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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRET DU 12 NOVEMBRE 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/10799 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6N3X
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/04268
APPELANT
Monsieur [J] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ETATS-UNIS
Représenté par Me Nawal BAHMED, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101
INTIMEE
SAS MY FAMILY
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Cédric GUYADER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1227
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre
Mme Sandra ORUS, présidente de chambre
Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement en date du 28 mai 2018 par lequel le conseil de prud’hommes de Paris, statuant dans le litige opposant M. [J] [B] à la SAS My Family, a débouté le salarié de ses demandes, débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [B] au paiement des entiers dépens.
Vu l’appel interjeté le 26 septembre 2018 par M. [J] [B] de cette décision qui lui a été notifiée le 30 août 2018.
Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel .
Aux termes de conclusions transmises le 3 avril 2020 par voie électronique, M. [J] [B] demande à la cour de :
– Réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :
* jugé insuffisants les éléments apportés par M. [B] dans la preuve de la relation contractuelle avec la société My Family
* débouté de M. [B] de l’ensemble de ses demandes, notamment au titre :
– du rappel de salaires ;
– de l’indemnité de rupture du contrat de travail ;
– de l’indemnité de travail dissimulé ;
– du remboursement des défraiements ;
– de l’indemnisation de son préjudice moral et d’image ;
– de remise des documents sociaux de rupture sous astreinte de 50 euros/jour de retard et par document à compter de la décision ; de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant de nouveau :
A titre principal :
– Dire et juger qu’entre le 15 décembre 2015 et le 25 mai 2016, M. [B] a bénéficié de la présomption de salariat prévue aux articles L.7121-2, 3 et 4 du code du travail ;
En tout état de cause :
– Dire et juger qu’entre le 15 décembre 2015 et le 25 mai 2016, la société My Family et M. [B] ont été liés par un contrat de travail,
En conséquence :
– Condamner la société My Family à payer à M. [B] les sommes suivantes :
– 44 553,63 euros à titre de rappel de salaires ;
– 8 100,33 euros à titre d’indemnité de rupture ;
– 48 603,96 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé ;
– 2 618,64 euros au titre des défraiements ;
– 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et d’image.
– Condamner la société My Family à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Ordonner la remise des documents sociaux de rupture (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi) sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir ;
– Condamner la société My Family en tous les dépens.
Aux termes de conclusions transmises le 23 juin 2020 par voie électronique, la SAS My Family demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 28 mai 2018 en toutes ses dispositions ;
En conséquence :
– Débouter M. [J] [B] de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner M. [J] [B] à payer à la société My Family la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure ;
– Condamner M. [J] [B] aux entiers dépens de l’instance.
Vu la clôture du 30 juin 2020 et la fixation de l’affaire à l’audience du 21 septembre 2020.
A l’audience, les parties ont été invitées par la cour à se rapprocher d’un médiateur aux fins d’information.
La cour a été informée par message RPVA du 1er octobre 2020 du refus de médiation.
SUR CE, LA COUR :
Le 7 avril 2017, M. [J] [B], se présentant comme scénariste et réalisateur de films, a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande tendant à voir appliquer aux relations ayant existé entre lui et la société My Family durant la période du 15 décembre 2015 au 25 mai 2016 les dispositions de l’article L. 7121-3 du code du travail, qui prévoient que’tout contrat par lequel une personnel s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lorsque cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, mais également celles de l’article L. 7121-4 stipulant que cette présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties et même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle.
Le conseil de prud’hommes de Paris, par jugement dont appel, a rejeté cette demande ainsi que celles, subséquentes, de paiement de rappel de salaires, d’indemnité pour travail dissimulé, d’indemnité de rupture et d’autres relatives au remboursement de défraiements et l’indemnisation d’un préjudice moral et d’image.
L’article L. 7121-2 dispose notamment qu’est considéré comme artiste du spectacle le réalisateur pour l’exécution matérielle de sa conception artistique.
La préparation de la réalisation du «’teaser’», soit le montage de plusieurs séquences destinées à trouver des financeurs pour la réalisation du film, sur lequel les parties se sont entendues, doit être considérée comme la première étape, indispensable en l’espèce au vu des demandes de la société de production, de l’exécution matérielle susvisée, soit la réalisation du film, peu important que le tournage lui-même n’ait pas débuté. Dans de telles circonstances, la présomption de l’existence d’un contrat de travail existe au profit de M. [B] et il appartient à la société My Family de faire la preuve que les conditions d’exercice de l’activité ont été telles qu’elles étaient exclusives de tout lien de subordination juridique.
S’il ne ressort pas des éléments du dossier que les parties se sont entendues explicitement dès le début des relations sur le montant de la rémunération devant être versée à M. [B], une somme de 6 000 euros a été prévue pour la réalisation du teaser, en sorte qu’il ne peut être retenu qu’elle n’était pas au moins pour partie destinée à sa rémunération.
En revanche, le Sms de [D] [L] du 3 février 2016 à M. [B] lui rappelant qu’il a été demandé à ce dernier un mois avant d’écrire un teaser et constatant que toujours rien reçu, ne peut être tenu, contrairement à ce que soutient M. [B], comme l’exercice d’un pouvoir disciplinaire, les termes et le ton utilisés entre les parties dans leurs échanges révélant une familiarité et même une proximité amicale entre eux, matérialisées notamment par l’adoption de«’fréro’»par M. [L] et de son équivalent américain«’bro’»par M. [B], et traduisant seulement l’impatience affichée par M. [L] de recevoir le teaser, alors qu’il avait été sollicité par M. [B] lui-même depuis le mois de novembre 2015 qui lui avait proposé de sa seule initiative de participer à ce film en qualité d’acteur principal. En outre, M. [L] n’est pas un des dirigeants de la société.
L’échange de sms entre les intéressés au mois de février révèle que plusieurs versions du teaser ont été écrites par M. [B] et que le tournage de ce teaser était prévu en juin suivant, notamment en raison des disponibilités de M. [L].
Le 1er mars, la société My Family a uniquement fait des suggestions seulement pour le teaser, qui doit être plus modeste, soit révélateur de la manière de tourner du réalisateur et non de l’histoire en elle-même, le scénario devant y pourvoir. Ce souhait a été réaffirmé dans le courriel du 23 mai 2016 par M. [Z] qui rappelle une nouvelle fois à M. [B] qu’en raison du coût, le teaser n’est pas le reflet du film, mais celui de son talent de réalisateur.
Il résulte aussi des très nombreux sms et courriels échangés entre les parties que la préparation du teaser a été menée d’un commun accord entre M. [B], initiateur du projet de réalisation de ce film, et la société My Family et non sous la direction et le contrôle constant de cette société et que M. [B] s’est comporté, comme le soutient la société intimée, en partenaire, allant au-delà de sa seule fonction de réalisateur, comme notamment celle de choisir seul la directrice de casting, Mme [V], et le premier assistant, celle de s”engager à faire employer les comédiens qui tourneront gracieusement dans le teaser dans un rôle parlant du film long métrage, comme le révèle la lettre d’engagement signée par lui le 24 avril 2016 envoyée à Mme [V] en pièce jointe d’un courriel du lendemain. La mention de sa seule qualité de réalisateur de M. [B] sur la fiche technique produite au débat n’est pas de nature à contredire le rôle effectivement tenu par lui et précédemment décrit et qui excède la liberté artistique dont dispose le réalisateur. De même, les suggestions de M. [D] [L], choisi dès l’origine par M. [B] pour être le héros du film, et les propositions de M. [Z] ne peuvent être considérées comme des directives émanant de la société My Family, nonobstant les liens familiaux existant entre l’acteur et les dirigeants de l’entreprise.
Ensuite, par le sms du 26 mai 2016, M. [L] a expliqué à M. [B] les raisons de l’arrêt du projet de teaser dont le coût est, selon la société My Family, trop élevé. Il lui a indiqué aussi que le budget nécessaire pour le film ne sera pas obtenu si c’est lui qui réalise le film et lui a alors proposé 100 000 à 150 000 euros pour son scénario.
Par courriel du 1er juin 2016 adressé à la société My Family, M. [B] a alors fait état à la suite de l’abandon du projet par la société d’une conversation du 25 mai 2016 avec [G] [I], présidente du conseil d’administration, et d’un accord sur le remboursement des frais relatifs au tournage du teaser de Carpe Noctem proposant, selon les propres termes de M. [B], l’établissement d’une note de frais ou d’une «’facture via [sa] société française qui pourrait passer ce montant en consulting (puisqu’il s’agit de cela au final)’» et évalué à un total de 2 680 euros. La société My Family voulant alors limiter le remboursement aux seuls frais relatifs au déplacement de M. [B] à [Localité 3], maître [O] pour le compte de M. [B] a le 16 juin 2016 dans un courriel adressé à M. [K] [Z] fait parvenir une facture relative aux dépenses engagées (billet d’avion et loyer) et la prestation de consulting et d’écriture du film teaser destiné à la réalisation du film Carpe Noctem, avec mise en demeure de régler le montant facturé. La facture, émise par la société Shootmakers Entertainment dont l’activité est notamment la production et la distribution de films cinématographiques de long métrage et court métrage et dont M. [B] est le gérant, d’un montant total de 6 853,25 euros, comporte la description très détaillée en temps et en coût des prestations consulting-teaser du long métrage Carpe Noctem des temps passés à la réécriture du scénario du film à la demande du client (12h), à l’écriture des dix versions du teaser (10 versions à 4h), à l’élaboration et à l’écriture du découpage technique (3 versions à 3h), de la documentation et recherche de références (7h),de la constitution de l’équipe de tournage et de pré production (13h), des repérages (4h) et de la direction des comédiens pour le casting du teaser (1,5 jour) et aussi des frais engagés par M. [B] lui-même (voyage, excédent bagages, uber, taxi et aussi le loyer de son domicile de Los Angeles resté vide durant son séjour en France).
Il résulte aussi de l’attestation, circonstanciée et non utilement contredite, de M. [T] [Z], producteur exécutif et prestataire habituel de la société My Family, que le projet était de produire un teaser de quelques minutes pour convaincre de futurs financiers d’investir, que la société a accepté d’investir 6 000 euros dans la réalisation de ce teaser, que M. [B] a pris les choses en mains et s’est assuré seul d’un premier assistant et d’une directrice de casting, qu’au fur et à mesure il est apparu que le budget était insuffisant, ce qu’il à plusieurs reprises a tenté de lui faire comprendre (courriels des 1er mars et 23 mai précités) et que M. [B] a agi seul sans que la société lui donne de direction ou lui impose quoique ce soit. L’attestation de Mme [U] [R], assistante de production salariée au sein de la société My Family, confirme que M. [B] avait lui-même constitué son équipe, organisé les repérages et les rendez-vous comme les casting.
Au vu de l’ensemble de ces constations, la présomption édictée par les textes précités doit donc être considérée comme renversée par la société My Family, en sorte que M. [B] ne peut prétendre avoir été lié par un contrat de travail à celle-ci.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté toutes les demandes formées par M. [B], qui sont dans la stricte dépendance de la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail, et condamné celui-ci aux dépens.
M. [J] [B], appelant qui succombe totalement, sera condamné à supporter les dépens d’appel, débouté de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à verser sur ce même fondement à la SAS My Family une indemnité de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. [J] [B] aux dépens d’appel et à verser à la SAS My Family une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE