Votre panier est actuellement vide !
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
____________________
Audience publique du 26 octobre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1126 F-D
Pourvoi n° X 21-14.180
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022
M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-14.180 contre l’arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l’opposant à la société nationale de radiodiffusion Radio France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société nationale de radiodiffusion Radio France, a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société nationale de radiodiffusion Radio France, après débats en l’audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2021), M. [Y] a travaillé en qualité de chroniqueur journaliste puis en celle de collaborateur spécialisé d’émission ou encore de producteur délégué radio, pour la société nationale de radiodiffusion Radio France (la société). Des contrats d’auteur ont également été signés entre les parties sur la période de septembre 2006 à mai 2011.
2. Le 7 mai 2015, M. [Y] a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée à compter de décembre 1996 et la rupture de la relation contractuelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire. Devant la cour d’appel il a sollicité la requalification de ses contrats d’auteur en contrat de travail à durée indéterminée.
Examen des moyens
Sur les quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
4. L’employeur fait grief à l’arrêt d’ordonner la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée avec le statut de journaliste professionnel, à compter du 16 décembre 1996, de dire que la rupture de la relation de travail le 20 mai 2011 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnité de préavis, outre congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que relève de la catégorie des journalistes professionnels toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; qu’en énonçant de façon inopérante, pour dire que M. [Y] avait le statut de journaliste professionnel, que la qualification de journaliste lui avait été antérieurement appliquée, la cour d’appel a violé l’article L. 7111-3 du code du travail ;
2°/ que la société avait fait valoir que M. [Y] ne tirait pas sa principale source de revenus de sa collaboration avec elle ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans constater que l’intéressé tirait le principal de ses ressources de son activité de journaliste, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.7111-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l’article L. 7111-3, alinéa 1er, du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
6. La cour d’appel a, d’abord, relevé que le salarié était titulaire de la carte d’identité des journalistes professionnels depuis le 7 mai 1977, à l’exclusion de la seule année 2008, que ses bulletins individuels de déclaration annuelle de salaires sur les années 1997 à 2000 visaient comme employeur la société et mentionnaient la qualification de « chroniqueur journaliste » et que cette même qualification était indiquée, entre mars 2004 et août 2006, sur ses bulletins de paie et sur les « lettres contrats », lesquelles indiquaient également l’application de la convention collective des journalistes. Elle a, ensuite, constaté que si, postérieurement, il était fait état de la qualification de « collaborateur spécialisé d’émission », les fonctions du salarié au sein de la société étaient demeurées inchangées, avec notamment la lecture de ses chroniques sur les stations de radio de l’entreprise. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée quant à la proportion, non discutée par la société, des ressources tirées par l’intéressé de sa collaboration avec la société, que la qualification de journaliste, appliquée par l’employeur sur les premières années de collaboration, devait lui être reconnue sur l’ensemble de la relation contractuelle.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
8. M. [Y] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire ordonner la requalification des contrats d’auteur en contrat de travail à durée indéterminée, alors « que le journaliste professionnel bénéficie d’une présomption de salariat de sorte que les sommes qu’il perçoit doivent être considérées comme des salaires, peu important le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification à la convention donnée par les parties ; que cette présomption peut être renversée par l’employeur s’il démontre que le journaliste exerce librement son activité et non de manière subordonnée ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt que les commandes d’oeuvres originales inédites étaient formalisées par “des contrats, qui mentionnaient l’objet de la commande ( ) sur un artiste ou un thème et le format (nombre d’épisodes, leur durée)” ainsi que “la date limite de remise du texte” ; qu’en décidant pourtant que “l’auteur” restait “libre dans la réalisation de la commande et non soumis à un lien de subordination vis-à-vis de la société Radio France”, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il s’évinçait que M. [Y] était lié par le contenu, la forme et le délai des commandes, et a donc violé l’article L. 7112-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 7112-1 du code du travail :
9. Selon ce texte, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
10. Pour débouter M. [Y] de sa demande en requalification des contrats d’auteur en contrat de travail à durée indéterminée, l’arrêt retient que ces contrats, qui mentionnaient l’objet de la commande « documentaire radiophonique » sur un artiste ou un thème et le format (nombre d’épisodes, leur durée) précisaient seulement la date limite de remise du texte et ne peuvent être assimilés à un contrat de travail, « l’auteur » restant libre dans la réalisation de la commande et non soumis à un lien de subordination vis à vis de la société.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi, M. [Y], à qui elle avait reconnu la qualité de journaliste professionnel, en sorte qu’il incombait à la société à laquelle il apportait sa collaboration de renverser la présomption de salariat qui s’y attachait, jouissait d’une totale liberté et indépendance dans la réalisation des documentaires radiophoniques dont elle avait relevé qu’il n’avait pas pris l’initiative et n’avait choisi ni le thème ni le format ni la date de remise, n’a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
12. M. [Y] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en paiement d’une certaine somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé, alors « qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée à la faveur du premier moyen entraînera la censure du chef de dispositif attaqué par le deuxième moyen, en ce qu’ils sont indivisiblement liés, dès lors que c’est notamment en considération de ce que “la cour n’a pas prononcé la requalification des contrats d’auteur de M. [Y]” qu’elle l’a débouté de sa demande pour travail dissimulé. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
13. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant la demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
14. M. [Y] fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de l’employeur au titre de l’indemnité de préavis, outre congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée à la faveur des deux premiers moyens entraînera la censure du chef de dispositif attaqué par le troisième moyen, en ce qu’ils sont indivisiblement liés, le montant des condamnations prononcées étant étroitement corrélé à la question de la requalification des contrats de droits d’auteur et à celle du travail dissimulé. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
15. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif portant sur l’indemnité de préavis, outre congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l’article L. 7111-3, alinéa 1er, du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
6. La cour d’appel a, d’abord, relevé que le salarié était titulaire de la carte d’identité des journalistes professionnels depuis le 7 mai 1977, à l’exclusion de la seule année 2008, que ses bulletins individuels de déclaration annuelle de salaires sur les années 1997 à 2000 visaient comme employeur la société et mentionnaient la qualification de « chroniqueur journaliste » et que cette même qualification était indiquée, entre mars 2004 et août 2006, sur ses bulletins de paie et sur les « lettres contrats », lesquelles indiquaient également l’application de la convention collective des journalistes. Elle a, ensuite, constaté que si, postérieurement, il était fait état de la qualification de « collaborateur spécialisé d’émission », les fonctions du salarié au sein de la société étaient demeurées inchangées, avec notamment la lecture de ses chroniques sur les stations de radio de l’entreprise. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée quant à la proportion, non discutée par la société, des ressources tirées par l’intéressé de sa collaboration avec la société, que la qualification de journaliste, appliquée par l’employeur sur les premières années de collaboration, devait lui être reconnue sur l’ensemble de la relation contractuelle.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.