées en cause d’appel par M. [O] sont recevables.

Il y a lieu de mettre hors de cause M. [Y] [M] ès qualités d’administrateur de l’indivision [M] qui a été appelé en cause d’appel de manière erronée. Au vu des circonstances de la cause et par équité, les frais engagés pour la présente procédure resteront à la charge de M. [Y] [M] ès qualités, la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile étant rejetée.

Sur la responsabilité de M. [O] :

M. [O] rappelle que le marché de l’art impose la pratique qui consiste à donner factuellement aux héritiers d’un artiste un pouvoir discrétionnaire sur l’authenticité des oeuvres de sorte que les doutes émis par M. [Y] [M] qui n’a fait état que d’arguments stylistiques ont eu pour conséquence immédiate le retrait du tableau de la vente.

Il affirme que M. [Y] [M] a délibérément donné un tel avis alors qu’il savait l’oeuvre authentique, qu’il ne pouvait ignorer qu’une oeuvre identique apparaissait référencée dans le [S], catalogue raisonné de l’oeuvre de [F] [M], que la paternité de cette oeuvre n’avait jamais été contestée du vivant de l’artiste, ni lors des ventes successives, et notamment lors de la vente de la collection [K], qu’elle avait été exposée publiquement à plusieurs reprises et que les héritiers du peintre ont obtenu d’importants droits de suite sur la vente de cette oeuvre.

M. [Y] [M] expose que la responsabilité des héritiers qui délivrent des certificats ou des avis d’authenticité ne peut être engagée qu’en cas d’abus de droit traduisant une intention de nuire, du moins la mauvaise foi ou une légèreté blâmable, qu’en l’espèce, il n’a fait qu’émettre des doutes, qu’il doit avoir le souci de sécuriser le marché de l’art et de protéger l’oeuvre de l’artiste face à un nombre très élevé de faux et d’oeuvres volées, que non seulement il a agi de bonne foi mais aussi en facilitateur en intervenant volontairement dans la procédure de référé-expertise, en participant activement aux opérations d’expertise et en prenant l’initiative de délivrer un avis d’authenticité à l’issue de ces opérations, qu’enfin, sa décision initiale n’a pas dépassé les limites de l’exercice de sa liberté d’expression.

L’avis dont s’agit ressort des termes d’un courrier établi le 21 juin 2011 sous entête de M. [X] [Y] [M] domicilié [Adresse 4] et signé par Mme [K] [C].

Ces termes sont les suivants :

« Suite à votre rendez-vous du 4 avril dernier pendant lequel Monsieur [X] [M] a pu examiner l”uvre précisée ci-dessus :

– Nature morte, pastel signé et daté 18/04/21 – mesurant 24,5 x 32 cm

Nous vous prions de trouver ci-après ses conclusions.

L’examen visuel de ce dessin a amené Monsieur [M] à émettre des doutes sérieux sur l’authenticité de cette ‘uvre.

En effet, le sujet qui semble rappeler les natures mortes de la période cubiste n’est pas assuré et les éléments représentés ne sont pas ancrés dans la composition. Le verre est entouré d’un halo au pastel qui nous donne l’illusion que l’objet flotte dans la feuille ce qui est en contradiction totale avec l’esprit d’une nature morte où les objets du quotidien sont installés sur une table symbolisée ici par une planche de bois.

Cette partie traitée en faux bois avec une technique de trompe l”il est assez malhabile si on la compare avec des natures mortes incorporant ce motif, motif que [Q] a largement utilisé dès les premières natures mortes cubiste et qu’il maîtrisait parfaitement.

Concernant la représentation du verre lui-même dont on identifie ici les trois éléments constitutifs : pieds, jambe et contenant, il y a une erreur majeure d’interprétation. En effet, le contenant est représenté par un carré inscrit dans la partie qui symbolise le corps du verre, or les verre (sic) dans les ‘uvres de [M] ont une section circulaire visible dans le tableau par un cercle, un arc de cercle ou bien un quadrilatère non rectangle. [A] ne veut pas dire tout représenter sous forme de cube.

Par ailleurs, l’étude des natures mortes de l’année 1921 ne permette (sic) pas de rapprocher ce dessin d’aucune autre ‘uvre de cette période ce qui est également peu courant car [Q] travaillait très souvent en série, le motif décliné jusqu’à son épuisement. On peut aussi noter que l’utilisation du pastel est atypique.

Par ailleurs, nous avons menés (sic) des recherches par rapport aux indications de provenances citées pour cette ‘uvre : collection [T] depuis collection [K]. Ces investigations ne se sont pas avérées concluantes, en effet, si la provenance [U] [T] est séduisante, les archives disponibles au MNAM, en particulier, la vente des ‘uvres de [T] en 1927, ne comporte aucune Nature Morte quelquelle (sic) soit ; en revanche on retrouve bien cette ‘uvre décrite avec un photographie dans le catalogue de vente en 1966 de la collection [K] sous le n° 46 avec la provenance [T], mais ainsi que nous venons de le dire cette provenance [T] n’est pas confirmée. Car ailleurs, aucune information n’est donnée sur la provenance initiale : achat direct à l’artiste, peu probable étant donné la date indiquée sur le dessins (1921) ou achat auprès d’un marchand (Rosenberg ‘), un large doute persiste donc.

C’est pourquoi, l’examen visuel de l”uvre et de la signature ainsi que la non confirmation d’une provenance avérée avant la collection [K] portent Mr. [M] ne pas rédiger de certificat d’authentification. »

Cet écrit exprime, non un avis définitif réfutant toute authenticité, mais des doutes importants résultant tant d’une analyse stylistique que d’une recherche sur la provenance et la traçabilité de l’oeuvre.

Si les arguments stylistiques avancés par M. [Y] [M] ont paru étonnants à l’expert judiciaire qui remarque qu’ils sont en opposition avec l’oeuvre reproduite dans le [S] laquelle est réputée authentique, il échet d’observer qu’il s’agit d’une oeuvre atypique, notamment à raison de l’utilisation de la technique du pastel, ne pouvant pas être rattachée à une série d’oeuvres. Au demeurant, si l’analyse stylistique développée par M. [Y] [M] lui a fait commettre une erreur, elle ne comporte pas de contre vérités ou des affirmations farfelues qui permettraient de caractériser une erreur grossière établissant, chez un héritier ayant une connaissance approfondie de l’oeuvre de son ayant-droit, une intention de nuire au propriétaire du tableau.

Par ailleurs, l’avis donné par M. [Y] [M] comporte une argumentation portant sur la provenance de l’oeuvre telle qu’elle figure sur le descriptif établi lors de la vente au profit de M. [O]. L’héritier du peintre s’est attaché à vérifier la traçabilité du tableau et a constaté que son appartenance à la famille [T] n’était pas vérifiée en l’état de ses recherches et qu’il ne disposait donc pas d’un historique de provenance complet et exhaustif.

Il n’est pas contestable qu’à raison de l’exposition publique de cette ‘Nature morte’ à plusieurs reprises du vivant de l’artiste et de sa vente aux enchères publiques le 29 novembre 1966 à [Localité 4] sans qu’aucune contestation sur son authenticité n’ait été émise, M. [Y] [M] aurait du entreprendre d’autres diligences, mais rien de ne permet d’affirmer que ces diligences l’auraient convaincu de manière certaine de l’authenticité de l’oeuvre. En effet, s’agissant du catalogue raisonné de M. [K] [S], il doit être observé que les divergences entre le tableau de M. [O] et l’oeuvre répertoriée

( vol.3, n°400 ) portant sur les dates – celle figurant sur le tableau et celle de la création de l’oeuvre- pouvaient entraîner un questionnement légitime à telle enseigne que si à la suite d’un examen attentif et long du tableau sous microscope, l’expert annonce qu’il est certain qu’il s’agit de la même oeuvre, il préférera attendre d’autres éléments de preuve, qu’il trouvera dans la production du cliché photographique ayant servi à la reproduction du n°400 du catalogue, pour se prononcer définitivement.

S’agissant toujours des diligences nécessaires à l’authentification de l’oeuvre, force est aussi de constater que M. [O] lui-même n’avait eu aucune exigence lors de son acquisition du tableau qui s’était faite sans certificat d’authenticité et qu’il lui était parfaitement loisible, au besoin après le courrier du 21juin 2011 et en faisant appel à un expert, d’apporter à M. [Y] [M] des éléments supplémentaires accréditant l’authenticité du tableau.

Il résulte de ces éléments d’une part qu’en l’absence d’erreur grossière et de preuve d’une intention délibérée de nuire ou d’une mauvaise foi évidente, la responsabilité de M. [Y] [M] qui se doit de sauvegarder l’intégrité de l’oeuvre de son ayant-droit et qui n’a pas affirmé que l’oeuvre était un faux, mais a émis des doutes circonstanciés, ne peut être recherchée et d’autre part que si M. [Y] [M] n’a pas entrepris toutes les recherches que son autorité morale lui imposait en présence d’indices sérieux en faveur d’une authenticité, il n’est pas établi que des diligences supplémentaires, notamment la consultation du [S], auraient certainement permis l’authentification de l’oeuvre.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être infirmé et M. [O] débouté de toutes ses demandes en indemnisation.

Sur les autres demandes :

Les conditions de l’application de l’article 32-1 du code de procédure civile ne sont pas remplies en l’absence d’éléments, notamment l’intention malicieuse, ayant fait dégénérer le droit d’agir en justice en abus. La demande de condamnation de M. [O] à une amende civile doit être rejetée. Il en est de même s’agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] [M] agissant en son nom personnel les frais irrépétibles engagés pour la présente instance, tant devant les premiers juges qu’en cause d’appel. Il lui sera accordé la somme de

6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision contradictoire,

Rejette la fin de non-recevoir opposée aux demandes formées par M. [H] [O] ;

Met hors de cause M. [X] [M] ès qualités d’administrateur de l’indivision [M] ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

En conséquence, statuant à nouveau,

Rejette les demandes de M. [H] [O] ;

Rejette les demandes d’amende civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive formées par M. [X] [M] ;

Condamne M. [H] [O] à verser à M. [X] [M] la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [O] aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Etevenard en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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