Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2022
N° 2022/ 361
N° RG 19/12779 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXC7
Commune [Localité 2]
C/
[P], [V], [N] [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Karine TOLLINCHI
Me Helen COULIBALY-LE GAC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01612.
APPELANTE
Commune [Localité 2] poursuites et diligences de son maire, Monsieur [O] [B], [Adresse 4]
représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cécile NEBOT, avocat au barreau de BEZIERS, plaidant
INTIME
Monsieur [P], [V], [N] [C]
né le 27 Septembre 1964 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Helen COULIBALY-LE GAC, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Stanley CLAISSE, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Marie PARANQUE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant courriel daté du 12 janvier 2015, monsieur [C], artiste-peintre, a proposé au maire de la commune de [Localité 2] de réaliser dans le centre historique de cette commune des fresques murales composant ‘un parcours artistique et pédagogique’.
Le 26 mai 2015, monsieur [C] a adressé à la mairie de [Localité 2] un dossier exposant les motifs du projet et décrivant l’emplacement des fresques envisagées. Monsieur [C] avait déjà réalisé différentes fresques pour cette commune, dont l’une en 2013 représentant [P] [F], originaire de [Localité 2], sur une façade de la [Adresse 5].
Le 15 juin 2015, la commune de [Localité 2] a diffusé un appel d’offres portant sur ‘l’animation, la coordination artistique, technique et financière, ainsi que la réalisation d’un parcours de fresques murales’.
Par courrier daté du 24 juin 2015 adressé à la mairie, monsieur [C] a manifesté son incompréhension en réponse à cet appel d’offre. Il a cependant transmis un projet dans ce cadre le 28 juillet 2015.
Par courrier daté du 25 août 2015, la commune de [Localité 2] a informé monsieur [C] que son projet n’avait pas été retenu. Le projet a été attribué à l’association A-FRESCO selon avis d’attribution du marché du 6 octobre 2015.
Par acte en date du 9 février 2016, monsieur [C] a fait assigner la commune de [Localité 2] en contrefaçon et parasitisme devant le juge des référés du tribunal de grande instance de MARSEILLE. Suivant ordonnance datée du 30 juin 2016, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé.
Par acte en date du 19 janvier 2017, monsieur [C] a fait assigner au fond la commune de [Localité 2] devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE afin d’obtenir l’interdiction des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale sous astreinte ainsi que l’indemnisation des préjudices résultant de ces actes.
Suivant jugement daté du 13 juin 2019, le tribunal a débouté monsieur [C] de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droit d’auteur, a dit que la commune de [Localité 2] avait commis des actes de parasitisme et a condamné de ce chef la commune au paiement d’une somme de 50 000 € de dommages-intérêts, le jugement étant publié aux frais de la commune dans deux publications et sur le site ville-[Localité 2].fr, la dite commune devant verser en outre une somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La commune de [Localité 2] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 2 août 2019.
Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction par ordonnance datée du 10 octobre 2022 et a renvoyé l’affaire à l’audience du 7 novembre 2022.
A l’appui de son appel, suivant conclusions déposées par voie électronique le 18 octobre 2021, la commune de [Localité 2] soulève la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir, monsieur [C] n’ayant pas attrait à la cause l’intégralité des défendeurs, et tout particulièrement la société d’économie mixte SEBLI et l’Agglomération ayant participé au projet visé dans l’appel d’offre et n’ayant pas régularisé la procédure en procédant à une intervention forcée de ces deux parties.
Sur le fond, la commune de [Localité 2] conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale en rappelant notamment avoir respecté la législation en matière d’appel d’offres et que les idées sont de libre parcours. Elle précise que le travail d’élaboration de fresques murales a réuni de nombreux intervenants en interne, sans intervention de monsieur [C], et ce dès mars 2015, soit antérieurement au projet présenté par celui ci. Elle rappelle le caractère obligatoire de la procédure d’appel d’offres et que le marché a été attribué unanimement à la société A FRESCO, monsieur [C] étant classé en quatrième position. Elle conclut en conséquence à l’infirmation de la décision ayant retenu à son encontre des faits de concurrence déloyale et de parasitisme.
A titre reconventionnel, la commune de [Localité 2] soutient que les allégations contenues dans les écritures de monsieur [C] sont mensongères et constitutives de diffamation et de tentative d’escroquerie au jugement. Elle conclut en conséquence à la condamnation de monsieur [C] au paiement d’une somme de 10 000 € de dommages-intérêts, outre 3 000 € pour procédure abusive et 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [C], suivant conclusions déposées par voie électronique le 5 octobre 2021, rappelle l’existence de divers projets de fresque élaborés dès 2010 pour la ville de [Localité 2] et affirme en particuliers avoir exposé au maire de [Localité 2] dès le 22 décembre 2014 un projet de parcours de fresques à travers le centre historique de la ville. Il détaille les pièces remises à la mairie le 26 mai 2015 et soutient que la scénographie présentée constitue une oeuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle.
Monsieur [C] conclut à la recevabilité de son action, indiquant notamment n’avoir jamais eu de contacts avec la société SEBLI en ce qui concerne le projet de scénographie et mettant en doute la véracité de l’attestation signée par celle-ci. Il soutient que la fin de non recevoir a été soulevée tardivement et demande à la cour de confirmer la motivation tant du juge des référés que des juges du fond.
Sur le fond, monsieur [C] conteste la pertinence et le caractère probatoire du constat d’huissier établi le 16 janvier 2020 ainsi que des cinq attestations émanant de personnes attachées à la commune de [Localité 2] et affirme qu’aucune réflexion sur un projet de parcours de fresques n’a été menée par la commune avant que lui-même fasse état de son projet en décembre 2014.
Il soutient que la scénographie par lui réalisée constitue une oeuvre protégée par le Code de la propriété intellectuelle et décrit le travail de recherche et de conception donnant à cette oeuvre un caractère original. La contrefaçon de cette oeuvre serait établie par le constat d’huissier dressé le 21 novembre 2016, document établissant la reprise par la ville des lieux d’apposition des fresques et des sujets. De même, une fresque représentant [P] [F] située [Adresse 6] aurait été directement reprise d’une précédente fresque réalisée par monsieur [C] [Adresse 5]. De même une précédente fresque représentant [U] [R] aurait été reprise par la société A-FRESCO. Monsieur [C] indique qu’en outre, les cahiers des charges de l’appel d’offre auraient été manifestement inspirés par son propre projet. Il chiffre son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits d’auteur à la somme de 50 000 € au titre des droits moraux et 100 000 € au titre des droits patrimoniaux.
Monsieur [C] conclut à la confirmation de la décision ayant reconnu l’existence d’actes de concurrence déloyale, invoquant la violation d’une obligation de confidentialité telle que prévue à l’article 44 du décret du 20 octobre 2005 et le détournement par la commune de son savoir-faire, mais aussi de sa notoriété locale. Il chiffre à la somme de 250 000 € le montant du préjudice résultant de ces actes de concurrence déloyale.
Au terme de ces conclusions, auxquelles il convient de se référer pour le surplus, monsieur [C] demande à la cour de :
1. Sur son appel incident :
Réformer le jugement sur les chefs de jugement critiqués, en ce qu’il a débouté en tout ou
partie Monsieur [C] de ses demandes tendant à :
‘ CONSTATER le caractère original de la scénographie réalisée par Monsieur [C] ouvrant droit à la protection instituée par les dispositions des Articles L.111-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ;
‘ CONSTATER l’exploitation contrefaisante, par la COMMUNE DE [Localité 2], de l”uvre de Monsieur [C] et le caractère continu de l’infraction de contrefaçon ;
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] à procéder au retrait immédiat des fresques déjà installées, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée, dans un délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir;
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 50.000 euros à Monsieur [C] en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits moraux ainsi répartis :
‘ 35.000 euros au titre de la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à son droit de paternité ;
‘ 15.000 euros au titre de la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte au respect dû à l”uvre.
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 100 000 euros à Monsieur [C] en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux ;
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 250.000 euros à Monsieur [C] en réparation de son préjudice économique au titre des actes de parasitisme commis par la COMMUNE DE [Localité 2] ;
‘ ORDONNER la publication du jugement à intervenir, par extrait ou en intégralité sur le haut de la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse “http:// www.ville-[Localité 2].fr/” en police Arial de taille 12 pendant une durée de 30 jours, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par jour manquant, dans un délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir.
‘ ORDONNER la publication du jugement à intervenir, par extrait ou en intégralité dans trois journaux aux frais avancés de la COMMUNE DE [Localité 2] à savoir le quotidien régional “Midi Libre”, le quotidien régional « La Dépêche du Midi » et l’hebdomadaire « La pieuvre du Midi », sans que le montant total des publications n’excède la somme de 30.000 euros TTC.
Et, statuant à nouveau,
Au fond,
‘ CONSTATER le caractère original de la scénographie réalisée par Monsieur [C] ouvrant droit à la protection instituée par les dispositions des Articles L.111-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ;
‘ CONSTATER l’exploitation contrefaisante, par la COMMUNE DE [Localité 2], de l”uvre de Monsieur [C] et le caractère continu de l’infraction de contrefaçon ;
En conséquence,
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] à procéder au retrait immédiat des fresques
déjà installées, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 50.000 euros à
Monsieur [C] en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits moraux ainsi répartis :
‘ 35.000 euros au titre de la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à son droit de paternité ;
‘ 15.000 euros au titre de la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte au respect dû à l”uvre.
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 100 000 euros à Monsieur [C] en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits
patrimoniaux ;
‘ Condamner la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 250.000 euros à
Monsieur [C] en réparation de son préjudice économique au titre des actes de parasitisme commis par la COMMUNE DE [Localité 2] ;
‘ ORDONNER à la COMMUNE DE [Localité 2] de cesser toute exploitation de la scénographie
de Monsieur [C] sur quelque support et sous quelque forme que ce soit,
‘ ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir, par extrait ou en intégralité sur le haut
de la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse “http:// www.ville-[Localité 2].fr/” en police Arial de taille 12 pendant une durée de 30 jours, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par jour manquant, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir.
‘ ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir, par extrait ou en intégralité dans trois journaux aux frais avancés de la COMMUNE DE [Localité 2] à savoir le quotidien régional “Midi Libre”, le quotidien régional « La Dépêche du Midi » et l’hebdomadaire « La pieuvre du Midi », sans que le montant total des publications n’excède la somme de 30.000 euros TTC.
‘ SE RESERVER la liquidation des astreintes.
‘ A titre subsidiaire, CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] à apposer sur les fresques issues de la scénographie Monsieur [C] la mention « Sur une scénographie originale de [P] [C] » et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
2. Sur l’appel principal de la COMMUNE DE [Localité 2]
‘ Confirmer le jugement sur les autres chefs de jugement
En tout état de cause,
In limine litis
‘ CONSTATER l’intérêt à agir et donc la recevabilité de l’action engagée par Monsieur
[C] à l’encontre de la COMMUNE DE [Localité 2] ;
Au fond,
‘ CONSTATER les agissements parasitaires commis par la COMMUNE DE [Localité 2] à l’encontre de Monsieur [C],
En conséquence,
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] à procéder au retrait immédiat des fresques
déjà installées, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
‘ Condamner la COMMUNE DE [Localité 2] au paiement de la somme de 250.000 euros à
Monsieur [C] en réparation de son préjudice économique au titre des actes de parasitisme commis par la COMMUNE DE [Localité 2] ;
‘ ORDONNER à la COMMUNE DE [Localité 2] de cesser toute exploitation de la scénographie de Monsieur [C] sur quelque support et sous quelque forme que ce soit,
‘ ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir, par extrait ou en intégralité sur le haut de la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse “http:// www.ville-[Localité 2].fr/” en police Arial de taille 12 pendant une durée de 30 jours, sous astreinte
de 1000 euros par jour de retard et par jour manquant, dans un délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir.
‘ ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir, par extrait ou en intégralité dans trois journaux aux frais avancés de la COMMUNE DE [Localité 2] à savoir le quotidien régional “Midi Libre”, le quotidien régional « La Dépêche du Midi » et l’hebdomadaire « La pieuvre du Midi », sans que le montant total des publications n’excède la somme de 30.000 euros TTC.
‘ A titre subsidiaire, CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] à apposer sur les fresques
issues de la scénographie Monsieur [C] la mention « Sur une scénographie originale de [P] [C] » et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
3. En toute hypothèse :
‘ CONDAMNER la COMMUNE DE [Localité 2] à verser à Monsieur [C] la somme supplémentaire de 10.000 euros en appel en application de l’article 700 du Code de
procédure civile ;
‘ METTRE la totalité des dépens de première instance et d’appel à la charge de la COMMUNE DE [Localité 2].
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir
L’oeuvre dont se prévaut monsieur [C] a été présentée à la commune de [Localité 2], et à elle seule ; l’appel d’offre à l’origine des oeuvres arguées de contrefaçon émane là encore de la commune de [Localité 2] ; c’est donc à bon droit que les premiers juges ont indiqué que monsieur [C] pouvait légitimement agir contre cette seule commune de [Localité 2], sans avoir à attraire à la cause d’autres intervenants tels que l’agglomération de commune ou la société SEBLI ; le jugement ayant rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir sera en conséquence confirmé.
Sur la contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit
Le livre 1 du Code de la propriété intellectuelle confère une protection aux oeuvres de l’esprit, celles ci se définissant comme toute création, quelle que soit sa forme, dotée d’une originalité traduisant la personnalité de l’auteur.
En l’espèce, il se déduit des écritures de monsieur [C] que celui ci invoque les droits tirées de la scénographie par lui élaborée pour constituer un parcours artistique et pédagogique mettant en valeur les personnalités liées à la ville de [Localité 2] ; ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, les idées étant de libre parcours, monsieur [C] ne peut invoquer une protection concernant le concept même du parcours ; son oeuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle ne peut être constituée que par le dossier remis le 26 mai 2015, versé aux débats, intitulé ‘ découvrir l’histoire de [Localité 2] à travers un parcours artistique jalonné de fresques et trompe l’oeil’; ce document est composé d’un exposé littéral du projet puis de deux propositions de parcours, l’un principal, l’autre portant le numéro 2, accompagnés de photographies des façades répertoriées destinées à supporter les oeuvres picturales envisagées ; l’exposé littéral consiste à rappeler l’esprit des parcours proposés, et comporte une chronologie, ainsi qu’un rappel des événements ayant marqué la ville de [Localité 2] et de ses personnalités, seul [P] [F] étant expressément cité ; de toute évidence cet exposé constitue une simple idée et ne peut être considéré comme une oeuvre de l’esprit protégeable ; les deux parcours illustrés par des photographies ne sont pas accompagnés d’un document permettant d’associer aux façades des projets de fresques ou de trompes l’oeil ; à supposer qu’un repérage de façades puisse être qualifié de scénographie comme le soutient monsieur [C], il y a lieu de constater que l’intéressé ne démontre nullement en quoi ce travail présente l’originalité requise par le code de la propriété intellectuelle.
La reproduction ou l’imitation des trompe-l’oeil représentant [P] [F] et [G] [M] [R] ne peuvent être imputées à la commune de [Localité 2], qui n’est ni donneur d’ordre, ni encore moins créateur de ces oeuvres réalisées par l’association A-FRESCO ; une action en contrefaçon sur ce fondement factuel ne peut en conséquence être dirigée contre la commune de [Localité 2], celle ci ne pouvant être considérée comme à l’origine des oeuvres arguées contrefaisante.
Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement ayant constaté que le travail effectué par monsieur [C] ne pouvait être qualifié d’oeuvre de l’esprit protégeable et a en conséquence débouté l’intéressé de sa demande en contrefaçon.
Sur le parasitisme
Le parasitisme, acte consistant à profiter du travail ou de la notoriété d’autrui dans un but d’enrichissement, constitue une faute extra contractuelle admise même en dehors de tout lien de concurrence entre les parties.
En l’espèce, il résulte de la comparaison entre le dossier remis par monsieur [C] et le parcours de fresque réalisé par l’association A-FRESCO une similitude quasi parfaite entre les lieux d’apposition des fresques et des trompe-l’oeil ; un tel degré de similitude ne peut s’expliquer par le hasard, et il apparaît manifeste que la commune de [Localité 2] a communiqué le document préparatoire élaboré par monsieur [C] à l’association A-FRESCO une fois le résultat de l’appel d’offre connu, observation étant faite que comme l’ont relevé les premiers juges aucune étude préparatoire de l’association A-FRESCO dans le cadre de la procédure de cet appel d’offre n’est produite.
Si monsieur [C] a réalisé des fresques pour la commune de [Localité 2] avant 2015 [Adresse 5] et avait proposé des projets de fresque ensuite non réalisés, rien ne permet d’affirmer que cet artiste bénéficiait d’une notoriété auprès de la population locale dont la commune de [Localité 2] aurait voulu profiter ; en revanche, ainsi qu’il vient d’être indiqué, cette même commune a bénéficié du travail de prospection fait par monsieur [C] début 2015, et ce sans verser de contrepartie à celui-ci ; la commune de [Localité 2] a bénéficié de ce travail puisqu’il a permis à la société A-FRESCO d’identifier sans délai et sans frais les sites pouvant accueillir les différentes oeuvres à installer ; en communiquant ce travail préparatoire à une société ayant concouru dans le cadre d’un même appel d’offre, la commune de [Localité 2] a commis un acte parasitaire engageant sa responsabilité extra-contractuelle et le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur les mesures de réparation
Le préjudice subi par monsieur [C] du fait de l’utilisation de son travail préparatoire par la commune est constitué par la rémunération qu’il aurait dû légitimement en retirer ; la somme de 20 000 € apparaît sur ce fondement justifiée, et l’indemnité de 50 000 € allouée en première instance sera réduite à ce montant.
Les mesures de publication telles qu’ordonnées par les premiers juges ne sont pas proportionnées à la faute reprochée à la commune de [Localité 2] et n’apparaissent pas nécessaires à la protection des droits de monsieur [C] ; le jugement sera sur ce point infirmé.
Les mesures de retrait des fresques ou d’apposition de mention demandées par monsieur [C] ne se justifient pas dès lors qu’aucun acte de contrefaçon n’a été retenu et que le préjudice lié au parasitisme tel que retenu est réparé par l’octroi des dommages-intérêts alloués.
Sur les demandes reconventionnelles de la commune de [Localité 2]
Les demandes de monsieur [C] étant jugées partiellement fondées, elles ne peuvent donner lieu à des dommages-intérêts pour procédure abusive ou abus de droit ; la commune de [Localité 2] sera intégralement déboutée de ses demandes de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la solution donnée au litige en cause d’appel, l’équité commande de condamner l’appelante à verser en cause d’appel à monsieur [C] la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
– CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 13 juin 2019 en ce qu’il a déclaré l’action formée par monsieur [C] recevable, l’a débouté de ses demandes fondées sur la contrefaçon d’auteur, a dit que la commune de [Localité 2] avait commis des actes de parasitisme, a débouté celle-ci de ses demandes reconventionnelles en dommages-intérêts et l’a condamnée à verser à monsieur [C] la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
L’INFIRME pour le surplus
– CONDAMNE la commune de [Localité 2] à verser à monsieur [C] la somme de 20 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme retenus.
– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
– CONDAMNE la commune de [Localité 2] à verser à monsieur [C] la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– MET les dépens à la charge de la commune de [Localité 2].
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT