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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2017
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/08910
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2016 – Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 15/01555
APPELANT
Monsieur [X] [O]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté par Me Jean-Jacques NEUER de la SELARL Cabinet NEUER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0362
INTIMÉE
LA VILLE DE PARIS, Collectivité Territoriale représentée par sa Maire en exercice, Madame [B] [Q]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée et assistée par Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0305
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dorothée DARD, Président
Mme Monique MAUMUS, Conseiller
Mme Nicolette GUILLAUME, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
[V] [V], artiste peintre et sculpteur, est décédé le [Date décès 1] 1967, en laissant à sa succession son épouse : [E] [X], bénéficiaire en vertu d’une donation du 16 avril 1941et de deux testaments des 20 mai 1964 et 13 septembre 1967 la confirmant, de la pleine propriété de l’universalité des biens composant sa succession.
[E] [X] est décédée le [Date décès 2] 1981 en laissant un testament olographe du 18 août 1979 et deux codicilles des 17 juillet et 12 août 1980, par lesquels elle instituait la ville de Paris légataire universelle.
Au cours de son mariage avec [E] [X], [V] [V] avait eu une liaison avec [F] [O] dont est né le [Date naissance 1] 1960, [X] [O], de nationalité danoise, lequel a vu sa filiation paternelle judiciairement reconnue, par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 1er mars 1983.
Ne se prévalant à l’époque que de la seule qualité de descendant (à l’exclusion de celle d’héritier) de l’artiste, M. [O] a, par exploit d’huissier en date du 8 avril 2008, assigné la ville de Paris, fondatrice du Musée [V], au visa de l’article 9 du code civil, afin de faire juger qu’en sa qualité de légataire universelle, elle avait l’obligation de promouvoir la mémoire et le nom d'[V] [V] et qu’elle y avait porté atteinte en consacrant le musée portant son nom à1’oeuvre de tiers.
Par jugement du 27 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté ses demandes qu’il a jugé irrecevables, aux motifs que :
-M. [O] ne pouvait agir sur le fondement de l’article 9 du code civil, le droit à agir pour le respect des droits de la personnalité s’éteignant au décès de la personne concernée ;
-M. [O] n’avait pas qualité à agir pour la défense du droit moral d'[V] [V] sur le fondement de l’article L 121-1du Code de la Propriété Intellectuelle, dès lors que ce droit est transmissible selon les règles ordinaires de la dévolution successorale et que le demandeur ne pouvait se prévaloir d’une telle qualité, l’intéressé ne pouvant invoquer les dispositions de loi du 3 décembre 2001 accordant de nouveaux droits aux enfants naturels, dès lors que les successions de l’artiste et de son épouse avaient été ‘réglées’ avant l’entrée en vigueur de ladite loi.
Par acte du 7 décembre 2009, M. [O] a interjeté appel de cette décision.
Le 7 avril 2010, M. [O] a saisi la cour d’appel de Paris d’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux lois n°55-934 du 15 juillet 1955 et n’72-3 du 3 janvier 1972.
Par arrêt du 26 mai 2010, la cour d’appel de Paris a dit n’y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation de cette question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les dispositions invoquées n’étaient pas applicables au litige.
Cette décision était ainsi motivée :
« Considérant que le droit de l’auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre est transmissible à cause de mort à ses héritiers ; que, cependant, s’il fait l’objet d’une dévolution, ce droit n’est pas régi par le droit des successions, mais par le droit de la propriété littéraire et artistique ; qu’en l’espèce, au soutien de son action, M. [O] invoque sa qualité d’héritier titulaire du droit moral de [V] [V], son père ; que son action relève des dispositions de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, qui ont trait à des droits extra-patrimoniaux du défunt, à l’exclusion de celles des articles 720 et suivants du code civil, qui sont relatives à des droits patrimoniaux, de sorte que ni la loi du 15 juillet 1955 ni la loi du 3 janvier 1972 ni la loi du 3 décembre 2001 ne sont applicables au litige ;
Arguant d’une correspondance entre [E] [X] et un ami révélant l’existence d’une lettre-testament dans laquelle le de cujus faisait part de sa volonté de voir son fils bénéficier de sa succession et de sa dissimulation par [E] [X], M. [O] a, au fond, étendu ses demandes à la reconnaissance de sa qualité d’héritier concernant les aspects patrimoniaux et extra-patrimoniaux de la succession d'[V] [V].
Un arrêt avant-dire droit rendu par la cour d’appe1 de Paris le 23 février 2011 a ordonné à la ville de Paris de justifier de sa qualité de légataire universelle.
Par arrêt du 21 septembre 2011, la cour d’appel de Paris a déclaré la ville de Paris seule titulaire du droit moral d'[V] [V] et a déclaré M. [O] seul titulaire du droit de divulgation de cette ‘uvre.
Les demandes de M. [O] tendant à la reconnaissance de ses droits patrimoniaux ont été déclarées irrecevables comme nouvelles en cause d’appel, la cour ayant précisé, qu’en tout état de cause, de telles demandes n’étaient pas fondées, dès lors que la loi du 3 décembre 2001 en son article 25 II 2 énonçait que sous réserve des accords amiables déjà intervenus ou des décisions judiciaires irrévocables, les dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels ne seraient applicables qu’aux successions ouvertes à la date du 1er juillet 2002 et n’ayant pas donné lieu à partage avant cette date et qu’en l’occurrence, la succession d'[V] [V] avait été liquidée, à défaut de partage possible entre plusieurs héritiers, dès lors que [E] [X] avait pris possession de la totalité des biens la composant par un acte de donation du 16 avril 1941.
A l’occasion de son pourvoi formé à 1’encontre des arrêts de la cour d’appel de Paris des 26 mai 2010 et 21 septembre 2011, M. [O] a formulé une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour de cassation, par arrêt du 5 juillet 2012, a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel, au motif que les dispositions contestées, en l’espèce les lois des 15 juillet 1955 et 3 janvier 1972 n’étaient pas applicables au litige.
Par arrêt du 15 mai 2013, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi de M. [O] à l’encontre de l’arrêt du 26 mai 2010 et a rejeté les pourvois formés par la ville de Paris et lui-même, à l’encontre de celui du 21 septembre 2011.
C’est dans ces circonstances que par exploit d’huissier du 19 janvier 2015, M. [O] a assigné la ville de Paris aux fins, notamment, de faire reconnaître sa qualité d’héritier d'[V] [V], et les droits patrimoniaux lui revenant dans la succession de ce dernier.
Par conclusions en date du 29 septembre 2015 et dans le cadre de cette procédure, M. [X] [O] a soulevé trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles :
– 342 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 15 juillet 1955,
– 757, 759, 760 du code civil dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1972
– 25- II de la loi du 3 décembre 2001.
Par jugement du 20 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevables les questions prioritaires de constitutionnalité et leur demande de transmission mais dit n’y avoir lieu à les renvoyer devant le Conseil constitutionnel, au motif qu’elles ne présentaient pas un caractère sérieux.
Par jugement du 23 février 2016, retenant la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée soulevée par la ville de Paris, le tribunal de grande instance de Paris a
– déclaré les demandes de Monsieur [X] [O] irrecevables ;
– dit que la demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l’Union Européenne était sans objet ;
– débouté M. [O] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
– débouté la ville de Paris de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné Monsieur [X] [O] à payer à la ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles prévus par l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Monsieur [X] [O] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Nataf Fajgenbaum & associés par le ministère de Maître Fabienne Fajgenbaum conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Monsieur [O] a interjeté appel de cette décision le 15 avril 2016.
Par arrêt du 19 octobre 2016, la cour a rejeté la demande de Monsieur [O] tendant à voir transmettre à la Cour de cassation les trois mêmes questions prioritaires de constitutionnalité qu’il avait soumises au tribunal.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 juillet 2016, l’appelant demande à la cour :
Vu la Loi n° 55-934 du 15 juillet 1955,
Vu la Loi 72-3 du 3 janvier 1972,
Vu les articles 757 et suivants du Code Civil
Vu les articles 918 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 2, 8, 14 et 17 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,
Vu l’article 1er du protocole n°1 de ladite Convention,
Vu le Préambule du Traité de Maastricht (article F titre I),
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
Vu l’article 267 du TFUE,
Vu l’article 1 et l’article 61-1 de la Constitution,
Vu l’article 126 -2 du Code de Procédure Civile,
Vu l’article 9 du Code de Procédure Civile,
Vu l’article 1527 du Code Civil,
Vu l’article 25 de la Loi du 31 décembre 2001,
Vu la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme,
Vu la jurisprudence communautaire,
In limine litis
– de le déclarer recevable dans son action ;
– de constater que la présente procédure tendant à faire valoir ses droits patrimoniaux sur la succession d'[V] [V] ne se heurte pas à l’autorité de chose jugée ;
– de constater que son action n’est pas prescrite ;
– en conséquence, de débouter la ville de Paris de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre principal,
– de « confirmer le jugement entrepris en ce qu’il déclare les demande de Monsieur [X] [O] recevable » (sic) et déboute la ville de Paris de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– de réformer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et en conséquence :
– de constater que l’existence de [X] [O] a volontairement été dissimulée lors des opérations liées à la succession d'[V] [V] ;
– de constater plus généralement l’existence d’une fraude successorale ayant corrompu tous les actes de la succession [V] ;
– de constater que [E] [X] n’a pas été envoyée en possession et qu’elle n’a pas eu la saisine lui permettant d’instituer la ville de Paris légataire universelle ;
– en conséquence, de dire et juger que la ville de Paris n’a pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettent aujourd’hui de revendiquer cette qualité et encore moins d’exclure totalement le seul fils d'[V] [V] ;
– de dire et juger qu’il a la qualité d’héritier d'[V] [V] en application de l’article 25’II-2èment de la loi du 3 décembre 2001 ;
– de dire et juger qu’il est donc titulaire de l’ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d’héritier ;
– de dire qu’au titre de ses biens, il est titulaire des droits patrimoniaux sur l”uvre de [V];
– en conséquence, de commettre le président de la Chambre des notaires de [Localité 2] avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la succession d'[V] [V] ;
– de débouter la ville de Paris de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire et dans l’hypothèse où il ne serait pas fait application de l’article 25’II-2’ de la loi du 3 décembre 2001,
– de dire et juger que la loi n°55-934 du 15 juillet 1955 est contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (articles 8, 14) et à son premier Protocole additionnel (article 1er ) ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ;
– en conséquence, de dire et juger que la ville de Paris n’a pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettent aujourd’hui de revendiquer cette qualité et encore moins d’exclure totalement le seul fils d'[V] [V] ;
– de dire et juger qu’il a la qualité d’héritier d'[V] [V] ;
– de dire et juger qu’il est donc titulaire de l’ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d’héritier ;
– dire et juger qu’au titre de ses biens, il est titulaire des droits patrimoniaux sur l”uvre de [V] ;
– en conséquence, de commettre le président de la Chambre des notaires de [Localité 2] avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la succession d'[V] [V] ;
– de débouter la Ville de Paris de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Plus subsidiairement,
– de constater que les dispositions précitées de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et du Premier Protocole additionnel ont été intégrées dans le bloc communautaire (article F du Traité de Maastricht) ;
– en conséquence, le juge national étant juge communautaire, de dire et juger que la loi n°55-934 du 15 juillet 1955, et toute disposition législative actuelle qui exclurait de fait la qualité d’héritier de [X] [O] par l’application de la loi n°55-934 du 15 juillet 1955, est contraire à l’article F du Traité de Maastricht ;
– de dire et juger que la ville de Paris n’a pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettent aujourd’hui de revendiquer cette qualité et encore moins d’exclure totalement le seul fils d'[V] [V] ;
– de dire et juger que Monsieur [X] [O] a la qualité d’héritier d'[V] [V] ;
– de dire et juger que Monsieur [X] [O] est donc titulaire de l’ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d’héritier ;
– de dire et juger qu’au titre de ses biens, il est titulaire des droits patrimoniaux sur l”uvre d'[V] [V] ;
– en conséquence, de commettre le président de la Chambre des notaires de [Localité 2] avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la succession d'[V] [V] ;
– de débouter la ville de Paris de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Plus subsidiairement encore,
– de renvoyer la question de la compatibilité de la loi n°55-934 du 15 juillet 1955 et de toute disposition législative actuelle qui exclurait de fait la qualité d’héritier par l’application de ladite loi, à titre préjudiciel, à l’examen de la Cour de Justice de l’Union Européenne ;
En toute hypothèse,
– d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Jean-Jacques Neuer en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2016, la ville de Paris demande à la cour :
Vu les articles 712, 1351, 1356, 2258, 2261, 2262, 2272 et suivants et 2276 et suivants du code civil,
Vu les articles 125, 480 et 699 et suivants du code de procédure civile,
Vu le principe de concentration des écritures,
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 23 février 2016 en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– de l’infirmer en ce qu’il a refusé de sanctionner Monsieur [O] pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau :
– de condamner Monsieur [X] [O] à lui payer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive ;
– de condamner Monsieur [X] [O] à lui payer la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles prévus par l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner Monsieur [X] [O] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Nataf Fajgenbaum et associés par le ministère de Maître Fabienne Fajgenbaum conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
SUR CE :
Sur l’autorité de la chose jugée :
Considérant que selon l’article 480 du code de procédure civile « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche » et que « le principal s’entend de l’objet du litige tel que déterminé par l’article 4 » ;
Considérant que l’article 4 énonce « que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant » ;
Considérant qu’en vertu de l’article 1351 du code civil « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité » ;
Considérant qu’invoquant ces dispositions, la ville de Paris soutient que les demandes de [X] [O] tendant à
– voir dire et juger que la ville de Paris n’a pas été valablement instituée légataire universelle de [E] [X], elle-même légataire universelle d'[V] [V],
– voir dire et juger qu’il a la qualité d’héritier,
– voir dire et juger que la loi n°55-934 du 15 juillet 1955 serait contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme et au premier Protocole additionnel ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme,
– voir dire et juger que toute disposition législative actuelle qui exclurait de fait sa qualité d’héritier par application de la loi n°55-934 du 15 juillet 1955 serait contraire à l’article F du Traité de Maastricht,
et celle « plus subsidiaire encore » tendant à la saisine à titre préjudiciel de la Cour de Justice de l’Union Européenne,
sont irrecevables en ce qu’elles ont déjà été jugées dans le cadre de la première procédure initiée par l’appelant suivant assignation du 8 avril 2008 ;
Qu’elle fait ainsi valoir que l’objet du premier litige portait bien sur la qualité d’héritier de [X] [O] ; que ce dernier en faisait d’ailleurs l’aveu judiciaire dans ses conclusions du 10 juin 2011 ; que la Cour de cassation l’a admis dans son arrêt du 5 juillet 2012 en jugeant que « le litige doit être tranché (‘) en considération des dispositions transitoires fixées par l’article 25, II, 2°, de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, s’agissant de déterminer si M. [O] est recevable à contester la qualité de légataire universel de [E] [X] et s’il peut bénéficier de droits patrimoniaux dans la succession d'[V] [V] (‘) » et que le droit moral ne représentait qu’un des attributs des droits successoraux plus généralement revendiqués, la reconnaissance de sa qualité d’héritier devant en effet ouvrir à Monsieur [O] l’accès non seulement aux droits moraux de l’artiste mais également à ses biens meubles et immeubles ;
Qu’elle se prévaut de ce que les décisions rendues dans cette première procédure ont dénié à Monsieur [O] la qualité d’héritier ; qu’en effet, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré son action irrecevable pour défaut de qualité à agir ; que la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la contestation de la vocation successorale de la ville de Paris, en retenant qu’elle justifiait de sa qualité de légataire universel, et qu’elle a par ailleurs jugé que l’appelant ne pouvait bénéficier des dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux ouverts par la loi du 3 décembre 2001 ; qu’enfin, il résultait de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 mai 2013, que [X] [O] n’avait pas la qualité d’héritier lors du décès d'[V] [V] et qu’aucune fraude n’avait pu être commise à son préjudice, si bien que la première chambre civile de ladite Cour avait confirmé de façon définitive la pleine validité des actes successoraux et dénié à Monsieur [O] toute vocation successorale ;
Qu’elle souligne d’ailleurs que les demandes et moyens de l’appelant devant le tribunal puis devant la cour sont quasiment identiques à ceux figurant dans ses conclusions d’appel du 10 juin 2011, ce qui tendrait à démontrer selon elle que les deux litiges ont une identité de cause et d’objet, à savoir la vocation successorale de Monsieur [X] [O] ;
Considérant que Monsieur [X] [O] répond que dans le cadre de la première procédure, il n’avait formulé des demandes relatives à la reconnaissance de ses droits patrimoniaux dans la succession d'[V] [V] que devant la cour d’appel, et que dès lors qu’elle les avait déclarées irrecevables comme étant nouvelles, ladite cour n’en avait pas été saisie ; qu’ainsi qu’il ressortait de son arrêt du 21 septembre 2011, « les prétentions relatives aux droits patrimoniaux ne sauraient être considérées comme virtuellement comprises dans celles afférentes aux droits extra-patrimoniaux, tant ces droits sont par leur essence même de nature différente », si bien que les deux litiges ont bien un objet différent ; que leurs causes sont également distinctes, puisque le premier concernait le droit moral relevant de l’article 121-1 du code de la propriété intellectuelle, tandis que le second relevait des dispositions relatives au droit des successions et notamment des articles 757, 918, et 1527 du code civil ;
Considérant que l’autorité de la chose jugée s’attache aux questions tranchées dans le dispositif d’une décision ainsi qu’à celles qui en sont la conséquence ou le préalable nécessaire ;
Considérant que par arrêt du 21 septembre 2011, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 octobre 2009 qui avait déclaré Monsieur [X] [O] irrecevable en ses demandes, pour défaut de qualité à agir, faute par lui de pouvoir se prévaloir de la qualité d’héritier d'[V] [V] ;
Considérant que pour déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [X] [O] portant sur le droit moral de l’artiste, et déclarer la ville de Paris, seule titulaire du droit moral d'[V] [V], la cour d’appel de Paris a considéré
« (‘) que le droit de l’auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre prévu à l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle est transmissible entre les héritiers selon les règles ordinaires de la dévolution successorale ; que le légataire universel a vocation à recevoir l’universalité héréditaire, et en particulier, à devenir titulaire, même en présence d’héritiers réservataires, du droit moral de l’auteur ;
(‘) qu’en l’espèce, les parties s’opposent sur la titularité du droit moral d'[V] [V] ;
(‘) que la cour d’appel entend rappeler à la ville de Paris que la question relative à la qualité d’héritier est distincte de celle portant sur les droits de celui-ci, de sorte que, dès lors que le jugement du 1er mars 1983 a dit qu'[V] [V] était son père, M. [O] en est l’héritier et a ainsi qualité pour revendiquer la titularité du droit moral de l’artiste quand bien même il ne pourrait bénéficier de droits patrimoniaux ;
(‘) que déférant à l’injonction de la cour, la ville de Paris a justifié de sa qualité de légataire universelle de [E] [X] ;
Qu’en effet, elle a produit la copie d’un acte authentique dressé le 19 avril 1941 par Me [B], notaire à [Localité 3], par lequel [V] [V] a consenti à [E] [X] une donation « de la pleine propriété de l’universalité des biens mobiliers et immobiliers qui appartiendront au donateur lors de son décès et composeront sa succession », ainsi que de deux testaments, l’un authentique reçu le 20 mai 1964, l’autre olographe daté du 13 septembre 1967, par lesquels [V] [V] a confirmé l’acte de donation antérieur, l’absence d’envoi en possession de [E] [X] opposée par M.[O] étant à cet égard radicalement inopérante ;
Qu’elle a également versé aux débats, outre la copie d’un acte authentique reçu le 9 octobre 1978 par Me [M], notaire à [Localité 2], par lequel [E] [X] a consenti à la ville de Paris une donation portant sur divers biens immobiliers et diverses ‘uvres d’art, dont les sculptures d'[V] [V], celle d’un testament olographe du 18 août 1979 et de deux codicilles datés des 17 juillet et 12 août 1980, par lesquels [E] [X] a institué la ville de Paris légataire universelle, ainsi que celle de l’ordonnance d’envoi en possession de la ville de Paris rendue le 10 janvier 1983 par le président du tribunal de grande instance de cette ville ;
Que cette cour a ainsi nécessairement reconnu à [E] [X], la qualité de légataire universelle d'[V] [V], et à la Ville de Paris, celle de légataire universelle de [E] [X], que [X] [O] leur déniait en formant déjà des demandes tendant à voir :
– constater que son existence avait volontairement été dissimulée lors des opérations liées à la succession d'[V] [V] ;
– constater plus généralement l’existence d’une fraude successorale ayant corrompu tous les actes de la succession [V] ;
– constater que [E] [X] n’avait pas été envoyée en possession et qu’elle n’a pas eu la saisine lui permettant d’instituer la ville de Paris légataire universelle ;
– en conséquence, de dire et juger que la ville de Paris n’a pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettent aujourd’hui de revendiquer cette qualité et encore moins d’exclure totalement le seul fils d'[V] [V] ;
Que le caractère patrimonial ou extra-patrimonial des droits revendiqués par [X] [O], n’ayant pas d’incidence sur les qualités de légataires universelles de [E] [X] et de la ville de Paris, celui-ci ne peut plus remettre en cause ces qualités consacrées par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée, dès lors que la Cour de cassation a, dans son arrêt du 15 mai 2013, rejeté les pourvois formés à l’encontre de l’arrêt du 21 septembre 2011, en relevant notamment
« qu’à l’époque du décès d'[V] [V], l’enfant, dont le père était, au temps de la conception, engagé dans les liens du mariage, n’avait pas la qualité d’héritier et que toute libéralité qui lui était consentie était frappée de nullité dès lors qu’il résultait des termes de l’acte que le disposant avait été déterminé par la conviction qu’il était le père du gratifié ; que dès lors, la cour d’appel n’était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes de Monsieur [O] faisant valoir que [E] [X] avait détruit la lettre, écrite par le défunt trois ans avant sa mort, et qu’il lui avait adressée, dans laquelle il lui révélait sa liaison adultère, la naissance de son fils et sa volonté que tous ses biens reviennent à ce dernier après le décès de son épouse, aucune fraude ne pouvant à cette époque, être reprochée à celle-ci ou au notaire instrumentaire des actes de la succession (‘)
qu’après avoir rappelé, à bon droit, que le légataire universel a vocation à recevoir l’universalité héréditaire, et en particulier, à devenir titulaire, même en présence d’héritiers réservataires, du droit moral de l’artiste, et constaté qu'[V] [V] avait institué [E] [X] légataire universelle, la cour d’appel en a exactement déduit que cette dernière est titulaire du droit moral de l’auteur tel que prévu par l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle ; »
Que les demandes de [X] [O] tendant à voir
– constater que son existence avait volontairement été dissimulée lors des opérations liées à la succession d'[V] [V] ;
– constater plus généralement l’existence d’une fraude successorale ayant corrompu tous les actes de la succession [V] ;
– constater que [E] [X] n’avait pas été envoyée en possession et qu’elle n’a pas eu la saisine lui permettant d’instituer la ville de Paris légataire universelle ;
– en conséquence, de dire et juger que la ville de Paris n’a pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettent aujourd’hui de revendiquer cette qualité et encore moins d’exclure totalement le seul fils d'[V] [V],
sont de ce fait irrecevables ;
Considérant en revanche que le 8 avril 2008, Monsieur [O] a assigné la ville de Paris en simple qualité de descendant d'[V] [V], indiquant même dans son exploit introductif d’instance qu’il ne pouvait pas prendre la qualité d’héritier ;
Que la ville de Paris admet dans ses écritures que c’est seulement par conclusions du 7 avril 2010 que Monsieur [O] a, pour la première fois, demandé à se voir reconnaître le bénéfice de droits patrimoniaux dans la succession de son père ;
Que sur l’invocation par elle du caractère nouveau de ces demandes, la cour d’appel de Paris les a, dans le dispositif de son arrêt du 21 septembre 2011, déclarées irrecevables ;
Que si dans la motivation de sa décision, la cour d’appel de Paris a considéré qu’elles n’étaient « en tout état de cause » pas fondées, il s’agissait d’une considération sans aucune valeur décisionnelle, dont la Cour de cassation, dans son arrêt du 15 mai 2013, a écarté la critique, comme étant dénuée de portée, dès lors qu’il s’agissait d’un motif qualifié de surabondant ;
Considérant qu’en énonçant que « le litige doit être tranché d’une part, en considération des dispositions transitoires fixées par l’article 25 II 2° de la loi du 31 décembre 2001, s’agissant de déterminer si M. [O] était recevable à contester la qualité de légataire universelle de [E] [X], et s’il peut bénéficier de droits patrimoniaux dans la succession d'[V] [V], et d’autre part, par application de l’article 1003 du code civil, en vertu duquel le légataire universel qui a vocation à recevoir l’universalité héréditaire, devient titulaire, même en présence d’héritiers réservataires, du droit moral de l’auteur consacré par l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle » la Cour de cassation n’a nullement confirmé comme le soutient la ville de Paris, « que l’action de M. [O] portait en premier lieu sur sa vocation successorale » mais seulement relevé que les dispositions applicables au litige, lequel résultait des prétentions respectives des parties (en particulier celles de M.[O] tendant à la reconnaissance de droits patrimoniaux dans la succession d'[V] [V], déclarées irrecevables par l’arrêt du 21 septembre 2011 frappé de pourvoi), n’étaient pas celles sur lesquelles portaient les questions prioritaires de constitutionnalité qu’il lui était demandé de transmettre au Conseil constitutionnel ;
Qu’il s’ensuit que les demandes de Monsieur [O] tendant à voir
– dire et juger qu’il a la qualité d’héritier d'[V] [V] en application de l’article 25’II-2èment de la loi du 3 décembre 2001,
– dire et juger qu’il est donc titulaire de l’ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d’héritier,
– dire qu’au titre de ses biens, il est titulaire des droits patrimoniaux sur l”uvre d'[V] [V],
– en conséquence, commettre le président de la Chambre des notaires de [Localité 2] avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la succession d'[V] [V],
qui n’ont jamais été tranchées au fond, ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée ;
Sur la prescription :
Considérant que la Ville de Paris soutient que l’action de Monsieur [O] est prescrite au regard des dispositions des articles 2262 et 789 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, dans la mesure où ses premières revendications ont été formulées par conclusions du 7 avril 2010 ;
Que Monsieur [O] répond « que la prescription ne s’applique que « lorsque l’on se place sur une question d’action constitutive et non déclarative » et qu’ « une action déclarative emporte de fait la rétroactivité » ; que le jugement reconnaissant sa filiation est de nature déclarative et donc nécessairement rétroactif ; « que les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001 fixent son application rétroactive aux successions antérieures, sans limitation de temps, à la seule condition qu’elles ne soient pas partagées » ;
Considérant que sans faire la distinction entre les actions, selon leur fin déclarative ou constitutive, l’article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, dispose que toutes les actions, tant réelles que personnelles se prescrivent par 30 ans ;
Que le fait générateur de l’action en reconnaissance d’une vocation successorale est le décès du de cujus, dont la date constitue le point de départ de la prescription ;
Que la prescription ne court toutefois pas à l’encontre des mineurs, si bien qu’à leur égard, le point de départ de la prescription est reporté au jour de leur majorité ;
Considérant que Monsieur [O] ne remet pas en cause le fait d’avoir revendiqué pour la première fois la reconnaissance de ses droits patrimoniaux dans la succession d'[V] [V] par voie de conclusions signifiées devant la cour d’appel de Paris le 7 avril 2010 ;
Considérant que Monsieur [O] ne conteste pas qu’à cette date, il était majeur depuis plus de 30 ans ;
Que l’article 25 de la loi du 3 décembre 2001 ne régit que les conditions de son application, en particulier pour les successions déjà ouvertes au jour de son entrée en vigueur, et ne comporte aucune disposition modificative ou exonératoire des règles de prescription ;
Que l’effet déclaratif du jugement du 1er mars 1983, consacrant la filiation paternelle de Monsieur [O], n’a pas d’incidence sur la prescription, Monsieur [O] disposant du même délai de 30 ans à compter de sa majorité pour faire reconnaître la paternité d'[V] [V] et revendiquer des droits dans sa succession ;
Qu’il s’ensuit que les demandes formées par [X] [O] tendant à voir
– dire et juger qu’il a la qualité d’héritier d'[V] [V] en application de l’article 25’II-2èment de la loi du 3 décembre 2001,
– dire et juger qu’il est donc titulaire de l’ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d’héritier,
– dire qu’au titre de ses biens, il est titulaire des droits patrimoniaux sur l”uvre d'[V] [V],
– en conséquence, de commettre le président de la Chambre des notaires de [Localité 2] avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la succession d'[V] [V],
sont irrecevables, comme étant prescrites ;
sur la demande de dommages intérêts formée par la ville de Paris :
Considérant que dès lors que la question de sa vocation successorale, et celle de ses droits patrimoniaux dans la succession d'[V] [V] n’avaient pas été tranchées, la procédure engagée par M. [O] ne peut être considérée comme fautive ;
Qu’eu égard à la complexité du litige, le délai écoulé entre l’introduction de l’action et l’arrêt rendu par la Cour de cassation ne présente pas non plus un caractère fautif ;
Que la demande en paiement de dommages intérêts formée par la ville de Paris sera donc rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Monsieur [O] et le condamne à payer à la ville de Paris la somme de 6.000 euros de ce chef ;
Condamne Monsieur [O] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Nataf Fajgenbaum et associés par le ministère de Maître Fabienne Fajgenbaum conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,