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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 17 NOVEMBRE 2022
N° 2022/
MS
Rôle N°19/07311
N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGZ3
SARL AZUR PULLMAN VOYAGES
C/
[C] [J]
Copie exécutoire délivrée
le : 17/11/2022
à :
– Me Bruno ZACARIAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
– Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NICE en date du 28 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01151.
APPELANTE
SARL AZUR PULLMAN VOYAGES, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Bruno ZACARIAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
Monsieur [C] [J], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Annie PROSPERI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Pascale ROCK, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [C] [J] été engagé en qualité de chauffeur d’autocars de tourisme, à compter du 26 mai 2016, suivant plusieurs contrats à durée déterminée successifs, le dernier venant à terme le 2 mai 2017.
Le 3 mai 2017, le salarié recevait ses documents de fin de contrat et son solde de tout compte mentionnant comme date de sortie le 30 avril 2017. Le 22 juin 2017, il dénonçait son solde de tout compte.
La convention collective applicable à la relation de travail était celle nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
Le 18 juillet 2017, Monsieur [C] [J] a saisi la juridiction prud’homale, en sollicitant à titre principal, la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu pour les prestations Flixbus, en contrat de travail à durée indéterminée, et obtenir les sommes suivantes :
– Indemnité de requalification : 2.829,38 €
– Indemnité pour non-respect de la procédure : 2.829,38 €
– Indemnité compensatrice de préavis : 2.829,38 €
– Congés payés sur préavis : 282,93 €
Voir juger la rupture du contrat de travail analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les somme suivantes :
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16.976,28 €
– Rappel d’heures supplémentaires : 4.236,08 €
– Congés payés y afférents : 423,61 €
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 16.976,28 €
Par jugement de départage en date du 28 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Nice :
– Déboute Mr [C] [J] de sa demande au titre des heures supplémentaires impayées,
– Déboute Mr [C] [J] de sa demande de paiement d’une indemnité pour travail dissimulé,
– Requalifie les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 mai 2016,
– Condamne la société Azur Pullman Voyages à payer à Mr [C] [J], les sommes suivantes :
– Indemnité de requalification du contrat de travail : 1.995,28 €
– Indemnité pour procédure irrégulière : 1.995,28 €
– Indemnité compensatrice de préavis : 1.584 €
– Indemnité de congés payés sur préavis : 158,40 €
– Dommages et intérêts pour licenciement injustifié : 1.995,28 €
– Condamne la SARL Azur Pullman Voyages à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômages servies à compter du jour du licenciement dans la limite de six (6) mois.
– Condamne la SARL Azur Pullman Voyages à payer à Monsieur [C] [J] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rappelle qu’en application des articles R.1454-28 et 1454-14 du code du travail, le jugement est de plein droit exécutoire par provision dans la limite de neuf (9) mois de salaire, en qu’il porte condamnation au paiement de salaires ou accessoires de salaires, indemnités de congés payés, préavis ou licenciement, indemnité spéciale de licenciement en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle, indemnité de fin de contrat ou de mission prévues aux articles L.1243-8 et L1251-32 du code du travail.
– Indique pour application des dispositions sus-rappelées que la moyenne des trois derniers mois de salaires s’établit à 1.995,28 euros
– Condamne la SARL Azur Pullman Voyages aux entiers dépens de l’instance.
La SARL Azur Pullman Voyages a interjeté appel de ce jugement.
L’ordonnance de clôture est en date du 28 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2022, l’appelante demande à la cour de :
« Déclarer irrecevables en cause d’appel comme étant nouvelles, d’une part la demande de prime de découcher, et d’autre part, la demande de dommages et intérêts résultant de la perte de la mutuelle d’entreprise.
Infirmer jugement, en ce qu’il requalifie les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 mai 2016, et en ce qu’il la condamne à payer à M.[J] :
– Indemnité de requalification du contrat de travail : 1.995,28 €
– Indemnité pour procédure irrégulière : 1.995,28 €
– Indemnité compensatrice de préavis : 1.584 €
– Indemnité de congés payés sur préavis : 158,40 €
– Dommages et intérêts pour licenciement injustifié : 1.995,28 €
Infirmer jugement, en ce qu’il la condamne :
– à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômages servies à compter du jour du licenciement dans la limite de six (6) mois.
– à payer à M. [J] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau,
Dire et juger que le motif du recours au CDD est parfaitement légitime compte-tenu du secteur d’activité, et de l’usage constant prévu par la convention collective y afférent.
Débouter M. [J] de ses demandes.
A titre subsidiaire,
Dire et juger que Monsieur [C] [J] ne justifie d’aucun préjudice en lien avec la rupture du contrat de travail.
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger qu’en application de l’ordonnance fixant le montant maximum de l’indemnité pouvant être versée à Monsieur [C] [J], le quantum de l’indemnité ne peut être supérieur à un mois de salaire compte- tenu de son ancienneté inférieure à une année au moment de la rupture et du fait qu’il n’établit aucun préjudice.
Sur l’appel incident,
Confirmer le jugement, en ce qu’il a :
– Débouté, Monsieur [C] [J], de sa demande fondée sur un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés y afférents.
– Débouté, Monsieur [C] [J], de sa demande fondée sur des dommages et intérêts pour travail dissimulé.
En tout état de cause, condamner l’intimé à payer une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
L’appelant fait valoir :
– qu’aucun contrat de travail à durée déterminée n’a fait l’objet de plus de deux renouvellements,
– que son activité de transport en autocars s’effectue principalement et majoritairement sur des prestations de tourisme dites occasionnelles ou réceptives,
– que tous les CDD régularisés ont pour motif de recours, soit la vacation pour l’accroissement temporaire d’activité en matière de transports occasionnel de voyageurs de la société, dans un secteur d’activité pour lequel il est d’usage d’y recourir, soit et à partir du 1 juillet 2017, pour accroissement d’activité temporaire en lien avec la phase de mise en démarrage ‘ adaptation des moyens et d’exploitation des nouvelles prestations de lignes régulières longues distances Flixbus et l’incertitude de la viabilité économique de ces lignes conformément à la circulaire DRT N°90-18 du 30 octobre 1990,
– que l’article 18 de la convention collective confirme la légalité du motif de recours au CDD pour les emplois intermittents et pour les emplois saisonniers, ou intermittent,
– que les 150 billets collectifs qui ont été remis au cours de la relation contractuelle de travail à Monsieur [C] [J], démontrent qu’il a bien été affecté exclusivement sur des prestations de transports en lien direct avec les motifs invoqués de recours dans les CDD,
– que le fait que l’accord cadre de partenariat avec Flixbus était conclu pour cinq (5) années, ne rend pas pour autant pérenne cette activité, puisque, chacun des partenaires (Flixbus ou la SARL Azur Pullman Voyages )avait la possibilité de renoncer à l’exploitation de ces nouvelles lignes régulières longues distances, s’il s’avérait à l’usage, qu’elles ne rencontraient pas l’adhésion des usagers, et/ou que la viabilité économique de l’exploitation desdites lignes n’était pas avérée,
– que le recours au contrat à durée déterminée n’est pas conditionné à la durée du contrat de partenariat, ni à ses modalités de résiliation,
– que la fin du contrat de coopération et de partenariat entre la Société Flixbus et la société, n’a pas entraîné de modification dans la situation juridique de cette dernière,
– que le conseil de prud’hommes a exactement relevé que les documents dont Monsieur [C] [J] se prévaut pour démontrer avoir effectué des heures non décomptées par l’employeur ne sont pas fiables et de nature à mettre en cause le caractère probatoire des relevés de temps de conduite et de travail produits par l’employeur,
– que les décomptes du temps de travail élaborés à partir d’une lecture de sa carte individuelle de contrôle de la durée du travail, ne procèdent pas d’une analyse sécurisée et dûment autorisée par le logiciel dont il se prévaut, et dont il résulte de son nom, qu’il n’est adapté que pour un simple conducteur, alors que le salarié était en équipage sur les prestations Flixbus,
– que de surcroît cette analyse ne tient pas compte des dispositions réglementaires et conventionnelles applicables à la relation contractuelle de travail alors même qu’il était quasiment tout le temps en double équipage notamment sur la ligne régulière,
– que la société avait la possibilité de procéder à un décompte des heures supplémentaires éventuelles à la quatorzaine,
– que c’est le salarié qui a rompu le contrat de travail en ne reprenant pas son activité à l’issue de son arrêt de travail,
– qu’il ne justifie pas de son préjudice consécutif à la rupture et n’avait qu’un an d’ancienneté.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2022, l’intimé demande à la cour de confirmer le jugement, excepté sur les chefs de demande soutenues en première instance pour lesquelles, il a été débouté : demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées et demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé et de condamner la SARL Azur Pullman Voyages à lui verser, avec intérêts de droit, les sommes suivantes :
– 4.23 6,03 € à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 423.61 € au titre des congés payés,
– 16.976,28 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
– 6 80146 € au titre des frais de découcher,
– 2 000 € à titre d’indemnité pour défaut de mutuelle complémentaire,
Condamner la SARL Azur Pullman Voyages aux dépens et frais d’exécution du présent arrêt ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimé réplique :
– que les demandes relatives à la prime de découcher et à la mutuelle complémentaire se rattachent aux autres demandes par un lien suffisant ; qu’elles sont recevables,
– que le motif de recours au CDD « pour une opération de démarrage de l’activité des nouvelles prestations de lignes régulières longue distance Flixbus » ne correspond pas à un surcroît temporaire d’activité au sens de la jurisprudence,
– que tous les contrats à durée déterminée se sont succédé sans interruption,
– que les contrats s’inscrivent dans la conclusion d’un contrat de partenariat avec Flixbus dont la durée va bien au-delà de la saison et du démarrage de l’activité,
– que l’employeur se devait de rompre le contrat pour un motif valable en suivant la procédure de licenciement,
– que le fait que Monsieur [J] n’ait pas repris son travail l’issue de sa maladie n’a aucune incidence sur le motif de la rupture du contrat, n’ayant en aucun cas manifesté une quelconque volonté de rompre son contrat de travail,
– que la rupture est intervenue avant l’entrée en vigueur du plafonnement des indemnités,
– que l’employeur est redevable d’heures supplémentaires non rémunérées dont il a dressé le décompte à partir d’un logiciel Simple Driver,
– qu’il a produit les billets collectifs d’ordre de mission sur les vacations, qui sont nominatifs,
– qu’il appartient à l’employeur de prouver qu’il était en double équipage,
-que l’employeur a donné des lectures volontairement modifiées de la carte conducteur,
– qu’il peut prétendre à des primes de découcher,
– que l’employeur ne lui a remis aucun bulletin d’adhésion à une mutuelle complémentaire santé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
1- Sur les demandes relatives au découcher et à la mutuelle complémentaire
Il résulte de l’article 564 du code de procédure civile, qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon l’article 565 (…) les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent (…).
Selon l’article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire (…).
En application de ces dispositions les demandes formées par le salarié relatives au découcher et à la mutuelle complémentaire sont irrecevables comme nouvelles en cause d’appel.
2- Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée:
Le salarié a été engagé selon une succession de contrats à durée déterminée au motif d’un surcroît temporaire d’activité :
du 26 au 27 mai 2016
du 29 au 31 mai 2016
du 1er au 2 juin 2016
du 5 au 6 juin 2016
du 8 au 12 juin 2016
du 15 au l9 juin 2016
du 20 au 21 juin 2016
du 24 au 28 juin 2016
le 30 juin 2016
Le 1er juillet 2016, il a conclu un contrat à durée déterminée de 6 mois jusqu’au 1er janvier 2017 au motif d’un accroissement temporaire d’activité en lien avec la phase de mise en démarrage, des nouvelles prestations de lignes régulières longue distance Flixbus. Le 2 janvier 2017 le contrat a été prorogé jusqu’au 2 Mai 2017.
Au soutien de son appel, la SARL Azur Pullman Voyages fait valoir que ces contrats à durée déterminée sont tous, soit des contrats de vacation dans un secteur d’activité pour lequel il est d’usage d’y recourir, soit sont causés par un surcroît temporaire d’activité.
Elle soutient que ce surcroît temporaire d’activité résulte de la mise en ‘uvre de nouvelles lignes de transport de voyageurs entre [Localité 3] et [Localité 2], que le fait que le contrat de partenariat soit conclu pour cinq années, ne rend pas pour autant pérenne cette activité, puisque chacun des partenaires pouvait y renoncer, en cas d’insuffisance de rentabilité, qu’il s’agissait de lignes dépendant du rythme des saisons ou du mode de vie collectif des usagers, en phase de démarrage la première année
Elle souligne que les billets collectifs remis au salarié démontrent son affectation exclusive à des prestations de transports en lien direct avec les motifs de recours des contrats précaires et que le salarié n’a été affecté à aucune activité permanente de l’entreprise.
Elle ajoute qu’aucun des contrats n’a fait l’objet de plus de deux renouvellements.
Pour sa part, M. [J] fait valoir, au visa de l’article L. 1242-1 du code du travail selon lequel un contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, que la SARL Azur Pullman Voyages ne démontre ni le caractère saisonnier, ni l’usage, ni le surcroît d’activité l’ayant conduit à l’embaucher sous la forme de plusieurs contrats à durée déterminée.
Il observe que la société CAAM ayant succédé à la SARL Azur Pullman Voyages conclut des contrats à durée indéterminée avec ses salariés pour leur intervention sur la ligne Flixbus, que le lancement d’une nouvelle activité ne peut donner lieu à la signature d’un contrat de travail à durée déterminée puisqu’il ne s’agit pas de faire face à un pic de production soumis à un aléa, ni à une imprévisibilité et que la société ne justifie nullement de ce que la durée du partenariat dépendait de la saison alors même que le partenariat avec Flixbus était conclu pour cinq ans renouvelable et pour une activité régulière de transports de voyageurs.
La SARL Azur Pullman Voyages a produit devant la cour l’accord de coopération conclu le 19 janvier 2016, avec l’entreprise Flixbus SARL, entreprise partenaire, par lequel elles commercialisent en commun des lignes d’autocar. Elle prétend qu’il s’agit, non d’un contrat de transport, mais d’un contrat de partenariat et de coopération fixant les modalités de partage des tâches entre les partenaires précisément en vue de parvenir à la conclusion d’un contrat de transport, et que ce contrat affecté d’un terme était temporaire par nature avec un pic de production aléatoire, totalement imprévisible en phase de création de ses nouvelles prestations et offres nouvelles de transport pour les usagers, dont le taux de fréquentation était également imprévisible, la fin de ce partenariat ayant d’ailleurs été actée.
Elle soutient que l’article 18 de la convention collective autorise le recours à ce type de contrat à durée déterminée d’usage.
Cependant, l’accord de partenariat conclu par la SARL Azur Pullman Voyages avec Flixbus porte sur l’exploitation de deux lignes d’autocar régulières sans aucun caractère saisonnier, l’objet du contrat étant de mettre en service deux lignes de transport régulières et par hypothèse destinées à être pérennisées. Le partenariat conclu sur une durée de pas moins de cinq années excédait manifestement les besoins liés à un surcroît ponctuel d’activité en lien avec le démarrage de cette activité.
Il en découle qu’était exclu le recours au contrat à durée déterminée qui répond à des hypothèses précises et limitativement énumérées par l’article L1242-2 du code du travail en cas (2)°d’Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ou (3°) d’Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il requalifie la relation de travail en contrat à durée indéterminée et alloue au salarié l’indemnité de requalification prévue par l’article L1245-2 du code du travail.
Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé
Le salarié expose avoir lui-même acquis un logiciel de décompte de son temps de travail dénommé Simple Rider.
Produisant un tableau récapitulatif établi sur la base dudit logiciel et de sa carte de chauffeur, il en déduit qu’il n’a pas été réglé de la totalité des heures de travail accomplies soit un manque à gagner de 4.23 6,03 € à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 423.61 € au titre des congés payés
L’employeur répond que le salarié a procédé à son propre décompte lequel est erroné dans la mesure où il était « tout le temps en double équipage notamment sur la ligne régulière. Il ajoute sans être utilement contredit que les heures de nuit « qui n’ont pas été prises sous forme d’un repos », ont donné lieu à majoration du taux horaire figurant sur les bulletins de paie versés au dossier.
La SARL Azur Pullman Voyages verse le décompte du temps de travail réalisé par M. [J] enregistré sur sa carte individuelle de contrôle insérée dans l’appareil embarqué des véhicules qui lui ont été confiés.
Alors que M. [J] ne produit pas d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés la SARL Azur Pullman Voyages justifie de l’horaire de travail effectivement réalisé par le salarié et des sommes versées en contrepartie de ses horaires.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il déboute M. [J] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, ainsi que de sa demande subséquente en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
L’employeur, qui à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture. Celle-ci s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’argumentation de l’appelante qui consiste à imputer au salarié la rupture avant son terme du contrat de travail à durée déterminée est en conséquence inopérante.
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloue au salarié l’ indemnité compensatrice de préavis prévue par la convention collective et les congés payés y afférents.
La rupture du contrat de travail étant antérieure au 24 septembre 2017, l’indemnisation du préjudice subi par le salarié du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas fixée par les dispositions de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 mais par celles de l’article L.1235-5 du code du travail.
En outre, en application de ce texte,le salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, le conseil de prud’hommes ne pouvait ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées à M. [J] prévu par l’article L1235-4 du code du travail.
S’agissant du montant de l’indemnité, la société appelante rappelle à bon droit que le salarié doit justifier de son préjudice.
En raison de l’âge de M. [J] au moment de son licenciement (32 ans comme étant né en 1985), de son ancienneté dans l’entreprise (11 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée (1.995,28 €), de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, la somme allouée par le premier juge constitue une juste réparation.
L’indemnité prévue par l’article L1235-2 du code du travail ne peut en revanche être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il condamne la SARL Azur Pullman Voyages à payer à M. [J] la somme de 1.995,28 € à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et en ce qu’il ordonne à la même société de remettre à l’employeur un bulletin de salaire rectifié conforme au présent arrêt.
Sur les dépens et les frais non-répétibles
Eu égard aux succombances respectives chacune des parties supportera ses propres frais irrépétibles et dépens.
Sur le droit proportionnel
La demande tendant à voir juger que les sommes retenues par l’huissier seront supportées par tout succombant en plus des frais irrépétibles et des dépens, est sans objet dès lors que s’agissant de créances nées de l’exécution du contrat de travail, le droit proportionnel n’est pas dû.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il condamne la SARL Azur Pullman Voyages :
– à payer à M. [J] une indemnité pour procédure irrégulière de 1.995,28 €,
– à rembourser au Pôle emploi les allocations chômages servies à M. [J],
Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute M. [J] de sa demande en paiement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées au salarié,
Déclare irrecevables les demandes en paiement d’un rappel de salaire au titre du découcher et des congés payés y afférents,
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés en cause d’appel,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT