Contrat à durée déterminée d’usage : 30 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01960

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Contrat à durée déterminée d’usage : 30 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01960
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2022

N° RG 20/01960 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UBYK

AFFAIRE :

[M] [K]

C/

S.A. SOCIÉTE D’EDITION CANAL PLUS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juillet 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 19/01599

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL CABINET KTORZA

la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés

Copie certifiée conforme délivrée à :

Pôle Emploi (dématérialisée)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [M] [K]

né le 02 Juin 1973 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0053, susbtituée à l’audience par Maître PROVOST Cloé, avocate au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. SOCIÉTE D’EDITION CANAL PLUS

N° SIRET : 329 211 734

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCEDURE

Exposant avoir été engagé du 1er janvier 2008 au 29 octobre 2019 par la société d’édition de Canal Plus, en qualité d’opérateur vidéo, selon de nombreux contrats de travail à durée déterminée d’usage, M. [K] a saisi, le 11 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la requalification des CDD en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture du contrat aux torts de l’employeur et sa condamnation au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société qui précise que la relation de travail a, en réalité débuté le 13 mars 2005, emploie plus de dix salariés et applique la convention collective d’entreprise Canal Plus.

La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 20 juillet 2020, notifié le 10 septembre 2020, le conseil a statué comme suit :

Déboute M. [K] de l’ensemble de ses fins et demandes,

Rejette la demande reconventionnelle de la société

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.

Le 21 septembre 2020, M. [K] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 13 avril 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 avril 2022.

‘ Selon ses dernières conclusions du 17 mars 2022, M. [K] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

Requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008,

Fixer la rémunération mensuelle de référence à 1 805 euros,

Dire et juger que la rupture intervenue le 29 octobre 2019 est constitutive d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamner en conséquence la société à lui payer les sommes suivantes :

– à titre d’indemnité de l’article L. 1245-2 du code du travail : 20 000 euros

– à titre de rappel de 13ème mois : 4 998 euros

– à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 3 610 euros

– à titre de congés payés afférents : 361 euros

– à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement : 5 595 euros

– à titre d’indemnité de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 000 euros

– 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la présente procédure d’appel,

Le tout avec intérêt de retard à compter de la réception par la société de la convocation adressée par le greffe du conseil de Boulogne-Billancourt pour le bureau de jugement,

Condamner la société aux dépens.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions, en date 29 mars 2022, la société d’édition de Canal Plus demande à la cour de :

A titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter en conséquence de plus fort M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de la requalification et le condamner M. [K] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire (en cas d’infirmation du jugement), fixer à 1 409,75 euros le salaire de référence de M. [K] ; à ce même montant, l’indemnité de requalification, à 2 819,50 euros l’indemnité de préavis, augmentée de 281,95 euros à titre de congés-payés, à 4 370,21 euros l’indemnité de licenciement, à 4 229,25 euros le rappel sur 13ème mois et à 4 229,25 euros l’indemnité prévue à l’article L.1235-3 du code du travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I – Sur la requalification de la relation contractuelle :

M. [K] critique la décision entreprise en ce que les premiers juges n’ont pas, selon lui, tiré les conséquences des faits constants desquels il résulte que l’employeur a recouru pendant plus de 11 ans à des CDD successifs pour couvrir un emploi permanent, à savoir celui de Technicien Opérateur vidéo, indispensable 365 jours par an au sein d’une Société comme Canal +.

Il affirme que l’emploi qu’il occupait est visé comme devant faire l’objet d’un CDI aux termes de la Convention collective d’Entreprise de Canal +.

M. [K] indique que pour remplir son objet social et produire des programmes audiovisuels 365 jours par an, la société Canal+ emploie quotidiennement des techniciens, dont des Opérateurs Vidéo, qui se relayent jour après jour pour contribuer à la réalisation des multiples programmes diffusés ensuite sur les antennes du Bouquet Canal+ et applique, malgré la permanence de cette activité, en son sein une gestion sociale destinée à flexibiliser à outrance son personnel.

Titulaire d’un badge d’accès lui permettant de pénétrer quotidiennement dans les locaux de l’Entreprise, il indique avoir travaillé pendant 11 années en continu, tout au long de l’année.

Il considère que la succession de contrats contrevient à la Directive 1999/70/CE du Conseil de l’Union Européenne du 28 juin 1999 qui a mis en ‘uvre l’accord cadre du 18 mars 1999.

Se prévalant de la jurisprudence de la CJCE 4 juillet 2006 ([S] & autres c/ ELOG…), le salarié oppose aux moyens soulevés par l’employeur que le recours à des contrats de travail à durée déterminée sur le seul fondement d’une disposition légale ou réglementaire générale, sans rapport avec le contenu concret de l’activité considérée, ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaire à cet effet.

La société d’Edition de Canal + objecte qu’il est d’usage constant pour les fonctions de M. [K] de recourir à la collaboration ponctuelle. Relevant qu’au mieux de sa collaboration (2012), le salarié n’est intervenu que 93 jours sur l’année, ce qui correspond à 8 jours par mois, l’employeur soutient que son intervention ne peut être rattachée à l’activité durable et permanente de la société.

Elle soutient que la Cour de cassation invite le juge, saisi d’une demande de requalification, à se concentrer exclusivement sur le point de savoir si le secteur d’activité dans lequel évolue l’entreprise autorise le recours à l’emploi en contrat à durée déterminée d’usage, et, dans l’affirmative, si l’employeur rapporte la preuve que, pour l’emploi concerné, l’usage constant est de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée.

Alors que la condition première à la requalification repose bien sur l’existence d’un usage dans le secteur d’activité, la société d’Edition de Canal + se prévaut des stipulations de l’accord national professionnel interbranche étendu en date du 12 octobre 1998, de la convention collective applicable des intermittents Techniques de l’audiovisuel, de la convention collective applicable de la production audiovisuelle, de l’accord collectif branche de la télédiffusion et de l’annexe II de la convention collective applicable de l’audio-vidéo informatique, desquels il ressort que l’emploi de M. [K], opérateur ralenti, y est expressément mentionné comme une fonction pour lesquelles il est d’usage constant de recourir à l’intermittence. La société intimée souligne que les partenaires sociaux du secteur de la production audiovisuelle, ont encadré de plus fort le recours au CDD d’usage, par la conclusion d’un avenant de branche, le 1er juillet 2016, au titre duquel il est prévu des modalités de passage en CDI, à savoir qu’il devra être proposé un CDI à l’intermittent employé en CDD d’usage dès qu’il aura réalisé au titre d’une même fonction plus de 180 jours de travail par année, constatés sur trois années civiles consécutives auprès d’une même entreprise (Avenant n°6 du 1er juillet 2016 sur les CDD d’usage dans la production audiovisuelle). Elle considère que la signature d’accords collectifs par les partenaires sociaux constitue une raison objective au sens de la clause 5 de l’accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999.

Réfutant les allégations du salarié selon lesquelles la convention Canal Plus prévoirait que ses fonctions devraient être couvertes par un CDI, la société intimée fait également valoir qu’il ne fait aucun doute qu’il pèse sur la production d’un programme des incertitudes quant à sa pérennité, cette dernière étant remise en jeu à chaque saison en fonction notamment du succès rencontré, lequel décidera de sa reconduction et/ou ajustements à apporter à sa production. Elle affirme qu’il lui était donc impossible de conclure un CDI avec M. [K] pour la simple raison qu’il lui est impossible de penser ses programmes autrement qu’en termes de durée déterminée.

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit

son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L. 1242-2 du code du travail permet de recourir à des contrats à durée déterminée dits d’usage dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu pour des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’article D.1242-1 du code du travail fait, à cet égard, figurer expressément l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dont les besoins particuliers justifient le recours au contrat à durée déterminée d’usage, et un accord national professionnel interbranche conclu le 12 octobre 1998, étendu par arrêté du 15 janvier 1999 mentionne expressément les fonctions de M. [K] comme étant des fonctions pour lesquelles il est d’usage constant de recourir à l’intermittence, la convention collective des intermittents techniques de l’audiovisuel du 12 avril 2000, la convention collective de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006.

En premier lieu, il ne résulte en aucune façon de la convention collective d’entreprise que l’emploi occupé par le salarié devait être couvert par un contrat de travail à durée indéterminée, comme ce dernier le prétend.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord

collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en

raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que

des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié,

l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive numéro 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir

les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que

le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être

recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige,

de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des dizaines de contrats à durée déterminée d’usage conclus chaque année par le salarié de 2008 à 2019 que M. [K] a exercé les fonctions d’opérateur-vidéo pour des productions de la société Canal Plus, et plus spécifiquement à des émissions relatives à la diffusion du sport (‘jour de foot’, ‘samedi sport’, ‘les spécialiste F1’, ‘multifoot’, ‘sport week-end’ etc…) et ce de manière régulière et continue, à telle enseigne que, par exemple, en 2018 le salarié a contracté tous les mois de l’année et que sur la période litigieuse, le salarié ayant cantonné son action sur la période de 2008 à 2019, il est constant qu’il a travaillé 80 jours sur l’année 2008, 65 jours sur l’année 2009, 74 jours sur l’année 2010, 89 jours sur l’année 2011, 93 jours sur l’année 2012, 87 jours sur l’année 2013, 68 jours sur l’année 2014, 55 jours sur l’année 2015, 82 jours sur l’année 2016, 70 jours sur l’année 2017, 72 jours sur l’année 2018 et 39 jours sur l’année 2019 (période du mois de janvier à octobre 2019) 80 jours sur l’année 2008.

L’entreprise, qui ne critique pas les dires du salarié selon lesquels il participait à la réalisation de programmes audiovisuels que la société produit 365 jours par an, n’apporte aucune démonstration quant aux spécificités de l’emploi d’opérateur-vidéo qui justifierait le recours à de nombreux CDD successifs pendant onze années.

Il s’en déduit que son activité était en réalité rattachée à une activité pérenne de l’entreprise ainsi

spécialisée dans la production de programmes pour la télévision.

Sauf à invoquer de manière inopérante les accords collectifs ci-avant cités et à procéder par considérations générales selon lesquelles le ‘CDD représenterait le seul socle contractuel valable’, que ‘ce sont ses conditions d’exécution difficilement sécurisables sur le long terme qui font l’intermittence du spectacle’, l’employeur, qui s’abstient de présenter l’organisation de la production des émissions de sport qu’il diffuse tout au long de l’année, ne justifie pas de raisons objectives, fondées sur des éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Pour avoir recouru à des CDD pour pourvoir un emploi relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise, la société intimée encourt la requalification de la relation contractuelle en CDI.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

II – Sur les conséquences de la requalification en contrat à durée indéterminée :

Les parties, en désaccord sur le montant du salaire de M. [K], s’abstiennent de détailler leur calcul. L’employeur soutient que celui-ci s’établirait à la somme de 1 409,75 euros, alors que le salarié prétend qu’il s’élèverait à la somme de 1 515 euros.

Il ressort des bulletins de salaire versés aux débats que M. [K] a perçu en salaire brut : en novembre 2018, la somme de 1 650,38 euros bruts, en décembre 2018, celle de 859,20 euros et de janvier à octobre 2019, la somme de 13 936,46 euros. Compte tenu de l’indemnité servie par la caisse de congés payés, le salaire annuel de référence, le plus favorable pour le salarié s’établit donc à la somme de 1 507,55 euros [16 446,04 euros x 1,1 = 18090,64/12].

II – a) sur l’indemnité de requalification :

Soulignant la situation de précarité et d’instabilité sur le plan des revenus durant 11 années, le salarié sollicite une indemnité de 20 000 euros au titre de l’article L.1245-2 du code du travail, sur la base d’un mois de salaire par année de précarité.

L’employeur demande, à titre subsidiaire, à la cour d’en limiter le montant à un mois de salaire, soit la somme de 1 409,75 euros (salaire de référence).

Conformément à l’article L. 1245-2 du code du travail, M. [K] peut prétendre à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier mois de salaire avant la saisine du conseil de prud’hommes. Eu égard aux conditions de précarité qui ont été imposées au salarié, et aux éléments de la cause, cette indemnité sera fixée à 5 000 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

II – b) sur la prime de fin d’année ou de treizième mois :

M. [K] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 4 998 euros au titre de cette prime conventionnelle dont il a été privé, tenant son statut précaire selon le calcul suivant (1515 + 151) x 3 ans.

La société d’Edition Canal Plus, qui ne conteste pas à titre subsidiaire le principe de son obligation de ce chef, demande à la cour de limiter son montant à la somme de 4 229,25 euros (3 ans x 1 409,75 euros).

En vertu de l’article II.1. du chapitre III de la convention collective d’entreprise Canal+, qui énonce que ‘tous les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée, reçoivent pour une année complète de présence, une gratification égale au montant des appointements bruts de base au taux en vigueur au mois de décembre de l’année considérée’, le salarié est fondé à solliciter la somme de 4 522,65 euros bruts, qui porte intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience de jugement du conseil. Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

III – Sur la rupture de la relation contractuelle

En ne lui fournissant plus de travail à compter du 29 octobre 2019, terme du dernier contrat de travail à durée déterminée d’usage, la société d’Edition Canal Plus a pris l’initiative de rompre la relation de travail requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée sans l’envoi d’une lettre de licenciement motivée.

La rupture s’analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à cette date.

Le jugement sera réformé en ce sens.

IV – sur l’indemnisation de la rupture injustifiée :

Au jour de la rupture, M. [K] âgé de 46 ans bénéficiait d’une ancienneté que le salarié limite à onze années au sein de la société d’Edition Canal Plus qui emploie plus de dix salariés.

Le salarié peut prétendre, en premier lieu, au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu’il aurait perçue s’il avait travaillé pendant la période du délai-congé.

Au vu de la durée du préavis, fixée à deux mois tenant son ancienneté, et du montant de son salaire, qui doit inclure la part de treizième mois auquel le salarié aurait eu droit si le contrat s’était poursuivi, il sera alloué à M. [K] une indemnité compensatrice de préavis de 3 316,61 euros bruts, outre 331,66 euros bruts au titre des congés payés afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.

L’article VI de la convention collective de Canal+ prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à 25% du salaire de référence par année d’ancienneté sur les 5 premières années, 30% du salaire de référence par année d’ancienneté de la 6 ème à la 10ème année et 35% pour la 11ème année. Calculée sur la base d’une ancienneté au terme du préavis auquel il avait droit, de 11 ans, du salaire de référence de 1 796,49 euros, congés payés compris, l’indemnité de licenciement à laquelle la société sera condamnée par application des stipulations conventionnelles, sera fixée à la somme de 5 569,11 euros, somme portant également intérêts au taux légal à compter de la saisine.

En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut, en troisième lieu, prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de trois mois de salaire brut et un montant maximal de 10,5 mois de salaire brut.

Au regard de son ancienneté dans l’entreprise, et de son âge, et en l’absence d’autres éléments produits par M. [K] à l’appui de sa demande indemnitaire, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être arrêté à la somme de 16 000 euros bruts.

Par ailleurs, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées, le cas échéant, au salarié, à compter du jour de son licenciement, jusqu’au jour du jugement du conseil de prud’hommes, et ce à concurrence de six mois.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré,

Statuant de nouveau sur le tout et y ajoutant,

Requalifie la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008.

Dit que la rupture de la relation s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au 29 octobre 2019.

Condamne la société d’Edition Canal Plus à verser à M. [K] les sommes suivantes :

‘ 5 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

‘ 3 316,61 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 331,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

‘ 5 569,11 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

‘ 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

‘ 4 522,65 euros bruts à titre de rappel de prime de treizième mois,

Vu les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes de nature salariale à compter de la réception par l’employeur de la première convocation à comparaître devant le bureau de jugement et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Condamne la société d’Edition Canal Plus à verser à M. [K] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu’en cause d’appel.

Condamne la société d’Edition Canal Plus aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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