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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 07 JUILLET 2022 à
la SELARL PRUNIER-D’INDY
la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS
FCG (AD)
ARRÊT du : 07 JUILLET 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 20/00254 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GDF2
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 15 Janvier 2020 – Section : ENCADREMENT
APPELANT :
Monsieur [D] [C]
né le 04 Octobre 1956 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Constance d’INDY de la SELARL PRUNIER-D’INDY, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉS :
SASP TOURS FOOTBALL CLUB
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Laure MOIROT, avocat au barreau D’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Hortense DOUARD de l’AARPI EARVIN & LEW, avocat au barreau de PARIS,
L’UNEDIC – DÉLÉGATION AGS-CGEA de [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
PARTIE(S) INTERVENANTE (S) :
Maître [U] [F], pris en sa qualité d’administrateur de la SASP TOURS FC, nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Tours du 25 mai 2020,
[Adresse 4]
représenté par Me Laure MOIROT, avocat au barreau D’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Hortense DOUARD de l’AARPI EARVIN & LEW, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. MJ CORP, prise en la personne de Me [G] [I], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SASP TOURS FC, nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Tours du 25 mai 2020,
[Adresse 5]
représentée par Me Laure MOIROT, avocat au barreau D’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Hortense DOUARD de l’AARPI EARVIN & LEW, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 28 avril 2022
Audience publique du 03 Mai 2022 tenue par Mme Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 07 Juillet 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
A compter du 11 septembre 2012, M. [D] [C] a été engagé en qualité d’entraîneur de football professionnel par la SASP FC Tours, selon contrats à durée déterminée successifs.
La relation de travail a pris fin le 30 juin 2018 à l’échéance du terme du dernier contrat.
Par requête reçue au greffe le 18 février 2019, M. [D] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours aux fins notamment d’obtenir la requalification des contrats à durée déterminée successifs conclus à compter du 30 juillet 2013 en un contrat à durée indéterminée.
Par jugement du 15 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Tours a :
– dit et jugé la demande de requalification des contrats de travail successifs de M. [D] [C] en contrat à durée indéterminée infondée ;
– débouté M. [D] [C] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la SA Tours FC de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [D] [C] aux entiers dépens.
M. [D] [C] a interjeté appel de cette décision le 27 janvier 2020.
Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Tours a ouvert à l’encontre de la SASP Tours FC une procédure de redressement judiciaire et a désigné Maître [U] [F] comme administrateur et la SELARL MJ CORP en qualité de mandataire judiciaire, mission confiée à Maître [G] [I].
M. [D] [C] a appelé en intervention forcée l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire et l’AGS CGEA de [Localité 9].
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 4 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] [C] demande à la cour de :
– Dire et juger M. [D] [C] recevable et bien fondé en son appel et en son
intervention forcée,
En conséquence,
– Révoquer l’ordonnance de clôture en date du 23 décembre 2021 et déclarer les présentes conclusions recevables,
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de TOURS
en date du 15 janvier 2020,
Et statuant à nouveau,
– Déclarer recevable car non prescrite l’action aux fins de requalification de M. [D] [C] fondée sur les dispositions des articles L. 1245-1 du code du travail ;
– Dire et juger que les contrats de travail successifs conclus entre M. [D] [C] et la SASP TOURS FC à compter du 30 juillet 2013, doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée.
Vu la rupture des relations contractuelles au 30 juin 2018,
Dire et juger que cette rupture emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle
et sérieuse,
Fixer les créances de M. [D] [C] à l’encontre de la SASP TOURS FC comme suit :
– 10 600 € net à titre d’indemnité de requalification,
– 31 800 € brut à titre d’indemnité de préavis,
– 3 180 € brut à titre d’indemnité de congés payés afférente au préavis
– 15 449,50 € net à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 10 600 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 63 600 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 12 500 € brut à titre de rappel de prime de maintien,
– 1 250 € brut à titre de congés payés afférents
– 10 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au retard de paiement
de salaire,
Dire et juger que ces créances seront inscrites à titre privilégié sur l’état des créances
de la procédure de redressement judiciaire de la SASP TOURS FC et dire qu’il appartiendra à la SELARL MJ CORP prise en la personne de Maître [G] [I] agissant en qualité de mandataire à ladite procédure de procéder à cette inscription dès le prononcé de l’arrêt à intervenir ;
Déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’assurance pour la gestion du régime de garanties des Salaires dite AGS représentée par le CGEA de [Localité 9] et dire qu’il devra couvrir les créances ainsi fixées dans la limite de sa garantie.
Débouter la société TOURS FC et les parties intervenantes de toutes demandes dirigées à l’encontre de M. [D] [C].
Condamner la société TOURS FC, Maître [U] [F] ès qualités et la SELARL MJ CORP prise en la personne de Maître [G] [I] ès qualité à verser à M. [D] [C] une indemnité de 5 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les mêmes aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 4 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SASP TOURS FC, Maître [U] [F] ès qualités d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SA TOURS FC, la SELARL MJ CORP, Maître [G] [I] ès qualités de mandataire judiciaire de la SASP TOURS FC demandent à la cour de :
Déclarer la demande de requalification de son contrat de travail et de ses demandes financières y afférentes irrecevables
Juger les demandes formées par M. [C] infondées,
En conséquence,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Tours du 15 février 2020 ;
Condamner M. [C] à payer au TOURS FC la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 13 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 9] demande à la cour de :
Recevoir M. [D] [C] en son appel ;
Débouter M. [D] [C] de ses demandes, fins et conclusions, comme infondées ;
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause,
Statuer sur les prétentions étant rappelé que :
Le C.G.E.A. ne garantit pas le paiement :
Des sommes réclamées à titre d’astreinte assortissant la délivrance de documents salariaux,
Des dommages et intérêts pour préjudice moral et/ou financier,
Des sommes réclamées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Les intérêts ont été interrompus au jour d’ouverture de la procédure collective par application de l’article L. 621-48 du Nouveau Code de Commerce ;
L’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles D. 3253-1 et suivants du Code du Travail,
L’obligation du C.G.E.A de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
L’AGS se réserve le droit d’engager toute action en répétition de l’indu,
Déclarer la décision à intervenir opposable au C.G.E.A. en sa qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites prévues aux articles L 3253 et suivants du Code du Travail et les plafonds prévus aux articles D 3253-1 et suivants du code du travail,
Statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge du C.G.E.A,
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en requalification
En application de l’article L. 1471-1 du code du travail, le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n°’18-15.359, FS, P+B+I).
Le contrat à durée déterminée conclu le 11 septembre 2012 entre M. [D] [C] et la SASP FC Tours, a fait l’objet de plusieurs renouvellements par avenants. Il a pris fin le 30 juin 2017.
Les parties ont conclu un contrat à durée déterminée le 23 juin 2017, portant sur la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, auquel il a été mis fin de manière anticipée le 20 octobre 2017. Elles ont conclu un nouveau contrat à durée déterminée le 20 octobre 2017, portant sur la période du 20 octobre 2017 au 30 juin 2018. Ces deux contrats sont régis par les articles L. 222-2-1 à L. 222-2-8 du code du sport, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale et de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.
La relation de travail a pris fin le 30 juin 2018 à l’échéance du terme du contrat du 20 octobre 2017.
Par requête reçue au greffe le 18 février 2019, M. [D] [C] a saisi la juridiction prud’homale d’une action en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
Le salarié a par conséquent agi dans le délai imparti de deux ans à compter du terme du dernier contrat, peu important à cet égard qu’il ait ou non exercé différentes fonctions pendant le cours de la relation de travail.
A supposer, ce qui n’est d’ailleurs pas soutenu par les parties, que les dispositions de la loi précitée du 27 novembre 2015 fassent obstacle à la requalification des contrats conclus sous son empire, le salarié n’en est pas moins recevable à solliciter la requalification du contrat à durée déterminée ayant pris fin le 30 juin 2017.
Par voie d’ajout au jugement, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’homologation par la Ligue des contrats à durée déterminée
Les intimés soutiennent que la demande tendant à la requalification des contrats à durée déterminée est irrecevable dès lors que ces contrats et leurs avenants ont fait l’objet de décisions d’homologation par la Ligue de football professionnel et que, faute d’avoir été déférés au juge administratif, ces actes administratifs s’imposent au juge judiciaire. Au soutien de leur thèse, ils invoquent l’arrêt suivant : Soc., 14 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.794, Bull. 2016, V, n° 167.
Il résulte de cet arrêt qu’un contrat ou avenant de contrat d’entraîneur professionnel non soumis à l’homologation de la Ligue de footbal professionnel ou ayant fait l’objet d’un refus d’homologation est nul et de nul effet. Pour autant, le contrôle de la Ligue de football professionnel ne portant pas sur les conditions de recours au contrat à durée déterminée, la décision d’homologation ne fait nullement obstacle à la recevabilité d’une action en justice d’un salarié tendant non pas à contester la validité de son contrat de travail mais à solliciter sa requalification en un contrat à durée indéterminée.
Il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Selon l’article L.1242-1 du code du travail, le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi (Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-23.176, Bull. 2014, V, n° 295 et Soc., 4 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.989, FR, P + B).
A titre liminaire, il convient de récapituler les différents contrats d’entraîneur professionnel de football conclus entre M. [D] [C] et la SASP FC Tours pendant la période comprise entre le 11 septembre 2012 et le 30 juin 2018.
– Selon contrat à durée déterminée du 11 septembre 2012, M. [D] [C] a été engagé en qualité d’entraîneur principal, en charge de la direction technique de l’équipe, par la SASP FC Tours pour deux saisons sportives, soit du 11 septembre 2012 au 30 juin 2014.
Selon avenant du 30 juillet 2013, M. [D] [C] a été nommé entraîneur principal des U19, c’est-à-dire des joueurs âgés de moins de 19 ans, et s’est vu confier la direction du centre de formation pour les saisons sportives 2013/2014 et 2014/2015. Le contrat à durée déterminée initial a été prolongé d’une saison, l’échéance du terme étant fixée au 30 juin 2015.
Selon avenant du 24 novembre 2014, le contrat a été prolongé pour deux saisons sportives, soit pour la période comprise entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2017. L’avenant mentionne que les fonctions de M. [D] [C] sont celles d’entraîneur principal des U19 et qu’il est directeur du centre de formation.
Selon avenant du 25 novembre 2014, M. [D] [C] a été nommé entraîneur principal, en charge de l’équipe professionnelle de ligue 2, pour la période du 25 novembre 2014 au 30 juin 2015.
Selon avenant du 22 mars 2017, M. [D] [C] a été nommé entraîneur principal, en charge de l’équipe professionnelle de ligue 2 pour la période du 23 mars 2017 au 30 juin 2017.
– Selon contrat à durée déterminée du 23 juin 2017, M. [D] [C] a été nommé entraîneur principal, en charge de la direction technique de I’équipe professionnelle, pour une saison sportive, soit pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018.
Selon avenant de résiliation du 20 octobre 2017, les parties sont convenues de mettre un terme de manière anticipée au contrat.
– Selon contrat à durée déterminée du 20 octobre 2017, M. [D] [C] a été nommé entraîneur adjoint des U19 pour la période du 20 octobre 2017 au 30 juin 2018.
Selon avenant du même jour, M. [D] [C] s’est vu confier les fonctions de
directeur adjoint du centre de formation.
La relation de travail a pris fin le 30 juin 2018 à l’échéance du terme de ce contrat.
Le contrat à durée déterminée du 11 septembre 2012 a été conclu en application des dispositions de l’article L. 1242-2 3° du code du travail, relatives aux « contrats d’usage ». Selon l’article D. 1242-1 5° du code du travail, le secteur du sport professionnel fait partie des secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article L. 222-2-1 du code du sport, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, prévoit que le code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l’entraîneur professionnel salarié, à l’exception de certaines dispositions qu’il énumère, parmi lesquelles figurent les articles L. 1242-1 et L. 1242-2 relatifs aux conditions de recours au contrat à durée déterminée, les articles L. 1243-13 et L. 1243-13-1 relatifs au renouvellement du contrat et l’article L. 1245-1 relatif à la requalification du contrat.
En application de l’article 24 V de la loi précitée du 27 novembre 2015, l’article L. 222-2-1 du code du sport s’applique à tout contrat de travail à durée déterminée conclu à compter de la publication de ladite loi. Pour les contrats à durée déterminée d’usage conclus avant cette même date dans le secteur du sport professionnel, il s’applique à tout renouvellement de contrat ayant lieu après ladite date.
Par conséquent, les contrats à durée déterminée des 23 juin 2017 et 20 octobre 2017 ont été conclus en application des articles L. 222-2-1 à L. 222-2-8 du code du sport, issus de la loi précitée du 27 novembre 2015 et de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose au juge de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives.
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (CJUE, deuxième chambre,13 janvier 2022, MIUR et Ufficio Scolastico Regionale per la Campania, C-282/19, ECLI:EU:C:2022:3, points 93 et 94) :
« 93. S’agissant de la notion de « raisons objectives », au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, celle-ci doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêt du 24 juin 2021, Obras y Servicios Públicos et Acciona Agua, C-550/19, EU:C:2021:514, point 59 ainsi que jurisprudence citée).
94 En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite, par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences précisées au point précédent. En effet, une telle disposition purement formelle ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable, est de nature à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Cette disposition comporte donc un risque réel d’entraîner un recours abusif à ce type de contrats et n’est, dès lors, pas compatible avec l’objectif et l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt du 24 juin 2021, Obras y Servicios Públicos et Acciona Agua, C-550/19, EU:C:2021:514, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée).»
Il appartient par conséquent à la présente juridiction d’opérer cette vérification s’agissant de l’emploi occupé par M. [D] [C].
Aux termes du contrat du 11 septembre 2012, le recours au contrat à durée déterminée a été fondé sur l’article D. 1242-1 5° du code du travail relatif à un usage de conclure ce type de contrat dans le secteur du sport professionnel.
A cet égard, le seul fait que cette disposition réglementaire nationale puisse être justifiée par une « raison objective », au sens de l’article 5 de l’accord-cadre, ne saurait suffire à la rendre conforme à celui-ci, s’il apparaît que son application concrète aboutit, dans les faits, à un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs (CJUE, 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C-22/13, C-61/13 à C-63/13 et C-418/13, EU:C:2014:2401, point 104).
L’avenant du 30 juillet 2013 et l’avenant du 24 novembre 2014, qui prévoient la « prolongation automatique » du contrat à durée déterminée du 11 septembre 2012 respectivement pour une saison supplémentaire jusqu’au 30 juin 2015 et pour deux, saisons supplémentaires jusqu’au 30 juin 2017, s’analysent comme des renouvellements du contrat à durée déterminée. Les parties ont donc été liées par des relations de travail à durée déterminée successives, au sens de l’accord-cadre, avant que leurs rapports ne soient régis par les dispositions issues de la loi précitée du 27 novembre 2015.
Il y a lieu de retenir qu’entre le 30 juillet 2013 et le 30 juin 2017, M. [D] [C] a effectivement exercé les fonctions prévues au contrat, à savoir celles d’entraîneur principal des U19 et de directeur du centre de formation.
Certes, selon avenant du 25 novembre 2014, M. [D] [C] a été nommé entraîneur principal, en charge de l’équipe professionnelle de ligue 2, pour la période du 25 novembre 2014 au 30 juin 2015. Cependant, il ressort des procès-verbaux de la Commission fédérale des éducateurs et entraîneurs de football de la Fédération française de football versés aux débats que le club a été sanctionné au titre des journées 20 à 29 et 33 à 38 du championnat de ligue 2 pour le non-respect des dispositions de l’article 12 du statut des éducateurs et entraîneurs. En effet, la Commission a constaté que M. [D] [C] n’exerçait pas les fonctions d’entraîneur principal prévues à son contrat et servait en réalité de «prête-nom» à M. [O] [S] qui ne disposait pas du diplôme requis, le Brevet d’entraîneur professionnel de football (BEPF).
Selon avenant du 22 mars 2017, M. [D] [C] a été nommé entraîneur principal, en charge de l’équipe professionnelle de ligue 2 pour la période du 23 mars 2017 au 30 juin 2017. Il ressort du procès-verbal de la Commission fédérale des éducateurs et entraîneurs de football de la Fédération française de football du 6 juillet 2017 et de la proposition de la conférence des conciliateurs du CNOSF du 29 juillet 2017 qu’au cours des 35ème , 36ème, 37ème et 38ème journées du championnat de ligue 2, les fonctions d’entraîneur principal ont en réalité été exercées par M. [K] [E], qui ne disposait pas du BEPF exigé, et non par M. [D] [C], celui-ci ayant servi de « prête-nom ».
Il y a lieu d’en déduire que, nonobstant les stipulations des avenants des 25 novembre 2014 et 22 mars 2017, M. [D] [C] a occupé, de manière permanente entre le 30 juillet 2013 et le 30 juin 2017, l’emploi d’entraîneur principal des U19 et de directeur du centre de formation.
La SASP FC Tours ne verse aux débats aucun élément concret et précis de nature à établir que cet emploi était par nature temporaire.
Il apparaît au contraire que l’emploi de directeur du centre de formation relève du caractère permanent de l’activité du club de football professionnel. Ainsi, l’article 653 de la Charte du football professionnel, dans sa version applicable à la saison 2018 et 2019 produite par les intimés, impose aux clubs de Ligue 2 d’employer selon contrat à temps complet un entraîneur titulaire du BEPF en tant que directeur du centre de formation.
Il en est de même des fonctions de l’entraîneur de l’équipe U19. L’article 653 de la Charte du football professionnel, dans sa version applicable à la saison 2018 et 2019 produite par les intimés, impose aux clubs disputant le championnat national des U19 ans, lorsqu’ils sont équipés d’un centre de formation agréé, d’employer sous contrat un entraîneur titulaire du DES ou du BEES 2, responsable de l’équipe des U 19 ans.
Par conséquent, la SASP FC Tours était tenue, en tant que club autorisé à utiliser des joueurs professionnels de football, d’avoir dans ses effectifs un entraîneur pour diriger le centre de formation et pour encadrer l’équipe des U19 et ce, sous peine de sanctions fixées par le statut fédéral des éducateurs et entraîneurs de football.
Il ne résulte pas des éléments du débat que l’activité de directeur du centre de formation et d’entraîneur de l’équipe des U19 était soumise au rythme de la saison sportive ou à celui des compétitions et qu’elle était liée aux résultats de l’équipe dont M. [D] [C] avait la charge ou de celle de l’équipe de Ligue 2. Il n’apparaît pas que les conditions d’exercice de l’emploi étaient caractérisées par l’aléa sportif. A cet égard, il y a lieu de relever que le contrat de M. [D] [C] a été à plusieurs reprises renouvelé pour deux saisons entières. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, il importe peu que la pérennité du centre de formation ait été conditionnée au maintien du statut professionnel du club (conclusions p. 18) et que, en raison des difficultés financières de la SASP FC Tours et de ses mauvais résultats sportifs, le centre de formation ait fermé en 2019.
M. [D] [C] a par conséquent occupé entre le 30 juillet 2013 et le 30 juin 2017 un emploi relevant de l’activité permanente du club.
Il y a lieu d’en déduire que les contrats à durée déterminée d’usage conclus et renouvelés sur plusieurs années par la SASP FC Tours ont servi à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente du club de football.
La circonstance que M. [D] [C] ait, selon contrat à durée déterminée du 23 juin 2017, exercé les fonctions d’entraîneur principal de l’équipe de Ligue 2 du 1er juillet au 20 octobre 2017, date de la résiliation de ce contrat, n’est pas de nature à modifier cette appréciation dans la mesure où le caractère temporaire de l’emploi s’apprécie au regard de la nature et de l’évolution des fonctions du salarié sur l’ensemble de la relation de travail. A cet égard, pour les raisons précédemment exposées, l’emploi d’entraîneur adjoint des U19 et de directeur adjoint du centre de formation, occupées par M. [D] [C] entre le 20 octobre 2017 et le 30 juin 2018, relevaient de l’activité permanente du club.
Il y a donc lieu, par voie d’infirmation du jugement, de faire droit à la demande de M. [D] [C] tendant à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 30 juillet 2013.
Sur les conséquences de la requalification
Du fait de la requalification, M. [D] [C] peut prétendre à ce que son ancienneté au sein de la SASP FC Tours soit décomptée à compter du 11 septembre 2012.
Sur l’indemnité de requalification
En application de l’article L. 1245-2 du code du travail, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de fixer la créance de M. [D] [C] au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours à la somme de 10 600 euros net au titre de l’indemnité de requalification.
Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
La relation de travail a pris fin le 30 juin 2018 à l’échéance du terme du dernier contrat à durée déterminée.
Cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé de ce chef.
M. [D] [C] peut prétendre à l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture injustifiée du contrat de travail l’ayant lié à la SASP FC Tours entre le 11 septembre 2012 et le 30 juin 2018.
En application de l’article 4.4.3.2. de la convention collective nationale du sport, la durée du préavis pour les cadres est de 3 mois.
M. [D] [C] a droit à une indemnité de préavis, qui doit être fixée à la somme qu’il aurait perçue s’il avait travaillé pendant la période de préavis de trois mois.
Il y a lieu de fixer la créance de M. [D] [C] au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours à la somme de 31 800 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 3 180 euros brut au titre des congés payés afférents.
Il y a lieu de fixer l’indemnité légale de licenciement à 15 449,50 euros net et de fixer la créance de M. [D] [C] à ce titre au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours.
La procédure de licenciement n’ayant pas été mise en oeuvre, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [D] [C] de sa demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement.
Au jour de son licenciement, M. [D] [C] comptait cinq années complètes d’ancienneté au sein du club.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à la présente espèce compte tenu de la date du licenciement, en l’absence de réintégration comme tel est le cas en l’espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre trois mois et six mois de salaire brut.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de fixer au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours la créance de M. [D] [C] à la somme de 31’800 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de rappel de prime de maintien
Selon un « protocole d’accord » du 22 mars 2017, les parties sont convenues d’accorder à M. [D] [C] une prime de maintien de 25 000 euros en cas de maintien de l’équipe 1 dans le championnat de ligue 2 pour la saison 2007/2018.
Selon avenant du 23 juin 2017 au protocole du 22 mars 2017, M. [D] [C] a renoncé à sa prime de maintien.
Le même jour, les parties ont conclu un contrat d’entraîneur principal d’équipe première pour la saison 2017/2018 prenant effet au 1er juillet 2017 et prévoyant une augmentation substantielle de la rémunération de M. [D] [C]. Elles ont également passé un « protocole d’accord » allouant à M. [D] [C] « une prime à la signature de son contrat d’entraîneur » de 12 500 €.
Il ne résulte d’aucun élément du dossier que le consentement de M. [D] [C] aurait été vicié lorsqu’il a renoncé à la prime de maintien prévue à son contrat. Il apparaît au contraire que les parties ont entendu conclure un nouveau contrat dont les stipulations se sont substituées à celles de la convention du 22 mars 2017.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de débouter M. [D] [C] de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires
M. [D] [C] ne justifie pas du préjudice qu’il invoque.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de le débouter de sa demande à ce titre.
Sur l’intervention de l’AGS
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA de [Localité 9], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [D] [C] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens d’appel seront inscrits au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours.
L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 15 janvier 2020 entre les parties par le conseil de prud’hommes de Tours, sauf en ce qu’il a débouté M. [D] [C] de ses demandes d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de rappel de prime de maintien et de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au retard de paiement du salaire;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription et de l’homologation par la Ligue de footbal professionnel des contrats à durée déterminée ;
Requalifie la relation de travail entre M. [D] [C] et la SASP FC Tours en un contrat à durée indéterminée à compter du 30 juillet 2013 ;
Fixe les créances de M. [D] [C] au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours aux sommes suivantes :
– 10 600 euros net au titre de l’indemnité de requalification ;
– 31 800 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 3 180 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 15 449,50 euros net à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 31’800 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que cet arrêt est opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC-CGEA de [Localité 9], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [D] [C], en ce compris l’indemnité pour travail dissimulé, que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens de première instance et d’appel seront inscrits au passif de la procédure collective de la SASP FC Tours.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID