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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 17 JUIN 2022
N° 2022/ 219
Rôle N° RG 21/15391 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKGQ
[I] [P]
C/
S.E.L.A.R.L. SELARL MJ SYNERGIE
S.E.L.A.R.L. SELARL BRMJ
Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 6]
Copie exécutoire délivrée
le :17/06/2022
à :
Me Samuel CHEVRET de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Delphine ANDRES, avocat au barreau de NIMES
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de la Cour de Cassation n°1147 FS-B en date du 13 Octobre 2021 qui a cassé et partiellement annulé l’arrêt rendu le 27 Juin 2018 par la Cour d’Appel de BASTIA sur appel du jugement du conseil de prud’hommes de BASTIA en date du 15 Septembre 2016
DEMANDEUR SUR RENVOI
Monsieur [I] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Samuel CHEVRET de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée pour plaidoirie par Me Paul CASENAVE, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEURS SUR RENVOI
SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [W] [U] prise en sa qualité de Mandataire Liquidateur de la SASP SC [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Delphine ANDRES, avocat au barreau de NIMES
SELARL BRMJ représentée par Maître [M] [G] prise en sa qualité de Mandataire Liquidateur de la SASP SPORTING CLUB DE [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Delphine ANDRES, avocat au barreau de NIMES
Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 6] [Adresse 5] 6
représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 26 Avril 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Thierry CABALE, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
M. Ange FIORITO, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022,
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [I] [P] a été engagé le 1er juillet 2009 en qualité de ‘préparateur physique’ par la société Sporting Club de [Localité 4], suivant contrats de travail à durée déterminée successifs. La relation de travail a pris fin le 30 juin 2014 compte tenu du terme prévu par le dernier contrat.
Le 31 décembre 2014, il a saisi le conseil de prud’hommes de Bastia afin, notamment, d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses primes.
Par jugement du 15 septembre 2016, cette juridiction a :
– condamné la Sasp Sporting Club de [Localité 4] à payer à Monsieur [I] [P] la somme de 15000 euros au titre de la prime de classement 2013-2014,
– débouté Monsieur [I] [P] de ses autres chefs de demande,
– débouté la Sasp Sporting Club de [Localité 4] de sa demande reconventionnelle,
– condamne la Sasp Sporting Club de [Localité 4] aux dépens.
La société Sporting Club de [Localité 4] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 septembre 2017, la société Brmj étant désignée en qualité de liquidateur.
Sur appel de Monsieur [P], par arrêt en date du 27 juin 2018, la cour d’appel de Bastia a :
– confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la Sasp Sporting Club de [Localité 4] à payer à Monsieur [I] [P] la somme de 15000 euros au titre de la prime de classement 2013-2014,
et y ajoutant,
– débouté Monsieur [I] [P] de sa demande au titre de la prime de classement 2013-2014,
– dit n’y avoir lieu à garantie de l’Ags,
– débouté les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de justice exposés en appel,
– condamné Monsieur [I] [P] aux entiers dépens d’appel.
La cour a retenu que c’était à juste titre et par des motifs pertinents qu’elle approuvait, que le premier juge avait considéré que la convention collective applicable à la relation de travail était celle du Sport et non pas celle des personnels administratifs et assimilés du football revendiquée par le salarié; que ce dernier avait bénéficié de l’ensemble des primes qu’elle prévoit pour l’exercice de fonctions d’entraîneur incluant celles de préparateur physique; que le salarié devait dès lors être débouté de ses demandes en paiement de primes d’ancienneté et de treizième mois réclamées au titre d’une convention collective non applicable; que le salarié devait être débouté de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée puisque les contrats de travail à durée déterminée avaient été régulièrement conclus dans le cadre des dispositions des articles D 1242-1 et 2 du code du travail et 12.3.2 de la convention collective du Sport en ce que le sport professionnel était un secteur d’activité concerné par les contrats à durée déterminée d’usage et que l’emploi de préparateur physique ne correspondait pas à un emploi permanent; que, concernant les rappels de primes contractuelles, le jugement devait être confirmé en ce qu’il avait constaté que le salarié avait été rempli de ses droits concernant la saison 2012/2013 mais qu’il devait être infirmé s’agissant de l’octroi d’une prime de classement qui n’avait pas été contractuellement prévue pour la saison 2013/2014.
Par arrêt en date du 13 octobre 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt précité, sauf en ce qu’il déboute Monsieur [P] de ses demandes de rappels de primes d’ancienneté, de salaire sur treizième mois et de primes pour la saison 2013/2014.
La cour de cassation a considéré, notamment, que la cour d’appel de Bastia :
– a exactement retenu que le salarié était un entraîneur et ne pouvait en conséquence revendiquer l’application de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football du 1er juillet 1983;
– a souverainement retenu, sans dénaturation, que l’article 4 du contrat à durée déterminée du 1er juillet 2012 ne prévoyait l’attribution d’une prime de classement que pour la saison 2012/2013;
– vu les articles L 1242-1, L 1242-2 et D 1242-1 du code du travail interprétés à la lumière des clauses 1 et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, n’a pas donné de base légale à sa décision pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée en s’étant déterminée par des motifs inopérants sans rechercher si l’emploi de préparateur physique occupé par le salarié faisait partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi;
– a méconnu la loi du contrat et violé l’article 1134 du code civil alors en vigueur, en ce que le contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2012 prévoit, pour la saison 2012/2013, que le salarié peut prétendre, sous les conditions qu’il édicte, à une prime de classement identique à celle perçue par les joueurs, en ayant, pour rejeter la demande en paiement d’un rappel de primes pour la saison 2012/2013, retenu que le salarié ne peut se prévaloir du montant qu’un autre salarié a encaissé au titre des primes car le montant peut varier d’un salarié à un autre, qu’il est concevable qu’un salarié puisse recevoir une prime différente par sa place dans l’équipe, son engagement, le nombre de matchs joués, et ajouté que le salarié avait perçu des primes et que le club soutenait et prouvait que le montant versé correspondait à la prime due à un préparateur physique, ce dont il résultait que l’intéressé avait été rempli de ses droits.
La cour d’appel d’Aix en Provence a été saisie par Monsieur [P] qui a formé déclaration de saisine le 29 octobre 2021.
Par dernières conclusions du 21 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [P] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sasp Sporting Club de [Localité 4] la somme de 25000 euros à titre de rappel de primes pour la saison 2012/2013, outre 2.500 euros de congés payés afférents,
– fixer son salaire moyen à 10166,66 euros bruts,
– requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée,
en conséquence,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sasp Sporting Club de [Localité 4] les sommes suivantes:
10166,66 euros à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI,
20333,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 2033,33 euros au titre des congés payés y afférents,
10166,66 euros à titre d’indemnité de licenciement,
120000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner Me [G] et [U] es qualité de liquidateur de la Sasp Sporting Club de [Localité 4] à lui remettre les bulletins de paies et documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la date de notification de la décision à intervenir,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sasp Sporting Club de [Localité 4] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Selarl Brmj, représentée par Maître [G] et la Selarl Mj Synergie représentée par Maître [U], es qualité de liquidateurs de la Sasp Sporting Club de [Localité 4], aux dépens, et les passer en frais privilégiés de la liquidation judiciaire,
– dire et juger la décision à intervenir commune et opposable à l’Ags Cgea de [Localité 6].
Il fait essentiellement valoir que :
– en exécution de l’article 4 du contrat du 1er juillet 2012, il devait percevoir 15000 euros bruts au titre de la prime de maintien du club en ligue 1 à l’issue de la saison 2012/2013 et 40000 euros au titre de la prime de classement perçue par les joueurs correspondant à la douzième place du club tel qu’en atteste un joueur, soit, un solde de primes de 25000 euros après déduction de 30000 euros déjà versés; le club ne peut contester le montant réclamé au titre de la prime de classement par référence à ce qu’a perçu le joueur qui en atteste puisqu’il ne justifie pas des éléments permettant de connaître le mode de calcul qu’il a retenu;
– la requalification en contrat de travail à durée indéterminée est encourue; en effet :
. c’est à tort que le premier juge a considéré qu’il était d’usage dans le sport professionnel de recourir au contrat de travail à durée déterminée pour les préparateurs physiques alors que ce dernier n’est pas un entraîneur et n’est donc pas visé par le chapitre 12 de la convention collective du sport relatif aux contrats de travail à durée déterminée d’usage dans le sport professionnel qui ne concerne que les joueurs et entraîneurs; l’employeur ne démontre pas l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi de préparateur physique; ce n’est pas l’aléa sportif qui détermine la présence d’un préparateur physique au sein du club comme le prétend l’employeur, puisque pendant la période d’emploi, le club a évolué dans trois niveaux sportifs différents, en national, ligues 1et 2; le simple fait d’être sous la hiérarchie de l’entraîneur principal est donc insuffisant;
. le formalisme légal en matière de contrats à durée déterminée n’est pas respecté; aucun motif précis de recours à ce type de contrat n’est indiqué;
. il s’agit bien de renouvellements de contrats conclus pour la même fonction; or, ces contrats n’ont pas été régularisés avant le terme initialement prévu;
– le quantum du préjudice résultant de la perte de son emploi, considérant notamment une période de chômage de plus de vingt-quatre mois, et du caractère brutal comme vexatoire du licenciement, est justifié à hauteur de douze mois de salaire; la rupture lui ouvre droit, en outre, aux indemnités de rupture.
Par dernières conclusions du 25 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Selarl Brmj, représentée par Maître [M] [G], et la Selarl Mj Synergie, représentée par Maître [W] [U], en qualité de mandataires liquidateurs de la Sasp Sporting Club de [Localité 4], demandent à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de sa demande de rappel de prime pour la saison 2012/2013 et de sa demande de requalification de la relation de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
en conséquence,
– dire et juger le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage justifié,
– débouter Monsieur [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Ils font essentiellement valoir que :
– le salarié ne justifie pas du différentiel de primes qu’il revendique pour la saison 2012/2013 au moyen uniquement d’une attestation dépourvue de force probante;
– il n’y a pas lieu à requalification au titre de renouvellements irréguliers puisqu’il s’agit de trois contrats distincts; il est normal que les dispositions conventionnelles visées par le salarié ne mentionnent pas l’emploi de préparateur physique puisqu’elles concernent la catégorie des cadres dont il est exclu; le salarié ne peut faire écarter les dispositions spécifiques relatives au recours au contrat de travail à durée déterminée en ce que le poste de préparateur physique ne serait pas visé par la notion d’entraîneur puisque la Cour de cassation a rejeté cette position; pour ce même emploi, l’employeur a, à bon droit, conclu des contrats à durée déterminée d’usage en application des articles 12.3.1.2 et 12.3.2.1 de la convention collective du Sport et de l’article D 1241-1 du code du travail, dès lors que le salarié n’a rempli aucune mission de type administratif et a exercé des tâches relevant exclusivement de l’activité et de la préparation sportive des joueurs professionnels pour lesquelles il est d’usage de recourir aux contrats à durée déterminée; la nature du poste et la rémunération ont changé en fonction de la division sportive au sein de laquelle le club évoluait; les attentes et les objectifs étaient moindres lorsque le club évoluait au sein de divisions de niveaux inférieurs;
– subsidiairement, la rupture n’est pas intervenue dans des conditions brutales ni vexatoires et le montant réclamé au titre du licenciement abusif est excessif et ne saurait être supérieur à six mois de rémunération brute, soit 60999,96 euros;
– le salarié doit être débouté pour le surplus.
Par dernières conclusions du 11 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 6] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ Débouté M. [I] [P] de sa demande de rappel de prime pour la saison 2012/2013 dès lors que l’employeur justifient que M. [I] [P] a perçu les primes contractuelles à hauteur de 30 000 € au titre de la saison 2012/2013, et que l’appelant ne justifie pas de l’existence d’un surplus de droit;
« Débouté M. [I] [P] de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée, dès lors qu’ils sont d’usage reconnu par la loi et le règlement, qu’il n’était pas cadre, qu’il n’occupait pas un emploi permanent au sein du club, et qu’il n’a jamais rempli aucune fonction administrative ;’
subsidiairement,
vu les articles L. 622-21 du code de commerce ;
– constater et fixer les créances de Monsieur [P] en fonction des justificatifs produits ; à défaut
débouter Monsieur [P] de ses demandes ;
– fixer en tant que de besoin l’indemnité compensatrice de préavis (L. 1234-1 et L.1234-5 C.TRAV.), l’indemnité compensatrice de congés payés (L. 3143-24 et suivants C.TRAV.) et l’indemnité de licenciement (L. 1234-9 C.TRAV.) ; et les dommages et intérêts en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable;
en tout état de cause,
débouter Monsieur [P] du montant sollicité au titre des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu’il ne rapporte pas la preuve d’un préjudice d’un pareil montant;
vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,
– débouter Monsieur [P] de toute demande de paiement directement formulée contre l’Ags dès lors que son obligation de faire l’avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire conformément aux articles L. 3253-19 et suivants du Code du travail ;
– débouter Monsieur [P] de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances, dès lors qu’en application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie Ags est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (article D. 3253-5 du Code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi ;
– débouter Monsieur [P] de toutes demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité, dès lors qu’elles n’entrent pas dans le cadre de la garantie de l’Unedic-Ags Cgea de [Localité 6];
– débouter Monsieur [P] de toute demande accessoire au titre des intérêts dès lors que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.COM) ;
– débouter Monsieur [P] de toute demande contraire et le condamner aux dépens.
L’unedic Ags Cgea de [Localité 6] fait valoir que :
– les contrats à durée déterminée d’usage sont licites dès lors que le salarié n’était pas cadre, qu’il n’occupait pas un emploi permanent au sein du club, et qu’il n’a jamais rempli aucune fonction administrative;
– le salarié ne justifie pas d’un surplus de droit quant aux primes 2012/2013;
– l’arrivée du terme d’un contrat à durée déterminée constitue une rupture légitime;
– subsidiairement, en cas de requalification, il y a lieu de fixer les indemnités de rupture au regard des dispositions légales applicables et la demande en dommages et intérêts n’est pas justifiée dans son montant.
MOTIFS:
Sur le rappel de primes pour la saison 2012/2013 :
Le contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2012 prévoit, pour la saison 2012/2013, que le salarié peut prétendre, en sus d’une prime de maintien du club en ligue 1 à l’issue de la saison fixée à 15000 euros bruts, à une prime de classement identique à celle perçue par les joueurs ‘entre la 1ère et la 12ème place’.
Il est constant que le club de [Localité 4] a été classé douzième à l’issue de la saison 2012/2013, ce dont il résulte que le salarié devait percevoir cette prime de classement.
Lorsque le calcul de la rémunération dépend , comme en l’espèce, d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.
Or, sans déterminer précisément ni le montant de la prime de classement à percevoir ni le montant du versement effectué à ce titre, l’employeur reproche vainement au salarié de ne pas justifier de l’existence d’une différence entre ce qu’il a perçu à titre de primes afférentes à la saison 2012/2013 et les primes versées au bénéfice des joueurs professionnels, sans apporter le moindre élément permettant le calcul de la prime de classement selon les modalités qu’il a lui-même fixées.
De plus, l’attestation partiellement manuscrite signée par un joueur professionnel au sein du Sporting Club de [Localité 4] au cours de la saison 2012/2013, que l’employeur ne contredit pas sérieusement et remet en cause sans le moindre élément objectif permettant de suspecter sa sincérité ou son impartialité, constitue un témoignage direct et précis présentant des garanties de forme et de fond suffisantes en ce que son auteur indique que la prime de classement pour la saison 2012/2013 était calculée sur la base de 40000 euros, soit 15000 euros pour la dix-septième place plus 5000 euros supplémentaires par place gagnée au prorata des matchs joués, soit une prime de 40000 euros pour les joueurs ayant effectué les trente-huit matchs.
Il en résulte qu’en supplément de la somme totale de 30000 euros déjà perçue au titre de la prime de maintien et de la prime de classement pour la saison 2012/2013, le salarié est fondé à réclamer la somme restante de 25000 euros bruts, outre 2500 euros de congés payés afférents.
Sur les demandes au titre de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée:
Les trois contrats de travail dits ‘à durée déterminée’ signés successivement sans prévoir de renouvellement, le 1er juillet 2009, le 1er juillet 2011 et le 1er juillet 2012 entre la société Sporting Club de [Localité 4] et Monsieur [P], ont été conclus pour les périodes du 1er juillet 2009 au 30 juin 2011, du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 puis du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014, en visant précisant le même motif de recours à ce type de contrat, soit l’usage constant dans le domaine du sport d’engager un préparateur physique sous contrat à durée déterminée, pour les mêmes fonctions de préparateur physique de la catégorie professionnelle employés, selon l’horaire de travail alors en vigueur pour sa catégorie professionnelle dans la société, et moyennant la perception de salaires de base mensuels de montants bruts différents, soit 3500 euros pour 151,67 heures de travail, 4200 euros et 6000 euros, ainsi que de primes de quantité, nature et montants variant également d’un contrat à l’autre.
Dès lors, ces contrats n’encourent pas de requalification en contrat de travail à durée indéterminée ni en raison d’une absence de définition du motif précis prévu par l’article L 1242-12 du code du travail ni pour non-respect des conditions énoncées à l’article L 1243-13, dans sa version applicable au litige, qui concerne le renouvellement d’avenants.
Par ailleurs, l’article D 1242-1 prévoit que le sport professionnel est l’un des secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Selon les dispositions alors en vigueur de l’article 12.3.2.1 de la convention collective nationale du sport étendue par arrêté du 21 novembre 2006, les salariés visés par le chapitre XII en vertu de l’article 12.1 occupent des emplois pour lesquels l’usage impose de recourir au contrat à durée déterminée en raison de la nature de l’activité et du caractère par nature temporaire de ces emplois, ainsi que prévu aux articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail.
Aux termes de l’article 12.3.1.2, dans sa rédaction alors applicable, de la convention collective nationale du sport, l’entraîneur de sportif, concerné par les dispositions précitées, a pour mission principale la préparation du ou des sportifs professionnels sous tous ses aspects (préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, formation et coaching, organisation des entraînements).
De même, la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, prévoit que l’entraîneur de football a pour tâche la préparation à la pratique du football à tous les niveaux et sous tous ses aspects, notamment : préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, organisation de l’entraînement.
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Or, en l’espèce, s’il résulte des textes susvisés que l’emploi de préparateur physique occupé par le salarié fait bien partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dès lors qu’il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour que celui-ci a été engagé en qualité de préparateur physique chargé notamment de la préparation athlétique et physique des joueurs, de la réadaptation fonctionnelle des joueurs blessés et de l’entraînement des joueurs nécessitant un travail physiologique et athlétique particulier, devant travailler sous le contrôle et selon les directives du responsable de l’équipe professionnelle et en très étroite collaboration avec l’entraîneur de l’équipe professionnelle du Sporting Club de [Localité 4] et ses adjoints, en revanche, l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs n’est pas justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi puisque au-delà de l’aléa sportif et du résultat des compétitions auxquels il pouvait être éventuellement soumis au cours des saisons successives en raison, notamment, du caractère très étroit de sa collaboration avec l’entraîneur principal de l’équipe professionnelle, aucun élément objectif n’établit que nonobstant des changements intervenus dans sa rémunération, ses tâches auraient varié au cours de ces mêmes saisons durant lesquelles le club a évolué dans trois niveaux sportifs différents et se sont succédés quatre entraîneurs avec lesquels il a été amené à collaborer.
Il y a donc lieu à requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.
Sur les conséquences de la requalification :
Compte tenu de la requalification et de la moyenne mensuelle du salaire brut des douze derniers mois, il convient d’allouer au salarié la somme de 10166,66 euros nets au titre de l’indemnité de requalification prévue par l’article L 1245-2 du code du travail.
Considérant les éléments et pièces fournis, il n’est pas justifié d’une rupture de la relation de travail valant licenciement du salarié pour un motif réel et sérieux ou pour un grief justifié. La rupture intervenue le 30 juin 2014, date à laquelle l’employeur a décidé d’interrompre la relation de travail requalifiée à durée indéterminée, est dès lors sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, le salarié est bien-fondé en sa demande en paiement d’ une indemnité compensatrice de préavis puisqu’il n’a pu exécuter son préavis qu’en raison du comportement de l’employeur ayant abusivement rompu son contrat de travail. Au vu des éléments d’appréciation, c’est à bon droit que le salarié invoque un préavis d’une durée de deux mois qui est prévu pour une ancienneté supérieure à deux ans par les dispositions de l’article 4.4.3.2 , dans sa rédaction applicable au litige, de la convention collective nationale du sport, et qu’il réclame une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 20333,32 euros bruts outre 2033,33 euros bruts de congés payés afférents.
Il résulte des dispositions de l’article 4.4.3.3, dans sa rédaction alors en vigueur, de la convention collective applicable, que l’indemnité de licenciement à laquelle ouvre droit la rupture du contrat de travail litigieuse, est égale à un cinquième de mois de salaire par année pour les cinq premières années d’ancienneté dans l’entreprise, soit, selon la moyenne du salaire des douze derniers mois, un montant de 10166,66 euros nets à allouer au salarié.
Au regard de l’âge de ce dernier au moment de la rupture (36 ans), de son ancienneté et de sa capacité à retrouver un emploi tel que celle-ci résulte des éléments fournis, il convient de lui allouer la somme de 81333,28 euros nets ( huit mois de salaire brut mensuel de référence) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions alors en vigueur de l’article L 1235-3 du code du travail.
En revanche, aucun élément ne permettant de confirmer que le licenciement serait intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires, toute demande formée à ce titre sera en voie de rejet.
Sur la fixation de créances et la garantie au titre de l’Ags:
Toutes les sommes précitées feront l’objet d’une fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Sporting Club de [Localité 4]
Il y a lieu de dire que la garantie de l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 6] doit s’appliquer en l’espèce pour l’ensemble de ces mêmes créances dans les limites légales et réglementaires.
Sur la remise de documents:
Vu les développements qui précèdent, il y aura lieu de condamner les mandataires liquidateurs es qualités, à remettre au salarié les bulletins de paie et documents de fin de contrats rectifiés conformément à l’arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.
Sur les frais irrépétibles:
En équité, il sera alloué au salarié la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, étant rappelé que cette somme doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire et qu’elle n’est pas garantie au titre de l’Ags.
Sur les dépens:
Les entiers dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge des mandataires liquidateurs es qualités. Ils seront pris en frais de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière prud’homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au Greffe,
Vu l’arrêt de cassation partielle de la Cour de cassation du 13 octobre 2021,
Statuant dans les limites de la cassation prononcée,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Bastia du 15 septembre 2016.
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.
Dit abusive la rupture de ce contrat de travail intervenue à l’initiative de l’employeur le 30 juin 2014.
Fixe les créances de Monsieur [I] [P] à la liquidation judiciaire de la société Sporting Club de [Localité 4] comme suit:
– 25000 euros bruts à titre de rappel de primes pour la saison 2012/2013,
– 2500 euros bruts de congés payés afférents,
– 10166,66 euros nets à titre d’indemnité de requalification,
– 20333,32 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2033,33 euros bruts de congés payés afférents,
– 10166,66 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 81333,28 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective a emporté arrêt du cours des intérêts.
Dit que la garantie de l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 6] doit s’appliquer pour les créances précitées dans les limites légales et réglementaires.
Condamne la Selarl Brmj, représentée par Maître [M] [G], et la Selarl Mj Synergie, représentée par Maître [W] [U], prises en leurs qualités de mandataires liquidateurs de la Sasp Sporting Club de [Localité 4], à remettre à Monsieur [I] [P] les bulletins de paie et documents de fin de contrats rectifiés conformément à l’arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.
Fixe également à la liquidation judiciaire de la société Sporting Club de [Localité 4] la somme de 3000 euros allouée à Monsieur [I] [P] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit l’arrêt opposable à l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 6].
Déboute les parties pour le surplus.
Condamne la Selarl Brmj, représentée par Maître [M] [G], et la Selarl Mj Synergie, représentée par Maître [W] [U], prises en leurs qualités de mandataires liquidateurs de la Sasp Sporting Club de [Localité 4], aux entiers dépens de première instance et d’appel, et dit que ces dépens seront pris en frais de liquidation judiciaire.
Le Greffier Le Président