Contrat à durée déterminée d’usage : 9 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/01784

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Contrat à durée déterminée d’usage : 9 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/01784
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2022

N°2022/ 272

Rôle N° RG 19/01784 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWXJ

[E] [G]

C/

Association [Localité 3] SAINT CYR VAR HANDBALL

Copie exécutoire délivrée

le :09/09/2022

à :

Me Romuald PALAO, avocat au barreau de BAYONNE

Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 21 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00521.

APPELANT

Monsieur [E] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Romuald PALAO, avocat au barreau de BAYONNE substitué par Me Anthony MOTTAIS, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE

SASP [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’Association [Localité 3] SAINT CYR VAR HANDBALL, demeurant [Adresse 1] / FRANCE

représentée par Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, et M. Ange FIORITO, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [E] [G] a été engagé le 1er juillet 2009 en qualité d’ ‘entraîneur manager général ‘ par l’association [Localité 3] Saint-Cyr Var Handball, aux droits de laquelle vient la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, selon contrats de travail à durée déterminée successifs. La relation de travail a pris fin le 30 juin 2018 compte tenu du terme prévu par le dernier contrat.

Le 23 juillet 2018, Monsieur [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon qui par jugement du 21 décembre 2018 a :

– dit et jugé qu’il n’y avait pas lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et débouté le salarié de ses demandes afférentes,

– condamné l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, en la personne de son représentant légal, à la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de fourniture de travail et de préjudice d’image,

– condamné l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, en la personne de son représentant légal, à la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de l’instance,

– fixé le salaire moyen dû à la somme brute de 6130,27 euros,

– débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.

Le 25 janvier 2019, dans le délai légal, Monsieur [G] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [G] demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Handball à verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700;

confirmer le jugement sur le principe d’une condamnation à verser des dommages et intérêts pour défaut de fourniture de travail et de préjudice d’image;

infirmer le jugement pour le surplus;

statuant à nouveau,

– requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée;

– condamner la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball à lui verser les sommes suivantes :

6130,27 euros à titre d’indemnité de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée,

18390,81 euros à titre d’indemnité de préavis et 1839,08 euros au titre des congés payés y afférents,

13793,10 euros à titre d’indemnité de licenciement,

73563,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

20000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de fourniture du travail et modification du contrat de travail,

les sommes ci-dessus portant intérêt au taux légal au jour de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner à la Sasp [Localité 3] Métropole Var de lui transmettre les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jours de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement;

– condamner la Sasp [Localité 3] Métropole Var à verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme déjà allouée en première instance;

– condamner la Sasp [Localité 3] Métropole Var aux entiers dépens.

Il fait essentiellement valoir que :

– à compter du mois de novembre 2017, le club l’a mis à l’écart et l’a privé de ses fonctions, remettant ses compétences en cause; il a été contraint de rester chez lui sans pouvoir travailler, ce qui a été relayé par la presse, notamment le plus grand quotidien national en matière sportive; il a donc subi divers préjudices : moral, devant notamment vivre loin de son domicile et de sa famille, d’image, de carrière puisqu’il n’a pu trouver un poste qu’à l’étranger;

– la requalification en contrat de travail à durée indéterminée est encourue; il a régularisé des contrats de travail au visa des articles L 1242-2 et D 1242-1 et suivants du code du travail dits «contrats d’usage»; l’employeur, tenu de prouver le caractère non permanent de l’emploi, ne démontre pas l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de son emploi que ne constituent pas à eux seuls l’aléa sportif et le résultat des compétitions, la nature associative de la structure ou l’existence de contraintes financières alors de surcroît que les financements peuvent être hybrides, d’origine publique et privée; il a occupé son poste pendant neuf ans sans aucune interruption, preuve que son emploi n’était pas temporaire mais avait bien un caractère durable; ce poste d’entraîneur manager général a vocation à l’être tant que le club disposera d’une équipe de handball;

– la rupture du contrat ainsi requalifié s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– le plafonnement des indemnités prévu par l’article L 1235-3 du code du travail doit être écarté car contraire aux conventions internationales signées par la France, dont l’article 24 de la Charte sociale européenne; son préjudice est important au regard du caractère très réduit du marché du handball de haut niveau, la première division féminine ne comptant que douze clubs; il a dû s’exiler à l’étranger puis il a perçu l’assurance chômage de janvier à mai 2019; ensuite, il a entraîné une équipe d’un niveau inférieur pour un salaire mensuel amputé de 2500 euros;

– son préavis est de trois mois en tant que cadre tel que prévu par l’article 4.4.3.2 de la convention collective nationale du sport;

– son indemnité de licenciement doit être calculée en fonction d’une ancienneté de neuf mois en application de l’article R 1234-2 du code du travail.

Par dernières conclusions du 17 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, demande à la cour de :

– dire et juger que c’est à bon droit que l’intimée a eu recours aux contrats à durée déterminée d’usage pour recruter Monsieur [G],

– dire et juger que ce recours au contrat de travail à durée déterminée était justifié par des éléments précis et concrets démontrant le caractère temporaire de l’emploi,

– dire et juger que le club n’a pas pourvu durablement un emploi permanent en recrutant Monsieur [G] par contrat de travail à durée déterminée d’usage,

– dire et juger qu’aucun élément n’est de nature à entraîner la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée,

– dire et juger que [E] [G] a été intégralement rempli de ses droits et que ses demandes ne sont pas justifiées,

– dire et juger que [E] [G] n’a subi aucun préjudice en raison de l’absence de fourniture de travail ni aucun préjudice d’image,

en conséquence,

confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a été jugé que Monsieur [G] avait subi un préjudice en raison de l’absence de fourniture de travail ainsi qu’un préjudice d’image,

réformer le jugement entrepris sur le préjudice en raison de l’absence de fourniture de travail ainsi qu’un préjudice d’image et le débouter de toute demande indemnitaire afférente,

– le débouter de la totalité de ses demandes,

– le condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner au paiement des entiers frais et dépens.

La société fait valoir que :

– l’entraîneur a perçu son entière rémunération quand il a été dispensé d’entraîner l’équipe sans modification de son contrat de travail; celui-ci ne justifie pas de son préjudice alors qu’il a tiré profit de cette situation dans la perspective de son recrutement pour entraîner l’équipe du Congo, ce qui a donné lieu à la signature d’un contrat le jour suivant la fin de leurs relations contractuelles;

– elle démontre que les contrats d’usage qu’ils ont régularisés sont conformes aux dispositions légales et conventionnelles et justifiés par des éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi; ce caractère temporaire de l’emploi résulte des contraintes financières et budgétaires de l’association bénéficiant de financements publics et privés dépendant des résultats sportifs du club obtenus lors de la saison précédente; les faits de l’espèce doivent être appréciés au regard de l’esprit de la loi et du droit positif en ce que par application de la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015, depuis le 28 novembre 2015, le contrat à durée déterminée’sportif’ spécifique, qui a remplacé le contrat d’usage, est obligatoire pour les emplois de sportifs et d’entraîneurs professionnels salariés d’associations ou de sociétés sportives;

– à titre subsidiaire, le préavis est de deux mois et il convient d’allouer au salarié la somme de 12260,54 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et l’indemnisation du licenciement allégué sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à 18390,81 euros, soit l’indemnité minimale de trois mois de salaire prévue par le barème, le salarié ne justifiant pas de son préjudice et ayant immédiatement retrouvé un emploi.

La clôture de l’instruction est intervenue le 13 mai 2022.

MOTIFS:

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée:

Les trois contrats de travail successifs signés par les parties le 1er juillet 2009 pour les saisons sportives 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, le 16 février 2012 pour les saisons sportives 2012/2013, 2013/2014, puis le 27 novembre 2013 pour les saisons sportives 2014/2015 à 2017/2018, mentionnent qu’ils sont conclus pour une durée déterminée pour un emploi d’entraîneur professionnel de handball pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de son caractère par essence temporaire.

L’article D 1242-1 prévoit que le sport professionnel est l’un des secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Dans sa dernière version applicable, l’article 12. 3. 2. 1 de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006, prévoit que le contrat à durée déterminée dit ‘spécifique’ est un contrat à durée déterminée conclu conformément aux dispositions des articles L. 222-2 à L. 222-2-8 du code du sport, et que les contrats conclus avant le 27 novembre 2015 entrent toujours dans le champ d’application des articles L. 1242-2-3° et D. 1242-1 du code du travail jusqu’à leur renouvellement.

Selon les dispositions de cet article 12.3.2.1, dans sa version applicable au litige, les salariés visés par le chapitre XII en vertu de l’article 12.1 occupent des emplois pour lesquels l’usage impose de recourir au contrat à durée déterminée en raison de la nature de l’activité et du caractère par nature temporaire de ces emplois, ainsi que prévu aux articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail.

Aux termes de l’article 12.3.1.2, dans sa rédaction alors applicable, de la convention collective nationale du sport, l’entraîneur de sportif, concerné par les dispositions précitées, a pour mission principale la préparation du ou des sportifs professionnels sous tous ses aspects (préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, formation et coaching, organisation des entraînements).

De même, la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, prévoit que l’entraîneur de football a pour tâche la préparation à la pratique du football à tous les niveaux et sous tous ses aspects, notamment : préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, organisation de l’entraînement.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, s’il résulte des textes susvisés que l’emploi occupé par le salarié fait bien partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dès lors qu’il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour que celui-ci a été engagé en qualité d’entraîneur professionnel d’une équipe de handball féminine, ‘manager général’, ainsi chargé de la préparation, de l’entraînement et de la sélection des joueuses, de la stratégie de jeu, et doté de responsabilités en matière d’organisation sportive du club, en revanche, l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs n’est pas justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi puisque au-delà de l’aléa sportif et du résultat des compétitions auxquels il pouvait être éventuellement soumis au cours des saisons successives, aucun élément objectif n’établit qu’en dehors de la décision unilatérale de l’employeur, indifférente à cet égard, de lui retirer temporairement à compter du 3 septembre 2017 la responsabilité des entraînements et des matchs pour ne lui laisser que ses responsabilités concernant l’organisation sportive du club ‘et le reste de [ses] missions’, ses tâches auraient varié au cours de huit saisons consécutives durant lesquelles le club a évolué en première division du championnat de France féminin de handball, peu important la constitution du club d’abord sous forme associative et que des sources de financement aient pu en partie dépendre de ses résultats sportifs, situation que n’exclut pas en elle-même sa forme actuelle.

Il y a donc lieu à requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur l’indemnité de requalification :

Compte tenu de la requalification et d’une moyenne mensuelle de salaire brut de 6130,27 euros, il convient d’allouer au salarié la somme de 6130,27 euros nets au titre de l’indemnité de requalification prévue par l’article L 1245-2 du code du travail.

Sur le la rupture du contrat de travail:

Considérant les éléments et pièces fournis, il n’est pas justifié d’une rupture de la relation de travail valant licenciement du salarié pour un motif réel et sérieux ou pour un grief justifié. La rupture intervenue le 30 juin 2018, date à laquelle l’employeur a décidé d’interrompre la relation de travail requalifiée à durée indéterminée, est dès lors sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de préavis et de congés payés afférents:

En application des dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, le salarié est bien-fondé en sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis puisqu’il n’a pu exécuter son préavis qu’en raison du comportement de l’employeur ayant abusivement rompu son contrat de travail. Au vu des éléments d’appréciation, c’est à bon droit que le salarié invoque un préavis d’une durée de trois mois telle que celle-ci est prévue pour le salarié cadre par les dispositions de l’article 4.4.3.2, dans sa rédaction applicable au litige, de la convention collective nationale du sport, puisque ce statut de cadre est mentionné dans les contrats signés par les parties ainsi que sur les bulletins de paie établis par l’employeur.

En tenant compte de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait effectué son préavis de trois mois, le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à lui allouer est de 18390,81 euros bruts outre 1839,08 euros bruts de congés payés afférents.

Sur l’indemnité légale de licenciement:

L’ancienneté du salarié ouvre droit à l’indemnité de licenciement prévue par l’article L 1234-9 du code du travail. Son montant est égal à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté en application des dispositions de l’article R 1234-2 du code du travail, soit, pour neuf ans d’ancienneté, une somme de 13793,10 euros nets à allouer au salarié.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
– la violation d’une liberté fondamentale;

– ordonner à la Sasp [Localité 3] Métropole Var de lui transmettre les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jours de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement;

– condamner la Sasp [Localité 3] Métropole Var à verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme déjà allouée en première instance;

– condamner la Sasp [Localité 3] Métropole Var aux entiers dépens.

Il fait essentiellement valoir que :

– à compter du mois de novembre 2017, le club l’a mis à l’écart et l’a privé de ses fonctions, remettant ses compétences en cause; il a été contraint de rester chez lui sans pouvoir travailler, ce qui a été relayé par la presse, notamment le plus grand quotidien national en matière sportive; il a donc subi divers préjudices : moral, devant notamment vivre loin de son domicile et de sa famille, d’image, de carrière puisqu’il n’a pu trouver un poste qu’à l’étranger;

– la requalification en contrat de travail à durée indéterminée est encourue; il a régularisé des contrats de travail au visa des articles L 1242-2 et D 1242-1 et suivants du code du travail dits «contrats d’usage»; l’employeur, tenu de prouver le caractère non permanent de l’emploi, ne démontre pas l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de son emploi que ne constituent pas à eux seuls l’aléa sportif et le résultat des compétitions, la nature associative de la structure ou l’existence de contraintes financières alors de surcroît que les financements peuvent être hybrides, d’origine publique et privée; il a occupé son poste pendant neuf ans sans aucune interruption, preuve que son emploi n’était pas temporaire mais avait bien un caractère durable; ce poste d’entraîneur manager général a vocation à l’être tant que le club disposera d’une équipe de handball;

– la rupture du contrat ainsi requalifié s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– le plafonnement des indemnités prévu par l’article L 1235-3 du code du travail doit être écarté car contraire aux conventions internationales signées par la France, dont l’article 24 de la Charte sociale européenne; son préjudice est important au regard du caractère très réduit du marché du handball de haut niveau, la première division féminine ne comptant que douze clubs; il a dû s’exiler à l’étranger puis il a perçu l’assurance chômage de janvier à mai 2019; ensuite, il a entraîné une équipe d’un niveau inférieur pour un salaire mensuel amputé de 2500 euros;

– son préavis est de trois mois en tant que cadre tel que prévu par l’article 4.4.3.2 de la convention collective nationale du sport;

– son indemnité de licenciement doit être calculée en fonction d’une ancienneté de neuf mois en application de l’article R 1234-2 du code du travail.

Par dernières conclusions du 17 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, demande à la cour de :

– dire et juger que c’est à bon droit que l’intimée a eu recours aux contrats à durée déterminée d’usage pour recruter Monsieur [G],

– dire et juger que ce recours au contrat de travail à durée déterminée était justifié par des éléments précis et concrets démontrant le caractère temporaire de l’emploi,

– dire et juger que le club n’a pas pourvu durablement un emploi permanent en recrutant Monsieur [G] par contrat de travail à durée déterminée d’usage,

– dire et juger qu’aucun élément n’est de nature à entraîner la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée,

– dire et juger que [E] [G] a été intégralement rempli de ses droits et que ses demandes ne sont pas justifiées,

– dire et juger que [E] [G] n’a subi aucun préjudice en raison de l’absence de fourniture de travail ni aucun préjudice d’image,

en conséquence,

confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a été jugé que Monsieur [G] avait subi un préjudice en raison de l’absence de fourniture de travail ainsi qu’un préjudice d’image,

réformer le jugement entrepris sur le préjudice en raison de l’absence de fourniture de travail ainsi qu’un préjudice d’image et le débouter de toute demande indemnitaire afférente,

– le débouter de la totalité de ses demandes,

– le condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner au paiement des entiers frais et dépens.

La société fait valoir que :

– l’entraîneur a perçu son entière rémunération quand il a été dispensé d’entraîner l’équipe sans modification de son contrat de travail; celui-ci ne justifie pas de son préjudice alors qu’il a tiré profit de cette situation dans la perspective de son recrutement pour entraîner l’équipe du Congo, ce qui a donné lieu à la signature d’un contrat le jour suivant la fin de leurs relations contractuelles;

– elle démontre que les contrats d’usage qu’ils ont régularisés sont conformes aux dispositions légales et conventionnelles et justifiés par des éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi; ce caractère temporaire de l’emploi résulte des contraintes financières et budgétaires de l’association bénéficiant de financements publics et privés dépendant des résultats sportifs du club obtenus lors de la saison précédente; les faits de l’espèce doivent être appréciés au regard de l’esprit de la loi et du droit positif en ce que par application de la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015, depuis le 28 novembre 2015, le contrat à durée déterminée’sportif’ spécifique, qui a remplacé le contrat d’usage, est obligatoire pour les emplois de sportifs et d’entraîneurs professionnels salariés d’associations ou de sociétés sportives;

– à titre subsidiaire, le préavis est de deux mois et il convient d’allouer au salarié la somme de 12260,54 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et l’indemnisation du licenciement allégué sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à 18390,81 euros, soit l’indemnité minimale de trois mois de salaire prévue par le barème, le salarié ne justifiant pas de son préjudice et ayant immédiatement retrouvé un emploi.

La clôture de l’instruction est intervenue le 13 mai 2022.

MOTIFS:

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée:

Les trois contrats de travail successifs signés par les parties le 1er juillet 2009 pour les saisons sportives 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, le 16 février 2012 pour les saisons sportives 2012/2013, 2013/2014, puis le 27 novembre 2013 pour les saisons sportives 2014/2015 à 2017/2018, mentionnent qu’ils sont conclus pour une durée déterminée pour un emploi d’entraîneur professionnel de handball pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de son caractère par essence temporaire.

L’article D 1242-1 prévoit que le sport professionnel est l’un des secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Dans sa dernière version applicable, l’article 12. 3. 2. 1 de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006, prévoit que le contrat à durée déterminée dit ‘spécifique’ est un contrat à durée déterminée conclu conformément aux dispositions des articles L. 222-2 à L. 222-2-8 du code du sport, et que les contrats conclus avant le 27 novembre 2015 entrent toujours dans le champ d’application des articles L. 1242-2-3° et D. 1242-1 du code du travail jusqu’à leur renouvellement.

Selon les dispositions de cet article 12.3.2.1, dans sa version applicable au litige, les salariés visés par le chapitre XII en vertu de l’article 12.1 occupent des emplois pour lesquels l’usage impose de recourir au contrat à durée déterminée en raison de la nature de l’activité et du caractère par nature temporaire de ces emplois, ainsi que prévu aux articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail.

Aux termes de l’article 12.3.1.2, dans sa rédaction alors applicable, de la convention collective nationale du sport, l’entraîneur de sportif, concerné par les dispositions précitées, a pour mission principale la préparation du ou des sportifs professionnels sous tous ses aspects (préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, formation et coaching, organisation des entraînements).

De même, la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, prévoit que l’entraîneur de football a pour tâche la préparation à la pratique du football à tous les niveaux et sous tous ses aspects, notamment : préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, organisation de l’entraînement.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, s’il résulte des textes susvisés que l’emploi occupé par le salarié fait bien partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dès lors qu’il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour que celui-ci a été engagé en qualité d’entraîneur professionnel d’une équipe de handball féminine, ‘manager général’, ainsi chargé de la préparation, de l’entraînement et de la sélection des joueuses, de la stratégie de jeu, et doté de responsabilités en matière d’organisation sportive du club, en revanche, l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs n’est pas justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi puisque au-delà de l’aléa sportif et du résultat des compétitions auxquels il pouvait être éventuellement soumis au cours des saisons successives, aucun élément objectif n’établit qu’en dehors de la décision unilatérale de l’employeur, indifférente à cet égard, de lui retirer temporairement à compter du 3 septembre 2017 la responsabilité des entraînements et des matchs pour ne lui laisser que ses responsabilités concernant l’organisation sportive du club ‘et le reste de [ses] missions’, ses tâches auraient varié au cours de huit saisons consécutives durant lesquelles le club a évolué en première division du championnat de France féminin de handball, peu important la constitution du club d’abord sous forme associative et que des sources de financement aient pu en partie dépendre de ses résultats sportifs, situation que n’exclut pas en elle-même sa forme actuelle.

Il y a donc lieu à requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur l’indemnité de requalification :

Compte tenu de la requalification et d’une moyenne mensuelle de salaire brut de 6130,27 euros, il convient d’allouer au salarié la somme de 6130,27 euros nets au titre de l’indemnité de requalification prévue par l’article L 1245-2 du code du travail.

Sur le la rupture du contrat de travail:

Considérant les éléments et pièces fournis, il n’est pas justifié d’une rupture de la relation de travail valant licenciement du salarié pour un motif réel et sérieux ou pour un grief justifié. La rupture intervenue le 30 juin 2018, date à laquelle l’employeur a décidé d’interrompre la relation de travail requalifiée à durée indéterminée, est dès lors sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de préavis et de congés payés afférents:

En application des dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, le salarié est bien-fondé en sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis puisqu’il n’a pu exécuter son préavis qu’en raison du comportement de l’employeur ayant abusivement rompu son contrat de travail. Au vu des éléments d’appréciation, c’est à bon droit que le salarié invoque un préavis d’une durée de trois mois telle que celle-ci est prévue pour le salarié cadre par les dispositions de l’article 4.4.3.2, dans sa rédaction applicable au litige, de la convention collective nationale du sport, puisque ce statut de cadre est mentionné dans les contrats signés par les parties ainsi que sur les bulletins de paie établis par l’employeur.

En tenant compte de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait effectué son préavis de trois mois, le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à lui allouer est de 18390,81 euros bruts outre 1839,08 euros bruts de congés payés afférents.

Sur l’indemnité légale de licenciement:

L’ancienneté du salarié ouvre droit à l’indemnité de licenciement prévue par l’article L 1234-9 du code du travail. Son montant est égal à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté en application des dispositions de l’article R 1234-2 du code du travail, soit, pour neuf ans d’ancienneté, une somme de 13793,10 euros nets à allouer au salarié.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
– la violation d’une liberté fondamentale;
– des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4;
– un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4;
– un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits;
– un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat;
– un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.
Selon l’article 24 de cette même Charte, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »
L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il « est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »
L’article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu’elle contient.
Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s’engage :
a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;
b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;

c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.»
Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne.
L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :
a) la législation ou la réglementation ;
b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;
c) une combinaison de ces deux méthodes ;
d) d’autres moyens appropriés. »
Enfin, l’annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.

Les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant donc pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail et il convient d’allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

En conséquence, l’entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié ayant une ancienneté de neuf années, il convient d’allouer à ce dernier, en réparation du caractère injustifié de la perte de son emploi telle que celle-ci résulte, notamment, de ses capacités à retrouver un emploi au vu des éléments fournis, la somme de 55172,43 euros nets ( neuf mois de salaire brut mensuel de référence) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de fourniture du travail et modification du contrat de travail:

Le salarié invoque des préjudices moral, d’image et de carrière causés par l’absence de fourniture d’un travail et par une mise à l’écart qui ont duré huit mois et qui ont eu un tel retentissement médiatique au niveau tant régional que national qu’il n’a pu retrouver un emploi d’entraîneur qu’à l’étranger avec des conséquences sur sa vie privée et familiale.

Il résulte en effet de la lettre que l’employeur lui a adressée le 3 novembre 2017 qu’à compter de cette date celui-ci a décidé de retirer au salarié la responsabilité des entraînements et des matchs de l’équipe et de lui laisser ses responsabilités concernant l’organisation sportive du club et le reste de ses missions. Il y précisait que le contrat de travail n’était pas impacté par cette mesure de réorganisation temporaire et que sa rémunération serait intégralement maintenue.

Toutefois, s’il apparaît que le salarié a perçu la rémunération à laquelle il pouvait prétendre durant cette période, ce dernier n’a plus été en mesure d’exercer aucune de ses missions à compter du 3 novembre 2017, ce qu’il a dénoncé dans une lettre du 7 novembre 2017 au sein de laquelle il indique que cette modification revient à ‘vider’ son poste de la totalité de ses missions, ‘ les relations partenaires et le recrutement étant notamment gérés par ailleurs’, et ce à quoi l’employeur a répliqué par lettre remise en main propre du 10 novembre 2017 que le salarié était dispensé de toute prestation de travail au sein du club à compter de cette date, confirmant ainsi la modification du contrat de travail imposée au salarié.

Or, dès le 3 novembre 2017, le site du journal national l’Equipe publiait un article intitulé: ‘ [E] [G] n’est plus l’entraîneur de [Localité 3]-Saint-Cyr’ selon lequel ce dernier ne devait plus avoir aucun rôle à jouer dans l’équipe première en raison de résultats décevants.

De même, selon l’extrait d’un article du journal quotidien régional Var Matin publié le 4 novembre 2017 et intitulé ‘ [Localité 3]/Saint-Cyr : le manager [E] [G] mis à l’écart’, le manager était mis à l’écart de l’équipe en raison notamment de mauvais résultats et celui-ci était remplacé pour le match du jour par son ancien adjoint et le coach de réserve.

Il en résulte que les décisions soudaines, fautives, de l’employeur, ont eu un retentissement médiatique régional et national immédiat causant à l’entraîneur de l’équipe de handball évoluant dans un milieu sportif national de haut niveau particulièrement restreint et dans un club qui lui avait renouvelé sa confiance au cours de nombreuses saisons sportives, un préjudice moral et de carrière découlant notamment de l’impact négatif de cette mise à l’écart sur son image et sa réputation professionnelle, le salarié n’ayant plus occupé de fonctions dans ce même milieu après la rupture de son contrat de travail.

Le préjudice subi par le salarié sera intégralement réparé par l’allocation de dommages et intérêts qu’il y a lieu de fixer à 10000 euros nets.

Sur la remise de documents:

Vu les développements qui précèdent, il y aura lieu de condamner l’employeur à remettre au salarié des bulletins de paie et des documents de fin de contrats rectifiés conformément à l’arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, il convient d’ordonner à l’employeur le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de quatre mois des indemnités versées.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il sera alloué au salarié la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Sur les dépens:

Les entiers dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de l’employeur, partie succombante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud’homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au Greffe,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.

Dit abusive la rupture de ce contrat de travail intervenue à l’initiative de l’employeur le 30 juin 2018.

Condamne la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, à payer à Monsieur [E] [G] les sommes suivantes :

– 6130,27 euros nets à titre d’indemnité de requalification,

– 18390,81 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1839,08 euros bruts de congés payés afférents,

– 13793,10 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 55172,43 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct.

Condamne la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, à remettre à Monsieur [G] des bulletins de paie et des documents de fin de contrats rectifiés conformément à l’arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Ordonne à la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Monsieur [G], dans la limite de quatre mois des indemnités versées.

Condamne la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, à payer à Monsieur [G] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la Sasp [Localité 3] Métropole Var Handball, venant aux droits de l’association [Localité 3] Saint Cyr Var Handball, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le GreffierLe Président

 


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