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ARRÊT N°
FD/SMG
COUR D’APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 20 septembre 2022
N° de rôle : N° RG 22/00022 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EOYN
S/appel d’une décision
du Pole social du TJ de BESANCON
en date du 6 décembre 2021
Code affaire : 88B
Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte
APPELANTE
Madame [J] [W], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON, présente
INTIMEE
CIPAV ( Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse ) sise [Adresse 2]
représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE absente et substituée par Me Julien VERNET, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, présent
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 20 Septembre 2022 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 15 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe.
**************
Faits et prétentions des parties :
Mme [J] [W] exerce une activité de praticien en énergétique traditionnelle chinoise depuis 1999 et est immatriculée auprès de l’Urssaf au titre du régime social des indépendants.
Par acte d’huissier en date du 27 août 2019, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) a fait signifier à Mme [J] [W] une contrainte en date du 10 juillet 2019 pour des cotisations impayées au titre des années 2016 et 2017.
Par courrier en date du 5 septembre 2019, Mme [W] a sollicité l’annulation de son affiliation à la CIPAV, au motif que son activité ne relevait pas de cet organisme.
Le 22 octobre 2019, la CIPAVa fait signifier une nouvelle contrainte en date du 23 septembre 2019 à Mme [W] concernant les cotisations échues pour l’année 2018 d’un montant de 7 705,29 euros.
Par requête déposée au greffe le 6 novembre 2019, Mme [W] a saisi le tribunal de grande instance de Besançon, devenu tribunal judiciaire, aux fins de former opposition à la contrainte du 23 septembre 2019 signifiée le 22 octobre 2019 et de voir annuler cette dernière.
Par jugement en date du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a :
– débouté Mme [W] de ses demandes
– dit que la juridiction n’était pas saisie d’une opposition portant sur la contrainte signifiée le 27 août 2019 en son montant de 16 760,21 euros au titre des cotisations 2016 et 2017
– validé la contrainte signifiée le 22 octobre 2019 en son montant à hauteur de 6 799 euros au titre des cotisations 2018 et 906,29 euros au titre des majorations de retard
– condamné Mme [W] à payer ces sommes à la CIPAVainsi que les frais de signification
– condamné Mme [W] à payer à la CIPAVla somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration remise au greffe le 5 janvier 2022, Mme [J] [W] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures visées à l’audience, Mme [J] [W] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris
– annuler la contrainte en date du 23 septembre 2019 signifiée le 22 octobre 2019
– condamner la CIPAVà lui payer la somme de 16 760,21 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier
– condamner la CIPAVà lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
– condamner la CIPAVà lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la CIPAVaux dépens de première instance et d’appel.
A l’appui de ses demandes, Mme [W] soutient que son activité libérale n’entre pas dans la liste des activités professionnelles énumérées au 11° de l’article R 641-1 du code de la sécurité sociale relevant de la CIPAV; qu’elle reste sans classement au titre des professions libérales, comme la CNAVPL l’en avait informée lors de la création de son activité en 1999 et qu’elle ne peut en conséquence être affiliée à aucune caisse de retraite.
Dans ses dernières écritures visées à l’audience, la CIPAVdemande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
– juger en conséquence l’opposition à contrainte en date du 29 novembre 2021 infondée
– valider la contrainte du 23 septembre 2019, à hauteur de 6 599 euros au titre des cotisations 2018 et de 906,29 euros au titre des majorations de retard
– condamner Mme [W] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’artice 700 du code de procédure civile
– condamner Mme [W] au paiement des frais de recouvrement conformément à l’article R 133-6 du code de la sécurité sociale ainsi qu’aux entiers dépens
– débouter Mme [W] de l’intégralité de ses demandes.
La CIPAVfait valoir que l’activité de praticienne en énergétique traditionnelle chinoise relève de la classification des thérapeutes placés sous le champ d’affiliation de la CIPAVet que Mme [W] était donc tenue de cotiser auprès de sa caisse, à défaut de justifier d’une affiliation auprès d’un autre organisme.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision :
– sur l’affiliation de Mme [W] :
Aux termes de l’article L 111-2-2 du code de la sécurité sociale, toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée est affiliée à un régime obligatoire de sécurité sociale comprenant la protection contre le risque et les conséquences de la maladie et assurant un système de retraite par répartition.
En l’espèce, Mme [W] fait grief aux premiers juges d’avoir validé l’affiliation dont elle avait fait l’objet par la CIPAVdepuis le 1er janvier 2016, au motif qu’elle exercerait une activité non-salariée de ‘thérapeute’ spécifiquement prévue à l’article L 640-1 du code de la sécurité sociale.
Si Mme [W] justifie avoir effectivement été informée le 4 mai 1999 par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CPAVPL) de l’absence de caisse d’assurance vieillesse dédiée à son activité de praticien en énergétique traditionnelle chinoise, l’ancien article L 622-5 du code de la sécurité sociale qui définissait jusqu’au 1er janvier 2017 le champ d’application des dispositions propres aux professionnelles libérales , y intégrait, cependant :
– 1 °) -médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, architecte, expert-comptable, vétérinaire’,
– 2° ) notaire, huissier de justice, personne ayant la qualité de commissaire-priseur judiciaire ou habilité à diriger les ventes dans les conditions prévues à l’article L. 321-4 du code de commerce, syndic ou administrateur et liquidateur judiciaire, agréé, greffier, expert devant les tribunaux, personne bénéficiaire de l’agrément prévu par l’article L. 472-1 du code de l’action sociale et des familles, courtier en valeurs, arbitre devant le tribunal de commerce, artiste non mentionné à l’article L. 382-1, ingénieur-conseil, auxiliaire médical, agent général d’assurances’
– 3°) et d’une manière générale, toute personne autre que les avocats, exerçant une activité professionnelle non-salariée et qui n’est pas assimilée à une activité salariée pour l’application du livre III du présent code, lorsque cette activité ne relève pas d’une autre organisation autonome en vertu des articles L. 622-3, L. 622-4, L. 622-6 ou d’un décret pris en application de l’article L. 622-7.
L’article R 641-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur entre le 6 mai 2012 et le 8 juillet 2019 applicable au litige, disposait également que la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales comprenait dix sections professionnelles, dont la dernière concernait ‘les architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l’article L. 382-1, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques, et toute profession libérale non rattachée à une autre section’.
L’article 1.3 des statuts de la CIPAVprécisait quant à lui qu ‘étaient affiliés à la CIPAV’les personnes qui exerçaient à titre libéral (…) toute activité professionnelle non salariée non agricole, non commerciale ou non artisanale, et non rattachée à l’une des autres sections professionnelles visées à l’article R 641-1 du code de la sécurité sociale’.
L’affiliation de Mme [W] à la CIPAV, ‘organisme par défaut’, notifiée par courrier du 12 juin 2017 , se justifiait en conséquence à compter du 1er janvier 2016 en application des dispositions susvisées, à défaut pour l’appelante de démontrer sur la même période avoir cotisé auprès d’un autre organisme au titre des régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d’assurance invalidité-décès .
L’article L. 622-5 du code de la sécurité sociale a été remplacé par l’article L. 640-1 à compter du 1er janvier 2017, lequel a maintenu l’affiliation aux régimes d’assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales de (…) toute personne autre que les avocats, exerçant une activité professionnelle non-salariée et qui n’est pas assimilée à une activité salariée pour l’application du livre III du présent code, lorsque cette activité ne relève pas d’une autre organisation autonome en vertu des articles L. 622-3, L. 622-4, L. 622-6 ou d’un décret pris en application de l’article L. 622-7.
L’article L 640-1 a néanmoins été modifié par la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale, laquelle n’a plus retenu comme étant affiliées aux régimes d’assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales que les personnes exerçant l’une des professions suivantes :
1°) médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, auxiliaire médical, psychothérapeute, psychologue, ergothérapeute, ostéopathe, chiropracteur, diététicien, (…°), liste élargie aux étudiants en médecine mentionnés au 4° de l’article L. 646-1 par l’ordonnance n°2018-470 du 12 juin 2018.
2°) notaire, huissier de justice, personne ayant la qualité de commissaire-priseur judiciaire ou habilité à diriger les ventes dans les conditions prévues à l’article L. 321-4 du code de commerce, syndic ou administrateur et liquidateur judiciaire, agréé, greffier, expert devant les tribunaux, expert automobile, personne bénéficiaire de l’agrément prévu par l’article L. 472-1 du code de l’action sociale et des familles, courtier en valeurs, arbitre devant le tribunal de commerce, expert-comptable, agent général d’assurances ;
3°) architecte, architecte d’intérieur, économiste de la construction, géomètre, ingénieur-conseil, maître d”uvre ;
4°) artiste non mentionné à l’article L. 382-1, guide conférencier ;
5°) vétérinaire ;
6°) moniteur de ski titulaire d’un brevet d’Etat ou d’une autorisation d’exercer mettant en ‘uvre son activité dans le cadre d’une association ou d’un syndicat professionnel, quel que soit le public auquel il s’adresse ;
7°) guide de haute montagne ;
8°) accompagnateur de moyenne montagne.
Pour autant, la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2018, que l’appelante cite elle-même dans ses écritures, a expressément prévu dans son article 15- XVI-8° que ‘les travailleurs indépendants des professions libérales ne relevant pas de l’article L 640-1 de la sécurité sociale et affiliés avant le 1er janvier 2019 à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales et à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse restent affiliés à ces caisses. Sous réserve qu’ils soient à jour du paiement de leurs cotisations dues au titre des assurances vieillesse et invalidité -décès des professions libérales et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ils peuvent demander, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2023, à être affiliés à l’assurance vieillesse prévue au titre II du livre VI dudit code’.
Si Mme [W] soutient à raison que son activité de ‘praticien en énergétique traditionnelle chinoise’ ne relève pas de la liste, désormais restrictive, de l’article L 640-1 du code de la sécurité sociale, cette dernière était cependant affiliée depuis 1er janvier 2016 à la CIPAVet se trouvait ainsi maintenue par la loi susvisée dans cette affiliation, dans l’attente d’un éventuel rattachement auprès d’une autre organisation autonome d’assurance vieillesse en cas d”exercice de son droit d’option.
Or, ce droit d’option ne pouvait être réalisé qu’à compter du 1er janvier 2019, de telle sorte que la CIPAV était parfaitement bien fondée à solliciter de Mme [W] l’acquittement des cotisations des régimes de retraite de bases, de retraite complémentaire et d’invalidité-décès pour l’année 2018, dès lors qu’une telle contribution est obligatoire en application de l’article L 642-1 du code de la sécurité sociale.
Mme [W] n’est en conséquence pas fondée à solliciter l’annulation de la contrainte litigieuse au motif erroné que sa situation professionnelle ne relèverait pas d’une affiliation à la CIPAV, ainsi que l’ont retenu à bon droit les premiers juges.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
– sur le bien-fondé de la contrainte :
Aux termes de l’article L 642-1 du code de la sécurité sociale, toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer notamment :
1° Les prestations définies au chapitre III du présent titre
2° Les charges de compensation incombant à cette organisation en application des articles L. 134-1 et L. 134-2.
En l’espèce, Mme [W] fait grief aux premiers juges d’avoir validé la contrainte émise le 23 septembre 2019 à son encontre par la CIPAVau titre des cotisations échues pour l’année 2018 et signifiée à sa personne le 22 octobre 2019.
L’affiliation de Mme [W] à la CIPAVest cependant parfaitement régulière et génère des cotisations obligatoires relatives aux régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d’invalidité-décès que l’appelante ne conteste pas ne pas avoir acquittées pour l’année 2018.
Le montant des cotisations ainsi rappelées n’est pas contredit à hauteur d’appel et comprend la somme de 6 599 euros en principal, au titre des régimes de l’assurance vieillesse de base, de retraite complémentaire et de l’invalidité-décès classe A, et la somme de 906,29 euros au titre des majorations de retard.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont validé la contrainte du 23 septembre 2019.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
– sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier :
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que la juridiction n’était pas saisie d’une opposition à la contrainte signifiée le 27 août 2019 pour un montant de 16 760,21 euros au titre des cotisations 2016 et 2017 et n’ont de ce fait pas statué sur la demande de restitution de cette somme présentée par Mme [W].
Si à hauteur d’appel, Mme [W] modifie le fondement de sa demande, se prévalant désormais des manquements de la CIPAVpour justifier l’allocation de dommages et intérêts, cette dernière ne justifie cependant pas des agissements fautifs qu’aurait développés la CIPAVà son encontre.
L’affiliation de Mme [W] à la CIPAVà compter du 1Er janvier 2016 étant conforme aux dispositions en vigueur à cette date, cet organisme était en effet parfaitement en droit de solliciter le paiement des cotisations obligatoires de l’assurance vieillesse à l’encontre de l’appelante, quand bien même cette dernière n’avait pas elle-même sollicité son adhésion.
Mme [W] ne démontre pas plus le préjudice qu’elle invoque avoir subi, lesdites cotisations ayant vocation à lui servir à l’issue de son activité une pension de retraite.
Il y a donc lieu de débouter Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts.
– sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral :
Mme [W] sollicite à hauteur d’appel l’allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.
L’appelante ne justifie cependant ni du comportement fautif de la CIPAVà son encontre ni du préjudice moral qu’elle invoque avoir subi.
Aucun élément ne permet au surplus d’établir que Mme [W] aurait fait l’objet de la part de la CIPAVd’un traitement abusif ou différent de celui opposé à ses confrères, les pièces produites par ses soins pour en témoigner concernant des disciplines différentes (ostéopathe, médecine traditionnelle chinoise) et des situations particulières indéterminées en l’état.
Mme [W] sera en conséquence déboutée de ce chef de demande.
– sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles.
Partie perdante, Mme [W] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [W] sera condamnée à payer à la CIPAVla somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Besançon en date du 6 décembre 2021 en toutes ses dispositions
Y ajoutant :
Déboute Mme [J] [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier
Déboute Mme [J] [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Condamne Mme [W] aux dépens de première instance et d’appel et aux frais de recouvrement prévus à l’article R 133-6 du code de la sécurité sociale
et vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [W] à payer à la CIPAV la somme de 1 500 euros et la déboute de sa demande présentée sur le même fondement.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quinze novembre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,