Contrat à durée déterminée d’usage : 10 mars 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-13.265

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Contrat à durée déterminée d’usage : 10 mars 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-13.265
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SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 319 F-D

Pourvoi n° H 20-13.265

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

Mme C… V…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° H 20-13.265 contre l’arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant à la société […], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme V…, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société […], et après débats en l’audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 3 juillet 2019), Mme V… a été engagée par la société […] (la société), en qualité d’enseignante, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage à temps partiel, du 23 septembre 2014 au 30 mai 2015.

2. Le 22 juin 2015, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l’exécution du contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, alors « que selon l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la mention précise de son motif ; que, à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu’il en va ainsi, même pour les contrats dits “d’usage” ; que dans le cas d’espèce, la cour d’appel a expressément constaté que l’employeur n’avait jamais mis la salariée en demeure de signer son contrat ; que la cour d’appel ne pouvait refuser la requalification en contrat à durée indéterminée, au motif parfaitement inopérant qu’une “copie” du contrat (non signée) avait été versée aux débats par l’employeur ou en se fondant sur les documents de fin de contrat établis unilatéralement par l’employeur ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article L. 1242-12 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1242-12 du code du travail :

4. Il résulte de ce texte que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée ; il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

5. Le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif.

6. Pour débouter la salariée de sa demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes en paiement d’indemnités et de dommages-intérêts, l’arrêt relève d’abord que la société lui a adressé des documents de fin de contrat mentionnant qu’elle avait occupé un poste de professeur du 23 septembre 2014 au 31 mai 2015 selon contrat de travail à durée déterminée, que certes le contrat de travail n’a pas été signé par la salariée et qu’il n’a pas été délivré à cette dernière de mise en demeure de le signer, bien qu’il soit établi que la salariée avait été invitée à y procéder. Il constate encore que l’annonce parue dans Pôle emploi mentionnait expressément un contrat d’enseignement d’une durée de neuf mois et qu’il était corroboré, par deux courriels, qu’il avait été convenu entre les parties de la conclusion d’un contrat pour l’année scolaire 2014-2015. Il retient ensuite que, s’agissant d’un contrat d’usage, le seul fait que le contrat préparé n’ait pas été signé par la salariée ne saurait entraîner sa requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

7. En statuant ainsi, alors que, faute de comporter la signature de la salariée, le contrat de travail à durée déterminée d’usage invoqué par l’employeur ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit et qu’il était, par suite, réputé conclu pour une durée indéterminée, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme V… de ses demandes en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement d’indemnités, de dommages-intérêts et d’une indemnité de procédure, et en ce qu’il la condamne aux dépens de première instance et d’appel, l’arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société […] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société […] et la condamne à payer à Mme V… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Piquot, greffier en remplacement du greffier empêché.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme V…

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué

D’AVOIR débouté Madame V… de sa demande de requalification de son contrat de travail avec la SASU […] en contrat à durée indéterminée

AUX MOTIFS QUE la société […] a adressé à Madame V… des documents de fin de contrat mentionnant un contrat à durée déterminée ; que le contrat de travail, dont copie a été versée aux débats, n’a jamais été signé et la salariée n’a pas été mise en demeure de le signer, même si elle a été « invitée » à le faire ; que l’annonce parue dans Pôle Emploi mentionnait expressément un contrat de 9 mois ; qu’ un tel contrat avait été convenu entre les parties, comme il résulte d’un mail du 8 septembre 20174, par lequel la salariée communique son emploi du temps jusqu’à la fin de l’année scolaire 2015, et par un mail du 15 septembre 2014 ; qu’il s’agissait d’un contrat d’enseignement, et donc d’un contrat d’usage ; que le seul fait que Madame […] n’ait pas signé son contrat ne saurait entraîner sa requalification en contrat à durée indéterminée ; que le contrat est arrivé à son terme le 31 mai 2015 ; qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris ;

ALORS QUE, selon l’article L 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la mention précise de son motif ; que, à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée (même texte) ; qu’il en va ainsi, même pour les contrats dits « d’usage » ; que dans le cas d’espèce, la Cour d’appel a expressément constaté (arrêt, page 4, 2ème alinéa) que l’employeur n’avait jamais mis la salariée en demeure de signer son contrat ; que la Cour d’appel ne pouvait refuser la requalification en contrat à durée indéterminée, au motif parfaitement inopérant qu’une « copie » du contrat (non signée) avait été versée aux débats par l’employeur ou en se fondant sur les documents de fin de contrat établis unilatéralement par l’employeur ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé l’article L 1242-12 du code du travail.

 


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