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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022
(n°123, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/02991 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDD2A
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 janvier 2021 -Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°19/10522
APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES
Mme [Z] [L]
Née le 25 novembre 1976 à [Localité 8]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
S.A.S. PETITE FRITURE, agissant en la personne de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro 513 649 343
Représentées par Me Pascale FLAURAUD, avocate au barreau de PARIS, toque K 090
Assistées de Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, toque E 617
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S.U. EURO LIGHTING FRANCE, prise en la personne de son président, M. [M] [S] [T], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 9]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de [Localité 5] sous le numéro 842 546 012
Représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocate au barreau de PARIS, toque C 610
Assistée de Me Olivia GRANIT plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocate au barreau de PARIS, toque C 610
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Mme Déborah BOHEE, Conseillère, désignée pour compléter la Cour
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l’appel interjeté le 14 février 2021 par Mme [Z] [L] et la société Petite Friture,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021 par Mme [L] et la société Petite Friture, appelantes et incidemment intimées,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021 par la société Euro Lighting France, intimée et appelante incidente,
Vu l’ordonnance de clôture du 20 janvier 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Mme [L], artiste designer, indique avoir créé en 2004 dans le cadre de ses études à l’école de design ENSCI la suspension VERTIGO ci-dessous reproduite :
Elle revendique le droit moral de l’auteur sur cette suspension.
La société Petite Friture, créée en 2009, est désormais immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny après transfert de son siège social régulièrement notifié à la procédure le 9 décembre 2022. Elle précise avoir pour activité l’édition et la commercialisation d’objets et de meubles de design qu’elle distribue à travers 450 points de vente dans le monde.
Elle indique être titulaire des droits patrimoniaux de l”uvre.
La société Euro Lighting France créée en 2018 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Compiègne, a pour activité la vente de luminaires et articles de décoration.
Mme [L] et la société Petite Friture exposent avoir constaté qu’une société Lumecla, offrait à la vente et commercialisait dans son magasin et sur son site internet un modèle de suspension dénommé SAPHIR reprenant selon elles à l’identique, l’ensemble des caractéristiques originales du modèle VERTIGO, ce dont elles ont fait dresser procès-verbal par huissier de justice le 24 juin 2019 sur la page Facebook de la société le 27 juin 2019 sur son site internet et fait procéder à un constat d’achat sur le site par procès-verbaux établis les 28 juin et 2 juillet 2019.
La société Petite Friture a ensuite, autorisée par ordonnance présidentielle du 23 juillet 2019 du tribunal de grande instance de Nancy, fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Lumecla réalisées le 19 août 2019. Il ressortait de ces opérations que la société Lumecla avait acheté 16 produits argués de contrefaçon à son fournisseur la société Euro Lighting France. L’huissier instrumentaire a fait l’acquisition d’une suspension petit modèle au prix de 179 euros et d’une grand modèle au prix de 329 euros.
Par actes du 5 septembre 2019, Mme [L] et la société Petite Friture ont fait assigner la société Lumecla et la société Euro Lighting France devant le tribunal judiciaire de Paris.
La société Petite Friture ayant appris, courant novembre 2019, que la société Nouvelec offrait à la vente un modèle de suspension dénommée SAPHIR, a fait établir par huissier de justice un constat d’achat le 5 décembre 2019 effectué dans le magasin Nouvelec situé à [Localité 6] (54).
Autorisée par une ordonnance présidentielle du 19 décembre 2019, elle faisait ensuite procéder le 26 décembre à une saisie-contrefaçon au siège de la société Nouvelec à [Localité 7]. Ces opérations ont fait apparaître que la société Euro Lighting France a fourni 3 suspensions litigieuses qui n’étaient plus en stock.
Par actes du 22 janvier 2020, Mme [L] et la société Petite Friture ont fait assigner la société Nouvelec devant le tribunal judiciaire de Paris et les deux procédures ont été jointes.
Un protocole d’accord transactionnel était conclu le 6 février 2020 entre Mme [L], la société Petite Friture et la société Lumecla qui reconnaissait avoir en réalité acquis 31 suspensions SAPHIR, en avoir vendu 21 et acceptait le paiement d’une somme indemnitaire de 5.000 euros en contrepartie d’un désistement d’instance et d’action.
Un second protocole était conclu le 12 mai 2020 avec la société Nouvelec qui reconnaissait l’achat et la vente de 3 suspensions SAPHIR et acceptait le paiement d’une somme indemnitaire de 10.000 euros en contrepartie d’un désistement d’instance et d’action.
Le jugement du tribunal judiciaire, dont appel, a :
– déclaré parfait le désistement d’instance et d’action de Mme [L] et de la société Petite Friture à l’égard des sociétés Lumecla et Nouvelec ;
– dit que la suspension VERTIGO créée par [Z] [L] est originale et protégeable par le droit d’auteur ;
– rejeté les demandes formées par [Z] [L] et la société Petite Friture au titre du droit d’auteur ;
– dit qu’en important et en offrant à la vente son modèle de suspension SAPHIR, la société Euro Lighting France a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire
– condamné la société Euro Lighting France à payer à la société Petite Friture la somme de 15.000 euros en réparation du dommage subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
– fait interdiction à la société Euro Lighting France d’importer et d’offrir à la vente son modèle Saphir ;
– ordonné la destruction aux frais de la société Euro Lighting France à ses frais, des modèles Saphir restés en sa possession ce, astreinte de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification de la présente décision ;
– réservé la liquidation de l’astreinte ;
– rejeté la demande de publication ;
– rejeté la demande de rappel des produits des circuits commerciaux ;
– condamné la société Euro Lighting France à verser à la société Petite Friture la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Euro Lighting France aux dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Mme [L] et la société Petite Friture demandent à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
* Dit que la société Petite Friture détient les droits patrimoniaux sur la suspension VERTIGO, [Z] [L] étant pour sa part titulaire des droits moraux et qu’en conséquence elles sont recevables à agir,
* Dit que la suspension VERTIGO créée par [Z] [L] est originale et protégeable par le droit d’auteur et, par substitution de motifs, dire que l’originalité de cette suspension réside dans la combinaison des différents éléments qui la composent, telle que décrite en page 3 et 4 des conclusions, et non dans la définition générale, imprécise et subjective, qui ne constitue pas une définition, qu’en a donnée le tribunal,
* A titre subsidiaire, dit qu’en important et en offrant à la vente son modèle de suspension SAPHIR, la société Euro Lighting France a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
* Ordonner la destruction aux frais de la société Euro Lighting France des modèles SAPHIR restés en sa possession ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification du jugement, le Tribunal s’étant réservé la liquidation de l’astreinte,
* Condamner la société Euro Lighting France à verser a la société Petite Friture la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’infirmer pour le surplus et,
– juger qu’en important de Chine, en offrant à la vente et en commercialisant une suspension qui reproduit les caractéristiques originales de la suspension VERTIGO, la société Euro Lighting France a commis à l’encontre de Mme [L] et de la société Petite Friture des actes de contrefaçon en application des articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle,
En conséquence,
– faire interdiction à la société Euro Lighting France de fabriquer ou de faire fabriquer, d’importer, d’offrir à la vente, de promouvoir et/ou de commercialiser, de quelque façon que ce soit, la suspension contrefaisante et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– ordonner en application de l’article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter du huitiè’me jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir, que les suspensions contrefaisantes soient rappelées des circuits commerciaux et détruites aux frais de la société Euro Lighting France,
– faire droit, en vertu de l’article L. 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle, à la demande d’information de Mme [L] et de la société Petite Friture et faire injonction sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à la société Euro Lighting France de communiquer les éléments suivants, lesquels devront être certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes :
. l’ensemble des factures de son fournisseur, la société de droit chinois Ampère Lighting ou de tout autre fournisseur,
. les quantités de produits contrefaisants, acquis et vendus,
– condamner la société Euro Lighting France à verser à la société Petite Friture la somme provisionnnelle de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société Euro Lighting France.
– condamner la société Euro Lighting France à verser à Mme [L] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait des atteintes portées à son droit moral d’auteur, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société Euro Lighting France.
– condamner, à titre subsidiaire, la société Euro Lighting France à verser à la société Petite Friture 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société Euro Lighting France,
– ordonner, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication de l’arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues, au choix de la société Petite Friture et de Mme [L] et aux frais de la société Euro Lighting France sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5.000 euros H.T,
– condamner la société Euro Lighting France à payer à la société Petite Friture et Mme [L] la somme de 15.000 euros, et ce compris les frais de constats et de saisie-contrefaçon, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Euro Lighting France aux entiers dépens de la procédure, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Euro Lighting France demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
* Rejeté les demandes formées par Mme [L] et la société Petite Friture au titre du droit d’auteur ;
* Rejeté la demande de publication ;
* Rejeté la demande de rappel des produits des circuits commerciaux
L’infirmer pour le surplus et,
– dire que la société Petite Friture et Mme [L] sont irrecevables à agir sur le fondement du droit d’auteur,
– dire que le modèle revendiqué par la société Petite Friture et Mme [L] est dépourvu de caractère original et qu’il ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur,
– dire qu’aucun acte de contrefaçon ne peut être imputé à la société Euro Lighting France,
– dire à titre subsidiaire qu’aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire ne peut être imputé à la société Euro Lighting France,
En conséquence, et en tout état de cause,
– débouter la société Petite Friture de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à titre principal comme à titre subsidiaire,
– débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– débouter la société Petite Friture de toutes ses demandes indemnitaires formées tant à titre principal qu’à titre subsidiaire,
– débouter Mme [L] de toutes ses demandes indemnitaires,
-débouter la société Petite Friture et Mme [L] de toutes leurs demandes complémentaires ;
– condamner solidairement la société Petite Friture et Mme [L] au paiement, à la société Euro Lighting France, de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement la société Petite Friture et Mme [L] aux entiers dépens.
Sur la qualité d’auteur de Mme [L] et la cession des droits patrimoniaux à la société Petite Friture
L’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que «la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l”uvre est divulguée».
Il ressort des nombreux articles de presse produits au débat publiés entre l’année 2008 et l’année 2017 que Mme [L] a toujours été présentée comme la créatrice de la suspension VERTIGO.
Cette suspension a par ailleurs été exposée à l’occasion de différentes manifestations et notamment lors de la biennale de Saint-Etienne de 2006, lors d’une exposition à l’Hôtel de Ville de Paris en 2008, à la Villa Noailles en 2008 et à la galerie Rossana Orlandi de Milan en 2010 toujours présentée comme une création de Mme [L], designer.
C’est ainsi à juste titre que les premiers juges ont retenu que Mme [L] justifiait à suffisance de sa qualité d’auteur et ce même si la date précise de la création, antérieure en tout état de cause à 2010, ne peut au vu des pièces communiquées être exactement déterminée.
Deux contrats de cessions des droits patrimoniaux à titre exclusif sur la suspension VERTIGO sont produits au débat par les appelantes.
Par un premier contrat en date du 3 septembre 2009, Mme [L] cède à titre exclusif les droits à sa société [Z] [L] Design qui a elle-même conclu le 7 octobre 2009 un contrat de sous-édition exclusive au profit de la société Petite Friture.
Ainsi, au vu de ces contrats, la société Petite Friture a acquis les droits patrimoniaux liés à la suspension VERTIGO créée par Mme [L].
La fin de non-recevoir opposée par la société Euro Lighting France doit être rejetée.
Sur l’originalité de l”uvre et son droit à protection sur le fondement du droit d’auteur
L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous’.
Il revient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.
Seul l’auteur est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole, et le défendeur doit pouvoir, en application du principe de la contradiction, connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.
L’originalité d’une ‘uvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Les appelantes exposent que la suspension VERTIGO est originale en ce qu’elle est composée d’une structure ronde et ondulée, l’ensemble manifestant un aspect aéré. Un abat-jour de forme conique évasé est fixé au milieu de la suspension. Des rubans, formant des tiges, sont disposés en rayons de la partie inférieure de l’abat-jour central vers l’extérieur de la suspension. La disposition en rayons des rubans crée un ajout qui, lorsque la suspension est allumée, engendre de subtils jeux d’ombre et de lumière. Elle prend la forme d’un huit lorsqu’elle est regardée de profil, du fait de l’ondulation de l’armature extérieure. Elle constitue une véritable sculpture lumineuse et son design rappelle celui d’une capeline. Sa forme sinusoïdale et son volume lui confèrent un style aérien.
La cour constate que par cette formulation contenue dans leurs écritures, correspondant à la suspension VERTIGO produite au débat, les appelantes ont parfaitement caractérisé l’originalité de l”uvre et l’effort créatif de son auteur et que la société Euro Lighting France n’apporte au débat aucun élément de nature à dénier ces éléments.
Le jugement sera confirmé en ce que la suspension créée par Mme [L] est originale et protégeable par le droit d’auteur.
Sur la contrefaçon
Selon les dispositions de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, «toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayant cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque».
Le tribunal a rappelé à juste titre que la contrefaçon d’une ‘uvre protégée par le droit de l’auteur consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité sans impliquer nécessairement l’existence d’un risque de confusion et que la contrefaçon s’apprécie selon les ressemblances et non d’après les différences.
Les appelantes soutiennent que la suspension commercialisée par la société intimée reproduit la combinaison originale et arbitraire des éléments constitutifs de la suspension VERTIGO et doit donc être considérée comme contrefaisante.
La société Euro Lighting France demande la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que le choix de matériaux différent confère aux deux suspension des impressions non identiques ôtant à la suspension SAPHIR l’image d’une structure aérienne et mobile de la suspension VERTIGO et insiste sur les différences de dimensions et de poids.
Elle expose également que «l’esprit» de la suspension SAPHIR consiste à placer la douille vers le bas sortant de la structure de telle sorte qu’elle apparaît visible et peut constituer un objet de décoration.
Les premiers juges ont à juste titre retenu que l’argument tenant à l’emplacement de la douille n’était pas pertinent dès lors qu’il peut sur le modèle SAPHIR indifféremment être placé vers le haut ou comme c’est le cas avec la suspension VERTIGO vers le bas. La cour ajoute qu’aucun document présentant au public la suspension SAPHIR n’est produit au débat pour justifier d’un positionnement différent de celui de VERTIGO. Elle est en revanche toujours présentée par les sociétés Lumecla et Nouvelec
comme la suspension VERTIGO.
Au demeurant, la cour constate au vu des éléments produits au débat et notamment des procès-verbaux de constats des 22 juin, 27 juin, 28 juin, 2 juillet et 19 décembre 2019, des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 19 août et 26 décembre 2019 et de la suspension litigieuse produite, que la suspension critiquée reproduit une structure ronde et ondulée qui prend la forme d’un huit lorsqu’elle est regardée de profil, un abat-jour de forme conique évasé fixé au milieu de la suspension, des tiges disposées en rayons de la partie inférieure de l’abat-jour central vers l’extérieur de la suspension.
La reprise de ces éléments qui caractérisent l’originalité de la suspension VERTIGO donne aux deux suspensions une forme sinusoïdale leur conférant un aspect aérien et une physionomie similaire.
Les différences de dimension, de poids ou de matériaux utilisés ne peuvent suffire à écarter la contrefaçon.
Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.
Sur l’indemnisation du préjudice patrimonial de la société Petite Friture
L’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :
«Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits».
Il ressort de l’attestation produite par la société Euro Lighting France établie le 20 juin 2020 par M. [F], expert comptable, qu’elle a importé de Chine 528 suspensions Saphir contrefaisantes (348 petits formats et 180 grands formats) et qu’elle en a vendu 443 (263 petits formats et 180 grands formats) et que la période de commercialisation s’est étendue entre novembre 2018 et septembre 2019. Elle justifie également quant à la période de commercialisation que les suspensions trouvées chez Nouvelec avaient été livrées en septembre 2019. La marge brute qui aurait dû être réalisée compte tenu des 528 suspensions importées est, selon l’expert comptable, de 5.543 euros mais compte tenu de produits défectueux n’aurait été que de 4.403 euros.
La société Petite Friture produit une attestation de son expert-comptable indiquant que sur la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 la marge brute moyenne réalisée pour chaque vente est de 287,65 euros.
Il convient néanmoins pour tenir compte des conséquences économiques négatives de considérer un faible taux de report de la clientèle s’agissant de produits vendus à des prix très différents.
La société Petite Friture subit en outre un préjudice moral du fait de la contrefaçon de produits de moins bonne qualité vendus à des prix très inférieurs par la société Euro Lighting France.
La cour, au vu des éléments ci-dessus détaillés, est à même de fixer à la somme de 100.000 euros l’indemnisation totale due à la société Petite Friture du fait des actes de contrefaçon retenus.
Elle constate qu’à défaut de justification de la poursuite des actes contrefaisant au-delà de la période attestée par l’expert comptable de la société Euro Lighting France, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes d’informations présentées par la société Petite Friture.
Sur l’indemnisation du préjudice moral de Mme [L]
L’atteinte au droit moral de l’auteur de Mme [L] du fait de la contrefaçon retenue sera intégralement indemnisée à hauteur de la somme de 10.000 euros.
Sur les autres demandes
Le grief de concurrence déloyale et parasitaire étant poursuivi à titre subsidiaire et la contrefaçon retenue il ne sera pas examiné par la cour. Le jugement qui, faisant droit à la demande subsidiaire, a condamné la société Euro Lighting France à payer à la société Petite Friture la somme de 15.000 euros en réparation du dommage subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire sera infirmé de ce chef.
Les mesures d’interdiction et de destruction prononcées par les premiers juges doivent être confirmées.
La commercialisation des suspensions contrefaisantes ayant cessé, il n’y a pas lieu de prononcer de rappel des circuits de distribution ou de mesures de publicité, le jugement étant également confirmé de ces chefs.
La condamnation prononcée par les premiers juges aux dépens de première instance sera confirmée et la société Euro Lighting France sera en outre condamnée aux dépens d’appel.
La condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la seule société Petite Friture sera infirmée et la société Euro Lighting France condamnée, au vu de l’équité, à verser sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme totale de 10.000 euros à la société Petite Friture et à Mme [L] incluant les frais de constats et de saisie-contrefaçon.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit que la suspension VERTIGO créée par Mme [Z] [L] est originale et protégeable par le droit d’auteur, a fait interdiction à la société Euro Lighting France d’importer et d’offrir à la vente son modèle Saphir, a ordonné la destruction aux frais de la société Euro Lighting France des modèles Saphir restés en sa possession ce, sous une astreinte dont il s’est réservé la liquidation, a rejeté la demande de publication, a rejeté la demande de rappel des produits des circuits commerciaux et a condamné la société Euro Lighting France aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Euro Lighting France,
Dit que l’importation et la commercialisation par la société Euro Lighting France des suspensions SAPHIR sont constitutives de contrefaçon,
Condamne la société Euro Lighting France à payer à la société Petite Friture la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et à Mme [Z] [L] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la société Euro Lighting France à payer à la société Petite Friture et à Mme [Z] [L] la somme totale de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, incluant les frais de constats et de saisie-contrefaçon.
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne la société Euro Lighting France aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente