Contrat d’Artiste : 9 février 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01244

·

·

Contrat d’Artiste : 9 février 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01244
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

N° RG 21/01244 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GXI5

[A] [P]

C/ Société OFFICE DE TOURISME DE [Localité 4]

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 31 Mai 2021, RG F 19/00139

APPELANT :

Monsieur [A] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Michel PICCAMIGLIO, avocat plaidant inscrit au barreau de GRENOBLE

et par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

Société OFFICE DE TOURISME DE [Localité 4]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie MASCHIO de la SELAS CHAMBEL & ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de BONNEVILLE

et par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 20 Octobre 2022 devant Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, et Madame Iasbelle CHUILON, Conseiller, chargée du rapport, avec l’assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier,

et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS

Madame Iasbelle CHUILON

Madame Elsa LAVERGNE

Copies délivrées le :

********

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [A] [P] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 1er juin 2010 par l’office de tourisme de [Localité 4], en qualité de responsable animation/évènement, à temps plein (35 heures par semaine), moyennant un salaire mensuel brut de 1.711,20 euros. Un logement pris en charge par l’employeur était, par ailleurs, mis à sa disposition.

Par avenant à son contrat de travail, il a été décidé qu’à compter du 1er mai 2011 le salarié ne disposerait plus dudit logement, et de réintégrer cet avantage en nature sous forme de « prime de logement » d’un montant mensuel brut de 316.80 euros.

La convention collective nationale des organismes de tourisme est applicable.

L’effectif de l’entreprise est supérieur à 11 salariés.

Le 17 septembre 2018, l’office de tourisme de [Localité 4] a adressé un avertissement à M. [A] [P] par pli recommandé qu’il réceptionnait le 18 septembre 2018.

A compter du 19 septembre 2018, M. [A] [P] a été placé en arrêt de travail, prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 14 décembre 2018.

Le 20 novembre 2018, Maître Piccamiglio, avocat de M. [A] [P] écrivait à l’office de tourisme de [Localité 4] pour faire part du désaccord de son client quant à l’exécution de son contrat de travail, notamment avec l’avertissement délivré, et l’interrogeait sur la possibilité d’un règlement amiable du conflit.

A l’issue d’une visite de reprise du 14 décembre 2018, le médecin du travail a déclaré M. [A] [P] ‘inapte à tout poste’ avec dispense de reclassement.

Par lettre recommandée du 19 décembre 2018, l’office de tourisme de [Localité 4] indiquait à M. [P] qu’il était dans l’impossibilité de pourvoir à son reclassement compte tenu de l’avis d’inaptitude, puis le convoquait, par courrier recommandé du 20 décembre 2018, à un entretien préalable fixé au 03 janvier 2019.

Par lettre recommandée du 08 janvier 2019, M. [A] [P] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [A] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Bonneville le 18 septembre 2019, afin de contester le bien-fondé de son licenciement et solliciter le versement de diverses sommes et indemnités (pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité, licenciement nul ou, à défaut, sans cause réelle et sérieuse, indemnités de préavis, de congés payés afférents, et au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail).

Par jugement du 31 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Bonneville a :

-Dit et jugé que le harcèlement moral de M.[A] [P] n’est pas établi,

-Dit que l’office de tourisme de [Localité 4] n’a pas manqué à son obligation de sécurité,

-Dit que le licenciement de M. [A] [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

-Dit que l’existence d’heures d’astreinte n’est pas démontrée,

-Débouté M. [A] [P] de toutes ses demandes,

-Débouté l’office de tourisme de [Localité 4] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamné M. [A] [P] aux dépens.

M. [A] [P] a interjeté appel à l’encontre de cette décision, par déclaration enregistrée le 15 juin 2021 par RPVA.

Suivant dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [A] [P] demande à la cour de :

-Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Bonneville en toutes ses dispositions,

-Et statuant de nouveau,

à titre principal,

-Requalifier le licenciement en licenciement nul pour harcèlement moral ;

-Condamner l’employeur à verser les sommes suivantes :

*5.000 euros au titre du harcèlement moral ;

*20.715,84 euros (soit 8 mois de salaire brut) au titre de l’indemnité pour licenciement nul ;

*5.178,96 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

*517,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis ;

*2.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

à titre subsidiaire :

-Requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-Condamner l’employeur à verser les sommes suivantes :

*15.536,88 euros (soit 6 mois de salaire brut) au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*5.178,96 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

*517,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis ;

*2.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

en tout état de cause :

-Condamner l’employeur à payer:

*2.000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité ;

*2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

*les entiers dépens de première instance et d’appel;

-Dire que les sommes auxquelles l’office de tourisme de [Localité 4] sera condamné à payer à M. [P] porteront intérêt au taux légal avec leur capitalisation à compter du jour de sa demande;

Au soutien de ses prétentions, M. [A] [P] fait valoir que :

Il a toujours accompli son travail de manière consciencieuse et professionnelle.

Malgré cela, à partir du mois de décembre 2017, ses relations avec M. [R], directeur de l’office de tourisme de [Localité 4], ont commencé à se dégrader.

Son supérieur hiérarchique s’est livré à du harcèlement moral à son encontre, en lui faisant de nombreuses menaces, pressions, intimidations et critiques infondées.

M. [R] contredisait sans cesse les directives qu’il donnait à ses subordonnés afin de le décrédibiliser et dans le but de porter atteinte à sa carrière professionnelle. Il était, à ce titre, évincé de certaines réunions.

Lors d’une réunion d’équipe en décembre 2017, M. [R] a déclaré, à son sujet :'[A] sera le prochain à partir’.

Le 27 août 2018, son directeur lui a proposé « un rendez-vous dans son bureau ou sous la tente à l’abri des regards », au cours duquel ils ont eu une violente altercation verbale.

Les faits sont corroborés par les attestations de ses collaborateurs qui témoignent du mépris et de l’agressivité de M.[R], que ce dernier manifestait, également, envers d’autres personnes, notamment M.[L], lequel a du déposer plainte contre lui pour violences.

Le témoignage de Mme [H], produit par la partie adverse, doit être remis en cause, ce qu’il s’agit de l’épouse d’un membre du conseil d’administration.

Il s’est plaint du comportement de M. [R] à plusieurs reprises, y compris auprès du président de l’office de tourisme.

Pour autant, aucune mesure n’a été prise par l’employeur pour faire cesser le harcèlement moral qu’il subissait.

Au contraire, quelques jours après son entretien avec le président, il a été sanctionné d’un avertissement injustifié portant atteinte à la liberté d’expression du salarié dans l’entreprise et basé sur des faits non avérés.

Ses propos ont fait l’objet d’une mauvaise interprétation et d’un quiproquo de la part des deux intervenants qui en ont été destinataires. Il s’en est excusé auprès de M.[R] uniquement par courtoisie, dans le but d’aplanir la situation.

Cet avertissement, qu’il a contesté, n’avait pour but que d’accentuer les pressions qu’il subissait.

Du fait de cet acharnement, ses conditions de travail et son état de santé se sont dégradés.Il conserve encore aujourd’hui des séquelles de la situation qu’il a vécue.

M. [R] a continué de le solliciter, même pendant les périodes de congés, de récupération ou encore pendant ses arrêts de travail.

Son inaptitude à tout poste dans l’entreprise est la conséquence directe du harcèlement moral qu’il a subi de la part de son supérieur hiérarchique, ou a minima, du comportement fautif de son employeur, lequel a manqué à son obligation de sécurité.

Il est, dès lors, légitime à demander la requalification de son licenciement en licenciement nul, ou a minima en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à solliciter diverses indemnités, notamment du fait que le contrat de travail n’a pas été exécuté de bonne foi.

Son employeur a même essayé d’obtenir des attestations mensongères à son encontre.

Il n’a jamais proposé une offre de service en qualité d’artificier par le biais de sa microentreprise alors qu’il était en arrêt de travail. La société dénommée « Grand Massif Artifice » n’a jamais été la sienne.

*

Suivant dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l’office de tourisme de [Localité 4] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Débouter M. [A] [P] de l’intégralité de ses demandes,

-Condamner M. [A] [P] à payer à l’office de tourisme de [Localité 4] la somme de 3.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamner M. [A] [P] aux entiers dépens.

L’office de tourisme de [Localité 4] fait valoir que :

M. [P] n’a jamais été victime de harcèlement de la part de son directeur M.[R], lequel conteste avoir adopté une attitude de cette sorte à son égard.

Il se contente de procéder par affirmations, sans décrire aucun fait précis et ses allégations ne sont corroborées par aucune pièce recevable ou élément sérieux.Ce salarié ne démontre aucunement les menaces, pressions et intimidations dont il dit avoir fait l’objet.

Les témoignages produits par le salarié ne sont pas conformes à l’article 202 du code de procédure civile, à défaut, notamment, de comporter une pièce d’identité.

La plainte pénale de M. [P] [A] pour harcèlement moral a fait l’objet d’un classement sans suite.

Il verse aux débats des attestations de salariées, travaillant depuis de nombreuses années au sein de l’agence sous la direction de M.[R], lesquelles déclarent n’avoir jamais été témoins d’un quelconque harcèlement moral, auquel ce dernier se serait livré, ni même de propos déplacés.

Le litige d’ordre privé entre M.[R] et M.[L] est totalement étranger à la procédure et a donné lieu à un classement sans suite du parquet.

Le fait que M. [P] n’ait pas été présent à une seule réunion ne constitue pas « une mise au placard » comme allégué.

L’avertissement dont le salarié a fait l’objet ne saurait être assimilé à du harcèlement moral, lequel nécessite, en outre, des agissements répétés.

M.[P] a rapporté de faux propos à des intervenants en les imputant à M.[R]. Il a, également, modifié le planning sans prévenir sa direction malgré les consignes. Il a reconnu ses torts et s’en est même excusé.

Son avertissement était donc pleinement justifié par des éléments objectifs, en dehors de tout harcèlement moral.

En adressant cet unique avertissement au salarié à raison des manquements constatés à ses obligations professionnelles, l’employeur n’a fait qu’exercer légitimement son pouvoir de direction, dans le but qu’il se remobilise.

L’avertissement a été validé par les membres du conseil d’administration. M. [P] [A] ne l’a, d’ailleurs, pas contesté, sauf à dire qu’il aurait porté atteinte à sa liberté d’expression.

En réalité, M. [P] avait anticipé son départ, puisque, dès le 30 août 2018, il avait postulé pour un nouvel emploi auprès du service des pistes. De plus, le 21 septembre 2018, soit seulement deux jours après son arrêt de travail, ce salarié transmettait aux différentes communes de la région une offre de prestations de services en qualité d’artificier dans le cadre de la micro-entreprise qu’il avait créée.

M. [P] [A] a sciemment organisé son inaptitude pour obliger son employeur à le licencier et obtenir le règlement de sommes importantes.

Aucun des arrêts de travail produits ne permet d’en imputer l’origine au milieu professionnel.

M.[P] ne justifie pas avoir sollicité auprès de la CPAM sa prise en charge à titre professionnel.

La preuve que l’inaptitude médicalement constatée de M.[P] résulterait d’une faute de son employeur n’est pas rapportée.

M.[P] ne démontre pas en quoi son employeur aurait manqué à ses obligations, ni des séquelles prétendûment engendrées.

Ce salarié n’a jamais signalé au président de l’office de tourisme l’existence de difficultés relationnelles avec le directeur, qu’il aurait sous-estimées ou tardées à traiter.

Il n’a pas été informé d’une possible situation de harcèlement,de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris de mesures de protection à l’égard de M.[A] [P].

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 1er juillet 2022.

La date des plaidoiries a été fixée à l’audience du 20 octobre 2022.

L’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2022, prorogé au 09 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L.1152-2 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte ‘pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.’

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail est nulle (article L.1152-3 du même code) .

Dès lors que le harcèlement moral est invoqué par le salarié, le juge doit examiner les éléments produits, de ce chef, en priorité (Cass. soc., 16 juin 2011, n° 09-40.922), avant d’étudier les autres demandes, puisque si les faits avancés ne sont pas étrangers à tout harcèlement, le licenciement sera nul et il n’y aura pas lieu d’examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-69.444).

I. Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail : ‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

L’employeur doit veiller à ce que ses salariés n’adoptent pas des agissements de harcèlement moral et prendre toutes dispositions pour prévenir ou faire cesser ce type de comportement.

En application de l’article L.1154-1 du code du travail, en cas de litige, il appartient, d’abord, au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, l’employeur devant, ensuite, prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’intégralité des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits, à condition qu’ils soient matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail.

Les règles de preuve, plus favorables au salarié, ne dispensent pas celui-ci d’établir la matérialité des éléments de fait, précis et concordants, qu’il présente au soutien de l’allégation selon laquelle il subirait un harcèlement moral au travail (Cons. const. déc. n° 2001-455 DC).

En l’espèce, M. [P] [A], au soutien de ses accusations de harcèlement moral dirigées à l’encontre du directeur de l’office de tourisme de [Localité 4], M. [R], évoque, tout d’abord, deux évènements particuliers:

-lors d’une réunion d’équipe en décembre 2017, M. [R], son supérieur hiérarchique, aurait affirmé, à son sujet, qu’il serait le ‘prochain à partir’.

Or, force est de constater que M. [P] ne fournit aucun élément probant quant à de tels faits, alors même qu’il prétend que ces propos auraient été proférés en public.

-le 27 août 2018, M. [R] lui aurait proposé ‘un rendez-vous dans son bureau ou sous la tente à l’abri des regards’, au cours duquel une violente altercation aurait éclaté entre eux.

Sur ce point, M. [P] produit un mail adressé par M. [O] [I] à son attention le 4 novembre 2019, rédigé comme suit: ‘En ce qui concerne le litige entre M. [P] et le directeur de l’office du tourisme de [Localité 4] durant le mois d’août 2018, j’affirme avoir vu ces derniers se rendre sous la tente d’animation sans pour autant entendre ce qu’il s’est dit’.

Les faits rapportés, à savoir que M. [P] et M. [R] se seraient effectivement rendus ensemble sous une tente au mois d’août 2018, ne sont pas suffisants pour en déduire l’existence d’un éventuel harcèlement moral, sans compter que la valeur probante de cette ‘lettre de témoignage’ est discutable, en raison de sa non conformité à l’article 202 du code de procédure civile.

Par ailleurs, M. [P] [A] transmet un mail qu’il a adressé, le 30 août 2018, à Mme [W] [D] et M. [X] [K], dans lequel il écrit: ‘Sur [Localité 4], tout devient compliqué pour moi. J’ai eu rendez-vous avec mon président hier matin, suite à une très violente altercation verbale avec [V]’.

Il communique, également, le mail qu’il a adressé, le 27 août 2018, à M. [V] [R] dans lequel il lui écrit: ‘ Il est désagréable de ressentir le mépris affiché depuis plusieurs mois à mon encontre. (‘)

Les multiples remarques, allusions, changements d’attitudes me poussent à croire que le fonctionnement d’un service avec autant de particularités que le mien ne sera jamais compris.

Sans tarder, je demande un rendez-vous avec le président de l’office de tourisme auquel sera présent un représentant de mon syndicat’.

Or, ces doléances, exprimées par le salarié lui-même, ne sauraient constituer un moyen de preuve sérieux des agissements incriminés, dès lors qu’elles ne sont pas corroborées par des éléments extérieurs, dénués de toute subjectivité, de nature à leur donner du crédit.

D’autre part, M. [A] [P] produit le témoignage de Mme [C] [M], artiste prestataire auprès de l’office de tourisme de [Localité 4], envoyé par mail le 13 mars 2020, qui rapporte au sujet de M. [R]: ‘Il n’a jamais daigné me dire bonjour ou venir vers moi pour se présenter. Il a toujours gardé une grande distance et une certaine froideur, voir mépris à mon égard…J’ai également été témoin de tensions entre le directeur et M. [P] à deux ou trois reprises”.

Son dossier de plaidoiries comporte, en outre, le témoignage de M. [J] [L] qui expose, en date du 11 novembre 2019: ‘avoir été agressé violemment de manière physique par monsieur [R] [V]. Les faits se sont déroulés le 31 août 2017 à [Localité 2], suite à la violente de ces coups qui ont provoqué de fortes douleurs, j’ai dû consulter un médecin qui m’a prescrit 7 jours d’ITT suivis de soins pendant 1 semaine. Dans le même temps une plainte a été déposée à la gendarmerie de [Localité 6].’

Or, si de tels écrits sont de nature à éclairer, le cas échéant, la personnalité de M. [R], ils ne font aucunement référence à des faits précis de harcèlement moral, tels que dénoncés par M. [P], sans compter que leur force probante est contestable eu égard à leur absence de conformité aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.

D’autre part, M. [P] prétend que son directeur continuait à le solliciter pendant ses temps d’absence.

Il communique, au soutien de ses dires, un document manuscrit, qu’il a lui-même élaboré, décomptant des ‘temps de contact’ qu’il aurait eus en dehors de ses horaires de travail.

Or, il s’avère que cette pièce est inexploitable, notamment en ce que les interlocuteurs sont désignés par leurs initiales, ce qui permet difficilement de les identifier. D’autre part, sur les 28 contacts dénombrés sur une période allant du 18 mars au 12 avril (année non mentionnée), seuls 5 font apparaître des initiales pouvant correspondre à celles de M. [V] [R]. Dès lors, ce document est inopérant à prouver la matérialité des faits allégués.

M. [P] transmet, aussi, un mail que lui a envoyé son directeur le 24 septembre 2018 alors qu’il était, précisément, en arrêt-maladie.

Or, le contenu de ce mail ne saurait laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral, au contraire, puisque M. [R] lui précise faire droit à sa demande de disponibilité afin de pouvoir exercer ses fonctions de sapeur pompier volontaire. Il ne s’agit en aucun cas d’une sollicitation de son supérieur hiérarchique.

D’autre part, M. [A] [P] prétend qu’il devait subir les critiques infondées de son directeur.

Il transmet, au soutien de ses dires, des échanges de mails avec M. [R] lui reprochant, en date du 27 août 2018, de ne pas lui avoir communiqué le planning de la semaine.

Or, les éléments fournis, sur ce point, par les parties, ne permettent pas de déterminer si un tel reproche était, en définitive, fondé ou non, M. [P] alléguant un dysfonctionnement informatique pour expliquer l’absence de réception, par M. [R], de son mail contenant ledit planning, de sorte qu’ils ne sauraient laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral.

D’autre part, M. [A] [P] prétend que l’avertissement dont il a fait l’objet avait uniquement pour but d’accentuer les pressions exercées sur lui et de porter atteinte à sa liberté d’expression.

A la lecture des pièces produites par les parties sur cette question, il apparait qu’un avertissement a effectivement été délivré à l’encontre de M. [A] [P] en date du 17 septembre 2018. En revanche, il n’est pas démontré, contrairement à ce qui est allégué par le salarié, que cet avertissement ait fait suite à son entretien avec le président de l’office de tourisme de [Localité 4].

Dans la lettre d’avertissement, il est reproché à M. [P] d’avoir, durant la semaine 28, véhiculé, auprès de deux intervenants (Mme [D] et M. [K]), de fausses informations, en l’espèce que M. [R] ‘n’était pas satisfait de leur travail et de la transformation commerciale et qu’il souhaitait arrêter de travailler avec eux’, lesquels, surpris et choqués, étaient venus les rapporter auprès de la direction, ce qui avait généré une situation conflictuelle.

Les parties ont transmis des échanges de mails entre les différentes personnes concernées par cet incident. Peu importe que les propos de M. [P] aient été, le cas échéant, mal interpretés par les uns ou les autres, il apparait que ce salarié a manqué de discrétion vis-à-vis de son employeur en s’autorisant à divulguer des informations, au delà de ce que sa liberté d’expression autorisait, ce qui a eu certaines répercussions. [A] [P] s’en est, d’ailleurs, excusé auprès de son directeur M. [R].

Il était, également, reproché à M. [P], à l’occasion de cet avertissement, d’avoir, le 19 juillet 2018, malgré les consignes rappelées à ce sujet, et le contenu de la charte interne qu’il avait signée, modifié le planning sans prévenir sa direction. Aucun élément ne permet de remettre en cause le bienfondé d’un tel reproche.

Par ailleurs, il convient d’observer que l’avertissement délivré était adapté et proportionné aux manquements reprochés, en ce qu’il n’avait pas vocation à avoir d’incidences directes sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Dès lors, la sanction prononcée à l’encontre de M. [P] [A] étant justifiée et proportionnée, l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire n’est pas constitutif de harcèlement moral (Cass. soc., 6’janv. 2011, n°09-‘69.245).

En outre, M. [A] [P] soutient que M. [R] n’avait de cesse de contredire ses directives afin de le discréditer devant son équipe et nuire à son évolution professionnelle.

Or, force est de constater, à nouveau, qu’il ne fournit aucune précision sur les circonstances dans lesquelles son directeur se serait adonné à de tels faits, ni aucun élément probant pour étayer ses dires.

En revanche, M. [P] [A] produit une attestation de Mme [D] [W], présidente de l’ASBL Musi’school située à [Localité 3] en Belgique, datée du 27 janvier 2020, qui rapporte: ‘avoir travaillé avec [A] [P] pour l’organisation de stages de musiques à [Localité 4] mis en place en été 2017 et 2018. Pour ce faire, des réunions de présentations, coordinations, organisation, briefing et debriefing étaient organisées en 2016, 2017 et 2018. La totalité du suivi a été principalement effectuée par M. [A] [P] (la préparation de notre venue, la coordination, l’accueil de notre équipe, les réservations et préparations de salles, le prêt d’instruments, le planning des cours, les dates et horaires de réunions, organisations, briefing debriefing. [A] [P] était présent à toutes les réunions, excepté la réunion de debriefing du stage 2018, où le directeur ne l’a pas convié à ma grande surprise’.

Si le fait que M. [P] [A] ait été sciemment évincé de cette réunion par son directeur constitue un élément laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il sera observé, qu’il ne peut, à lui seul, suffire, les textes sus-visés, relatifs au harcèlement moral, exigeant des agissements répétés.

D’autre part, M. [A] [P] produit des éléments médicaux pour justifier de son état de santé, notamment ses arrêts de travail délivrés à compter du 19 septembre 2018 et prolongés jusqu’au 14 décembre 2018, lesquels ne mentionnent, toutefois, aucun motif.

Il transmet une correspondance du 11 octobre 2018 émanant du Dc [V] [N], médecin généraliste, adressée à un confrère (Dc [B]) pour prise en charge multidisciplinaire, mentionnant:’Je revois ce jour M. [P] dans le cadre d’une authentique souffrance au travail. Encore troubles de l’humeur et éléments de somatisation, même si en nette amélioration. Je ne retiens pas d’indication de traitement psychotrope pour le moment…La reprise du travail à son poste ne sera pas possible à mon sens compte tenu des tensions non réversibles’.

Par ailleurs, un certificat médical du 7 novembre 2018 du Dc [T] indique que l’état de santé de M. [P] [A] ‘ne permettrait pas la reprise de toute activité professionnelle dans son entreprise sans un risque significatif de détérioration physique et mentale ».

Si ces éléments attestent d’un mal-être indiscutable de M. [P] [A], leur contenu ne permet pas, en revanche, d’établir un quelconque lien avec des actes de harcèlement moral subis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au sein de l’office de tourisme de [Localité 4].

De son côté, l’office de tourisme de [Localité 4], contestant tout fait de harcèlement moral, démontre que la plainte déposée, de ce chef, par M. [A] [P], à l’encontre de M. [V] [R], a été classée sans suite. Il produit, par ailleurs, deux attestations de salariées, Mmes [H] [Z] et [G] [Y], ainsi que des SMS de Mme [F] [S], mentionnant n’avoir jamais été victimes, ni témoins, d’un quelconque fait de harcèlement moral, ou de propos déplacés, émanant du directeur, envers ses employés, notamment M. [P] [A], alors même que les espaces étaient ouverts et le service d’animation sans porte.

Dès lors, après examen de l’intégralité des éléments invoqués pris dans leur ensemble, il convient de constater que M. [A] [P] n’établit pas la matérialité de la plupart des faits allégués (Cass. soc., 9 oct. 2013, n°12-22.288) et que, s’agissant des quelques ‘ reproches’ dont il parvient à justifier, notamment ceux contenus dans sa lettre d’avertissement, son employeur rapporte la preuve qu’ils étaient objectivement fondés, de sorte que le grief de harcèlement soulevé par l’intéressé doit être écarté.

Ses demandes (de requalification de son licenciement en licenciement nul, de dommages-intérêts et d’indemnités) articulées autour de ce grief, seront donc rejetées, comme l’a décidé le conseil de prud’hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

II. Sur les manquements de l’employeur à ses obligations

M. [A] [P] entend, par ailleurs, soutenir que son employeur aurait adopté un comportement fautif, à l’origine de son inaptitude, en violant son obligation de sécurité et en s’adonnant à une exécution déloyale de son contrat de travail.

Sur l’obligation de sécurité

L’article L.4121-1 du code du travail dispose que:

‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.

L’employeur, tenu en application de l’article L.4121-1 du code du travail, à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.

Il ne peut, en conséquence, laisser un salarié en état de souffrance au travail sans prendre toute mesure adaptée pour faire cesser cette situation, dès lors qu’il en a eu connaissance, et ne saurait prétendre être exonéré de sa responsabilité en raison d’une absence de faute de sa part ou de celle de ses subordonnés.

En cas de litige, l’employeur doit établir avoir mis en oeuvre tous les moyens de prévention des risques professionnels, tant sur le plan collectif qu’individuel. Le juge apprécie le comportement de l’employeur, au regard des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises au regard des risques connus ou qu’il aurait dû connaître.

Un manquement à l’obligation de sécurité suffit à faire perdre son caractère réel et sérieux à un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (Cass. soc., 26’sept. 2012, n° 11-14.742).

Comme indiqué précédemment, M. [A] [P] produit des éléments relatifs à son état de santé, notamment ses arrêts de travail, lesquels ne font, toutefois, aucune référence à une éventuelle origine professionnelle.

Une correspondance du 11 octobre 2018 émanant du Dc [V] [N], médecin généraliste, adressée à un confrère (Dc [B]) mentionne l’existence d’une ‘souffrance au travail’ et de ‘tensions non réversibles’.

Un certificat médical du 7 novembre 2018 du Dc [T] fait mention d’un ‘risque significatif de détérioration physique et mentale » de l’état de santé de M. [P] [A], s’il venait à reprendre une activité professionnelle dans son entreprise.

Or, si ces éléments attestent d’un état de santé fragilisé de M. [P] [A], pouvant avoir un lien avec son travail, ce salarié est, en revanche, défaillant dans l’administration de la preuve d’un manquement de son employeur à son obligation de sécurité.

En effet, aucun élément, en l’état de la procédure, ne permet d’affirmer que l’office de tourisme de [Localité 4] était informé d’une potentielle situation de harcèlement moral concernant M. [P] [A], lequel ne démontre pas avoir alerté son employeur à ce sujet, le courrier du 20 novembre 2018, envoyé par son avocat, n’y faisant nullement référence.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à l’office de tourisme de [Localité 4] d’avoir bafoué son obligation de sécurité en s’abstenant de prendre des mesures spécifiques de protection visant à faire cesser des agissements de harcèlement moral, dès lors qu’il n’en a pas eu connaissance.

Les demandes de M. [P] [A] (de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts et d’indemnités), articulées autour de ce grief, seront donc rejetées, comme l’a décidé le conseil de prud’hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

M. [P] [A] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 8 janvier 2019, suite à l’avis d’inaptitude du Dc [E], médecin du travail du 14 décembre 2018, le déclarant ‘inapte à tout poste’, avec dispense de l’obligation de reclassement du fait que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’ (articles L.1226-2-1, L.1226-12 et L.1226-20 du code du travail).

Par conséquent, son licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, comme l’a décidé le conseil de prud’hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Selon l’article L.1222-1 du code du travail, ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi’.

En l’espèce, l’avertissement dont M. [P] [A] a fait l’objet ne saurait traduire une exécution déloyale du contrat de travail de la part de son employeur, dès lors qu’il était justifié, adapté et proportionné aux manquements reprochés, ainsi qu’il a été dit précédemment.

M. [A] [P] communique, par ailleurs, un mail adressé par Mme [D] en date du 19 décembre 2018, lui indiquant : ‘ Bref, [Localité 4] ça a l’air fini pour nous pour des raisons qui à mon sens ne sont pas vraiment objectives car ça ressemble plus à un règlement de compte vu que je n’ai pas accepté de mentir en écrivant ce qu’il me demandait de dire sur toi’.

Un tel document, sans compter qu’il ne respecte pas le formalisme de l’article 202 du code de procédure civile, ne saurait, du fait de son manque de précisions au sujet des affirmations qu’il contient, établir l’existence d’un comportement fautif de l’employeur.

Dès lors, M. [A] [P] ne rapportant pas la preuve que l’office de tourisme de [Localité 4] ait exécuté le contrat de travail de manière déloyale, il convient de le débouter de ses demandes articulées autour de ce grief, comme l’a décidé le conseil de prud’hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

III. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [A] [P] succombant en toutes ses prétentions, il devra supporter la charge des dépens, tant en première instance qu’en cause d’appel.

La demande reconventionnelle de l’employeur, formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera, toutefois, rejetée, au regard de la situation économique de l’appelant.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 31 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bonneville en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [A] [P] à supporter les entiers dépens de l’instance, en cause d’appel.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 09 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x