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CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10369 F
Pourvoi n° D 20-14.251
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021
1°/ la société [Y], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ Mme [Y] [K] [S], domiciliée [Adresse 2] (États-Unis),
3°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 3] (États-Unis),
tous deux agissant en qualité d’héritiers de [N] [K],
ont formé le pourvoi n° D 20-14.251 contre l’arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [V] [Y], domiciliée [Adresse 4] (Suisse),
2°/ à la société Judina LTD, dont le siège est [Adresse 5] (Chypre),
3°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 7], représenté par son syndic le cabinet Trio, domicilié [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations écrites de la SCP Boulloche, avocat de la société [Y], de Mme [K] [S] et de M. [K], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [Y] et de la société Judina LTD, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6], après débats en l’audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [Y], Mme [K] [S] et M. [K] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [Y], Mme [K] [S] et M. [K] et les condamne à payer à Mme [Y] et à la société Judina LTD la somme globale de 3 000 euros et au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société [Y], Mme [K] [S] et M. [K]
Le moyen de cassation fait grief à l’arrêt d’avoir condamné sous astreinte Mme [Y] [K] [S], M. [G] [K] et la Sci [Y] à remettre les lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] dans leur état antérieur et en conformité avec le règlement de copropriété, en supprimant l’accessibilité à la toiture de la villa du lot [Cadastre 2] via la suppression du chemin piétonnier reliant le lot [Cadastre 1] au lot [Cadastre 2] et traversant ce dernier ;
Aux motifs que « concernant le chemin et l’accessibilité au toit, il résulte d’un procès-verbal de constat établi le 30 mai 2016 à la requête de la SC [Y], qu’un petit chemin, réalisé début 2012, relie les lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2], bordé par des rambardes ou main courante. Ce chemin aboutit à la toiture du lot [Cadastre 2], situé en contrebas du lot [Cadastre 1] et il peut être constaté la présence d’un portillon perpendiculaire aux deux rambardes parallèles installées le long de ce chemin.
Il résulte des différents procès-verbaux de constat versé aux débats que la toiture du lot [Cadastre 2] est recouverte en totalité d’un gazon synthétique et que l’ancien chemin piétonnier d’environ 1 m de large est également recouvert d’un gazon synthétique.
Ce chemin à ce jour, n’a pas été supprimé, nonobstant la décision, exécutoire, du premier juge.
Les appelants exposent que ce chemin piétonnier n’a jamais été destiné à desservir la toiture du lot [Cadastre 2] mais simplement à traverser les jardins respectifs des lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2], en contournant la toiture du lot [Cadastre 2] pour permettre d’accéder à la piscine de ce lot. Ils font valoir que le règlement de copropriété ne contient aucune stipulation relative aux toits et/ou toitures des maisons paysage, ou régissant leur accessibilité ou leur non d’accessibilité, ou encore interdisant aux copropriétaires de ces lots d’aménager leurs jardins comme ils le souhaitent et circuler comme ils l’entendent, rappelant la clause du règlement de copropriété « Jardins clôture ».
Ils rappellent que selon les différents articles relatifs aux maisons paysages de [J] [P], l’objectif poursuivi par le concepteur de ces maisons était qu’elles se fondent dans le paysage et même que les jardins « investissent » les toits de ces maisons, ajoutant que la topographie du terrain, l’architecture des maisons et la configuration des lieux font que le toit de la villa du lot [Cadastre 2], qui est plan, épouse littéralement l’assiette du jardin de ce même lot et ce, dans la continuité du propre jardin clos du lot [Cadastre 1] qui se trouve en amont, offrant ainsi une accessibilité naturelle, conforme d’ailleurs aux caractéristiques de l’architecture recherchée et conçue par le concepteur de ces maisons paysage.
Les intimés font valoir que la création de ce chemin a pour objet de changer l’affectation attribuée au toit du lot [Cadastre 2], la création d’un chemin piétonnier liant deux lots qui ne l’étaient pas l’origine.
Le Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier [Adresse 6] fait valoir que le permis de construire délivré en 1977 est clair quant à la description de la maison lot [Cadastre 2] qui prévoit un toit plat engazonné et une seule entrée par le patio, grâce à un chemin de la copropriété actuellement privatisé au profit de ce lot selon procès-verbal d’assemblée générale du 19 juin 1982 et relève par ailleurs le défaut d’autorisation de l’assemblée générale comme exigé par le règlement de copropriété en ses articles 9 et 10, y ajoutant que la création de ce chemin ouvre ainsi une nouvelle voie d’accès au lot numéro [Cadastre 2] via le lot numéro [Cadastre 1].
Les intimés font ainsi valoir que les travaux d’aménagement du chemin sont contraires à l’oeuvre originale conçue par [J] [P] et à l’affectation du toit tel que prévu par le permis de construire et le règlement de copropriété, rappelant qu’il est prévu à l’article 9 concernant l’usage des parties privées que les cinq maisons actuellement construites sur les conceptions originales de M. [J] [P] constituent un ensemble dont l’harmonie ne doit en aucun cas être modifiée, le lot numéro cinq étant construit sur les dessins et plans établis par le concepteur.
Les intimés rappellent qu’aux termes de l’article 10 du règlement de copropriété, toute modification est soumise à l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires.
Mme [K] [S] fait valoir que ce chemin était matérialisé par un dallage réalisé en 2000, date à laquelle ce chemin existait déjà. Il est produit pour en justifier une facture de l’entreprise de maçonnerie dont il est indiqué qu’elle a réalisé ce dallage. Néanmoins cette facture datée du 23 mai 2000, mentionne au titre des travaux réalisés la création d’un dallage pour supprimer la marche accédant à la petite maison pour la somme de 600 euros, ce qui ne peut donc correspondre au dallage du chemin.
Par ailleurs, l’attestation produite et signée de M. [I], architecte, rapporte les dires de son ancien associé sur l’existence de ce chemin, ce qui ne constitue pas un témoignage direct des faits constatés.
Les appelants produisent également une attestation datée du 4 août 2016, établie par M. [Q] [A], agent immobilier, qui expose avoir en 1998, vendu à la SC [Y] une villa qui appartenait à [D] [D], indiquant que « cette transaction avait en effet pour unique objet de permettre à la SC [Y] de réunir les deux propriétés adjacentes afin de permettre la jouissance d’une piscine privée. Pour ce faire, il suffisait que l’une fasse une ouverture dans la haie qui les séparait et y créer un passage naturel discret… Un joli petit chemin naturel a été réalisé afin de permettre aux propriétaires d’avoir accès à la piscine et au gîte. Les deux jardins anciennement distincts forment à présent un superbe jardin ».
Si effectivement et comme l’indiquent les appelants, le règlement de copropriété ne prévoit pas de dispositions spécifiques concernant les toitures, celui-ci rappelle que pour la bonne harmonie de l’ensemble immobilier, chaque copropriétaire ne devra rien faire qui puisse changer l’aspect extérieur de son lot.
Les lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] n’ont jamais été reliés avant la construction par les appelants d’un chemin piétonnier, les plans de masse établis en 1976 du vivant du concepteur des maisons paysage et versés aux débats montrant une séparation distincte de ces lots, qui à l’origine, concernant le lot [Cadastre 2], appartenait à un propriétaire distinct.
Les copropriétaires peuvent certes jouir librement de leur lot mais sous réserve que cette jouissance ne sont pas contraire à ce règlement.
Alors que ces maisons de paysages sont conçues pour s’intégrer dans un environnement naturel dont elles empruntent ses formes, la création d’un chemin piétonnier en dallage est par conséquent susceptible de rompre l’harmonie de cet îlot de maisons, ce qui pourrait expliquer que celui-ci soit désormais recouvert d’un gazon synthétique qui ne fait cependant que masquer le chemin existant.
La topographie des lieux ainsi que l’accessibilité naturelle du toit plan du lot [Cadastre 2] ne sauraient permettre aux appelants d’effectuer des travaux comme en l’espèce, de création d’un chemin reliant les deux fonds, ce sans autorisation de l’assemblée générale comme il est prévu à l’article 10 du règlement de copropriété, d’autant que l’article 8 du règlement de copropriété, s’il prévoit que les parties communes sont celles qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé, prévoit que par exception, les jardins attenants aux maisons individuelles, bien que réservés à l’usage privatif exclusif des propriétaires des constructions, resteront parties communes.
Enfin, que ce chemin ait pour objet de contourner la toiture plane du lot [Cadastre 2] pour accéder à la piscine de ce lot est indifférent dans la mesure où il est constant que ce chemin aboutit à cette toiture, se continue sur celle-ci et constitue un nouvel accès de ce lot, non prévu par le règlement de copropriété puisque cet accès est prévu par le patio conformément à la description du lot qui y est faite.
Il en résulte, que le non-respect des prescriptions du règlement de copropriété constitue pour cette copropriété et les copropriétaires s’en prévalant, un trouble manifestement illicite qui conduit la cour à confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné les propriétaires des lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] à supprimer le chemin piétonnier traversant les propriétés des lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] pour aboutir à la toiture du lot [Cadastre 2] ainsi que l’accessibilité à cette toiture par le dit chemin » (arrêt, pp. 11 à 13) ;
1/ Alors que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, l’article 10 du règlement de copropriété, intitulé « construction des maisons », dispose que « leur construction et toutes modifications ultérieures sont soumises aux lois et règlements en vigueur en cette matière, notamment en ce qui concerne le permis de construire, ainsi qu’à l’accord de l’assemblée générale, quant aux dispositions relevant des modifications envisagées, ainsi que de la modification rendue nécessaire de l’état descriptif de division » ; qu’en jugeant que la topographie des lieux ainsi que l’accessibilité naturelle du toit plan du lot [Cadastre 2] ne sauraient permettre aux appelants d’effectuer des travaux de création d’un chemin reliant les deux fonds, ce sans autorisation de l’assemblée générale comme il est prévu à l’article 10 du règlement de copropriété, quand cet article 10 ne concernait que la construction des maisons et leur modification ultérieure et ne faisait donc aucunement obstacle à la création d’un chemin reliant deux fonds, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé ;
2/ Alors que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, l’article 9 du règlement de copropriété prévoit que « pour la bonne harmonie de l’ensemble immobilier », chaque copropriétaire a interdiction de « changer l’aspect extérieur » de « son local » et précise que « les 5 maisons actuellement construites constituent un ensemble dont l’harmonie ne doit en aucun cas être modifiée, pour conserver à l’oeuvre réalisée, le caractère qu’a voulu lui donner l’artiste créateur » ; qu’en l’espèce, la cour a jugé, pour retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite et ordonner la suppression du chemin litigieux, que « si effectivement et comme l’indiquent les appelants, le règlement de copropriété ne prévoit pas de dispositions spécifiques concernant les toitures, celui-ci rappelle que pour la bonne harmonie de l’ensemble immobilier, chaque copropriétaire ne devra rien faire qui puisse changer l’aspect extérieur de son lot1 » (arrêt p. 12 & 5) ; qu’en statuant ainsi, quand l’article 9 du règlement de copropriété interdisait seulement de changer l’aspect extérieur des locaux et non des lots, et ne prohibait donc aucunement la création du chemin litigieux, la cour d’appel a encore méconnu le principe susvisé ;
3/ Alors, en outre, que pour retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite et ordonner la suppression du chemin reliant le lot [Cadastre 1] au lot [Cadastre 2], la cour a relevé que « le règlement de copropriété rappelle que pour la bonne harmonie de l’ensemble immobilier, chaque copropriétaire ne devra rien faire qui puisse changer l’aspect extérieur de son lot et que la création d’un chemin piétonnier en dallage est susceptible de rompre l’harmonie de l’ilot de maison » ; que la cour n’a cependant pas relevé que le chemin dont la suppression a été ordonnée, dont elle a constaté qu’il était désormais recouvert de gazon synthétique, de sorte que, comme l’avaient fait valoir les exposants, il était devenu invisible (concl. d’appel, p. 27), rompait effectivement l’harmonie de l’ensemble immobilier ; que dès lors, la cour n’a pas caractérisé l’existence d’un trouble manifestement illicite et privé sa décision de base légale au regard de l’article 809 du code de procédure civile ;
4/ Alors que la cour a également jugé, pour retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite et ordonner la suppression du chemin reliant le lot [Cadastre 1] au lot [Cadastre 2], qu’il constitue un nouvel accès de ce lot, non prévu par le règlement de copropriété puisque cet accès est prévu par le patio conformément à la description du lot qui y est faite ; que pourtant, si le règlement de copropriété décrit le lot [Cadastre 2] comme pourvu d’un accès par le patio, il ne prohibe aucunement la création d’un autre accès ; que dès lors, la cour d’appel qui, une fois encore, n’a pas caractérisé l’existence d’un trouble manifestement illicite, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 809 du code de procédure civile.