Contrat d’Artiste : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06186

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Contrat d’Artiste : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06186
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Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 18 JANVIER 2023

(n°4,22 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 22/06186 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRAO auquel sont joints les RG 22/6190 (recours) et 22/6198 (recours)

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 22 mars 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Procès-verbal de visite en date du 24 mars 2022 clos à 13h31 dans les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 19]

Procès-verbal de visite en date du 24 mars 2022 clos à 17h50 dans les locaux sis [Adresse 20] à [Localité 18]

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 26 octobre 2022 :

L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE [O] [Z] A L’ ENSEIGNE [D]

Ayant pour numéro SIREN 444 068 209

Elisant domicile au cabinet ROUSSEAU & SUSSMANN

[Adresse 4]

[Localité 11]

THE FACTORY MANUFACTURED LLP, société de droit anglais

Prise en la personne de son dirigeant M. [Z] [O]

Elisant domicile au cabinet ROUSSEAU & SUSSMANN

[Adresse 4]

[Localité 11]

MONSTERS GROUP SARL, société de droit luxembourgeois

Prise en la personne de ses co-gérants M. [Z] [O] et Mme [A] [L]-[N]

Elisant domicile au cabinet ROUSSEAU & SUSSMANN

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentées par Me Alice ROUSSEAU de la SELEURL ALICE ROUSSEAU AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

assistées de Me Alice ROUSSEAU de la SELEURL ALICE ROUSSEAU AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J007 et de Mme [J] [T], élève avocate dûment assistée de Me Alice ROUSSEAU

APPELANTES ET REQUERANTES

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[Adresse 10]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me Nicolas NEZONDET substituant Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 26 octobre 2022, les conseils des appelantes et le conseil de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 14 décembre 2022 puis prorogée au 18 janvier 2023 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 22 mars 2022, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

– l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D] (SIREN 444 068 209) dont le siège social est sis [Adresse 2] et/ou [Adresse 12], détenue par M. [Z] [O], né le [Date naissance 6]/1978 à [Localité 21] (94), exerçant une activité individuelle de chanteur, auteur, compositeur sous le nom de «[D]» ;

– la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP, dirigée par M. [Z] [O] et M. [K] [O], dont le siège est sis [Adresse 7] (Angleterre), et qui a pour activité principale les services de médias ;

– la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP SARL, représentée par M. [Z] [O] et Mme [V] dite [A] [L]-[N], dont le siège est sis [Adresse 9] (Luxembourg), et qui a pour objet social « la production et la diffusion d”uvres musicales sur tous supports » ;

L’ordonnance autorisait des opérations de visite et de saisie dans les lieux suivants :

– locaux et dépendances sis [Adresse 12] et/ou [Adresse 2] susceptibles d’être occupés par M. [Z] [O] et/ou l’entreprise individuelle [O] [Z] (à l’enseigne [D]) et/ou la société SARL FRENESIK PRODUCTION et/ou Mme [V] [A] [N] (nom d’usage [L]-[N]) et/ou M. [U] [B] et/ou la SCI VALKAT […] et ou la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP et/ou la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sarl ;

– locaux et dépendances sis [Adresse 20] susceptibles d’être occupés par la SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE et/ou la SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE SMP et/ou la SAS UNIVERSAL MUSIC Group TREASURY […] et/ ou la SAS UNIVERSAL PRODUCTION MUSIC FRANCE et/ou toutes entités du groupe SAS UNIVERSAL MUSIC .

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs qu’il apparaîtrait, que l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D] est présumée exercer à titre individuelle des activités commerciales et non connmerciales sur le territoire français en s’abstenant de souscrire à ses obligations fiscales et en TVA en minorant ses recettes commerciales, que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP est présumée exercer depuis le territpoire national une activité professionnelles dans le domaine musical et des médias, que la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP SARL est présumée exercer depuis le territoire national une actiovité professionnelle de diffusion d’oeuvres musicales, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes, et ainsi ces entités sont omettre ou avoir omis de satisfaire aux obligations fiscales leur incombant en matière d’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et/ou des bénéfices non commerciaux et/ou en matière de TVA et minorer ses recettes commerciales et non commerciales et ses recettes taxables à la TVA, en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-1 pour l’I.S, 54 pour les BIC, 99 pour les BNC, et 286 pour la TVA).

Il résultait des pièces visées par l’ordonnance que :

Concernant Monsieur [Z] [O].

Monsieur [Z] [O], né le [Date naissance 6] 1978 à [Localité 21] (94) est un rappeur français connu sous le pseudonyme de ” [D]”, en 1994 il est leader du groupe “113” récompensé en mars 2000 par deux victoires de la musique. Le 1er janvier 1999 il crée son entreprise individuelle sous la raison sociale [O] [Z] et à l’enseigne [D] . Le 20 janvier 2004 il fonde la SARL FRENESIK PRODUCTION , une société de production musicale dont il est associé à hauteur de 95 % et gérant.

En mars 2004 [D] lance sa carrière solo avec son premier album édité par “Frénésik”, “SMALL” et “Sony” qui est certifié disque d’or. Entre 2006 et 2012, il sort plusieurs albums, des clips, il participe à de nombreuses collaborations musicales et tourne dans plusieurs films, il créé sa chaine YouTube officielle “[D]” en 2007.

Entre 2016 et 2021 il sort de nombreux albums, il cumule les certifications pour ses albums et ses singles et enchaine les succès : 4 disques d’or, 2 disques de platine et un disque de diamant, étant observé qu’un disque d’or (50. 000 ventes) rapporterait autour de 500.000 euros. Son dernier EP (Extended Play qui est un format pusical plus court qu’un album) de février 2021 a représenté 5,5 millions de “treams” payant sur les diverses plateformes, sachant que les volumes d’écoutes en streaming des titres des albums sont cumulés et convertie en équivalent ventes. Les titres de [D] sont disponibles sur les importantes plateformes de streaming (youTube music, spotify, deezer..), le rappeur [D] est très suivi sur les plateformes musicales et les réseaux sociaux (face book, instagram et twitter) Depuis l’album “Monster Tape” sorti en janvier 2016, Monsieur [O] [Z] dit [D] est très présent adns le paysage musical français, enchainant les collaborations et les titres à succès.

La SARL FRENESIK PRODUCTION et ” Frenesik” sont une même et unique personne morale.

M. [Z] [O] dit [H] déclare résider depuis le 2/01/2018 au [Adresse 2] à [Localité 19].

Il a déposé une déclaration des revenus 2017 (modèle 2042) et une déclation spéciale des revenus fonciers 2017 (modèle 2044 spéciale), ainsi que des déclarations rectificatives, il n’a pas déposé de déclarations sur les revenus pour l’année 2018, ni de déclaration des professions non salariées pour 2017 et 2018. Il en résulte qu’il a rectifié à la baisse le montant des traitements et salaires perçus en 2017 et qu’il est défaillant pour l’année 2018.

M. [Z] [O] a déclaré des revenus au titre des années 2019 et 2020, au titre des traitements et salaires, des revenus de capitaux mobiliers, de revnus fonciers imposables et de revenus non commerciaux.

M. [Z] [O] acréé le 1/01/1999 une entreprise individuelle sous la raison sociale “[O] [Z]” et à l’enseigne ” [D]”, dont le siège de l’activité est sis [Adresse 2] à [Localité 19], et qui a pour activité “arts du spectacle vivant”, cette entreprise est imposée selon les bénéfices non commerciaux sous le régime de la déclaration contrôlée, elle a déclaré des recettes encaissées , des gains divers et un bénéfice (sommes précisées) pour les années 2017 à 2019 et un déficit concernant l’année 2020.

Les résultats 2017 et 2018 de l’entreprise individuelle n’ont pas été reportés sur la déclaration des professions non salariées (imprimé modèle 2042-C-PRO) , ainsi ils n’ont pas été imposés à l’impôt sur le revenu. En 2019, M. [O] a déclaré, à titre personnel, 19 832 € de bénéfices non commerciaux non professionnels alors que l’entreprise individuelle a déclaré un déficit de 19 832 euros.

M. [Z] [O] dit [D] est inscrit au répertoire de la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). La SACEM et l’ADAMI (Société civile pour l’Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes ), lui ont versé des rémunérations entre2017 et 2020 (sommes précisées), les rémunérations en 2019 par SACEM et l’ ADAMI) s’élèvent à 110 205 €.

Il apparaîtrait que les rémunérations versées en 2018 par la SACEM et l’ADAMI n’ont pas été déclarées par M. [O] et que les revenus déclarés par celui-ci au titre de l’année 2019 (38 612 € en traitements et salaires et en recettes non commerciales) étaient largement inférieurs aux rémunérations versées par la SACEM et l’ADAMI. Ainsi il pouvait être présumé que M. [Z] [O] n’avait pas déclaré l’intégralité de ses revenus au titre des années 2017, 2018 et 2019.En outre, les vidéos mises en ligne par M. [O] sur sa chaîne YouTube « [D] » ayant été visionnées plusieurs millions de fois, il pouvait être présumé qu’elles aient généré des recettes significatives.

Par conséquent, il pouvait être présumé que M. [O] était le bénéficiaire final des revenus non commerciaux perçus dans le cadre de l’activité artistique exercée sous le nom de [D], générés par la diffusion de ses chansons YouTube.

La grande popularité croissante de celui-ci sur les plateformes musicales d’écoute en streaming permettait également de présumer que M. [O] dit RIM”K, perçoit des revenus importants consécutivement à la diffusion de ses titres sur ces dites-plateformes, de plus M. [O], dit RIM’ K, ayant effectué des collaborations à la production d’autres artistes, dont les vidéos ont également été visionnées plusieurs millions de fois, il pouvait être présumé que celui-ci ait perçu des revenus en rémunération de ses dites-collaborations sur les titres d’autres artistes.

De surcroît, pour la promotion de son activité artistique, il résulterait des éléments du dossier que [D] s’est produit a minima dans plus d’une soixantaine de concerts, divers clubs et discothèques, en France et à l’étranger, entre 2018 et 2021, et ce, en contrepartie de rémunérations pouvant être estimées entre 5 000 € et 25 000 € par prestation pour un artiste d’une telle ampleur. Dès lors, celui-ci était présumé avoir perçu des gains non déclarés au titre de ces prestations scéniques.

Au vu de tout ce qui précède, et compte tenu de sa notoriété considérable, M. [Z] [O] était présumé percevoir des revenus importants et croissants sur l’ensemble de son activité artistique.

Enfin, il résulterait des éléments du dossier que M. [O] avait procédé à la commercialisation de produits dérivés tant à travers un site Internet « www.rimshop.com » cré& en 2017, que lors de ses prestations scéniques, qu’il pouvait ainsi être présumé avoir perçu des revenus liés au merchandising ; qu’il avait, d’une part, procédé à un partenariat pour la commercialisation d’un produit avec la marque SCHOTT et qu’il s’affichait, d’autre part, notamment dans ses clips, portant des vêtements et accessoires de marque de luxe ce qui pouvait également laisser présumer des collaborations génératrices de revenus à l’instar de placement de produits. Il ressortait pourtant de la déclaration de revenus souscrite par M. [O] au titre de l’année 2017, qu’elle ne mentionnait aucun revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et/ou des bénéfices non commerciaux, mais uniquement des traitements et salaires, des produits de placements et des revenus fonciers.

Monsieur [Z] [O] est défaillant à l’impôt sur le revenu pour l’année 2018.

Or, celui-ci a perçu, a minima, 56 910 € en 2018 par la SACEM et l’ADAMI, sommes à priori non imposées. Les déclarations de bénéfices non commerciaux déposés par l’entreprise individuelle [O] [Z] mentionnent des recettes totales égales à 50 527 € en 2017, 53 310 € en 2018, 36 398 € en 2019 et 86 633 € en 2020.

Ainsi, il apparaîtrait que M. [Z] [O] n’avait pas déposé de déclarations de revenus de 2018, n’avait pas déclaré l’intégralité des recettes générées par la vente de ses albums, EP et singles, notamment en 2019, que celui-ci avait fourni des prestations rémunérées dans des concerts, des festivals ou des show cases et n’avait pas déclaré la totalité des profits en découlant alors qu’ils étaient imposables à l’impôt sur le revenu, en tant que bénéfices non commerciaux, et à la TVA, et, qu’enfin, il n’avait pas déclaré l’intégralité de recettes générées par le merchandising.

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Concernant la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP.

La société a été créée le 17/11/2014 et enregistrée auprès du registre des sociétés pour l’Angleterre et le Pays de Galles , à sa création son siège social était situé […] [Adresse 16], depuis le 31/08/2016 il est situé […] [Adresse 7]., elle a une activité de service de médias. A sa création cette société disposait les deux associés ( M. [Z] [O], né le [Date naissance 6]/1978, résident en France et Mme [A] [N], née le [Date naissance 3]/1977, résidente en France). Suite au départ de[A] [N] , M [K] [O], né le [Date naissance 1]/1957, frère de M. [Z] [O], également résident en France, est devenu associé de la dite-société. Cette société a pour principal dirigeant M [Z] [O].

Il ressortait des éléments du dossier que la détention capitalistique de la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP serait situé en France.

Antérieurement au 18/11/2019, la société THE FACTORY MANUFACTURED LLP, sise [Adresse 7] (Angleterre) depuis le 31/08/2016, Il apparaîtrait que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP serait présumée avoir établi son siège social à une adresse de domiciliation grâce au service de la société de droit anglais TOP QUALITY ACCOUNTING LTD, spécialisée, notamment, en constitution et secrétariat de sociétés .Il ressort également des éléments du dossier que M. [Z] [O], associé et principal dirigeant de la dite-société et Mme [A] [N], remplacée par la suite par M. [K] [O] dans ses fonctions de « Personne qualifiée » « Person with Significant Control » (PSC), étaient tous résidents de France, la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP était détenue et gérée par des personnes physiques résidentes en France, dus lors elle était présumée avoir son centre décisionnel en France.

Selon l’analyse des comptes annuels déposés, et selon la lègislation anglaise, il peut être présumé que la société THE FACTORY MANUFACTURED LLP bénéficie des dispositions fiscales réservées aux sociétés LLP (limited Liability Partnership) lui permettant de n’acquitter aucune imposition depuis sa création. Il résultait des données financières de la société (absence d’immobilisatuion corporelle ou incorporelle, absence de charges de personnel,) et de l’analyse des bases de données internationnales (absence de numéro de téléphone, de fax ou de site internet propre ) que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP semblerait ne pas disposer, à l’adresse de son siège social au ROYAUME-UNI, de moyens matériels et humains suffisants lui permettant pour l’exercice de son activité de son activité à l’adresse de son siège social au Royaume-Uni.

La SARL FRENESIK PRODUCTION a été créée le 20/01/2004, son siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 19], elle a pour objet social principal la production et la diffusion d’oeuvres musicales sur tous supports, la production et la diffusion de clips vidéo sur tous supports, la promotion, le marketing, le management des oeuvres et auteurs, le merchandising, le négoce d’article dérivés des spectacles et des disques […] l’édition musicale et phonographique sous toutes ses formes. Elle est la société de production de l’artiste [D]. La société de droit britannique THE FACTORY MANUFACTURED LLP paie à la SARL française des prestations scéniques et des séances de dédicaces de l’artiste. M. [Z] [O] détient 95% du capital social de la ‘SARL FRENESIK PRODUCTION, il a géré la société jusuq’en 2019, depuis la société est géreé par son frère M. [K] [O] qui est associé à hauteur de 5%. Ainsi la SARL FRENESIK PRODUCTION dispose des mêmes associés que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP.

Il apparaîtrait que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP réglait les prestations et séances de dédicaces à la SARL FRENESIK PRODUCTION par l’intermédiaire de plusieurs banques et/ou d’établissements financiers, situés dans des pays étrangers notamment le Royaume-Uni, dont une est défavorablement connue pour son implication dans des schémas de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale. Il ressort de la procédure de vérification de comptabilité de la SARL FRENESIK PRODUCTION pour la période allant du 01/04/2015 au 31/03/2018 diligentée par la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFIP) et de la réponse de la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE du 03/04/2019 en vertu d’un droit de communication adressée à celle-ci par la DNEF qu’il pouvait être présumé qu’un accord et/ou contrat de distribution exclusive des enregistrements de l’artiste [D] avait été conclu entre la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP et la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE, maison de disque de l’artiste [D]. Par ailleurs, il apparaîtrait que Mme [A] [N], associée de la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP jusqu’au 18/11/2019, est salariée en tant qu’assistante administrative et comptable de la SARL FRENESIK PRODUCTION;que le siège social de SARL FRENESIK PRODUCTION était domiciliée dans les locaux de la SASU MY OFFICE PRIVE dont Mme [A] [N] est l’unique associée et présidente ; que la SARL FRENESIK PRODUCTION payait à la SASU MY OFFICE PRIVE des prestations de domiciliation et de gestion administrative; la SASU MY OFFICE PRIVE intervenait dans la négociation de contrats pour le compte de la SARL FRENESIK PRODUCTION; les adresses sises [Adresse 12] et [Adresse 2] font partie du même ensemble immobilier.

Il résulterait donc de l’ensemble de ces éléments que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP était présumée disposer, en France, par l’intermédiaire de la SARL FRENESIK PRODUCTION et de la SASU MY OFFICE PRIVE des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de son activité , et ainsi exercerait ou aurait exercer en France une activité dans le domaine musical et des médias sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettraient de passer les écritures comptables y afférentes.

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Concernant la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sàrl.

Elle a été constituée le 12/07/2019 et enregistrée auprès du Registre du commerce et des sociétés du Luxembourg. A sa création elel avait son siège social à […] [Localité 15], au domicile d’un cabinet d’avocat. Elle a pour objet social «la production et la diffusion d”uvres musicales sur tous supports ». Son capital social est détenu à 50% par M [Z] [O] et par madame [V] dite [A] [L] [N], résidente à [Localité 17].Il ressortait des éléments du dossier que la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sàrl ne dispose pas de numéro de téléphone attribué en propre; que l’examen des données financières de celle-ci, au titre des exercices clos de 2019 et 2020, ne faisait mention d’aucune immobilisation corporelle et/ou incorporelle et/ou financière et ne faisait pas non plus mention de personnel salarié; que l’adresse déclarée du siège social situé sis [Adresse 9] apparaît comme une adresse de domiciliation. Dès lors, la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sàrl ne semblait pas disposer de moyens humains et matériels suffisants pour l’exercice de son activité à l’adresse de son siège social au Luxembourg.

Il apparaissait que la cette société est détenue et cogérée par M. [Z] [O] et Mme [A] [N], résidents en France; sa gestion journalière est réalisée par cette dernière, madame [A] [N] est salariée en tant qu’assistante administrative et comptable de la SARL FRENESIK PRODUCTION; le siège social de SARL FRENESIK PRODUCTION et de l’entreprise personnelle de M. [Z] [O] sont domiciliés dans les locaux de la SASU MY OFFICE PRIVE dont Mme [A] [N] est l’unique associée et présidente; la SARL FRENESIK PRODUCTION paie à la SASU MY OFFICE PRIVE des prestations de domiciliation et de gestion administrative. Dès lors, il découlait de l’ensemble de ces éléments que la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP SARL est présumée disposer, en France, des moyens humains et matériels lui permettant de réaliser son activité de production et de diffusion d”uvres musicales. Il ressortait de l’examen de la base de données TTC (Traitements de la TVA Intracommunautaire) interne à la Direction Générale des Douanes et des Droits indirects que la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sàrl entretenait des relations commerciales régulières avec deux sociétés françaises, la SASU UNIVERSAL MUSIC FRANCE et la SAS SONY MUSIC PUBLISHING FRANCE, les deux maisons de disques de l’artiste [D], à travers la réalisation de prestations de service rémunérées.

Dans ces conditions, il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP SARL percevait des rémunérations de l’artiste [D] et qu’elle exercerait à partir du territoire national une activité de production et de diffusion d”uvres musicales sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettraient de passer les écritures comptables y afférentes.

Au vu de ces éléments, le JLD a autorisé les visites domiciliaires pour la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux ci -après ou des documents et des supports d’informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver à savoir : dans les locaux et dépendances sis [Adresse 12] et /ou [Adresse 2] et dans les locaux et dépendances sis [Adresse 20].

Le 24 mars 2022 de 9H30 à 17H50 , la visite domiciliaire se déroulait dans les locaux sis [Adresse 20] en présence de monsieur [G] [F], représentant de l’ occupant des locaux, la SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE (RG 22/06198).

Le 24 mars 2022, la visite domiciliaire se déroulait dans les locaux sis [Adresse 2], de 8H07 à 13H31, en présence de M [M] [E], repérsentant de l’occupant des lieux (RG 22/06190).

Le 6 avril 2022, [O] [Z] , entreprise individuelle à l’enseigne de [D], THE FACTORY MANUFACTURED LLP société de droit anglais et MONSTERS GROUP Sàrl société de droit luxembourgeois interjetaient appel de l’ordonnance du JLD en date du 22 mars 2022 ( RG 22 /06186),

Le 6 avril 2022, [O] [Z] , entreprise individuelle à l’enseigne de [D], THE FACTORY MANUFACTURED LLP société de droit anglais et MONSTERS GROUP Sàrl société de droit luxembourgeois exerçaient un recours à l’encontre de chaque visite domiciliaire en date du 24 mars 2022.

***

L’affaire a été fixée au 26 octobre 2022 pour être plaidée, à cette audience la jonction des dossiers a été évoquée. L’affaire a été mise en délibéré au 14 décembre 2022, puis prorogée au 18 janvier 2023.

***

SUR L’APPEL:

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 11 juillet 2022 et par conclusions récapitulatives déposées le 21 octobre 2022, les appelants font valoir :

I L’ordonnance ne pouvait autoriser une visite domiciliaire à l’encontre d’une entreprise individuelle qui n’a pas la qualité de contribuable.

La mise en ‘uvre des dispositions de l’article L.16 B s’applique aux contribuables visés par des présomptions de fraude. Selon la doctrine et la jurisprudence, l’entreprise individuelle n’a pas la qualité de contribuable (défini comme la personne qui paie l’impôt) puisque les impôts relatifs aux revenus générés par l’entreprise individuelle sont payés par l’entrepreneur individuel, personne physique (et non par l’entreprise individuelle). La doctrine a rappelé que l’entreprise n’avait pas de personnalité fiscale. Les décisions de justice ont rappelé que l’imposition se fait au nom du contribuable , qui est l’entrepreneur personne physique, et non l’entreprise individuelle. Les modalités de contrôle fiscal sont d’alleurs différents (vérification de comptabilité pour l’entreprise individuelle et examen de situation fiscale pour l’entrepreneur individuel). D’ailleurs l’administration dans ses écritures ne remet pas en cause l’absence de qualité de contribuable de l’entreprise individuelle, la notion de confusion des patrimoines doit être écartée s’agissant de l’application de l’article L 16B du LPF. En l’espèce, l’ordonnance ne pouvait autoriser la mesure de visite domiciliaire à l’encontre, de l’entreprise individuelle «[O] [Z]» à l’enseigne “[D]”.

En conséquence, il est demandé l’annulation de l’ordonnance dans son intégralité en raison des liens indivisibles et connexes établies par le juge entre les trois entités visées par les présomptions de fraude.

II L’ordonnance incohérente et incomplète sur le fond trahit le défaut de contrôle effectif par le JLD des documents présentés par la DNEF.

A) A titre liminaire, la pré-rédaction évidente de l’ordonnance par l’administration fiscale.

L’ordonnance a été rendue le 22 mars 2022 par le JLD de Paris, toutefois le 14 mars 2022 la même ordonnance (rédaction identique) a été rendue par le JLD de Créteil, il ne fait aucun doute que les deux ordonnances ont été pré-rédigées par l’administration fiscale.

Si cette pratique est admise par la jurisprudence, cette présomption d’établissement de l’ordonnance par le juge qui l’a rendue et signée n’est qu’une présomption simple susceptible d’être renversée. L’impartialité du juge peut-être remise en cause , le parti pris du juge peut être établi s’il est démontré l’absence de tout contrôle sérieux de la requête, ce qui est le cas en l’espèce.

B) L’absence de contrôle effectif par le juge des libertés et de la détention des documents présentés par le DNEF.

-En droit, le juge doit justifier de présomptions de fraude et vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée.L’article L 16B du LPF conditionne l’autorisation de procéder à une visite domiciliaire à l’existence de présomptions de fraude fiscale à l’encontre du contribuable. Le JLD doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation est fondée.

– En l’espèce, l’absence de contrôle par le juge des libertés et de la détention est mise en exergue par les nombreuses irrégularités de forme et les incohérences de fond de l’ordonnance. Premièrement, l’ordonnance ne justifie pas, pièces à l’appui, de présomptions de fraude à l’encontre de l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D], de la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP et de la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sàrl.

Ensuite, l’ordonnance autorise les opérations de visite à l’encontre de l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D] alors que l’ensemble des présomptions concerne M. [Z] [O] en qualité de personne physique. La position de l’administration fiscale qui consiste à affirmer que l’entreprise individuelle [O] [Z] et monsieur [O] [Z] sont ” une seule et même personne physique qui peut être désignée indifféremment”de sorte que les deux termes désigneraient une même masse fiscale est purement fausse et relève d’une méconnaissance des règles fiscales en la matière., selon la doctrine fiscale le résultat du foyer fiscal de l’entrepreneur individuel n’est pas identique à l’entreprise individuelle.

La confusion entre Monsieur [Z] [O] et son entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D] et d’autant moins acceptable qu’ils n’ont pas les mêmes activités et sources de revenus. D’une part, M. [Z] [O] conteste que les vues sur YouTube ; les concerts, festivals et showcases ; la vente de produits dérivés (« rimshop ») ; et le placement de produits de marques soient des sources de revenus. Ainsi, il soutient que les showcases sont la plupart du temps faits pour réaliser la promotion d’un album et par conséquent ne sont pas rémunérés. De même, les marques de luxe refusent très majoritairement que leur image soit associée à celle du RAP de sorte que M. [O] n’est jamais rémunéré pour porter des vêtements de marque dans un clip ou lors d’un concert. Enfin, les revenus du streaming musical reviennent à l’éditeur et non directement à l’artiste . D’autre part, aucune de ces prétendues sources de revenus (à l’exception de l’organisation de concerts) ne relève du domaine d’activité de l’entreprise individuelle, qui est limité à la production de concerts et l’organisation de tournées .En conséquence, aucune confusion entre leurs activités n’est possible et les prétendues présomptions de fraude à l’encontre de M. [Z] [O] ne peuvent donc être reportées sur l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D].

– La prétendue infraction reprochée à M. [O] diffère de la prétendue infraction reprochée à l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D]. Selon les appelants il existe deux infractions différentes : l’infraction reprochée à M. [Z] [O] est une « infraction positive » à savoir la passation d’écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables, l’infraction reprochée à l’entreprise individuelle serait « l’infraction négative » à savoir l’omission de passation d’écritures en comptabilité. Ce passage inexpliqué d’une prétendue infraction positive à une infraction négative démontre une nouvelle fois à l’absence de cohérence de l’ordonnance et le défaut de contrôle du juge des libertés et de la détention. En effet, les présomptions de fraude à l’encontre de l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D] ne sont pas établies, et, d’autre part, que le juge des libertés et de la détention n’a pas « vérifié de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui (était) soumise (était) bien fondée », en méconnaissance des dispositions de l’article L.16 B du LPF. Par ailleurs, en raison de la pré-rédaction évidente de l’ordonnance, les nombreuses irrégularités de forme, et le fait que l’ordonnance ait été prise à l’encontre d’une entreprise individuelle, qui n’est pas un contribuable, confirment le défaut de contrôle du juge des libertés et de la détention.

Il résulte de tout ce qui précède que l’ordonnance devra être annulée dans son intégralité compte tenu des liens indivisibles et connexes établis par l’ordonnance entre les trois entités visées par les présomptions de fraude.

C) Les liens indivisibles et connexes existant entre les entités visées par les présomptions de fraude conduisent à prononcer l’annulation de l’intégralité de l’ordonnance.

La décision du juge de rendre une ordonnance unique est justifiée par les liens indivisibles et connexes existants entre les trois ” personnes” soupçonnées. Le JLD décrit, dans son ordonnance scindée en deux sections, les liens étroits entre les différentes entités , tant en ce qui concerne la structure organisationnelles que les interactions économiques et les leins entre les différents protagonistes des lieux à visiter. L’ordonnance fait référence à la “fraude présumée” sans opérer de distinction entre l’entreprise individuelle [O] [Z], la société de droit anglais et la société de droit luxembourgeois, de même l’ordonnance indique que chaque lieu identifié est susceptible de détenir des éléments concernant les agissements de ces trois entités dans son ensemble, indication qui sera d’ailleurs reprise dans les procès-verbaux de visite domiciliaire. Cela indique que pour l’administration fiscale la fraude est unique et que la recherche d’éléments est globalisée. Il est relevé que selon une décision de la Cour d’appel de Paris, la présomption d’indivisibilité et de connexité des faits peut être établie lorsque plusieurs contribuables sont visés par une même ordonnance autorisant des visites domiciliaires. (CA PARIS, 18/03/2010, RG n°09/09069).

En conséquence, l’ordonnance étant « une et indivisible », l’irrégularité partielle (ou le caractère partiellement injustifié) emporte l’annulation intégrale.

Il est demandé par les parties appelantes que la DNEF soit condamnée au versement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de l’instance.

Par ces motifs, il est demandé de :

-Infirmer l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris le 22 mars 2022;

Et en conséquence,

– Annuler les opérations de visites et de saisies domiciliaires autorisées par cette ordonnance ;

– Interdire à l’administration fiscale d’opposer au contribuable les informations recueillies sur le fondement des objets et opérations ci-dessus mentionnés ;

– Ordonner la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée, à charge pour l’administration fiscale de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;

– Juger que passé ce délai, s’appliquera une astreinte de 2.000 euros par jour de retard jusqu’à la justification effective de la destruction de ces documents ;

– Juger que l’administration fiscale sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisis ;

– Condamner la Direction Nationale d’Enquêtes Fiscales à verser à la requérante la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner la Direction Nationale d’Enquêtes Fiscales de Pantin aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées le 5 octobre 2022 au greffe de la Cour d’appel de PARIS, l’administration fait valoir :

Discussion :

-Rappel préalable des faits. L’administration fiscale rappelle les éléments retenus par le juge dans son ordonnance.

-Sur l’argumentation de l’appelante.

A) sur la prétendue impossibilité d’autoriser une visite domiciliaire à l’encontre d’une entreprise individuelle.

Les appelants contestent que l’entreprise individuelle de Monsieur [O] puisse être visée dans l’ordonnance, celle-ci n’ayant pas la qualité de contribuable au sens de l’article L16B du LPF.

Or il n’a jamais été soutenu que l’entreprise individuelle avait la personnalité morale et était elle-même débitrice des obligations fiscales. L’entreprise individuelle est une forme juridique permettant l’exercice d’une activité indépendante . Elle n’a pas d’existence propre, elle est rattachée à la personne de l’entrepreneur. Créer une entreprise individuelle c’est démarrer une activité indépendante sans mettre en place d’identité distincte du chef d’entreprise. La conséquence à cette absence de personnalité morale est que les patrimoines sont confondus. La patrimoine de l’entreprise se mélange au patrimoine personnel de l’exploitant. L’entreprise individuelle ne jouit pas de la personnalité juridique, elle n’a donc ni capital social ni statuts.

Pour un entrepreneur individuel il n’y a aucune imposition des bénéfices effectuée au niveau de l’entreprise individuelle elle-même. C’est l’entrepreneur individuel qui est imposé personnellement à l’impôt sur le revenu sur bénéfice fiscal réalisé et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ses revenus professionnels (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles ) sont additionnés aux autres revenus de l’entrepreneur individuel et des membres de son foyer fiscal, puis le montant global est ensuite imposé à l’impôt sur le revenu. En l’espèce, contrairement à ce que les appelants prétendent, l’entreprise individuelle de M. [O] et M. [O] désignent indifféremment une seule et même personne physique, en sa qualité de contribuable.Au regard de ses obligations fiscales, la désignation de l’entreprise individuelle de monsieur [O] permet de désigner la catégorie des revenus professionnels (BIC, bénéfices non commerciaux…), imposés à l’impôt sur le revenu, comme l’ensemble des revenus de Monsieur [O]. Les revenus professionnels sont également imposales à la TVA. Or ces revenus professionnels imposés sont d’ailleurs visés par l’article L 16B du LPF qui évoque ” un contribuable qui se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaire”. Par conséquent, l’article L 16B ne fait pas obstacle au déclenchement d’une visite domiciliaire visant l’entreprise individuelle de Monsieur [O].

B) sur la rédaction de l’ordonnance.

Sur le reproche tenant à la pré-rédaction de l’ordonnance par l’administration fiscale et sur la prétendue absence de contrôle effectif du JLD, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante en la matière, elle a confirmé récemment que l’ordonnance rendue et signée par le JLD est présumée être établie par celui-ci (Cass.com., 3 mai 2018, n°16-25.068), et quela circonstance que l’ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d’autres présidents n’est pas de nature à l’entacher d’irrégularité (Cass com 21 mars 2000 n° 98 30 236), l’article L 16 B ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le rendu de la décision (Cass com 12 octobre 2010,n° 09-15 573) . La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le grief tiré de l’ineffectivité du contrôle opéré par le JLD ne saurait prospérer dans la mesure où la Cour d’appel sera amenée à effectuer un second contrôle des pièces produites par l’Administration fiscale à l’appui de sa demande d’autorisation pour diligenter une visite domiciliaire (CEDH, 5eme section, 31 aout 2010, n°33088/08, SAS Arcalia c/ France).

C) sur la prétendue confusion entre l’entreprise individuelle de M. [O] et M. [O] lui-même.

Contrairement à ce que prétendent les appelants, il n’y a pas de confusion entretenue par l’ordonnance entre l’entreprise individuelle de M. [O] et M. [O] lui-même. Il s’agit bien d’une seule et même personne physique, et en vertu de l’article 170-1 du CGI, toute personne imposable à l’impôt sur le revenu doit souscrire une déclaration d’ensemble de ses revenus (personnels et professionnels) , ce qui est le cas de monsieur [O]) sur la prétendue confusion des revenus de M. [O].

Comme rappelé précédemment, M. [O] et l’entreprise individuelle de M. [O] renvoient à un unique contribuable personne physique. Comme toute personne physique, monsieur [O] était tenu de souscrire chaque année une déclaration de l’ensemble de ses revenus perçus l’année précédente, et cela en vertu de l’article 170 du Code général des impôts (ci-après CGI) selon lequel toute personne imposable à l’impôt sur le revenu doit souscrire une déclaration d’ensemble de ses revenus (personnel et professionnels). e) sur les présomptions relatives aux obligations comptables de M. [O]. Les appelants reprochent à l’ordonnance de reprocher à monsieur [O] une infraction positive ( la passation d’écritures inexactes ou fictives) et à son entreprise individuelle une infraction négative ( l’omission de passation des écritues comptables), entrainant ainsi une divergence entre les motifs et le dispositif de l’ordonnance. Il est rappelé que les présomptions d’omission de passation des écritues comptables et de passation d’écritures inexactes ou fictives visent le même contribuable monsieur [O] (Monsieur [O] et son entreprise individuelle désignant une seule et même personne physique). Les motifs de l’ordonnance visent “M [Z] [O] dit [D]” et le dispositif vise “[O] [Z] à l’enseigne [D]” , au stade de la mise en oeuvre de l’article L16B du LPF ils’agit d’une procédure d’investigation et il ne s’agit pas d’établir les impôts dus par un contribuable (via la mise en oeuvre d’une procédure de vérification de comptabilité). D’ailleurs la Cour de cassation distingue clairement la procédure de visite domiciliaire et la procédure de vérification de comptabilité.

Il est rappelé que l’article L 16B du LPF exige de simples présomptions et non des faits parfaitement caractérisés (jurisprudence citée) et que la Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions d’agissement relevant des articles 1741 ou 1743 du CGI de même que le manquement ou l’irrespect aux obligations déclaratives fiscales et comptables en France (CA, Paris, 3 novembre 2021, n°21/02606).

Il découle de tout ce qui précède que l’ordonnance ne saurait être annulée, les présomptions n’étant d’ailleurs pas sérieusement contestées par les appelants.

Par ces motifs, il est demandé de :

– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris en date du 22 mars 2022 ;

– Rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

– Condamner les appelants au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR LES RECOURS :

Sur le recours contre les opérations de visites domiciliaires au [Adresse 20] à [Localité 18] (RG n°22/06198).

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 11 juillet 2022 et par écritures n°2 déposées le 21 octobre 2022, les requérantes font valoir :

La visite a eu lieu le 24 mars 2022, les recherches effectuées par les agents de la DNEF les ont conduit à saisir des données papier et des données informatiques sur l’ordonateur portable ( Windows) dans le bureau de monsieur [F]. Il est demandé l’annulation des saisies.

A titre principal : annulation du procès-vebal de visite et de saisie en raison du défaut de valeur probante .

Selon l’article L 16B du LPF le procès-verbal relate les modalités et le déroulement de l’opération et consigne les constatations […], en l’espèce il est indiqué dans le PV que les opérations ont duré de 9H30 à 17H50, concernant la visite d’un seul bureau avec la présence de 3 agents de l’administration et un OPJ, or il n’est pas possible que plusieurs personnes soient restées pendant 8H20 dans un seul bureau. Cette lecture critique permet de convaincre de l’absence de sincérité du PV qui ne reflète pas la réalité des opérations et doit conduire à leur annulation.

A titre subsidiaire : annulation de la saisie des éléments informatiques en raison du caractère imprécis et incomplet de l’inventaire ne permettant pas d’identifier les éléments saisis.

– en droit: chacun des fichiers numériques enregistrés dans un dossier compressé ( zip) doit être identifié par une empreinte numérique.

L’article L 16B du LPF prévoit que les agents de l’administration dressent un inventaire des pièces et documents saisis, à défaut tout élément non inventorié doit être annulé. Concernant la saisie des documents papiers, les documents saisis doivent être tous compostés. En matière de saisie informatique la Cour de cassation a rappelé que l’inventaire “identifie chaque fichier par son chemin, son nom d’origine et le calcul d’une empreinte numérique”, l’empreinte numérique étant appelée “clé de hachage”. Ainsi chaque fichier, même si les éléments sont compressés dans un fichier Zip, doit être identifié numériquement, sauf s’il s’agit de fichier insécable. En conséquence la saisie de tout document numérique non individuellement identifié dans l’inventaire par une empreinte numérique doit être annulée.

En l’espèce : la saisie de documents numériques non individuellement identifiés dans l’inventaire par une empreinte propre doit être annulée.

Le processus de saisie, tel que relaté dans le procès-verbal appelle plusieurs critiques.

Le PV ne décrit pas le processus d’identification et de sélection des documents objets de la saisie. La localisation exacte des documents présents dans le portable de [G] [F] n’est pas précisée. Alors que l’inventaire fait état de fichiers”ZIP”, le PV n’en fait pas mention. L’inventaire est imprécis et incomplet et ne permet pas d’identifier numériquement et individuellement les documents présents dans chacun des 3 dossiers “Zip”, les clés de hachage sont celles des dossiers ZIP et non des éléments figurant dans ces dossiers. Il est effectué une comparaison avec la rédaction du PV faite lors des opérations sis [Adresse 8] à [Localité 14] (473 fichiers informatiques regroupés dans 6 sous dossiers identifié par un inventaire).

Enfin, il n’est pas indiqué qu’une copie des éléments saisis aurait été laissée sur l’ordinateur. Contrairement à ce qu’allègue l’administration fiscale dans ses écritures, ce n’est pas l’absence de description du processus d’identification et de sélection des documents ni la forme de l’inventaire qui sont critiqués, en l’espèce la critique porte sur l’opacité du processus de sélection et l’absence d’inventaire détaillés des documents figurant dans 3 dossiers ZIP, de plus l’absence de copie des éléments saisis laissée sur l’ordinateur empêche les requérantes de vérifier l’origine des documents saisis.

Au surplus, les opérations de visite se sont déroulées chez un tiers, les personnes objet des présomptions de fraude n’ont pas pu assister aux opérations, ainsi la retranscription partielle des opérations et l’incomplétude de l’inventaire sont préjudiciables aux droits de la défense.

En conséquence, le caractère gravement imprécis et incomplet de l’inventaire et l’impossibilité d’identifier les éléments informatiques saisis et leur conformité avec les documents originaux seront constatés et la saisie devra être annulée.

Les parties requérantes sollicitent la condamnation de la DNEF au versement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de l’instance.

Par ces motifs, il est demandé de :

A titre principal :

Annuler le procès-verbal dressé au [Adresse 20] à [Localité 18] en raison de son absence flagrante de sincérité ;

A titre subsidiaire :

Annuler l’ensemble de la saisie des éléments informatiques (copiés sur la clé USB de l’administration fiscale) en raison du caractère imprécis et incomplet de l’inventaire qui ne permet pas d’identifier numériquement chacun des fichiers présents dans les 3 dossiers ZIP ;

En conséquence,

Ordonner la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée, à charge pour l’administration fiscale de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’Ordonnance à intervenir ;

Juger que passé ce délai, s’appliquera une astreinte de 2.000 euros par jour de retard jusqu’à la justification effective de la destruction de ces documents ;

Juger que l’administration fiscale sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;

En tout état de cause,

Condamner la Direction Nationale d’Enquêtes Fiscales à verser aux requérantes la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 5 octobre 2022, l’administration fait valoir :

Sur les prétendues incohérences du procès-verbal de visite et de saisie.

Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le procès-verbal retrace précisément les opérations de visite et de saisie.

En l’espèce, il est établi que des saisies informatiques et papier ont été pratiquées, comme le relate le procès-verbal de visite et de saisie. Si le PV mentionne que seul le bureau de [G] [F] a été visité, il a été demandé aux salariés de la société UNIVERSAL FRANCE MUSIC de mettre à disposition tous les documents relatifs à l’entreprise individuelle [O] [Z] à l’enseigne [D], à la société de droit anglais THE FACTORY MANU FACTU RED LLP et à la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP Sàrl.

De plus des saisies informatiques ont été effectuées sur le poste de M. [F] (page 4 du PV citée). Cette critique n’est pas étayée et est sans fondement.

En outre, les opérations se sont déroulées dans les limites temporelles de l’article L.16B, III du LPF qui fixent la période à laquelle les opérations de visite peut commencer (entre 6 heures et 21 heures) mais pas obligatoirement prendre fin.

En l’espèce, peu importe que les opérations de visite aient duré plus de huit heures.

Enfin, le droit de faire appel à un conseil de son choix a dûment été notifié à M. [G] [F], comme le relève la page 3 du procès-verbal.

Sur les saisies informatiques réalisées sur le poste de M. [G] [F].

Contrairement à ce que les requérants font valoir, le procès-verbal n’a pas à décrire le processus d’identification et de sélection des documents objets de la saisie. L’administration n’a aucune obligation de révéler les modalités techniques, les mots de passe et les moteurs de recherche utilisés lors des opérations comme cela a été rappelé par la cour de cassation (Cass. com., 16 octobre 2019, n°18-12.109).

Contrairement à ce que les requérants font valoir, l’inventaire n’est ni imprécis ni incomplet, l’exigence d’inventaire n’étant soumise à aucune forme particulière (Cass. com., 9 novembre 2010, n°09-17.210).

Il est rappelé que l’article L16B du LPF ne soumet l’inventaire à aucune forme particulière. Sur la question de la validité de l’inventaire, la cour de cassation a jugé que l’art L 16B du LPF n’imposait pas qu’il puisse être vérifié à la seule lecture de l’inventaire, que les pièces appréhendées entrent dans le cadre de l’autorisation donnée, le contrôle exercé à cet effet par le premier président en cas de contestation s’exerçant par la confrontation de l’ordonnance et des pièces saisies .Il est rappelé que la saisie des documents au format informatique s’opère par copie, les occupants n’ont pas été dessaisis des originaux et disposent de l’inventaire.

En l’espèce, les trois fichiers ZIP saisis ont fait l’objet d’une identification par empreinte numérique, comme le relate le procès verbal en page 4 et l’annexe du procès-verbal de visite et de saisie. La capture d’écran citée permet de constater que les documents saisis n’ont concerné que le poste de M [F] et concernent trois types de document. La saisie est donc parfaitement valide.

Sur l’argument selon lequel les requérants soutiennent qu’ils n’ont pas été en mesure de vérifier le bon déroulement des opérations de visite qui ont eu lieu chez un tiers ( Universal France Music), il est rappelé qu’il résulte de l’art L 16B du LPF que les opération de visite et de saisie s’opèrent en présence du seul occupant des lieux, auquel les pièces saisies sont ensuite restituées , l’article ne prévoit pas la communication des pièces saisies à un tiers, il est seulement prévu la transmission d’une copie du PV de visite, par dérogation à l’art L103 du LPF (secret fiscal), qui a été effectué en l’espèce en date du 30 mars 2022 (notification du PV aux personnes visées par la présomption de fraude).

Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le détail des opérations de visite et de saisie effectuées chez un occupant ne sont pas communicables à un tiers à l’occupant, quand bien-même il est visé par les présomptions de fraude, et ce, afin d’assurer l’obligation du secret professionnel et le respect de la vie privée de l’occupant.

En l’espèce, les opérations de visite et de saisie se sont déroulées en présence de l’occupant et les saisies des documents dont il est le seul propriétaire, lui seront restituées, comme le prévoit le deuxième alinéa du V de l’article L.16B du LPF.

Par conséquent, les requérants non occupants des lieux visités ne sont pas en droit d’exiger une copie des pièces saisies, celles-ci ne leur appartenant pas, cela étant conforme à la jurisprudence administrative. Les documents saisis seront éventuellement opposés au contribuable dans le cadre du contrôle s’il a lieu (art L 76B du LPF).

En outre, l’Administration rappelle que les dispositions de l’article L.16B du LPF ont été déclarées conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, depuis la loi du 4 aout 2008 ayant mis en place un recours juridictionnel effectif après la condamnation de la France (aff Ravon et autres c/ France),21 février 2008, req.n°18497/03), comme ont pu le juger la Cour européenne (CEDH, 31 aout 2010, req. n°33088/08, SAS Arcalia c/ France) ainsi que nos juridictions nationales (Cass. Com., 12 octobre 2010, n°09/70.740).

Les dispositions de l’article L.16B du LPF ont également été jugées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel (DC n°2010-19/27, QPC du 30 juillet 2017).

En conséquence, les opérations de visite et de saisie sont régulières.

Le Directeur Général des Finances Publiques est recevable et fondé à demander la condamnation des requérants à l’indemniser de ses frais irrépétibles par le paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ces motifs, il est demandé de :

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

– condamner les requérants au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur le recours contre les opérations de visites domiciliaires au [Adresse 2] à [Localité 19] (RG 22/06190) :

Aucune conclusion n’a été déposée dans le cadre de ce recours, à l’audience du 26 octobre 2022 le conseil des requérants a confirmé ne pas soutenir ce recours.

SUR CE

SUR LA JONCTION

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous le numéro de RG 22/06186 (appel) et sous les numéros de RG 22/ 06190 et 22/06198 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR L’APPEL

-Sur le moyen selon lequel l’ordonnance ne pouvait autoriser une visite domiciliaire à l’encontre de l’entreprise individuelle qui n’a pas la qualité de contribuable.

Il convient de rappeler que l’article L 16 B du LPF prévoit l’autorisation par le juge de procéder à une visite domiciliaire lorsqu’il existe des présomptions qu’un “contribuable ” se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires […], que les parties appelantes dénient la qualité de contribuable à l’entreprise individuelle “[O] [Z] à l’enseigne [D]”.

Or il convient de rappeler que l’entreprise individuelle est une entreprise dirigée par une seule personne qui n’a pas de personnalité morale, que l’entrepreneur exerce son activité sans avoir créé de personne juridique distincte, que l’identité de l’entreprise correspond à celle du dirigeant qui est responsable sur ses biens propres, que les patrimoines sont confondus, que le principe d’imposition est que l’entrepreneur est imposé personnellement à l’impôt sur le revenu sur les bénéfices réalisés par l’intermédiaire de son activité, qu’il est imposé personnellement à l’impôt sur le revenu sur le bénéfice fiscal réalisé et à la taxe sur la valeur ajoutée, qu’il en résulte que l’activité de l’entrepreneur individuel est soumise à un régime d’imposition, que l’article 1655 sexies du CGI prend en compte le régime fiscal qui s’applique à cet entrepreneur individuel, qu’il en résulte que l’entreprise individuelle peut-être considérée comme un contribuable au titre de l’article L 16B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

– Sur le moyen selon lequel l’ordonnance incohérente et incomplète sur le fond trahit le défaut de contrôle effectif par le JLD des documents présentés par la DNEF.

Sur la critique de l’ordonnance pré-rédigée par l’administration fiscale.

Le juge des libertés et de la détention destinataire du projet d’ordonnance peut signer le document en l’état par simple commodité, il peut également demander une copie numérique du document qui lui est soumis. Dès lors, il peut modifier à sa guise le modèle d’ordonnance qui lui est proposé en supprimant des arguments non-pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l’administration. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, il s’approprie la motivation de l’autorisation qu’il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d’enregistrement. Selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, les motifs et dispositifs de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui a signé l’acte, cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d’une procédure non contradictoire, la Cour de cassation a également jugé que la circonstance que l’ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d’autres présidents n’est pas de nature à l’entacher d’irrégularité.

Sur l’absence de contrôle effectif par le JLD des documents présentés par la DNEF.

Les parties appelantes soutiennent que le JLD n’a pas exercé de contrôle effectif sur les documents soumis par la DNEF, sans produire de pièce à l’appui de leur argument.

Il convient de rappeler que l’ordonnance rendue et signée par le JLD est présumée être établie par celui-ci (Cass.com., 3 mai 2018, n°16-25.068). Par ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le grief tiré de l’ineffectivité du contrôle opéré par le JLD ne saurait prospérer dans la mesure où la Cour d’appel sera amenée à effectuer un second contrôle des pièces produites par l’Administration fiscale à l’appui de sa demande d’autorisation pour diligenter une visite domiciliaire.

Au cas présent, il convient de rappeler que le JLD dans son ordonnance a relevé après un examen in concreto des pièces qui lui étaient soumises selon la méthode dit “du faisceau d’indices” qu’il existait des indices laissant apparaître des présomptions simples de manquements à certaines obligations fiscales justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite domiciliaire. En l’espèce, la requête de l’administration était accompagnée de 164 pièces sur lesquelles le juge a pu se fonder pour rendre sa décision, étant observé que les pièces soumises au JLD pour fonder les présomptions de fraude ne sont pas contestées par les parties appelantes. En l’espèce aucun élément ne permet d’affirmer que le juge n’a pas exercé le contrôle effectif des pièces soumises à son appréciation.

Concernant les “incohérences de fond de l’ordonnance” dénoncées par les parties appelantes, celles-ci se contentent de critiquer la motivation de l’ordonnance sans démontrer en quoi les éléments rapportés pour établir la présomption de fraude seraient inexacts, en ce qui concerne la prétendue confusion entretenue entre l’entreprise individuelle de monsieur [O] et monsieur [O], il convient de rappeler qu’il s’agit d’une même personne et qu’en vertu de l’article 170-1 du CGI, toute personne imposable à l’impôt sur le revenu doit souscrire une déclaration d’ensemble de ses revenus (personnels et professionnels) ce qui est le cas de monsieur [O], concernant la contestation des présomptions relatives aux obligations comptables de monsieur [O], il convient de rappeler que les présomptions d’omission de passation des écritures comptables et de passation d’écritures inexactes ou fictives visent le même contribuable ( monsieur [O] et son entreprise individuelle désignant une seule et même personne physique) même si les motifs de l’ordonnance visent “M [Z] [O] dit [D]” et le dispositif vise ” [O] [Z] à l’enseigne [D]”, qu’au stade de la mise en oeuvre de l’article L16B du LPF il s’agit d’une procédure d’investigation et qu’ il ne s’agit pas d’établir les impôts dus par un contribuable, que d’ailleurs la Cour de cassation distingue clairement la procédure de visite domiciliaire et la procédure de vérification de comptabilité, qu’il convient de rappeler que l’article L 16B du LPF exige de simples présomptions et non des faits parfaitement caractérisés. En ce qui concerne les pièces 4 , 5 et 6 produites par les appelants pour contester l’évaluation des revenus de M [Z] [O] dit [D], ces pièces ne viennent pas contredire les éléments retenus par le JLD qui retient que celui-ci n’a pas déclaré l’intégralité de ses revenus au titre des années 2017 à 2019, qu’il n’a pas déclaré l’intégralité des recettes générées par son activité de chanteur (pièces 23 et 25) permettant d’établir les présomptions de fraude.

Sur les liens indivisibles et connexes existant entre les entités visées par les présomptions de fraude conduisant à prononcer l’annulation de l’intégralité de l’ordonnance, la qualité de contribuable de “l’entreprise individuelle [O] [Z] ” ayant été été établie par le JLD, au même titre que la société de droit anglais THE FACTORY MANUFACTURED LLP et la société de droit luxembourgeois MONSTERS GROUP SARL, comme pouvant faire l’objet d’une visite domiciliaire, cet argument devient inopérant.

Le moyen selon lequel l’ordonnance incohérente et incomplète sur le fond trahit le défaut de contrôle effectif par le JLD des documents présentés par la DNEF, est rejeté.

L’ordonnance rendue le 22 mars 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de Paris sera déclarée régulière et confirmée.

SUR LES RECOURS

Concernant les opérations de visites domiciliaires au [Adresse 20] à [Localité 18] (RG n°22/06198).

Sur la demande d’annulation du procés-verbal de visite et de saisies en raison du défaut de valeur probante.

Il résulte d’une lecture attentive du procès-verbal (PV) relatant les opérations de visite et de saisie que les agents de l’administration fiscale et l’OPJ se sont présentés à l’adresse des lieux visités le 24 mars 2022 à 9H30, que les formalités liées à la prise de contact avec le représentant légal de la SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE (9H50), à la désignation du représentant de l’occupant des lieux (Monsieur [G] [F]) et à la notification de l’ordonnance et des droits (notamment le droit de faire appel à un conseil) ont pris un temps certain, que la visite du bureau de [G] [F] a permis la saisie de documents papiers et de supports informatiques, que les agents dans le procès-verbal précisent avoir vérifié que les documents étaient “relatifs à la fraude présumée”, que l’ensemble de ces vérifications eu égard à l’importance des fichiers examinés exigent plusieurs heures de travail, que les agents ont constaté la présence de fichiers informatiques dans l’ordinateur portable présent dans le bureau “entrant dans le champ de l’autorisation délivrée par le JLD”, qu’ils ont procédé à la sélection et à la copie des fichiers sur une clé USB ainsi qu’à d’autres vérifications à la fin des opérations de saisie, que le PV qui indique comme heure de fin des opérations “17H50” est tout à fait cohérent eu égard au caractère volumineux des fichiers transférés nécessitant d’utiliser le format ZIP, qu’il convient d’ailleurs de relever que le représentant de l’occupant des lieux a signé le PV sans émettre aucune réserve au sujet de l’heure de fin des opérations, que le PV signé par les agents de l’administration fiscale, l’officier de police judiciaire et l’occupant des lieux fait foi, qu’aucun élément ne permet de mettre en cause sa valeur probante, que l’absence d’avocat évoquée n’a aucune incidence, le représentant de l’occupant des lieux ayant été informé de ce droit dont il n’a pas fait usage.

Ce moyen sera rejeté.

Sur la demande d’annulation de la saisie des éléments informatiques en raison du caractère imprécis et incomplet de l’inventaire ne permettant pas d’identifier les éléments saisis.

Il convient de rappeler que l’article L16B du LPF prévoit qu’ “un inventaire des pièces et documents saisis est annexé au procès-verbal si’il y a lieu” et que l’inventaire et le procès-verbal doivent être signés par les personnes ayant participé aux opérations, que l’article L16B du LPF ne soumet l’inventaire à aucune forme particulière, que la Ccour de cassation a jugé concernant la validité de l’inventaire que l’art L 16B du LPF n’imposait pas qu’il puisse être vérifié à la seule lecture de l’inventaire que les pièces appréhendées entrent dans le cadre de l’autorisation donnée, le contrôle exercé à cet effet par le premier président en cas de contestation s’exerçant par la confrontation de l’ordonnance et des pièces saisies.

Il convient de relever qu’il résulte du procès-verbal contesté que les agents de l’administration ont sélectionné les fichiers entrant dans le champ de l’autorisation et les ont copié sur une clé USB, qu’ils ont procédé à l’authentification numérique de chaque fichier et ont élaboré l’inventaire, que le PV précise ” cet inventaire comportant l’authentification numérique de chaque fichier a été imprimé et joint en annexe au présent procès-verbal”, que ces opérations ont été effectuées en présence de monsieur [F], représentant de l’occupant des lieux, que cet inventaire ainsi que le PV ont été signés par tous les intervenants, que le représentant de l’occupant des lieux a récupéré un exemplaire, qu’il en résulte que la confection et la délivrance de l’inventaire est conforme à l’article L 16B du LPF.

Les requérants affirment que l’inventaire serait imprécis et incomplet du fait qu’il est fait état de fichiers ZIP( piècen°9), sans apporter aucune pièce justificative qui démontrerait l’incomplétude et l’imprécision de l’inventaire, la comparaison avec l’inventaire dressé lors des opérations effectuées au [Adresse 8] à [Localité 14] n’a aucune portée s’agissant de saisies de fichiers informatiques différents, en ce qui concerne l’absence de description du processus d’identification et l’absence d’une copie des éléments saisis sur l’ordinateur, il convient de rappeler que le texte de l’article L 16Bdu LPF ne prévoit pas ctte obligation. L’administration n’a aucune obligation de révéler les modalités techniques, les mots de passe et les moteurs de recherche utilisés lors des opérations comme cela a été rappelé par la Cour de cassation En l’espèce, les trois fichiers ZIP saisis ont fait l’objet d’une identification par empreinte numérique, comme le relate le procès verbal en page 4 et l’annexe du procès-verbal de visite et de saisie. La capture d’écran produite par l’administration fiscale permet de constater que les documents saisis n’ont concerné que le poste de M [F] et concernent trois types de document. La saisie est donc conforme à l’article L16B du LPF et parfaitement valide.

Concernant l’impossibilité d’identifier les éléments informatiques saisis, il convient de rappeler que la saisie des documents au format informatique s’opère par copie, les occupants n’ont pas été dessaisis des originaux et disposent de l’inventaire,étant observé que seul l’occupant des lieux ou son représentant est destinataire de cet inventaire au moment des opérations de saisie et que les personnes visées dans l’ordonnance du JLD comme” auteur présumé des agissements ” en recevront communication ultérieurement selon l’article L 16B du LPF- V.

Ce moyen sera rejeté.

Concernant le recours contre les opérations de visites domiciliaires au[Adresse 2] à [Localité 19], il sera déclaré non soutenu.

Ainsi, les opérations de visite et saisie effectuées le 24 mars 2022 seront confirmées.

Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

– Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 22/06186 (appel) et de RG 22/ 06190 et , 22/06198 (recours) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 22/ 06186) ;

– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 22 mars 2022 ;

– Déclarons régulières les opérations de visite et saisies effectuées en date du 24 mars 2022 dans les locaux et dépendances sis :

– [Adresse 5] à [Localité 18]

-[Adresse 2] à [Localité 19] ;

-Rejetons toute autre demande ;

– Disons qu’il convient d’accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT

 


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