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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 15 NOVEMBRE 2022
N°2022/823
Rôle N° RG 21/04489 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFQT
[K] [J] épouse [I]
C/
URSSAF DE PICARDIE
[4]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Madame [K] [J] épouse [I]
– Me Marie-pierre HEINTZE LE DONNE, avocat au barreau de GRASSE
– CIPAV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de NICE en date du 26 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 16/1461.
APPELANTE
Madame [K] [J] épouse [I], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne, non assistée
INTIMEES
URSSAF DE PICARDIE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marie-Pierre HEINTZE LE DONNE, avocat au barreau de GRASSE
[4]
D’ASS URANCE VIEILLESSE – CIPAV, demeurant [Adresse 3]
non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d’être représentée à l’audience
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Madame Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2022
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties
Le 4 juillet 2016, Mme [K] [J], née le 11 juillet 1987, exerçant la profession de tatoueuse en entreprise individuelle, s’est vue signifier une contrainte par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Picardie (ci-après désignée URSSAF ) pour des cotisations sociales impayées, à raison d’une affiliation au régime social des indépendants (RSI) et relatives à une période allant de 2012 à 2015.
Par requête du 13 juillet 2016, Mme [J] y a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes maritimes aux fins de contester son affiliation au RSI, son activité n’étant selon elle pas artisanale mais relevant des professions libérales.
Par jugement mixte du 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice ayant repris l’instance, a :
– dit que c’est à juste titre que le RSI, aux droits duquel se trouve l’URSSAF de Picardie, a considéré que Madame [J] devait être affiliée en tant qu’artisan,
– mis la [4] hors de cause,
– déclaré la contrainte et les mises en demeure régulières en la forme,
et, avant-dire droit, :
– ordonné la réouverture des débats,
– invité la caisse à procéder au calcul des cotisations réclamées pour les années 2014 à 2015 sur la base des déclarations sociales régularisées en date du 11 mars 2019,
– renvoyé l’affaire pour être jugée si à l’audience du 23 avril 2021.
Par déclaration au greffe de la cour du 25 mars 2021, Mme [J] a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées. Cet appel porte exclusivement sur la décision intervenue sur le fond relative à son affiliation.
Par conclusions visées et développées oralement à l’audience, Mme [J] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré du chef critiqué, et de débouter l’URSSAF de toutes ses demandes.
Elle fait valoir essentiellement que :
– si d’emblée elle n’a pas contesté son affiliation, la réclamation qui lui a été faite de 25’000 € de cotisations pour trois mois d’activité l’y a contrainte, d’autant qu’elle a vérifié que les cotisations présentaient un niveau très différent selon que l’on était artisan, ou exerçant une profession libérale,
– si le document de l’INSEE fait mention du code de l’activité principale exercée (APE) 9609Z ‘autres services personnels’ ce code APE n’a pas de valeur juridique mais une nature statistique ne créant par elle-même ni droits, ni obligations pour les entreprises,
– son extrait Kbis provenant de la direction générale des finances publiques fait référence à une profession libérale,
– le site de l’URSSAF précise que certaines professions ayant un caractère libéral ne font l’objet d’aucune réglementation spécifique et sont définies par défaut, comme ne relevant ni de l’artisanat ou du commerce, ni de l’industrie ou de l’agriculture,
– le 22 mars 2021, l’URSSAF lui a d’ailleurs communiqué une attestation d’affiliation concernant son activité actuelle, de travailleur indépendant en profession libérale non réglementée,
– sur son K-bis actuel, est indiqué ‘Profession libérale’ mais en bénéfices non commerciaux, lié à son statut d’auto-entrepreneur,
– le site du service public évoque la [4] ([4]) et celui de l’URSSAF évoque des activités se rapprochant de la sienne et ne relevant pas du RSI,
– le [8] invoque une profession libérale, déclarée à l’URSSAF dans le cadre d’une entreprise individuelle,
– à l’inverse, des associations, telle que l’association tatouage et partage, se battent pour le statut d’artisan, et ceci fait débat avec le syndicat,
– en l’espèce, des pièces versées aux débats attestent l’absence d’inscription au répertoire des métiers et de l’artisanat,
– entre 2011 et 2015, il lui a été réclamé la CFE dont elle aurait été exonérée totalement ou partiellement en cas d’affiliation en tant qu’artisan, si
– sur le plan fiscal, soit l’avis d’impôt 2014 et 2015, les cases relatives aux réductions d’artisan et les taxes pour frais de chambre des métiers et de l’artisanat sont vides,
– le tableau communiqué par la partie adverse doit être écarté des débats, surtout s’il est postérieur à 2018 et donc ne concerne pas la période d’affiliation,
– dans une affaire similaire, un tribunal a annulé une contrainte en jugeant que l’activité de perceur ne relevait pas du régime des artisans ou des commerçants,
– ce jugement a certes été infirmé mais seulement du fait de l’absence de la cotisante n’ayant apporté aucun élément de contestation,
– il n’existe aucun diplôme de tatoueur pour être considéré comme un artisan ou un artiste, de sorte que cette activité est bien une profession libérale non réglementée,
– des dommages-intérêts doivent lui être attribués en raison des désagréments et de l’angoisse engendrés par la procédure initiée à son encontre.
Par conclusions visées et développées oralement à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement, si la cour devait évoquer, de:
– débouter l’appelante de toutes ses prétentions,
– valider la contrainte contestée pour un montant de 6.589,00 euros, dont 6.142,47 euros en principal et 447,00 euros de majorations de retard outre les majorations de retard jusqu’à parfait paiement,
– condamner Mme [J] au paiement de la somme de 1.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– laisser à la charge de l’appelante les frais de signification de ladite contrainte par exploit d’huissier en date du 4 juillet 2016 au titre des dépens.
Elle soutient en substance que :
– au visa du principe d’estoppel, la contestation de la filiation apparaît tardive puisque l’opposition ne portait que sur les montants réclamés, la régularité de la contrainte, et la demande de délai de paiement,
– l’affiliation réalisée sous le code APE 96 09Z ‘autres services personnels’ relève de l’artisanat,
– ce point a été jugé par la cour d’appel de Rennes,
– l’appelante produit aux débats une copie des mises en demeure du 14 janvier 2015, 10 mars 2015, 10 juin 2015 et 10 février 2016 ainsi que les avis de réception signés, ce qui prouve que la contrainte a été régulièrement précédée de la notification des mises en demeure,
– l’appelante conteste les sommes réclamées sans apporter la moindre preuve de ses prétentions de sorte qu’elle ne démontre nullement le caractère infondé de la créance,
– elle a pu bénéficier d’une exonération significative de certaines cotisations sociales (maladie-maternité-indemnités journalières- allocations familiales – retraite de base et invalidité-décès) pendant trois années consécutives puisqu’elle a bénéficié de l’exonération ‘aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) à compter de son affiliation, soit du 7 septembre 2011 au 7 septembre 2012, puis lors du prolongement de celle-ci deux fois, soit du 7 septembre 2012 au 7 septembre 2014, se traduisant par une exonération partielle des cotisations,
– au titre de l’année 2012, elle a déclaré ses revenus mais pas ses charges sociales personnelles obligatoires, nécessaires pour déterminer l’assiette de la CSG-CRDS, de sorte qu’une taxation d’office a été appliquée, sur la base du revenu 2012 majoré de 40%, conformément aux dispositions de l’article R. 242-14 du code de la sécurité sociale, pour le calcul de la CSG-CRDS soit 13 774,00 € (9 839 + (9 839 x 40 %), montant ensuite ventilé sur les échéances de l’année 2012, et notamment à hauteur de 477,00 euros sur la période de régularisation de l’année 2012, objet du présente litige,
– au titre de l’année 2013, les cotisations et les contributions ont été régulièrement appelées en tenant compte de l’exonération ACCRE et s’élevaient à un montant de 3.437,00 euros,
– la régularisation de l’année 2013 d’un montant de 3.301,00 euros (3.437,00 – 136,00) a été appelée sur l’année 2014, correspondant à la différence des cotisations
provisionnelles appelées aux cotisations définitives dues, conformément aux dispositions de l’article R. 133-27 du code de la sécurité sociale,
– le total de la dette sociale de l’appelante est de 11.484,00 euros, ayant réglé la somme de 4.806,00 euros elle est aujourd’hui redevable de la somme de 6.589,00 euros, dont 6.142,00 euros de cotisations sociales et 447,00 euros de majorations de retard, soit le montant de la contrainte litigieuse,
– la contrainte, contrairement aux allégations de la partie adverse, indique bien la nature des cotisations réclamées, qui correspond à la nature des dettes du cotisant, le montant des sommes réclamées, les périodes concernées, soit la régularisation 2012, le 4ème trimestre 2014 et les trois premiers trimestres 2015,
– sur les difficultés financières, les cotisations et contributions sociales sont obligatoires et d’ordre public, ne peuvent donc faire l’objet d’aucune remise ou annulation.
Par conclusions transmises le 4 octobre 2022 pour l’audience du 11 octobre 2022, la [4], qui a sollicité une dispense de comparaître, demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.
Elle indique en effet que :
– Mme [J] n’a jamais été affiliée auprès d’elle et n’a jamais réglé aucune cotisation,
– la détermination des catégories de professions libérales qu’elle affilie relève de l’application de l’article R .641-1, 11°) du code de la sécurité sociale et de l’article 1.3 de ses statuts , elle-même se trouve tenue par la qualification déterminée par l’URSSAF,
– Mme [J] a été affiliée à l’URSSAF comme travailleur indépendant jusqu’au 7 juin 2016, puis à nouveau depuis le 29 septembre 2018, et n’apparaît pas comme profession libérale.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Il résulte du certificat d’inscription au répertoire des entreprises et des établissements ( SIRENE) que Mme [J] exerce depuis le 7 septembre 2011 sous le code APE 9609Z « autres services personnels n.c.a. », étant précisé qu’une entreprise « n.c.a. » exerce une activité qui n’est pas mentionnée dans d’autres activités plus précises, c’est-à-dire qu’elle est « non classée ailleurs».
La nomenclature d’activités française [7] indique que cette sous-classe comprend notamment les activités des studios de tatouage et de perçage corporel.
Si le code APE n’a pas de valeur juridique, il est cependant essentiel pour opérer une classification de l’ensemble des activités professionnelles exercées, et il résulte des données qui précèdent que l’activité professionnelle exercée par Mme [J] n’est classée sous aucun autre code.
La déclaration de création d’une entreprise personne physique établie le 5 septembre 2011 désigne l’activité exercée comme suit : tatouage piercing, vente de bijoux en précisant que l’activité la plus importante est celle de tatouage, et que la nature des activités est celle de prestations de services. Il ne résulte ainsi aucunement de ce document que l’activité exercée soit celle d’une profession libérale.
Cependant, dans la mesure où elle conteste, au travers de son opposition à contrainte, l’affiliation qui est résultée de l’application de la codification susvisée de son activité professionnelle, il appartient à Mme [J] d’apporter la preuve de ce que cette activité correspond à l’exercice d’une profession libérale, qualification par elle revendiquée.
En premier lieu, la cour observe que Mme [J], qui soutient relever d’une affiliation à la [4] dite [4], n’a jamais sollicité son affiliation à cet organisme, et n’a pas davantage cotisé auprès de ce dernier depuis le début de son activité en septembre 2011.
L’article R.641-1 du code de la sécurité sociale afférent à la [5] n’a jamais visé, dans ses versions applicables au litige, l’activité de tatoueur, néanmoins, ce texte évoquait, entre le 1er janvier 2009 et le 8 juillet 2019, la possibilité de regrouper dans sa dernière section ‘toute profession libérale non rattachée à une autre section’.
Cependant, les statuts de cette caisse [4] disposent en leur article 1.3 que : « Sont affiliées à la caisse et tenues de cotiser aux trois régimes obligatoires et indissociables, visés à l’article 1.2, les personnes qui exercent à titre libéral et qui sont ainsi définies :
* les professions d’architecte, d’agréé en architecture, de conseil, de dessinateur technique ou projeteur, d’économistes du bâtiment, d’expert, de géomètre, d’ingénieur-conseil, d’interprète, de maître d”uvre, de métreur, de psychologue, de technicien, de traducteur technique, de vérificateurs, de vigiles,
ainsi que toute activité professionnelle non salariée non agricole, non commerciale ou non artisanale, et non rattachée à l’une des autres sections professionnelles visées à l’article R.641-1 du code de la sécurité sociale,
* les artistes auteurs ne relevant pas de l’article L.382-1 du code de la sécurité sociale , les enseignants, les professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques ainsi que les correspondants locaux de presse.
Sont également considérés comme exerçant à titre libéral les gérants de sociétés qui ne relèvent pas du régime général en application de l’article L.313-3 du code de la sécurité sociale, dès lors que l’objet social est l’une des activités cités au présent article. »
Il résulte des éléments qui précèdent que Mme [J] échoue à établir que son activité professionnelle relèverait de l’affiliation à la [4].
Mme [J] évoque encore la documentation relative au régime social de l’auto entrepreneur : micro social, qui comporte la liste des principales activités qui relèvent du RSI. Cette liste comporte notamment les artisans inscrits au répertoire des métiers dans le cadre des services à la personne, pour estimer que son activité, classée en « autres services personnels » n’y est pas rattachée.
Néanmoins ce document, qui n’a qu’une valeur informationnelle, stipule lui-même le caractère non exhaustif des activités visées. Il y a d’ailleurs lieu de relever que cette liste inclut les dessinateurs et créateurs publicitaires.
Par ailleurs, les autres documents de nature syndicale que produit Mme [J] sont sans incidence sur l’appréciation juridique de son statut professionnel, d’autant qu’il résulte des échanges que ces documents relatent qu’il n’existe pas encore de statut pour les tatoueurs en France, qui défendent néanmoins une cause visant à obtenir le statut d’artisan.
Mme [J] produit encore un courrier émanant de la [6] sur lequel figure, au titre de la forme juridique, la mention de professions libérales (code : 1500), ce document reprenant l’activité professionnelle : « autres services professionnels n. c. a. » (code : 9609Z). Néanmoins, ce document constitue une réponse de l’administration fiscale à la prise en compte du transfert déclaré par la cotisante de son activité professionnelle. Il a par conséquent nécessairement pris en compte les éléments communiqués par la cotisante elle-même.
Enfin, si Madame [J] affirme, avoir réglé la cotisation foncière des entreprises, elle n’en justifie nullement. Elle verse en effet en pièce n° 20 bis un mémento fiscal afférent à une activité de représentant libre (code : 99904) sans aucun lien avec celle de tatoueur, et en pièce n° 21 les formulaires Cerfa pour la cotisation foncière des entreprises 2020 et 2021 qui sont sans emport sur les cotisations litigieuses qui concernent une période couvrant les années 2012 à 2015.
Il s’ensuit que le jugement critiqué, qui a considéré que c’était à juste titre que l’URSSAF l’avait considérée en qualité d’artisan, dès lors que la qualification d’artisan caractérise l’exrcice personnel d’une activité essentiellement manuelle de production, transformation, réparation ou prestation de services, est en voie de confirmation en toutes ses dispositions.
Il n’y a pas lieu à évoquer, aucune partie ne le sollicitant et les conditions de l’article 568 du code de procédure civile n’étant pas réunies.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce. La demande présentée à ce titre par l’URSSAF de Picardie est en voie de rejet.
L’appelante qui échoue supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
– Confirme le jugement du 26 février 2021 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
– Rejette la demande présentée par l’URSSAF de Picardie au titre de ses frais irrépétibles.
– Condamne Mme [K] [J] aux dépens.
Le Greffier Le Président