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SOC.
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2020
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10494 F
Pourvoi n° U 18-25.182
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020
L’association Festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° U 18-25.182 contre l’arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (17e chambre civile B), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. Y… U…, domicilié […] ,
2°/ au Pôle emploi, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Haas, avocat de l’association Festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. U…, et après débats en l’audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à l’association Festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Pôle emploi.
2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’association Festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l’association Festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence et la condamne à payer à M. U… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour l’association Festival international d’art lyrique et l’académie européenne de musique d’Aix-en-Provence
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR requalifié les contrats à durée déterminée de M. U… en un contrat à durée indéterminée et, en conséquence, D’AVOIR condamné l’Association pour le festival international d’art lyrique à lui payer les sommes de 28 900 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 702,08 euros d’indemnité de requalification, 14 255,20 euros d’indemnité compensatrice de préavis, 1 425,52 euros de congés payés y afférents, 17 106,24 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention au d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; que si des contrats à durée déterminée successifs peuvent être en ce cas conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive de 1999 70/CE du conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet en ces clauses 1 et 5 de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrat à durée déterminée successifs, impose toutefois de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; qu’il appartient au juge d’examiner les éléments concrets liés à l’emploi considéré pour vérifier s’il est ou non par nature temporaire ; que l’association affirme qu’il existe une présomption selon laquelle l’emploi pour lequel le salarié a été recruté était un emploi pour lequel il est d’usage de recourir aux contrats à durée déterminée ; que si le secteur des spectacles de l’action culturelle fait partie des secteurs d’activité dans lesquels les contrats à durée déterminée dits d’usage peuvent être conclus, aux termes des dispositions de l’article D. 1242-1 du code du travail, et si l’accord interbranches du 12 octobre 1998 applicable au secteur du spectacle énonce que la fonction de menuisier de théâtre (à laquelle la fonction de chef peut être appliquée), fait partie des fonctions « pour lesquelles le contrat à durée déterminée d’usage peut-être légitime », ces dispositions ne sont pas de nature à dispenser l’employeur d’apporter les éléments concrets pour justifier que l’emploi considéré était par nature temporaire ; que l’association soutient en substance que M. U… n’a jamais travaillé toute l’année alors que le festival a bien une activité permanente ; que ses contrats cessaient « généralement » en juin pour ne reprendre qu’en novembre, ponctuellement ; que ses interventions n’ont donc toujours été que temporaires et limitées dans le temps, alors même que le festival a une activité permanente tout au long de l’année ; que les interventions ont été irrégulières et variables, en fonction des besoins en menuiserie variables et dépendant de la nature des spectacles ; qu’il a travaillé 54,8 % d’un temps plein en 2008, 51,4 % d’un temps plein en 2009, 76 % d’un temps plein en 2010, et 50,3 % en 2011 ; que les postes occupés en CDI par certains salariés de l’association correspondent à une activité permanente du fait qu’ils sont directement liés au fonctionnement structurel de l’entreprise et que leur activité est transversale aux différentes missions du festival, à savoir la programmation et l’organisation du festival d’Aix, la formation et l’insertion professionnelle, l’ancrage local et la dimension internationale, la politique culturelle d’éducation artistique ; qu’il résulte toutefois des pièces produites que l’activité artistique temporaire présentée par l’association intervient régulièrement, à la même fréquence chaque année, sur les mêmes périodes annuelles, sur des mêmes sites suivant un mode d’organisation identique ; que si chacune de ses productions artistiques est temporaire, elles constituent pour l’association une activité permanente et non occasionnelle ; qu’en outre, après la durée du festival en juin et juillet, les spectacles sont diffusés en France à l’étranger ce qui est de nature à nécessiter une adaptation des décors ; que d’ailleurs, au sein de la direction technique de l’association, certains salariés sont engagés en contrat à durée indéterminée, notamment le responsable de l’atelier de décor ; que l’association ne produit aucune pièce permettant d’apprécier que M. U… aurait été recruté à l’occasion de surcroît d’activité ; que de plus, les contrats litigieux s’ils comportent la nature de la « tâche » confiée à M. U… (« gestion des équipes de menuisiers pour la construction des décors des productions du festival », ou « l’encadrement de l’atelier de menuiserie ») ne portent pas la mention, contrairement à ce qui est prétendu par l’association, du motif du caractère temporaire de l’objet du contrat, et n’indique pas notamment l’intervention d’un fait déterminé, par exemple la réalisation des décors pour un spectacle précis ; qu’il est simplement mentionné « usage » devant le paragraphe « motif du contrat » ainsi que la date de début et de fin de contrat ; qu’il est d’ailleurs curieux, alors qu’il est confié à M. U… une fonction d’encadrement des équipes de menuisiers dans le travail « de fabrication des décors » (sans autre précision), tel que cela résulte de la définition des tâches dans les contrats, que l’intéressé ait pu être engagé sur des contrats très courts, parfois de quelques journées (v. CDD du 26 avril 2011 pour la période du 27 au 29 avril 2011, puis CDD du 29 avril 2011 pour la période du 2 au 6 mai 2011), alors pourtant qu’au total chaque année la collaboration de M. U… s’étendait sur quelques huit mois, et qu’elle a été reconduite pendant 12 années consécutives ; que le recours à M. U… ne se limitait pas à la seule période entre les mois de novembre et juin, mais est également intervenu en juillet (pour les années 1999, 2003, 2004, 2008, 2010 et 2011), en septembre (pour les années 2001, 2007) et en octobre (pour les années 1999, 2001, 2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2010) ; que l’examen des contrats litigieux permet également de confirmer que M. U… exerçait ses fonctions systématiquement sur le même site, celui des Ateliers du festival sis à Venelles (13) ; qu’alors que la convention collective permet la modulation horaire, ce qui permet de pallier aux pics et creux d’activités et que l’activité de M. U… a atteint des seuils importants et notamment 76 % d’un temps plein en 2010, la cour retient l’absence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par M. U… ; qu’il y a lieu dès lors de confirmer le jugement du conseil de prud’homme qui a prononcé la requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée ; sur les conséquences de la requalification : que dès lors que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée, dont il n’est pas discuté qu’il a été rompu à l’initiative de l’employeur, l’absence de mise en oeuvre d’une procédure de licenciement et en particulier de notification par écrit des causes de la rupture, rend nécessairement sans cause réelle sérieuse le licenciement ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE les contrats de travail à durée déterminée d’usage sont soumis aux mêmes règles que les contrats à durée déterminée ; que l’article L. 1242-2 du code du travail disposent que : « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Il comporte notamment : 1° Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L. 1242-2 ; 2° La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ; 3° La durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis ; 4° La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l’article L. 4154-2, la désignation de l’emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l’article L. 1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l’entreprise ; 5° L’intitulé de la convention collective applicable ; 6° La durée de la période d’essai éventuellement prévue ; 7° Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe ; 8° Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance » ; qu’il résulte des différents contrats à durée déterminée versés aux débats que l’article relatif à la rémunération ne fait pas état de primes techniques ; qu’il résulte des bulletins de salaire de M. U… qu’il a bénéficié certains mois de primes techniques ; qu’il résulte des contrats à durée déterminée conclus à partir de mars 1999 et versés aux débats que la convention collective applicable à ces contrats n’est pas spécifiée ; que le motif de recours à un contrat de travail à durée déterminée n’est pas précisément exprimé sur tous les contrats versés aux débats ; que l’article L. 1242-1 du code du travail dispose : « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » ; que de plus, l’article L. 1242-2 du code du travail dispose que : « sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants » ; que de plus l’article L. 1242-2 3°) : « emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » ; que l’activité de l’Association pour le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence relève bien d’un des secteurs d’activité défini par décret ; que l’intitulé des missions confiées à M. U… par l’Association pour le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, était d’assurer l’encadrement des équipes de menuisiers ; qu’il n’apparait pas dans les pièces versées aux débats, le caractère temporaire de l’emploi ; qu’il résulte de l’accord cadre européen du 18 mars 1999 mise en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 que le renouvellement des contrats à durée déterminée successifs doit être justifié par des raisons objectives ; que l’existence d’éléments concrets établissant la nature temporaire de l’emploi de M. U… n’est pas établie ; que la convention collective applicable est celle pour les entreprises artistiques et culturelles ; que dans son article V.1, titre V dispositions relatives à l’emploi, la convention collective énonce : « le contrat à durée indéterminée est le contrat de référence » ; que la convention collective dispose dans son article V.15 : « lorsqu’un même salarié employé régulièrement sous CDD dit d’usage sur le même emploi aura effectué auprès d’une même entreprise un volume moyen annuel de 75% de la durée annuelle de travail (en référence au nombre d’heures équivalent temps plein défini dans chaque convention collective) constaté sur deux années consécutives l’employeur devra proposer un contrat à durée indéterminée (soit un CDI de droit commun à temps complet) dans les conditions précisées ci-après » ; que l’accord d’entreprise du 16 juin 2000 fixe la durée du travail à 35 heures hebdomadaires, soit 151 heures et 41 minutes mensuelles ; que M. U… soutient que les primes payées certains mois correspondent aux journées supplémentaires ou fériées ; que l’Association pour le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence n’apporte aucune explication ni preuve sur ces primes versées à M. U… mais précise que le terme forfait technique est l’appellation paie du salaire versé au personnel technicien ; que les bulletins de salaire font état de mois technique pour le salaire de base mais également, pour certains bulletins, de primes techniques différentes du salaire de base ou prime exceptionnelle ;
ALORS, 1°), QUE le recours à un contrat à durée déterminée d’usage impose d’établir un contrat de travail écrit comportant la définition précise de son motif ; qu’en considérant que les contrats conclus entre les parties ne comportaient pas le motif du caractère temporaire de l’objet du contrat après avoir pourtant relevé qu’ils mentionnaient le terme « usage » et la tâche confiée au salarié, à savoir la « gestion des équipes de menuisiers pour la construction des décors des productions du festival » ou « l’encadrement de l’atelier de menuiserie » dans le travail « de fabrication de décors » ainsi que les dates de début et de fin du contrat, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 1242-12 du code du travail ;
ALORS, 2°), QUE, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié ; qu’en écartant le caractère temporaire de l’emploi occupé par le salarié après avoir relevé, d’une part, que le secteur d’activité au sein duquel ses fonctions ont été exercées entrait dans le champ d’application de l’article D. 1242-1 du code du travail et que le recours aux contrats à durée déterminée d’usage pour pourvoir un emploi de chef menuisier pour la construction des décors des productions du festival était conforme à un usage constant dans la profession et, d’autre part, que l’activité artistique de l’association était temporaire et que la succession de contrats avec le salarié était discontinue et fluctuante dès lors qu’il travaillait entre 50 % et 76 % d’un temps plein selon les années, parfois sur des contrats de quelques journées et sur des périodes distinctes d’une année sur l’autre, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, dans sa rédaction alors applicable, et D. 1242-1 du code du travail.