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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 15 Février 2019
SUR RENVOI APRES CASSATION
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 15/10833 – N° Portalis 35L7-V-B67-BXLFE
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 07-01563
APPELANTS
SA CALLIPHORA
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me Ermeline SERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1227
Monsieur [G] [T]
né le [Date naissance 1] 1961 à PARIS
[Adresse 3]
[Adresse 2]
représenté par Me Ermeline SERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1227
INTIMEES
URSSAF – ILE DE FRANCE
Département du contentieux amiable et judiciaire
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par M. [Y] en vertu d’un pouvoir général
A.G.E.S.S.A
[Adresse 5]
[Adresse 2]
non représentée à l’audience, dispensée de comparution
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 6]
[Adresse 6]
avisé – non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 29 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère
Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre et Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur le fond du litige opposant la SA CALLIPHORA à l’Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales d’Ile de France et à l’AGESSA en présence de M. [G] [T], après la cassation de l’arrêt du 19 décembre 2013 infirmant partiellement le jugement rendu le 13 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, qui a constaté que M. [G] [T], intervenant volontaire n’a formé aucune demande et condamné la société CALLIPHORA à payer à l’URSSAF la somme de 109 764€ au titre des cotisations outre celle de 10 976€ au titre des majorations de retard provisoires.
FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .
Il suffit de rappeler qu’à l’occasion d’un contrôle opéré au sein de la société Calliphora pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, l’Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales de Paris ( ci – après l’URSSAF) a réintégré dans l’assiette des cotisations des sommes qualifiées de royalties et versées à M. [G] [T], président directeur général de la SA CALLIPHORA, dans le cadre d’un contrat de réalisateur artistique en considérant que ces rémunérations représentaient exclusivement l’exécution matérielle de la conception de l’enregistrement d’un album. L’inspecteur a re-qualifié en salaires les sommes en cause et procédé à leur réintégration dans l’assiette des cotisations , en vertu de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale entraînant un redressement de 115 801€ en cotisations.
Une lettre d’observations du 14 novembre 2005 a été notifiée à la société CALLIPHORA ( ci – après la société ).
Par lettre du 14 décembre 2005, la société a répondu aux observations de l’URSSAF .
En réponse, l’inspecteur du recouvrement a, par courrier du 22 décembre 2005, revu son chiffrage à la baisse et ramené le montant du redressement à la somme de 109 764€ .
L’URSSAF a adressé à la société une mise en demeure du 30 décembre 2005, réceptionnée le 2 janvier 2006.
Contestant cette mise en demeure, la société a saisi la commission de recours amiable laquelle, par décision 12 décembre 2006, a rejeté le recours.
La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui, par jugement du 13 septembre 2010, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, constaté que M. [G] [T], intervenant volontaire, n’avait formé aucune demande, condamné la société Calliphora à payer à l’URSSAF la somme de 109 764€ au titre des cotisations et 10 976€ au titre des majorations de retard provisoires.
Le tribunal a retenu que M. [G] [T] ne pouvait en aucun cas se prévaloir de la qualité d’artiste du spectacle au titre du contrat de réalisateur artistique qu’il a signé le 1er juillet 1998 avec la société Calliphora et que toutes les sommes qu’il a perçues au titre de ce contrat devaient être qualifiées de salaires.
Par arrêt du 19 décembre 2013, la présente cour a infirmé partiellement ce jugement, déclaré prescrites les cotisations de l’année 2002 pour un montant de 65 464€ en principal, validé le redressement pour le surplus, condamné la société Calliphora au paiement de la somme de 44 200€ au titre des cotisations, renvoyé l’URSSAF à procéder à un nouveau calcul des majorations de retard, débouté les parties de toutes autres demandes, laissé à la charge de la société Calliphora la charge de ses frais non répétibles.
Saisie par la société , la cour de cassation, par arrêt du 12 mars 2015 a statué comme suit:
(…) Mais sur le second moyen pris en sa deuxième branche,
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile,
Attendu que, pour valider le redressement, l’arrêt retient que la société Calliphora, société de production musicale, dirigée par M. [T], a conclu avec ce dernier le 1er juillet 1998 un contrat de réalisateur artistique dont l’objet portait sur la conception de l’enregistrement de l’album de [O] [A] ” Innamoramento”; qu’aux termes de ce contrat, M. [T] était chargé notamment d’assurer la direction et la réalisation artistique des séances d’enregistrement, de définir les modalités de production de l’enregistrement, de superviser et diriger les séances d’enregistrement afin d’assurer la qualité technique et artistique de l ‘album, de gérer le budget déterminé par la société, de faire signer les feuilles de séances aux musiciens et les contrats des artistes aux termes duquel il était chargé de veiller à régler les factures et les cachets; qu’en contrepartie de ces prestations il était convenu une avance de 763 000€ outre le versement de royalties qui se sont élevées à 315 127 € en 2002, à 105 000€ en 2003 et 2004 ;que si M. [T] relève de la catégorie d’artiste de spectacle, la redevance qui lui a été versée en contrepartie de son travail de réalisateur artistique ne constitue pas une rémunération à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation personnelle au sens des dispositions de l’article L 762-2 du code du travail; qu’il en résulte que la présomption de l’article L 762-1 s’applique de sorte que les sommes qualifiées de royalties doivent être re-qualifiées en salaires et réintégrées dans l’assiette des cotisations ;
Qu’en statuant ainsi , sans répondre aux conclusions de la société qui faisait valoir que les sommes objet de la régularisation par l’URSSAF rémunéraient l’exploitation commerciale de plusieurs albums, les royalties incluant des redevances autres que celles versées au titre du contrat du 1er juillet 1998 , la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen:
Casse et annule, sauf en ce qu’il a déclaré prescrites les cotisations de l’année 2002 pour un montant de 65 464 € en principal, l’arrêt rendu le 19 décembre 2013 entre les parties, par la cour d’appel de Paris; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit , les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée;
Condamne l’URSSAF aux dépens;
Rejette les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 25 juin 2015, la société Calliphora et M. [G] [T] ont a saisi la présente cour en tant que juridiction de renvoi.
La société Calliphora et M. [G] [T], intervenant volontaire, font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent à la cour :
In limine litis,
A titre principal
Vu l’article R 243 – 59 du code de la sécurité sociale
– de dire que la mise en demeure qui lui a été notifiée est nulle et de nul effet, en ce qu’elle ne précise pas la nature, la cause et l’étendue des obligations mises à la charge de la société,
– de dire qu’en opérant un redressement sur l’ensemble des royalties perçues par M. [G] [T] en 2003 et 2004 en se fondant sur un contrat de réalisateur artistique du 1er juillet 1998 concernant l’unique album phonographique INNAMORAMENTO alors qu’il apparaît que ces royalties concernent également d’autres albums phonographiques ( d’un autre artiste et d’un autre producteur) non concernés par ledit contrat, l’URSSAF a commis un erreur de fondement juridique et de base de calcul invalidant son redressement,
– de prononcer la nullité de la mise en demeure et par voie de conséquence du redressement poursuivi par l’URSSAF au titre des années 2003 et 2004 ( l’exercice 2002 étant prescrit) ainsi que des pénalités afférentes,
Subsidiairement au fond,
– dire que M. [G] [T] a la qualité d’artiste du spectacle au sens de l’article L 7121-2 du code du travail,
– constater qu’il ne possède pas la qualité de salarié et que les sommes versées ne peuvent faire l’objet d’un redressement à ce titre,
– dire en tout état de cause que les sommes litigieuses ne sauraient être considérées comme des salaires au regard des dispositions de l’article L 7121-8 du code du travail,
– dire qu’en opérant un redressement sur l’ensemble des royalties perçues par M. [G] [T] en 2003 et 2004, en se fondant sur un contrat de réalisateur artistique du 1er juillet 1998 concernant uniquement l’album phonographique INNAMORAMENTO alors qu’il apparaît que ces royalties concernent également d’autres albums phonographiques ( d’une autre artiste et d’un autre producteur ) non concernés par ledit contrat, l’URSSAF a commis une erreur de fondement juridique et de base de calcul invalidant son redressement,
En conséquence,
– dire qu’il n’y a pas lieu à réintégration dans l’assiette des cotisations des royalties versées par la société Calliphora à M. [G] [T] dans le cadre du contrat de réalisateur artistique du 1er juillet 1998,
A titre infiniment subsidiaire,
– constater que les cotisations dont le recouvrement est poursuivi par l’URSSAF pour les années 2003 et 2004 d’un montant de 44 200€ sont assises sur une assiette erronée,
– dire que les cotisations réclamées par l’URSSAF et objet de la contestation seront calculées exclusivement sur la base des royalties versées à M. [T] au titre de l’album INNAMORAMENTO soit de 2580,86€ hors taxes,
En conséquence,
– infirmer la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF du 12 décembre 2006 sur ce point,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris,
– annuler le redressement sur les sommes versées au titre des royalties des années 2003 et 2004 objets de la présente action pour un montant de 44 200€ ainsi que toutes les majorations et pénalités de retard afférentes,
Infiniment subsidiairement,
– ordonner la réduction de l’assiette de calcul de l’URSSAF aux seules redevances versées par la société Calliphora au titre de l’album INNAMORAMENTO sur les années 2003 et 2004, objets du contrôle soit une somme de 2580,86€ hors taxes,
– débouter l’URSSAF de toutes ses demandes reconventionnelles ou incidentes formées à l’encontre de la société Calliphora,
– condamner l’URSSAF de Paris au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement d’une somme de 4 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’URSSAF Ile de France, venant aux droits de l’URSSAF de Seine et Marne et Paris Région Parisienne, fait déposer et soutenir oralement par la voix de son représentant des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour:
Vu l’arrêt de cassation du 12 mars 2015,
– de déclarer la société Calliphora recevable en son appel,
– de la débouter de toutes ses demandes,
– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris,
Subsidiairement,
– de réformer partiellement le jugement déféré et d’ordonner un nouveau chiffrage sur les bases suivantes:
Année 2003 : 36 417,77€ HT
Année 2004: 78 921,88€ HT
L’URSSAF soutient que M. [T] ne fait que réunir les moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de cette oeuvre audiovisuelle et que par conséquent, ses différentes attributions prévues au contrat ne peuvent être qualifiées de prestations artistiques, qu’en conséquence des royalties ne peuvent donc lui être versées, ce dernier n’ayant pas la qualité d’artiste du spectacle au sens de l’article L 762-2 du code du travail et que d’autre part, le versement de ces royalties est sans rapport avec l’exploitation de l’enregistrement d’une prestation personnelle de M. [T] .
Pour le chiffrage, elle maintient que la lettre d’observations notifiée à la société fait état du contrat de réalisateur artistique et que c’est ce seul document qui est soumis aux débats, que le chiffrage proposé par Calliphora à hauteur de 100 000€ HT au titre de chacune des années 2003 et 2004 pour M. [T] a été validé par l’inspecteur du recouvrement par un courrier du 22 décembre 2005 , que les sommes avancées par la société à hauteur HT de 1487,11€ pour l’année 2003 et 1093,75€ pour l’année 2004 ne sont corroborées par aucune pièce comptable, que la cour devra donc valider le chiffrage de l’URSSAF.
A titre subsidiaire, l’URSSAF demande que la base du redressement soit ramenée a minima aux montants suivants:
2003 : *1487,11€ HT au titre des rémunérations perçues pour la rémunération artistique de l’album INNAMORAMENTO
* 34 930,66€ HT total des revenus perçus par M. [T] de Calliphora au titre de ses autres casquettes
soit un montant total ( nouvelles bases du redressement) : 36 417,77€ HT
2004 : * 1093,75€ HT au titre des rémunérations perçues pour la rémunération artistique de l’album INNAMORAMENTO
* 77 828,13€ HT total des revenus perçus par M. [T] de Calliphora au titre de ses autres casquettes soit un montant total ( nouvelles bases du redressement) : 78 921,88€ HT
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .
A l’audience du 30 novembre 2017, l’AGESSA a demandé sa mise hors de cause et demandé à être dispensée de comparution à l’audience de renvoi .
La Cour a fait droit à sa demande de dispense de comparution.
SUR CE , LA COUR ,
Sur la régularité du contrôle :
La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans un délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de la mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature , de la cause et de l’étendue de son obligation.
La société fait valoir que le contrat de réalisateur artistique du 1er juillet 1998 n’est pas visé dans la lettre d’observations dans la rubrique des documents consultés , l’URSSAF ne l’évoquant que comme un contrat – cadre, évoquant une oeuvre audiovisuelle, que la correspondance de l’inspecteur du recouvrement indique simplement que les constatations ont été partiellement revues, que la mise en demeure se borne à indiquer que les cotisations se rapportent au ” Régime Général” sans toutefois préciser la nature des cotisations réclamées, qu’elle ne mentionne aucun chef de redressement, que le seul contrat qui fonde tout le redressement n’est jamais cité dans la mise en demeure de sorte que celle- ci ne lui permettait pas de déterminer ni les bases du redressement ni l’assiette prise en considération par l’URSSAF pour procéder au redressement, que l’URSSAF est incapable de justifier du bien fondé du principe du redressement et de l’exactitude de l’assiette, qu’elle n’explique pas quels éléments factuels et juridiques justifient l’intégration dans l’assiette du redressement des redevances versées en exécution d’albums différents d’INNAMORAMENTO produits pour certains par une autre société ( Requiem Publishing ) et interprété par une autre artiste que [O] [A] ( en l’occurrence [U] ) que la mise en demeure ne respecte pas les conditions de motivation exigées et ne permet pas un chiffrage correct de l’assiette cotisable sur le fondement juridique du contrat contrôlé, que les irrégularités doivent entraîner la nullité de la mise en demeure et du redressement qui s’ensuit .
L’URSSAF réplique que la lettre d’observations du 12 novembre 2005, qui a précédé cette mise en demeure, a permis à l’employeur de connaître la nature des reproches, la cause et l’étendue du redressement envisagé, que la liste des documents consultés mentionne la DADS 2, document de nature fiscale qui relate les versements de Calliphora à M. [T] son collaborateur, que le motif du redressement mentionne la consultation “du ” contrat de réalisateur artistique “et vise des textes légaux ne laissant place à aucune ambiguïté ( articles L 212-6, L 382-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, article L 242- 1 du code de la sécurité sociale), que la réponse de l’employeur en date du 14 décembre 2005 démontre que la société Calliphora n’a pas pu se méprendre sur les motifs du redressement, que dès lors le moyen de nullité présenté doit être rejeté et la lettre d’observations et la mise en demeure subséquente doivent être déclarées régulières.
Force est de constater que la mise en demeure litigieuse comportait le numéro du cotisant et le service qui l’a émis, l’objet de la mise en recouvrement, la période du contrôle et le montant correspondant à celui figurant sur la lettre d’observations notifiée à la société ainsi que les majorations de retard. Elle était accompagnée d’une part, d’une copie de l’état du redressement , adressé le 22 décembre 2005 au cotisant par lettre recommandée avec accusé de réception, et d’autre part, du décompte récapitulatif portant le détail des années redressées et le cadre du redressement soit “le régime général”. Elle faisait référence au courrier détaillé et argumenté adressé par la société le 14 décembre 2005 en réponse à la lettre d’observations notifiée par l’URSSAF le 14 novembre 2005, indiquant clairement le motif du redressement à savoir la réintégration, dans l’assiette des cotisations des royalties versées à M. [T] au titre du contrat de réalisateur artistique, les raisons précises de cette réintégration avec le relevé des bases de calcul, du montant de la régularisation et du support textuel et juridique de celle – ci.
La société Calliphora est mal fondée à soutenir qu’elle ignorait le fondement juridique du redressement en ce qu’en réponse à la lettre d’observations du 14 novembre 2005, elle expose à l’URSSAF par courrier du 14 décembre 2005 ” Votre lettre d’observations du 14 novembre 2005 appelle de notre part les remarques suivantes: Votre vérification a porté sur le contrat de réalisateur artistique passé le 1er juillet 1998 entre notre société et M. [G] [T]. L’objet de ce contrat portait sur l’album intitulé INNAMORAMENTO . Il s’agit en l’espèce d’une captation phonographique. ( …) Aussi, les sommes en cause ne sont elles pas, ainsi que vous le soutenez dans votre lettre d’observations ” représentatives que de l’exécution matérielle de la conception de l’enregistrement de l’album ( …) et non d’une création intellectuelle d’une oeuvre audiovisuelle mais la contrepartie d’une conception artistique, le contrat incriminé ayant parfaitement opéré une distinction entre ” exécution matérielle de la conception de l’enregistrement de l’album et la conception artistique de cet enregistrement , la liberté de choix artistique reconnue à M.[G] [T] étant en l’espèce patente à tous égards”.
Ainsi, il est parfaitement démontré que la société connaissait le fondement juridique du redressement.
Au vu de l’ensemble de ces éléments , il est constant que la mise en demeure permettait à la société de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation .
Le contrôle opéré par les services de l’URSSAF est donc parfaitement régulier.
SUR LE FOND
Il est rappelé à titre liminaire que l’année 2002 est prescrite .
Le litige ne porte que sur les sommes allouées en 2003 et 2004 à M. [G] [T].
Ainsi qu’il vient d’être ci – dessus retenu , la vérification de l’URSSAF n’a porté que sur le contrat de réalisateur artistique passé le 1er juillet 1998 entre la société CALLIPHORA et M. [G] [T] et sur les sommes rémunérant l’exploitation de l’album INNNAMORAMENTO et non pas sur les royalties incluant des redevances provenant d’autres contrats que celui conclu le 1er juillet 1998.
Il résulte de l’article L 762- 1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail , dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de ce contrat , dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
Les dispositions de l’article L 762-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, prévoient que n’est pas considéré comme salaire la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation par l’employeur ou tout autre utilisateur, dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter l’enregistrement et que cette rémunération n’est en rien fonction du salaire perçu par la production de son interprétation, exécution ou présentation mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l’exploitation dudit enregistrement.
Ainsi, deux sortes de rémunérations peuvent être perçues par les artistes de spectacle:
– soit un cachet, lorsque l’artiste réalise une prestation physique, qui constitue un salaire et qui est donc soumis à cotisations et contributions sociales,
– soit des redevances ou royalties à l’occasion de l’exploitation secondaire de sa prestation ( disques, rediffusion radiophonique).
La société CALLIPHORA, société de production musicale dont M. [G] [T] est le président directeur général, a conclu avec ce dernier le 1er juillet 1998 un contrat de réalisateur artistique dont l’objet portait sur la conception et l’enregistrement de l’album de [O] [A] “INNAMORAMENTO”.
Ce contrat prévoyait que M. [T] était chargé notamment de :
– assurer la direction et la réalisation artistique des séances d’enregistrement,
– définir les modalités de production de l’enregistrement,
– superviser et diriger les séances d’enregistrement afin d’assurer la qualité technique et artistique de l’album,
– gérer le budget déterminé par la société,
– faire signer les feuilles de séances aux musiciens et les contrats des artistes aux termes duquel il était chargé de veiller à régler les factures et les cachets.
En contre partie de ces prestations, il était convenu une avance de 763 000€ outre le versement de royalties d’un montant de 315 127 € en 2002, de 105 000€ en 2003 et 2004.
En application de l’article L 762-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, sont considérés comme artistes de spectacle notamment l’artiste lyrique, l’artiste dramatique, l’artiste chorégraphique, l’artiste de variétés, le musicien, le chansonnier, l’artiste de complément, le chef d’orchestre, l’arrangeur – orchestrateur et pour l’exécution matérielle de sa conception artistique, le metteur en scène.
Il est manifeste que M. [T], qui choisit les musiciens et les techniciens concourant à la réalisation de l’enregistrement de l’album, dirige et coordonne l’activité des personnels techniques et artistiques, fait les choix artistiques concernant les sons, les choeurs, les voix, l’harmonie et le mixage, n’est pas un simple exécutant technique obéissant aux directives de la production mais qu’il apporte à la réalisation de l’oeuvre qui lui est confiée ses connaissances , sa personnalité ainsi que l’expression de son talent et de sa créativité.
Il est donc un artiste de spectacle chargé, comme il le revendique, de porter à la connaissance du public une oeuvre reflétant sa conception artistique et son talent personnel.
Il n’est pas un artiste auteur. Il convient donc d’ordonner la mise hors de cause de l’AGESSA.
L’article L 762-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que l’exclusion de la rémunération de l’assiette des cotisations suppose, que cette rémunération soit fonction uniquement du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation personnelle de l’artiste et ce d’une manière aléatoire.
S’agissant de la qualification des sommes versées à M. [T] en exécution du contrat du 1er juillet 1998, celui – ci prévoit en son article 5 le versement de royalties “calculées sur 100% des ventes réalisées (….) sur les supports phonographiques reproduisant tout ou partie du phonogramme qui constitue l’objet des présents et qui auront été commercialisées directement ou indirectement par la société Monkey Stuffed “. Cette société est gérée par Mme [O] [A], qui, par contrat du 23 juin 1998, a confié à la société Calliphora la réalisation de l’enregistrement d’un album moyennant le versement au profit de cette dernière de redevances de 6% sur l’ensemble des ventes des supports phonographiques réalisés.
C’est à tort que la société Calliphora soutient que la rémunération de M. [T] est fonction du seul produit de l’exploitation de la réalisation artistique qu’il a effectuée sur l’album INNNAMORAMENTO pour laquelle il a disposé d’une liberté pleine et entière.
En effet, le versement des royalties est sans rapport avec l’exploitation de l’enregistrement d’une prestation personnelle de M. [T] . Elle concerne exclusivement l’exploitation de l’enregistrement de la prestation personnelle de [O] [A]. Elle n’est qu’un complément du versement octroyé par la société Monkey Stuffed à la société Calliphora dont M. [T] est le dirigeant en contre partie du travail d’enregistrement accompli dans le cadre du contrat commercial du 23 juin 1998.
Dès lors, si M. [T] relève de la catégorie d’artiste de spectacle, en revanche, la redevance qui lui est versée en contrepartie de son travail de réalisateur artistique ne constitue pas une rémunération à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation personnelle au sens des dispositions de l’article L 762-2 précité.
En conséquence, la présomption de l’article L 762-1 précité s’applique de sorte que les sommes versées à M. [T], qualifiées de royalties, doivent être re- qualifiées en salaire et réintégrées dans l’assiette des cotisations.
Sur le chiffrage du redressement :
La société CALLIPHORA fait valoir que l’URSSAF, tout au long de la procédure, a entendu se référer au seul contrat ayant pour objet l’album INNAMORAMENTO, qu’elle a procédé à une régularisation de cotisations pour un montant global de 109 764€ décomposée de la manière suivante:
– l’année 2002 est désormais exclue puisque atteinte par la prescription
( 65 564€ HT)
– 2003 : 21 950€ HT
– 2004: 22 250€ HT
Elle expose que si M. [T] a perçu au titre des royalties, les montants de 100 000€ HT pour l’année 2003 et de 100 000€ pour l’année 2004, qu’ils correspondent à la rémunération qu’il a perçue au titre de différents albums et d’autres activités artistiques et non au titre du seul album INNAMORAMENTO, qu’elle en justifie par la production de diverses pièces et notamment par des relevés de redevances transmis par le producteur Stuffed Monkey pour [O] [A] et le producteur Requiem Publishing pour la chanteuse Alizée, par l’attestation du comptable de la société Calliphora, par la déclararation DADS 2 des sommes versées à M. [T], par l’attestation du producteur la société Stuffed Monkey et qu’au vu de ces pièces, le montant des redevances dues à M. [T] pour l’album INNAMORAMENTO objet du contrat du 1er juillet 1998, s’élève aux sommes de 1487,11€ HT pour l’année 2003 et 1093,75€ HT pour l’année 2004 , que c’est à tort que l’URSSAF s’est basée sur les redevances perçues par M. [T] au titre de ses différentes activités et non au titre du seul album INNAMORAMENTO.
L’URSSAF rétorque que l’inspecteur du recouvrement a validé le chiffrage proposé par la société Calliphora elle – même dans son courrier du 14 décembre 2005 , qu’à aucun moment l’URSSAF n’a fait état d’un autre contrat, que le chiffrage ramené par la société à hauteur de 1487,11€ HT pour l’année 2003 et 1093,75€ HT pour l’année 2004 ne concorde pas avec les pièces justificatives produites, que les chiffres avancés dans l’attestation du comptable ne concordent pas avec les DADS 2 produites au titre des années 2003 et 2004.
La société produit aujourd’hui, à l’appui de sa demande de modification du chiffrage du redressement, des tableaux de redevances pour les années 2003 et 2004 et des extraits du grand livre Calliphora concernant les versements de royalties pour Requiem Publishing et Stuffed Monkey pour la période de 2002 à 2004 , une attestation de Mme [V], alors chef comptable de la société Calliphora, mentionnant que pour l’année 2003 les redevances dues à [G] [T] au titre de l’album INNAMORAMENTO s’élèvent à la somme de 1487,11€ HT et que celles qui lui sont dues au même titre pour l’année 2004 sont de 1093,75€ HT, que le faible montant des redevances s’explique par le fait que l’album est sorti en 1999 et que les plus importantes redevances ont été versées en 2000 et 2001.
Il doit être constaté que les différentes pièces produites par la société ne permettent pas de confirmer les montants de 1487,11€ HT et 1093,75€ HT avancés par la société.
De plus, comme le souligne à juste titre l’URSSAF, la société Calliphora , en réponse à la lettre d’observations du 14 novembre 2005 avait proposé à l’URSSAF dans son courrier du 14 décembre 2005 un chiffrage que l’URSSAF a validé:
” Le contrat de réalisateur artistique du 1er juillet 1998 prévoit en son article 2.5 que les redevances versées à M. [T] sont ” versées sur présentation d’une facture, celles – ci étant majorées de la TVA, par application de l’article 5 de la loi 91-716 du 26 juillet 1991, ce qui fut le cas.
Le montant des sommes HT versées à M. [T] s’élève donc à
– Année 2002; 315 127 € TTC soit 298 698,57€ HT
– Année 2003 : 105 500€ TTC soit 100 000€ HT
– Année 2004: 105 500€ TTC soit 100 000€ HT
Soit un total HT de 498 698,58€.
C’est donc cette somme de 498 698,58€ HT qui, en cas de maintien de votre régularisation de cotisations, devra être prise en compte pour le décompte des cotisations.
Il en résulterait une régularisation s’élevant à un montant de 109 464,33€, ce montant ayant déjà été par ailleurs assujetti au prélèvement de la CSG et de la CRDS. ”
La société CALLIPHORA , au vu de ce courrier et de sa carence à produire toute pièce justificative utile, est donc mal fondée à soutenir que la somme de 100 000€ de redevances perçue par M. [T] pour chacune des années 2003 et 2004 ne concerne pas seulement l’album INNNAMORAMENTO mais également d’autres albums.
En conséquence, le redressement sera validé sous réserve de la prescription acquise pour l’année 2002 . La société CALLIPHORA devra donc régler à l’URSSAF une somme de
44 200€ à charge pour l’URSSAF de recalculer le montant des majorations de retard sur cette somme.
La société CALLIPHORA qui succombe sera déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ,
Vu l’arrêt rendu le 12 mars 2015 par la Cour de Cassation ayant cassé et annulé l’arrêt rendu le 19 décembre 2013 par la cour d’appel de Paris sauf en ce qu’il a déclaré prescrites les cotisations de l’année 2002 pour un montant de 65 464 € en principal ,
Infirme partiellement le jugement rendu le 13 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS
Statuant à nouveau,
Valide le redressement pour les cotisations des années 2003 et 2004,
Condamne la société CALLIPHORA à payer à l’URSSAF Ile de France la somme de
44 200€ au titre de cotisations,
Renvoie l’URSSAF à procéder à un nouveau calcul des majorations de retard,
Ordonne la mise hors de cause de l’AGESSA ,
Déboute la société CALLIPHORA de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société CALLIPHORA aux dépens de la présente instance.
La GreffièreLa présidente