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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 24 Mai 2017
(n° , 05 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 16/03823
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 13/15586
APPELANTE
SARL LE TROISIEME POLE
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 432 432 185
représentée par Me Michel AVENAS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Madame [E] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2]
comparante en personne,
assistée de Me Xavier BRUNET, avocat au barreau de BETHUNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [E] [L], née en [Date naissance 2], a été engagée selon un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2005 en qualité de directrice de la cellule d’appui artiste, statut cadre, par la société Le Troisième Pôle spécialisée dans le secteur d’activité de soutien au spectacle vivant qui employait plus de dix salariés au moment du licenciement et applique la convention collective nationale du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.
Convoquée le 18 avril 2013 à un entretien préalable fixé au 3 mai suivant, Madame [L] a été licenciée pour motif économique par une première lettre du 27 mai 2013 qui visait la suppression d’un autre emploi que le sien, celui d’attachée de mission spécialisé, l’employeur ayant adressé un second courrier de licenciement le 30 mai 2013, faisant référence à la suppression du poste de directrice de la cellule d’appui artiste.
Par jugement du 21 janvier 2016, le conseil des prud’hommes de Paris, saisi le 25 octobre 2013 par Madame [L], a considéré que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Le Troisième Pôle à payer à Madame [L] les sommes suivantes:
– 138,81 € au titre du solde de l’indemnité de licenciement,
– 552,15 € au titre des congés payés 2013,
– 1.349,15 € au titre de rappel de primes de vacances,
avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation en bureau de conciliation soit le 30 octobre 2013 et jusqu’au jour du paiement,
– 50.000 € au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 500 € au titre de la résistance abusive,
avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
– 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseil a également ordonné la remise des documents de fin de contrat, débouté Madame [L] du surplus de ses demandes, débouté la société Le Troisième Pôle de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 11 mars 2016, la société Le Troisième Pôle a relevé appel de la décision qui lui avait été notifiée le 17 février 2016.
Elle demande à la cour de réformer le jugement, de déclarer le licenciement fondé, de débouter Madame [L] de ses demandes sauf en ce qui concerne le solde de congés payés 2013 (qui a été réglé à hauteur de la condamnation prononcée, au titre de l’exécution provisoire) et de la condamner aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [L] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Le Troisième Pôle au paiement des sommes de 138,81 € au titre de l’indemnité de licenciement, 552,15 € au titre des congés payés 2013, 1.349,15 € au titre de rappel de primes de vacances et 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau, de condamner la société appelante Le Troisième Pôle à lui payer les sommes suivantes:
– 6.313,68 € à titre de rappel de congés payés non pris acquis sur la période du 1er juin 2011 au 31 mai 2012,
– 70.645,56 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de rappels de rémunération
La condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes à hauteur de 552,15 € au titre d’un rappel de congés payés pour l’année 2013 n’est pas contestée de même que la somme allouée au titre du rappel de prime de vacances pour les années 2011 et 2012 à hauteur de 1.349,15 € que la société accepte de régler aux termes de ses écritures développées à l’audience (page 16 in fine).
La décision entreprise sera donc confirmée de ces chefs en deniers ou quittances.
Madame [L] sollicite par ailleurs le paiement de la somme de 6.313,68 € à titre de rappel de congés payés non pris acquis sur la période du 1er juin 2011 au 31 mai 2012, soutenant qu’elle a été placée dans l’impossibilité de prendre l’intégralité de ses congés.
Il incombe à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé : or, si la société Le Troisième Pôle justifie qu’elle a invité l’ensemble de ses salariés dont Madame [L] à prendre leurs congés, à raison d’au moins deux semaines, au cours de la période du 15 juillet au 20 août, où l’activité de l’agence ‘déclinait’, d’une part, ces mesures ne sont justifiées que pour l’été 2012 et l’été 2013 alors qu’à l’été 2012, Madame [L] disposait déjà de congés acquis à hauteur de 51 jours (bulletin de paie du mois de juillet 2012) ; d’autre part, il n’est justifié d’aucune diligence de nature à inciter les salariés à prendre le solde de leurs congés, au-delà de ces deux semaines.
Il ne peut donc être considéré ni que l’employeur a rempli les obligations lui incombant à ce titre ni que Madame [L], qui exerçait les fonctions de directrice d’un des pôles d’activité de l’agence a été mise en mesure de pouvoir prendre ses congés.
Il sera donc fait droit à sa demande en paiement à hauteur de la somme de 6.313,68 € (27 jours non réglés au vu du bulletin de paie du mois d’août 2013 x 233,84 €), la décision déférée étant réformée de ce chef.
Sur le licenciement
Aux termes des dispositions de l’article L. 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur et, à ce titre, mentionner la raison économique qui fonde la décision de l’employeur et sa conséquence précise quant à l’emploi occupé par le salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement adressée le 27 mai 2013 fait référence à ‘l’impossibilité de maintenir votre contrat de travail du fait de la fin de la mission DATA pour laquelle vous avez été embauchée et sur laquelle vous avez été affectée. Le poste d’attachée de mission spécialisé dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel crée dans le cadre du dispositif… est supprimé’.
Ce poste n’était pas celui occupé par Madame [L].
Or, la motivation énoncée dans la lettre de licenciement fixe les termes du litige et l’employeur ne peut plus évoquer d’autres motifs. L’envoi d’une seconde lettre recommandée pour rectifier les inconvénients de la précédente, qui, au demeurant, ne fait même pas allusion au premier courrier envoyé ni à l’erreur prétendument commise, est sans portée dès lors que le licenciement prend effet à la date à laquelle il est notifié et est définitivement consommé par l’envoi de la première lettre, peu important le fait que la salariée ait eu préalablement connaissance de la perspective de la rupture de son contrat pour motif économique et ait même signalé à son employeur la confusion opérée.
La lettre du 27 mai 2013 visant la suppression d’un emploi qui n’était pas celui exercé par Madame [L], le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que l’a retenu le jugement déféré par des motifs pertinents que la cour adopte.
Au surplus, il sera relevé que le marché initial qui aurait été à l’origine de l’embauche de Madame [L] en septembre 2005 n’est pas produit, seul étant versé aux débats un cahier des charges postérieur ((17 mars 2006) ainsi qu’un marché passé en décembre 2008.
Par ailleurs, la réalité de la suppression de l’emploi de Madame [L] et l’impossibilité de son reclassement ne sont pas justifiées, l’appelante ne produisant pas son registre du personnel alors que Madame [L] affirme, sans être contredite sur ce point, que concomitamment à son licenciement, la société Le Troisième Pôle a procédé à des recrutements.
Madame [L], née en [Date naissance 2], engagée le 1er septembre 2005, bénéficiait d’une ancienneté de 7 ans et 6 mois à la date de la rupture et percevait une rémunération brute de 5.887,13 € (moyenne des mois d’août 2012 à juillet 2013, au vu de l’attestation Pôle Emploi).
Elle justifie avoir été prise en charge par Pôle Emploi jusqu’en novembre 2016, percevant l’allocation de retour à l’emploi d’un montant de l’ordre de 3.300 € par mois.
Elle a retrouvé un emploi de vacataire à temps partiel depuis le mois de janvier 2017, son salaire brut s’élevant à 1.700 €.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [L], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, c’est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L.1235-3 du code du travail.
En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Madame [L] sollicite également le paiement d’un solde dû au titre de l’indemnité de licenciement.
Aux termes de l’article 19 de la convention collective applicable, l’indemnité de licenciement se calcule en mois de rémunération sur les bases suivantes : après 2 ans d’ancienneté, 1/3 de mois par année de présence de l’ingénieur ou du cadre, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois.
Le mois de rémunération s’entend comme 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l’horaire normal de l’entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l’indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.
En l’espèce, le calcul effectué par Madame [L] est erroné puisqu’il a été effectué sur la base de la moyenne des salaires perçus entre le mois d’août 2012 et juillet 2013 alors que le licenciement lui a été notifié le 27 mai 2013 et, au vu de la moyenne de salaire à retenir et de l’ancienneté de la salariée, Madame [L] a été remplie de ses droits.
Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre, la décision déférée étant réformée de ce chef.
Sur les autres demandes
Madame [L] sollicite la somme de 1.000 € pour résistance abusive au motif qu’elle a dû réclamer à plusieurs reprises la délivrance des documents de fin de contrat, le paiement de son préavis et de son DIF.
Cette résistance n’est que très partiellement justifiée, seuls deux courriers ayant été échangés entre les conseils des parties les 12 septembre et 1er octobre 2013 et l’erreur affectant l’attestation Pôle Emploi ne révélant pas un refus délibéré de l’employeur de remplir ses obligations. Par ailleurs, la société Le Troisième Pôle justifie avoir permis à la salariée de se libérer pendant son préavis pour effectuer son bilan de compétences.
La demande de Madame [L] à ce titre sera donc rejetée, la décision déférée étant réformée de ce chef.
La société Le Troisième Pôle, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à Madame [L] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en sus de la somme allouée par les premiers juges de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La Cour
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions hormis en ce qu’il a alloué à Madame [L] la somme de 138,81 € au titre du solde de l’indemnité de licenciement et celle de 500 € pour résistance abusive et l’a débouté de sa demande de rappel de congés payés pour l’année 2011-2012,
Réformant la décision de ces chefs et y ajoutant,
Condamne la société SARL Le Troisième Pôle à payer à Madame [L] la somme de 6.313,68 € au titre des congés payés dûs sur la période du 1er juin 2011 au 31 mai 2012 ainsi que la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Ordonne le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne la société SARL Le Troisième Pôle aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT