Contrat à durée déterminée d’usage : 28 novembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00832

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Contrat à durée déterminée d’usage : 28 novembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00832
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Arrêt n° 22/00716

28 novembre 2022

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N° RG 20/00832 –

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIUM

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

27 février 2020

F19/00729

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt huit novembre deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.R.L. PETRY BOUDGOUST prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

M. [X] [O]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE NANCY prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me François BATTLE, avocat postulant au barreau de METZ et Me Adrien PERROT, avocat plaidant au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [O] a été embauché par la SARL Petry Boudgoust en qualité de plongeur par quatre contrats à durée déterminée successifs pendant la période du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2018.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des hôtels, cafés et restaurants.

M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz par acte introductif d’instance enregistré au greffe le 27 septembre 2019 aux fins d’obtenir par jugement assorti de l’exécution provisoire :

– la condamnation de la société Petry Boudgoust à lui payer les sommes de :

* 15 678,83 euros brut à titre de rappel de salaires’;

* 1 567,78 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel’;

* 1 416,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés’;

* 2 669,60 euros à titre d’indemnité de précarité’;

* 5 994 euros à titre de dommages-intérêts’;

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– les intérêts au taux légal’;

– une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 3è jour suivant le prononcé de la décision.

Par jugement contradictoire du 27 février 2020 assorti de l’exécution provisoire, la formation restreinte de la section commerce du conseil de prud’hommes de Metz :

– sur la demande de réouverture des débats :

* a constaté que le conseil avait été informé de l’existence d’une procédure collective concernant la société Petry Boudgoust après la clôture des débats’;

* a rejeté la demande de réouverture des débats de la société Petry Boudgoust’;

– sur le fond’:

* a dit et jugé la demande de M. [O] recevable et bien fondée’;

* a fait droit à la demande de M. [O]’;

* a condamné la société Petry Boudgoust, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [O] les sommes de 10 424,58 euros brut à titre de rappel de salaire, 1 042,46 euros brut au titre des congés payés y afférents, 1 416,96 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés et 1 288,40 euros brut à titre d’indemnité de fin de contrat’;

* a dit que ces sommes produiraient des intérêts de retard au taux légal à compter de la date de la notification de la demande, soit le 21 octobre 2019′;

* a condamné la société Petry Boudgoust, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [O] la somme de 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

* a dit que cette somme produirait des intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé de la décision’;

* a débouté M. [O] pour le surplus de sa demande’;

* a condamné la société Petry Boudgoust, prise en la personne de son représentant légal, à une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, en exécution de la décision, à compter du 15è jour suivant sa notification’;

* s’est réservé la liquidation de l’astreinte’;

* a débouté la société Petry Boudgoust, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

* a condamné la société Petry Boudgoust, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens et aux éventuels frais d’exécution.

Par déclaration transmise par voie électronique le 26 mai 2020, la société Petry Boudgoust a interjeté appel du jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2021, la société Petry Boudgoust s’est désistée de son appel à l’encontre de la SCP Noël-Nodée-Lanzetta, prise en la personne de Maître Gérard Nodée, commissaire à l’exécution de son plan de redressement qui avait été arrêté par jugement du 20 juillet 2012.

Le conseiller de la mise en état a’:

– par ordonnance du 30 mars 2021, constaté l’absence de caducité de la déclaration d’appel formée le 26 mai 2020 par la société Petry Boudgoust à l’encontre de M. [O].

– par ordonnance du 15 juin 2021,

* constaté que l’appel formé par la société Petry Boudgoust avait été effectué dans les délais’;

* dit n’y avoir lieu de statuer à nouveau sur une supposée caducité de la déclaration d’appel’;

* débouté la société Petry Boudgoust de sa demande tendant à voir déclarer nul le jugement dont appel’;

* dit n’y avoir lieu de statuer sur une éventuelle irrecevabilité des demandes de M. [O], en ce qu’elles tendent à la fixation de sa créance au passif de la société’;

* débouté M. [O] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

* réservé les dépens d’appel’;

* renvoyé l’affaire à une audience de mise en état.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2022, la société Petry Boudgoust requiert la cour :

– de recevoir en la forme le seul appel principal qu’elle a interjeté en tant que dirigé à l’encontre de M. [O]’;

– de dire son appel bien fondé et de rejeter l’appel incident de M. [O]’;

– de déclarer le jugement nul pour fausse application des dispositions des articles L.1454-1-3 du code du travail, ainsi que R.1454-13 et R.1454-17 du même code’;

– de déclarer M. [O] irrecevable en toutes ses demandes, y compris celles relatives à la fixation de créance au passif du redressement judiciaire’;

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions’;

– de débouter M. [O] de l’intégralité de ses demandes’;

– de condamner M. [O] à lui payer un montant de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Petry Boudgoust fait valoir que c’est à tort que le conseil de prud’hommes n’a pas respecté le préliminaire de conciliation. Elle ajoute que l’omission de cette formalité substantielle entraîne la nullité du jugement et l’irrecevabilité des demandes de M. [O].

Elle affirme que les demandes du salarié sont également irrecevables, en ce qu’il est sollicité la fixation des créances au passif de la société, alors qu’elle bénéficie d’un plan de redressement ainsi qu’il résulte de la lecture du courrier de la SCP Noël-Nodée-Lanzetta du 20 avril 2020.

Elle soutient que le premier contrat de travail de M. [O] a été conclu au titre d’un emploi saisonnier et que les contrats suivants étaient à durée déterminée d’usage dans le secteur de la restauration figurant dans la liste fixée par l’article D.1242-1 du code du travail, de sorte qu’aucune requalification du contrat ne s’impose.

Elle énonce que le décompte de M. [O] relatif aux heures travaillées, exclusivement renseigné par ses soins, ne peut apparaître comme étant sérieux. Elle renvoie au décompte du premier juge qui a déduit des réclamations l’absence non contestée du salarié du 9 au 24 décembre 2017 pour cause de maladie et celle du 14 au 21 avril 2018 pour cause de fermeture du restaurant, ainsi que la pause méridienne d’une heure par jour travaillé.

Elle ajoute que l’indemnité de congés payés se substitue au salaire perçu habituellement et qu’en application de ce principe, cette indemnité ne peut se cumuler avec le salaire perçu par un salarié qui n’aurait pas fait usage de son droit à congé effectif.

Elle soutient que, compte tenu des développements qui précédent sur la nature des relations contractuelles de travail et par application des dispositions de l’article L.1243-10 du code du travail, l’indemnité de fin contrat n’était pas due.

Elle estime qu’alourdir le montant de ses condamnations, alors qu’elle est déjà confrontée à des difficultés économiques, reviendrait à la conduire à une résolution du plan de redressement et à la liquidation judiciaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2021, M. [O] sollicite que la cour :

– rejette la demande de nullité du jugement’;

– déboute la société Petry Boudgoust de l’intégralité de ses prétentions’;

– confirme le jugement, en ce qu’il a requalifié le contrat en contrat de travail à temps complet, en ce qu’il a alloué un rappel de salaires à temps complet, un rappel de congés payés, ainsi qu’un rappel d’indemnité de fin de contrat’et en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirme le jugement pour le surplus’;

statuant à nouveau,

– condamne la société Petry Boudgoust à lui verser les sommes suivantes :

* 15 929,81 euros brut à titre de rappel de salaires’;

* 1 592,98 euros brut au titre des congés payés y afférents’;

* 1 417 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur salaires versés’;

* 3 009,98 euros brut au titre de l’indemnité de fin de contrat’;

* 5 994 euros net à titre de dommages-intérêts’;

– à défaut, fixe sa créance au passif de la société Petry Boudgoust aux montants suivants’:

* 15 929,81 euros brut à titre de rappel de salaires’;

* 1 592,98 euros brut au titre des congés payés y afférents’;

* 1 417 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur salaires versés’;

* 3 009,98 euros brut au titre de l’indemnité de fin de contrat’;

* 5 994 euros net à titre de dommages-intérêts’;

– ordonne la délivrance de l’attestation Pôle emploi rectifiée’;

– condamne l’appelante au versement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour’;

– déclare l’arrêt commun à l’AGS-CGEA de Nancy.

M. [O] réplique que le bureau de conciliation et d’orientation s’est transformé en bureau de jugement restreint avec l’accord de toutes les parties. Il souligne que la conciliation avait échoué et que l’avocat de la société Petry Boudgoust avait acquiescé à cette transformation en bureau de jugement pour éviter de devoir exposer de nouveaux frais de déplacement.

Il affirme que le défaut éventuel de préalable de conciliation constitue une irrégularité de fond affectant la saisine des premiers juges qui est susceptible d’être couverte en cause d’appel.

Il soutient qu’il a été embauché et payé à raison de 80 heures par mois, mais qu’aucun contrat en bonne et due forme n’a été signé, et que l’employeur s’est contenté de déclarer son embauche sans faire figurer la répartition des horaires de travail sur la semaine ou sur le mois.

Il affirme qu’il faisait systématiquement plus que les 80 heures convenues avec l’employeur et qu’il était dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail.

Il souligne qu’il a même dépassé la durée légale de travail.

Il considère ainsi que son contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et que l’employeur doit être condamné à lui payer les heures supplémentaires réalisées au-delà du temps complet.

Il estime que son contrat ne s’étant pas poursuivi en contrat à durée indéterminée, il peut prétendre au versement d’une indemnité de fin de contrat correspondant à 10 % des salaires perçus.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2021, l’Unédic délégation AGS-CGEA de Nancy sollicite que la cour’:

– constate que la société Petry Boudgoust bénéficie d’un plan de redressement par jugement du 20 juillet 2012 ;

– constate, en conséquence, que la société Petry Boudgoust est «’in bonis’» ;

– mette hors de cause l’AGS-CGEA’;

– dise qu’elle ne garantit pas les montants sollicités au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle souligne qu’un plan de redressement étant «’développé’» depuis le 20 juillet 2012, la société Petry Boudgoust est «’in bonis’». Elle en déduit qu’elle doit être mise hors de cause.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1 juin 2022.

MOTIVATION

Sur le préalable de conciliation

L’article L. 1411-1 du code du travail dispose que’:

«’Le conseil de’prud’hommes’règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti’».

Ainsi, la procédure devant le conseil de prud’hommes fait l’objet d’un préliminaire devant le bureau de conciliation et d’orientation chargé en application de l’article L.1454-1 du code du travail de concilier les parties et qui, dans le cadre de cette mission, peut entendre chacune d’elles séparément et dans la confidentialité.

En l’espèce, le jugement entrepris énonce que’:

«’À l’audience du 28.11.2019, après avoir constaté l’impossibilité de concilier les parties puis constater leur accord, le bureau de conciliation et d’orientation s’est transformé à leur demande en bureau de jugement en sa formation restreinte, en application de l’article L. 1454-1-3 du Code du travail et des articles R.1454-13 et R.1454-17 du Code du travail’».

Il en ressort que l’affaire a bien fait l’objet d’une tentative de conciliation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Metz.

Il convient donc d’écarter le moyen selon lequel il n’y aurait pas eu respect de la phase préliminaire de conciliation, ce qui emporterait omission d’une formalité substantielle et, dès lors, nullité du jugement.

En conséquence, la demande de nullité de la décision attaquée est rejetée, ainsi que celle d’irrecevabilité pour ce motif des prétentions présentées par M. [O].

Sur la mise hors de cause de l’AGS-CGEA et les demandes en fixation de créances

La société Petry Boudgoust a fait l’objet d’une procédure collective qui s’est soldée par un jugement du 20 juillet 2012 aux termes duquel un plan de redressement a été arrêté, de sorte que la société est redevenue in bonis par l’effet du plan.

Les sommes réclamées portant sur les années 2017 et 2018, soit postérieurement à la procédure de redressement judiciaire, l’AGS-CGEA de Nancy n’est pas tenue à garantie et doit être mise hors de cause.

Pour le même motif, les demandes de fixation de créances doivent être déclarées sans objet.

Sur la requalification en contrat de travail à temps complet

Selon l’article L.3123-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail du salarié à temps partiel doit être établi par un écrit et mentionner :

«’1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat’».

L’absence d’écrit mentionnant la répartition de la durée du travail fait présumer que l’emploi est à temps complet.

Il incombe dès lors à l’employeur, pour combattre la présomption retenue, de rapporter la preuve d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

De plus, l’article L.3123-9’du code du travail énonce que :

« Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement’».

Lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps complet.

Il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.

Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l’employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments.

Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre.

En l’espèce, M. [O] ‘ qui n’a signé aucun contrat de travail à durée déterminée en tant que tel – produit les volets d’identification des certificats d’enregistrement et attestations de déclaration préalable à l’embauche, dans le cadre du dispositif Titre Emploi Service Entreprise (TESE).

Ces documents, particulièrement laconiques, se bornent à mentionner une durée de travail de 80 heures par mois sans détailler la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

L’absence d’écrit mentionnant la répartition de la durée du travail conduit à présumer que M. [O] effectuait un temps complet, d’autant plus qu’il ressort des décomptes des heures de travail établis par le salarié, précisant l’horaire de prise de poste et l’horaire de fin de poste – qui, exceptées les pauses méridiennes d’une heure par jour et les périodes d’absence (du 9 au 24 décembre 2017 et du 14 au 21 avril 2018), ne sont pas remis en cause par les éléments de réponse fournis par la société Petry Boudgoust – que les durées de travail journalière et hebdomadaire variaient régulièrement.

Il appartient alors à l’employeur de renverser cette présomption de contrat de travail à temps complet.

Or la société Petry Boudgoust ne verse aucun élément permettant de démontrer que la durée de travail par jour ou par semaine était stable ou connue suffisamment à l’avance par le salarié, par exemple par la production de plannings de travail, ce qui aurait permis à M. [O] de ne pas rester en permanence à disposition de son employeur.

L’appelante ne prouve donc pas que M. [O] n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à disposition.

De surcroît, il ressort des décomptes de M. [O] que la durée de travail hebdomadaire a été portée à plusieurs reprises à au moins 35 heures et ce dès la première semaine de travail du salarié.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont requalifié les contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps complet.

En conséquence, M. [O] est fondé à obtenir un rappel de salaires égal à la différence entre le montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir sur la base d’un temps plein de 151,67 heures et celle qu’il a effectivement reçue sur la base d’une durée de travail de 80 heures par mois.

Au soutien de sa demande de rappel de salaires comprenant également des heures supplémentaires, M. [O] a produit des décomptes qui sont suffisamment précis pour étayer ses prétentions et permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

La société Petry Boudgoust n’apporte aucun élément s’agissant des heures réellement accomplies par le salarié, mais les premiers juges ont néanmoins relevé à juste titre qu’il convient de déduire la pause méridienne d’une heure par jour travaillé et de déduire la période d’absence pour maladie du 09 au 24 décembre 2017, ainsi que la période fermeture du restaurant du 14 au 21 avril 2018.

Dès lors, M. [O] peut prétendre non seulement à un rappel de salaire sur la base d’un temps complet, mais aussi à un rappel d’heures supplémentaires pour les semaines pendant lesquelles il a dépassé la durée légale de 35 heures, ce en application des dispositions de la convention collective des cafés, hôtels, restaurants invoquées par le salarié.

La société Petry Boudgoust doit ainsi être condamnée à payer à M. [O], au vu du décompte qu’il produit (pièce n° 3), la somme de 4 197 euros brut pour la période de juillet à décembre 2017 (taux horaire de 9,76 euros) et de 8 808,56 euros brut (taux horaire de 9,88 euros) pour l’année 2018, soit une somme globale de 13 005,56 euros brut, à laquelle il y a lieu d’ajouter 1 300,56 euros brut au titre des congés payés afférents, nonobstant l’absence de réclamation par le salarié au cours de l’exécution des contrats.

Le jugement entrepris est confirmé dans son principe mais amendé quant aux montants alloués au salarié au titre du rappel de salaires et des congés payés y afférents.

La cour constate que M. [O] demande dans ses conclusions que son contrat soit requalifié à durée indéterminée et à temps complet, mais que la demande de requalification en contrat à durée indéterminée n’est pas visée dans le dispositif, de sorte que la présente juridiction n’est pas saisie de cette prétention, conformément à l’article 954 du code de procédure civile qui dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Il résulte des pièces du dossier que M. [O] n’a bénéficié d’aucun jour de congés payés pendant ses contrats à durée déterminée, et n’a pas perçu l’indemnité compensatrice de congés payés prévue par l’article L.1242-16 du code du travail à l’issue de ses contrats de travail.

M. [O] peut donc prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés qu’il n’a pu prendre d’un montant total de 1 416,94 euros brut correspondant à 10% de la rémunération perçue pendant ses contrats de travail (14 169,60 euros).

Il convient de condamner la société Petry Boudgoust à payer cette somme à M. [O] à titre d’indemnité compensatrice de congés payés et de confirmer le jugement entrepris s’agissant de la somme allouée à ce titre.

Sur l’indemnité de précarité

Selon l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans le cas suivant’:

«’ 3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois’».

L’article L.1243-8 du même code prévoit que lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une’indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s’ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l’issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

Toutefois, l’article L.1243-10 du même code précise que l’indemnité de fin de contrat n’est pas due lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l’article L. 1242-2 ou de l’article L. 1242-3, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.

En l’espèce, selon l’employeur, M. [O] a été embauché dans le cadre de contrats à durée déterminée du 1er juillet 2017 au 30 septembre 2017 au titre d’un emploi saisonnier, puis du 1er octobre 2017 au 31 mars 2018, du 1er avril 2018 au 30 septembre 2018 et du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2018 au titre de contrats d’usage sachant que l’article D.1242-1 du code du travail et la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants’du 30 avril 1997 ouvrent le recours aux contrats à durée déterminée dits d’usage ou «’d’extra’» pour le secteur d’activité de l’hôtellerie et de la restauration dont relève le restaurant au sein duquel travaillait M. [O].

L’intimé ne conteste pas la réalité des motifs de recours aux contrats litigieux, de sorte qu’en présence de contrats de travail saisonnier et d’usage, aucune indemnité de précarité ne lui était due.

Au demeurant, M. [O] ne peut, sans contradiction, soutenir que la relation de travail devrait être requalifiée à durée indéterminée et solliciter un rappel d’indemnité de précarité.

Il est donc débouté de sa demande à ce titre.

En conséquence, le jugement est infirmé, en ce qu’il a condamné la société Petry Boudgoust à payer à M. [O] la somme de 1 288,40 euros brut d’indemnité de fin de contrat.

Sur les dommages-intérêts

M. [O] sollicite des dommages-intérêts au motif que la société Petry Boudgoust a abusivement profité de sa vulnérabilité, mais il n’apporte aucun élément relatif à un état de vulnérabilité et à l’existence d’un préjudice distinct du paiement des sommes dues.

M. [O] est donc débouté de sa demande de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur l’attestation Pôle emploi

Selon l’article R 1234-9 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

La société Petry Boudgoust doit ainsi remettre à M. [O] une attestation Pôle emploi conforme à la présente décision.

Sur l’astreinte

Aucun élément particulier du dossier ne laissant craindre que la société Petry Boudgoust ne cherche à se soustraire à la bonne exécution de la présente décision, il n’y a pas lieu en l’état d’assortir les condamnations ci-dessus d’une astreinte.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de nullité du jugement pour défaut de respect de la phase préalable de conciliation, ainsi que la demande d’irrecevabilité soulevée par la SARL Petry Boudgoust pour ce même motif’;

Met hors de cause l’AGS-CGEA de Nancy’;

Déclare sans objet les demandes de fixation de créances’;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les montants alloués à M. [X] [O] au titre du rappel de salaires des mois de juillet 2017 à décembre 2018, en ce qui concerne les congés payés y afférents, en ce qu’il a alloué à M. [X] [O] un rappel d’indemnité de fin de contrat et en ce qu’il a assorti les condamnations d’une astreinte’;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant’:

Condamne la SARL Petry Boudgoust à payer à M. [X] [O] les sommes suivantes’:

– 13 005,56 euros brut de rappel de salaires sur la base d’un temps complet et pour les heures supplémentaires au titre de la période allant du mois de juillet 2017 au mois de décembre 2018;

– 1 300,56 euros brut de congés payés y afférents’;

Déboute M. [X] [O] de sa demande d’indemnité de précarité’;

Ordonne à la SARL Petry Boudgoust de délivrer à M. [X] [O] l’attestation Pôle emploi rectifiée conformément au présent arrêt’;

Dit n’y avoir lieu d’assortir d’une astreinte les condamnations de la SARL Petry Boudgoust à l’égard de M. [X] [O] ;

Condamne la SARL Petry Boudgoust aux dépens d’appel’;

Condamne la SARL Petry Boudgoust à payer à M. [X] [O] la somme de

1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.

La Greffière, La Présidente,

 


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