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PS / MS
Numéro 23/465
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 02/02/2023
Dossier : N° RG 20/02554 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HVRJ
Nature affaire :
Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte
Affaire :
CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE
C/
[N] [V]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 02 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 27 Octobre 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame SORONDO, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître BRUNET-RICHOU, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME :
Monsieur [N] [V]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Maître JAMAI-PERPIGNAA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 28 SEPTEMBRE 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 18/10145
FAITS ET PROCEDURE
Par courrier recommandé en date du 2 juillet 2018 réceptionné le 9 juillet 2018, la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV) a mis en demeure M. [N] [V] de lui régler une somme de 8.008 € dont 7.229 € au titre de cotisations exigibles du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et 779 € de majorations de retard.
Le 10 juillet 2019, la CIPAV a émis contre M. [V] une contrainte aux fins de recouvrement d’une somme de 7.739,22 € dont 7.229 € de cotisations et 510,22 € de majorations de retard. Cette contrainte a été signifiée à M. [V] par acte d’huissier du 29 août 2019 remis à sa personne.
Le 12 septembre 2019, M. [V] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Pau, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Pau, d’une opposition à cette contrainte.
Par jugement du 28 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Pau a :
– déclaré l’opposition à contrainte recevable,
– déclaré fondée l’opposition à contrainte,
– débouté la CIPAV de sa demande de validation de la contrainte du 10 juillet 2019 notifiée à M. [V] le 29 août 2019,
– débouté les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens de la procédure seront supportés par la CIPAV.
Ce jugement a été notifié aux parties par courriers recommandés avec demandes d’avis de réception. La CIPAV en a été destinataire le 12 octobre 2020 et en a interjeté appel par courrier recommandé expédié le 29 octobre 2020 et reçu au greffe le 3 novembre 2020.
Selon avis de convocation en date du 18 mai 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l’audience du 27 octobre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 20 octobre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la CIPAV, appelante, demande à la cour :
– de confirmer partiellement le jugement en ce qu’il a jugé l’affiliation de M. [V] bien fondée,
– infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a :
* déclaré recevable l’opposition à contrainte,
* débouté la CIPAV de sa demande de validation de la contrainte du 10 juillet 2019 notifiée à M. [V] le 29 août 2019 relative au paiement d’une somme totale de 7.739,22 € représentant les cotisations et majorations de retard dues pour les années 2016 et 2017,
* débouté la CIPAV de sa demande de condamnation de M. [V] au paiement de l’article 700 du code de procédure civile,
* dit que les frais de signification prévus par les articles R.133-3 du code de la sécurité sociale restent à la charge de la CIPAV,
* dit que les dépens de la procédure seront supportés par la CIPAV,
* débouté la CIPAV de l’ensemble de ses demandes,
– Statuant à nouveau,
A titre principal,
– dire et juger l’opposition à contrainte de M. [V] infondée,
– valider la contrainte du 10 juillet 2019 à hauteur de 6.579 € au titre des cotisations et 510,22 € au titre des majorations de retard,
A titre subsidiaire, si la cour estimait que la cotisation du régime complémentaire doit être régularisée sur la base du revenu N,
– dire et juger l’opposition à contrainte de M. [V] infondée,
– valider la contrainte du 10 juillet 2019 à hauteur de 5.303 € au titre des cotisations et 510,22 € au titre des majorations de retard,
En tout état de cause,
– débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [V] à lui payer 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [V] au paiement des frais de recouvrement conformément à l’article R.133-6 du code de la sécurité sociale ainsi qu’aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 16 septembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, M.[V], intimé, demande à la cour de :
– déclarer son appel incident recevable et fondé,
A titre principal,
– réformer la motivation du jugement déféré en ce qu’il a retenu le bien-fondé de son affiliation à la CIPAV,
– réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’opposition à contrainte,
– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré fondée l’opposition à contrainte,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la CIPAV de sa demande de validation de la contrainte,
En conséquence,
– condamner la CIPAV à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
SUR QUOI LA COUR
Sur l’affiliation de M. [V] à la CIPAV
La CIPAV soutient que l’exercice par M. [V] d’une activité libérale de conseil de gestion l’obligeait à cotiser à la CIPAV à laquelle il a été affilié du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 en application des articles L.642-1 et R.641-1 11° du code de la sécurité sociale. Le fait d’exercer cette activité sous le statut de gérant de Sarl est indifférent. De même, l’activité d’agent commercial immobilier invoquée par M. [V] est à distinguer de celle réglementée d’agent immobilier. Il ne s’agit pas, par nature, d’un commerçant. A la lecture de son mandat, ses activités sont de nature civile. De même, son régime d’imposition ne permet pas d’écarter son affiliation à la CIPAV. En effet, le mandat fait état de bénéfices non commerciaux et les déclarations fiscales qu’il produit ne caractérisent pas qu’il aurait déclaré des bénéfices industriels et commerciaux.
Elle considère qu’elle était légitime à affilier M. [V] à compter du 1er janvier 2016 eu égard à la déclaration par ce dernier de revenus d’activité non salariée en 2015. Il lui appartient de démontrer qu’il a cotisé auprès d’une autre caisse au titre de l’assurance vieillesse, ce qu’il ne fait pas.
M. [V] conteste son affiliation à la CIPAV aux motifs :
– que l’activité d’agent immobilier est par nature commerciale,
– qu’en application des articles L.311-2 et L.311-3 11° du code de la sécurité sociale, tout gérant majoritaire de Sarl relève, pour l’assurance maladie, du régime social des indépendants,
– que les professions artisanales, industrielles et commerciales relèvent pour l’assurance retraite, du RSI,
– que les agents commerciaux sont obligatoirement affiliés à l’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés des professions industrielles et commerciales,
– que seules relèvent de la CIPAV les professions énumérées par l’article L.622-5 du code de la sécurité sociale.
Il soutient qu’il a exercé une activité purement commerciale d’agent immobilier dans le cadre de la SARL [5], qu’il a créée et dont il est le gérant, pour la société [4], agence immobilière. Son activité consistait à faire de la prospection sur le terrain et par téléphone aux fins d’obtenir des mandats de vente de vendeurs, organiser des visites des biens et accompagner ensuite les acheteurs tout au long du processus d’acquisition. Ses missions habituelles étaient la mise en relation de propriétaires de biens immobiliers et d’acheteurs. Il était rémunéré par des commissions sur les prix de vente. Il devait donc être affilié à la caisse de retraite du RSI. Il a toujours déclaré ses revenus au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Il n’a pas changé d’activité entre 2011 et 2016, et rien ne justifiait son affiliation à la CIPAV à compter du 1er janvier 2016.
Sur ce,
Le litige porte sur l’affiliation à la CIPAV de M. [V] en considération de son activité d’agent commercial immobilier. Au vu du mandat produit, M. [V] a contracté le 15 décembre 2011 avec la Sarl [4], qui exploite une agence immobilière à [Localité 6], un mandat d’agent commercial immobilier, à durée indéterminée, dont l’objet était de « la représenter à titre de professionnel indépendant auprès de sa clientèle », « agir au nom et pour le compte de l’agence », « procéder à la recherche de vendeurs, d’acheteurs, de propriétaires et de locataires pour le compte de l’agence et s’efforcer d’obtenir la signature des mandats de vente ou de recherche et celle des mandats de location, développer la clientèle du mandant ». Sa rémunération était constituée d’une commission sur les honoraires hors taxes effectivement perçus par l’agence sur les affaires réalisées par son entremise ; un avenant a été souscrit le 22 février 2016, par lequel le pourcentage de ses commissions a été modifié.
L’activité d’agent commercial immobilier est réglementée par l’article 4 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, issu de l’article 13 de la loi 2006-872 du 13 juillet 2006. Il doit disposer d’une attestation d’habilitation délivrée par le mandant titulaire de la carte professionnelle d’agent immobilier et visée par la Chambre de Commerce et de l’Industrie et les dispositions des articles L.134-1 à L.134-17 du code de commerce relatives aux agents commerciaux lui sont applicables. A ce titre, il doit être inscrit au registre spécial des agents commerciaux. Ces obligations sont stipulées sur le mandat ci-dessus.
A la date de l’affiliation de M. [V] le 1er janvier 2016, les personnes non salariées ou assimilées relevaient, s’agissant de l’assurance vieillesse, des dispositions ci-après du code de la sécurité sociale :
L.621-du 2 code de la sécurité sociale : Le service des prestations de vieillesse est assuré par des organisations autonomes fonctionnant pour un ou plusieurs des groupes professionnels définis à l’article L.621-3 et comportant éventuellement une caisse nationale, des caisses locales ou régionales ou des sections professionnelles.
Des décrets en Conseil d’Etat déterminent, après avis du conseil d’administration de la caisse nationale intéressée, la structure des organisations, leurs règles de fonctionnement ainsi que le mode d’élection des membres des conseils d’administration de leurs caisses ou sections de caisses.
L.621-3 du code de la sécurité sociale : Les groupes professionnels mentionnés à l’article L. 621-2 sont :
1° Le groupe des professions artisanales ;
2° Le groupe des professions industrielles et commerciales ;
3° Le groupe des professions libérales ;
4° Le groupe des professions agricoles.
Sur proposition de ces régimes, des décrets en Conseil d’Etat pourront décider la fusion de plusieurs d’entre eux.
L.622-5 du code de la sécurité sociale : Les professions libérales groupent les personnes exerçant l’une des professions ci-après ou dont la dernière activité professionnelle a consisté dans l’exercice de l’une de ces professions :
1°) médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, architecte, expert-comptable, vétérinaire ;
2°) notaire, huissier de justice, personne ayant la qualité de commissaire-priseur judiciaire ou habilité à diriger les ventes dans les conditions prévues à l’article L.321-4 du code de commerce, syndic ou administrateur et liquidateur judiciaire, agréé, greffier, expert devant les tribunaux, personne bénéficiaire de l’agrément prévu par l’article L.472-1 du code de l’action sociale et des familles, courtier en valeurs, arbitre devant le tribunal de commerce, artiste non mentionné à l’article L.382-1, ingénieur-conseil, auxiliaire médical, agent général d’assurances ;
3°) et d’une manière générale, toute personne autre que les avocats, exerçant une activité professionnelle non-salariée et qui n’est pas assimilée à une activité salariée pour l’application du livre III du présent code, lorsque cette activité ne relève pas d’une autre organisation autonome en vertu des articles L.622-3, L.622-4, L.622-6 ou d’un décret pris en application de l’article L.622-7.
Pour des raisons impérieuses de sécurité, les moniteurs de ski titulaires d’un brevet d’Etat ou d’une autorisation d’exercer, organisés en association ou en syndicat professionnel pour la mise en ‘uvre de leur activité, sont considérés comme exerçant une activité non salariée relevant du régime des travailleurs indépendants et ce, quel que soit le public auquel ils s’adressent.
L.622-7 du code de la sécurité sociale : Des décrets pris après consultation du conseil d’administration de la caisse nationale intéressée classent dans l’un des quatre groupes mentionnés à l’article L.621-3 *professions artisanales, industrielles et commerciales, libérales et agricoles*, les activités professionnelles non salariées qui ne sont pas énumérées aux articles L.622-3 à L.622-6.
Suivant l’article 1er du décret n° 50-1026 du 18 août 1950, pris en application de ce dernier texte et toujours en vigueur : Sont obligatoirement affiliés, en application de l’article L.622-7 du code de la sécurité sociale, à l’organisation autonome d’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés des professions industrielles et commerciales :
– les agents commerciaux dont l’activité professionnelle comporte inscription au registre spécial institué par le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 ou dont l’activité professionnelle aurait été de nature à provoquer cette inscription si elle avait été prévue à l’époque où les intéressés ont exercé cette activité ;
– les intermédiaires et auxiliaires du commerce assujettis à l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux ou les bénéfices non commerciaux ;
– les mandataires libres qui ne sont pas assimilés aux salariés pour l’application de la législation sur la sécurité sociale et qui n’exercent pas leur activité pour le compte d’un membre d’une profession libérale ;
– les placiers sur les marchés.
Les agents commerciaux qui exercent simultanément leur activité dans les conditions comportant leur assujettissement au régime général des assurances sociales et dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, sont affiliés à la caisse d’allocation vieillesse dont relève leur activité non-salariée, même si celle-ci est exercée à titre accessoire, sans préjudice de leur affiliation au régime général des assurances sociales.
Il ressort de ces dispositions que l’affiliation de M. [V] à la CIPAV, au titre de son activité d’agent commercial immobilier, n’est pas justifiée. Le jugement sera en conséquence confirmé.
Sur les autres demandes
La CIPAV, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance et à payer à M. [V] d’une indemnité de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 28 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Pau,
Y ajoutant,
Condamne la CIPAV aux dépens exposés en appel,
Condamne la CIPAV à payer à M. [N] [V] la somme de 1.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,