Your cart is currently empty!
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/00526 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M2CM
Association MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE [5]
C/
[C]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 20 Décembre 2019
RG : F 15/02930
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 MARS 2023
APPELANTE :
Association MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE [5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Laureen MOUNIER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Charlène MOUNIER, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[M] [C]
né le 07 Janvier 1971 à [Localité 7] (TUNISIE)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Pierre PALIX, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/0053330 du 05/03/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée déterminée d’usage, M. [M] [C] a été embauché en qualité d’artiste chorégraphe par l’association MJC de [Localité 6] pour la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2006, dans le cadre du défilé de la biennale de la danse.
Un contrat à durée indéterminée a ensuite été conclu entre les parties, le 1er janvier 2007, le salarié étant embauché en qualité d’animateur-technicien hip-hop, au coefficient 245 groupe A de la convention collective de l’animation.
Le salarié travaillait à temps partiel.
Par lettre du 21 mai 2015, l’association a convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Elle a licencié M. [C] pour faute grave, le 11 juin 2015.
Par requête du 27 juillet 2015, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de LYON afin de lui demander, à titre principal de déclarer nul son licenciement en raison du harcèlement moral dont il a été victime, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l’association à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, dommages et intérêts et indemnités de rupture au titre du licenciement.
Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement de Monsieur [M] [C] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
– condamné l’association MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE [5] à lui verser les sommes suivantes :
*12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 3 959,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 395,91 euros au titre des congés payés afférents ;
* 3 959,16 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
* 1 385,70 euros au titre de l’annulation de la mise à pied conservatoire ;
* 138,57 euros au titre des congés payés afférents ;
* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– dit que le salaire mensuel moyen de Monsieur [M] [C] est fixé à 1 979,58 ;
– débouté Monsieur [M] [C] de ses autres demandes plus amples et contraires ;
– débouté l’association MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE [5] de sa demande reconventionnelle ;
– condamné l’association MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE [5] aux dépens.
L’association Maison des jeunes et de la culture [5] a interjeté appel de ce jugement, les 20 et 21 janvier 2020.
Par ordonnance en date du 26 juin 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la jonction des deux appels, respectivement enregistrés sous les numéros 20/00526 et 20/00569 , sous le numéro 20/00526.
L’association Maison des jeunes et de la culture [5] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] n’était pas fondé et ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse
– de dire que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse
– de débouter en conséquence Monsieur [C] de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, de l’exécution déloyale de son contrat de travail et de la nullité du licenciement
– de condamner Monsieur [C] à lui payer la somme totale nette de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
M. [C] demande à la cour :
à titre principal,
– d’infirmer le jugement
– de condamner l’association MJC [5] à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
– d’annuler son licenciement
– de condamner l’association à lui verser la somme de 23 754,90 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
à titre subsidiaire,
– de condamner l’association à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– de confirmer le jugement qui a dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais de l’infirmer sur le montant des dommages et intérêts et de condamner l’association à lui verser à ce titre la somme de 19 795,80 euros
en tout état de cause,
– de confirmer le jugement qui a condamné l’association à lui verser :
* 1 385,70 euros à titre de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire,
* 138,57 euros à titre de congés payés afférents,
* 3 959,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 395,91 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 3 959,16 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– de condamner l’association à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– de dire que les condamnations à intervenir porteront intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes
– de condamner l’association aux dépens qui comprendront ceux de première instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
SUR CE :
Sur le harcèlement moral
A l’appui de sa demande, M. [C] invoque les faits suivants :
– des brimades et la privation des moyens matériels nécessaires à l’accomplissement de ses missions ayant commencé en janvier 2012 par le saccage de son matériel à la suite d’un événement organisé par les dirigeants de l’association
– la privation de la récompense qui lui avait été promise ainsi qu’à ses danseurs, à savoir un voyage en Angleterre
– l’existence d’une discrimination entre le rock et le hip hop totalement méprisé
– la notification de trois avertissements pour des faits qui ne lui étaient pas imputables
– le défaut de soutien de la MJC lors des agressions physiques dont il a fait l’objet de la part du public
– les accusations de vol qui ont plané sur lui (en juillet 2013) et le fait qu’il a été le seul à être convoqué lors du vol avec effraction ayant eu lieu dans les locaux de la MJC
– le fait que la nouvelle direction s’est déchaînée sur lui jusqu’à provoquer son départ
– son assistante a été postée pour le surveiller et il a été régulièrement agressé par les autres membres du personnel comme en juillet 2012, devenant le souffre-douleur de tout le monde sans que l’association réagisse pour le défendre et rétablir son autorité
– il a été accusé d’avoir laissé sur le disque dur d’un ordinateur portable gagné par un usager de l’association lors d’un concours hip hop en 2014 des photographies et films à caractère pornographique
– il a été accusé d’avoir été à l’origine d’une altercation avec Mme [V] alors qu’il n’a été que victime et a subi une ITT d’une journée et diverses blessures.
La MJC [5] fait valoir que :
– M. [C] n’a jamais été victime de harcèlement moral, ni de discrimination raciale
– la direction et les délégués du personnel n’ont jamais été alertés par le salarié de problèmes de stress, de harcèlement et de discrimination pendant la relation de travail
– elle n’a jamais abusé de son pouvoir de direction et si le salarié a été sanctionné, c’est qu’il avait commis différents manquements qui sont parfaitement justifiés
– le salarié n’a jamais été surveillé et entretenait avec ses collègues de travail des rapports cordiaux
– c’est Mme [V] qui a été agressée par M. [C] et non l’inverse (en janvier 2015 et non en mai 2015)
– le salarié a menacé une collègue de travail (Mme [W]) et en a harcelé une autre (Mme [D]).
****
Aux termes de l’article L1152-1du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L1154-1 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi numéro 2016-1088 du 8 août 2016 dispose que, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l’obligation de rapporter la preuve d’éléments précis et concordants ; ce n’est qu’à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
Les seules pièces visées dans les conclusions du salarié au soutien des faits de harcèlement allégués sont l’attestation de M. [K] : ‘j’atteste avoir reçu de la part de M. [C] un ordinateur portable gagné lors du concours hip hop 2014; cet appareil m’a été remis le 1er avril 2015 et ne contenant aucun document à caractère pornographique ou personnel; je confirme que l’ordinateur a toujours été en ma possession et qu’en aucun cas, il n’a été décortiqué et analysé par la MJC [5]’ et un article du journal Le Progrès en date du 5 juin 2015 commençant par ‘de nombreux adhérents sont venus soutenir un salarié qui avait fait l’objet d’une mise à pied par la direction’.
La remise par le salarié à un adhérent d’un ordinateur contenant des fichiers pornographiques fait partie des griefs énoncés à la lettre de licenciement, dont l’employeur doit établir le bien-fondé dans le cadre du présent litige.
Mais l’accusation injustifiée dont M. [C] se plaint d’avoir été la victime pendant la relation de travail n’est pas établie.
Dans ses lettres non datées à l’intention du maire de [Localité 6], de la direction du travail et du Procureur de la République, le salarié écrit du reste : ‘mon employeur, selon des tiers, indiquerait qu’il y aurait des attouchements, que je montrerais des vidéos pornos’.
Quant à l’article du Progrès, il est sans rapport avec les faits de harcèlement invoqués.
Le salarié ne justifie pas avoir fait l’objet de brimades ou agressions de la part de ses collègues, ni avoir été surveillé par d’autres collègues, ni avoir été privé des moyens nécessaires pour accomplir son travail, ni avoir été injustement privé d’un voyage en Angleterre qui lui avait été promis.
M. [C] verse aux débats plusieurs attestations et lettre destinées à établir qu’il a été victime d’une agression de la part d’une mère d’élève :
– l’attestation de M. [A] qui déclare que sa petite soeur a été témoin des faits suivants en mai 2015 : la mère d’une élève s’est mise sans raison à quereller sévèrement M. [C]; subitement, la situation est devenue assez violente car la mère s’est mise à agresser physiquement M. [C]
– l’attestation Mme [Y] qui rapporte les dires de sa fille, à savoir qu’une mère de famille a demandé sèchement à M. [C] de ne pas lui parler sur ce ton et que s’en est suivie une agression physique et verbale de la maman contre M. [C]
– la lettre de Mme [I] qui atteste pour son fils que Mme [V] a agressé physiquement et verbalement (M. [C]) devant tous les enfants
– l’attestation de Mme [G] qui déclare que son fils lui a dit que Mme [V] avait agressé physiquement et verbalement M. [C] en mai 2015.
Il produit également la plainte déposée par ses soins le 28 janvier 2015 et sa déclaration aux services de police selon laquelle, ce même jour, Mme [V] l’a insulté et lui a mis plusieurs coups au niveau du visage, qu’il s’est laissé faire et que son médecin traitant lui a remis un certificat médical mentionnant une ITT d’un jour (joint au procès-verbal de plainte).
Aux termes d’une lettre dactylographiée, non signée, datée du 3 février 2015, [H] [D] écrit qu’en tant qu’assistante de M. [C] au sein du pôle danse, elle a assisté le 28 février (ou plutôt le 28 janvier) 2015 à une altercation entre une parente d’élève et M. [C] et atteste avoir vu la mère agresser son collègue en présence des enfants suite à une remarque tout à fait correcte de celui-ci concernant le retard de certains élèves ‘je confirme que M. [C] avait une blessure au visage et que je l’ai vu rester physiquement passif durant cette altercation.’
Si ces éléments permettent de confirmer la réalité d’une altercation entre une mère d’élève et M. [C], les circonstances de celle-ci ne sont pas clairement établies.
En effet, aucun des auteurs de ces attestations n’a été personnellement témoin de l’agression dont il est fait état et la lettre attribuée à Mme [D] est dénuée de valeur probante, en l’absence de signature de l’intéressée et aucun document d’identité n’étant annexé à cette lettre.
En tout état de cause, rien ne démontre que l’employeur aurait accusé injustement le salarié, pendant la relation de travail, d’avoir été à l’origine de l’altercation.
Le salarié a écrit le 11 octobre 2013 au directeur de la MJC pour lui ‘rappeler que nous sommes plusieurs à posséder la clé n° 6 et que nous sommes deux personnes à avoir été convoquées; je vous demande de me fournir les éléments objectifs étrangers à toute discrimination vous permettant d’avoir fait le choix de M. [C] et M. [S] comme étant les présumés coupables de l’infraction constatée’.
Il n’établit cependant pas en quoi sa convocation devant les services de police à la suite d’un vol survenu dans les locaux de la MJC serait imputable à faute à l’entreprise et il ne peut non plus soutenir, compte-tenu des termes de sa propre lettre, qu’il a été le seul salarié de l’association à être convoqué.
M. [C] a reçu une lettre d’avertissement le 29 septembre 2010 qu’il n’ a pas contestée.
Le 11 juillet 2012, le président de la MJC a adressé au salarié un avertissement en lui reprochant une insubordination vis à vis du directeur adjoint et la tenue de propos insultants à l’égard de ce dernier.
M. [C] a répondu le 27 juillet 2012 qu’il ne manquait pas à ses obligations professionnelles et contractuelles en exprimant son désaccord et ne voyait pas en quoi cela constituait un préjudice pour le fonctionnement de la MJC. Il a également critiqué dans cette lettre certains choix budgétaires de l’association.
Le 22 mars 2013, la présidente de l’association a délivré un avertissement au salarié au motif qu’elle avait été alertée le 20 février 2013 par le proviseur adjoint d’un collège de la ville de ce qu’il avait demandé aux jeunes fréquentant l’activité hip-hop de l’association de choisir entre les activités de la MJC et celle du collège, la même attitude ayant été signalée un mois plus tôt par une association locale, le club des fileuses.
M. [C] a contesté cet avertissement le 15 mai 2013, indiquant qu’il s’était expliqué lors d’un entretien au collège, que les jeunes en question n’étaient pas adhérents au pôle hip-hop sauf une, et qu’il ne souhaitait pas détruire le partenariat qui s’était instauré avec le collège, dont il avait été l’initiateur, et reconnaissant que le projet club des fileuses n’avait pas été concluant.
Or, d’une part, le salarié ne demande pas l’annulation des deux avertissements qu’il a contestés en leur temps, d’autre part, les réponses apportées par M. [C] montrent que ces mesures faisaient suite à des faits ou comportements signalés par des partenaires ou salariés de l’association matériellement établis et que la MJC était fondée à adresser des reproches au salarié et à lui demander de changer son comportement.
Dès lors, les deux avertissements critiqués étaient justifiés.
La matérialité des faits allégués à l’appui du harcèlement moral n’est pas établie par les pièces versées aux débats, comme il a été dit ci-dessus.
La demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement du harcèlement moral doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
À titre subsidiaire, M. [C] soutient qu’il est évident que son contrat de travail a été exécuté de manière déloyale.
Au vu des éléments ci-dessus, aucun autre fait n’étant invoqué à l’appui de la demande subsidiaire, M. [C] ne rapporte pas la preuve d’une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur et sa demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement doit également être rejetée.
Sur le licenciement :
Le salarié demande que son licenciement soit déclaré nul au motif que cette mesure n’est que l’aboutissement de la politique de harcèlement moral mise en place à son encontre.
En l’absence de harcèlement moral, cette demande doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
A l’appui de la mesure de licenciement, la MJC [5] fait valoir quatre griefs :
– l’organisation de sorties avec les mineurs sans respecter la réglementation (absence d’autorisation parentale, absence d’encadrement des mineurs, absence de validation de la sortie par l’association)
– le dénigrement de la direction et du personnel
– les propos déplacés tenus à l’égard des élèves
– la présence de M. [C] dans les locaux de la MJC pendant sa mise à pied conservatoire.
Elle ajoute que M. [C] n’hésite pas à produire 64 attestations qui ne respectent pas les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et que les témoignages sont en tout état de cause dénués de valeur.
M. [C] conteste la matérialité des faits reprochés, en soutenant que :
– les décisions prises à son encontre l’ont été sur des critères non objectifs et destinés à préparer son licenciement et les faits qui lui ont été reprochés n’étaient pas les motifs réels de son licenciement
– il a toujours exigé des autorisations parentales à chaque sortie et la dernière sortie visée dans la lettre de licenciement a été effectuée pour le compte de son association Hétéroclite et non pour celui de la MJC
– les termes qu’il a utilisés pour protester contre le décalage existant entre les souhaits de la direction et les besoins du terrain n’ont jamais dépassé ce qui est admissible dans les rapports de travail
– il n’a jamais eu de propos déplacés envers ses élèves
– il a toujours été motivé, fiable, bon pédagogue, artiste, a toujours respecté les jeunes, leurs parents, été poli, honnête et il a remis dans le droit chemin un très grand nombre de jeunes en difficulté scolaire ou sociale
– l’ordinateur gagné en compétition ne contenait aucune photographie ni document à caractère pornographique et la MJC n’a jamais pu constater la présence de tels documents sur le disque dur
– il n’a fait que récupérer ses effets personnels dans son bureau pendant la mise à pied.
Premier grief
Vous organisez des sorties sans autorisation parentale :
Nous avons appris lors d’une rencontre avec les jeunes le 1er avril que vous organisiez des sorties pour le compte de la MJC sans demander au préalable d’autorisation parentale alors que des mineurs vous sont confiés. Nous avons constaté cette carence sur la sortie du 2 février 2015, mais également sur celle du 21 mars 2015.
Nous vous rappelons qu’en votre qualité de responsable de l’accompagnement de jeunes, vous vous devez, lors de chaque sortie, de réunir les autorisations parentales nécessaires sur un modèle de document type et de le signaler à sa direction.
Or, ces sorties n’ont fait l’objet d’aucune communication interne spécifique, ni de validation.
S’agissant de la dernière sortie, nous pensions qu’il s’agissait d’une simple prestation et que vous accompagniez le groupe MJC un seul jour avec une personne de l’association en service civique étant entendu que vous restiez l’accompagnateur responsable du groupe.
Or, vous nous avez expliqué lors d ‘un entretien du 21 avril 2015, que vous supervisiez vous-même, lors de cette sortie, l’organisation d’un plateau artistique à la foire de [Localité 4] au profit de votre propre association et que vous ne pouviez donc pas assurer l’encadrement du groupe de la MJC. Cette explication n’est pas acceptable. Nous avons également appris que vous aviez fait une démonstration de HIP-HOP avec les jeunes de la MJC mais que c’est votre association qui avait encaissé la rémunération correspondante.
Ce comportement n’est pas acceptable non plus. Vous ” utilisez ” les jeunes de la MJC pour faire des démonstrations publiques sans respecter les règles d’autorisation ni d’encadrement et votre association encaisse les fonds. Les jeunes étaient d’ailleurs persuadés qu’une rémunération avait été perçue pour cette occasion par la MJC alors qu’il n’en est rien. Cette situation nous est préjudiciable.
Vous avez reconnu que le samedi était bien une sortie MJC et que vous aviez proposé aux jeunes de revenir le dimanche (selon vous sous la responsabilité des parents) et que les sommes recueillies avaient électivement été versées à votre association pour sa prestation d’organisateur ; qu’il s’agissait selon vous de deux choses différentes. En tout état de cause, vous n ‘avez pas respecté les procédures internes et vous ne nous avez pas demandé si nous étions d’accord pour que des jeunes participent à une manifestation dont vous perceviez le bénéfice au travers de votre association.
Or, là encore, certains parents pensaient que les jeunes étaient sous notre responsabilité ; d’autres n’ont carrément pas été informés du déplacement de leur enfant ! …et nous constatons dans l’esprit de tous une grande confusion sur la destination des sommes recueillies.
Un tel comportement n ‘est pas acceptable. Les parents nous confient leurs enfants, aucune sortie ne peut se faire sans respecter l ‘organisation préalablement mise en place et sans un encadrement sérieux.
Les exemples d’autorisations parentales signées pour d’autres sorties que la sortie litigieuse et l’attestation de Mme [D] selon laquelle, dans le cadre d’une sortie avec deux groupes de danseurs mineurs de la MJC pour la foire de [Localité 4], elle a ‘rédigé une autorisation parentale pour le 21 mars 2015 et constaté la présence d’une partie des mêmes danseurs le dimanche 22 mars 2015 en l’absence d’autorisation parentale’ ne constituent pas la preuve de ce que le salarié a organisé une sortie dans le cadre de ses fonctions d’animateur de la MJC sans demander au préalable aux parents de signer des autorisations et sans en informer la MJC, laquelle ne justifie pas, au demeurant, de la procédure à suivre à l’occasion des sorties de ses adhérents.
Il n’est justifié d’aucune plainte des parents.
La preuve d’une faute commise par le salarié dans le cadre des sorties du 2 février, sur laquelle aucun élément n’est apporté, et celles des 21 et 22 mars 2015, seuls faits visés par la lettre de licenciement, n’est pas rapportée.
Deuxième grief
Vous dénigrez la direction et le personnel de la MJC :
En effet, les jeunes de la MJC et des collègues de travail nous ont rapporté que vous dénigrez notre travail ainsi que celui de vos collègues allant même jusqu’à prétendre que nous étions racistes !!!
Vous vous contentez de répondre à cela qu’il s ‘agit de ” ragots “.
L’employeur s’appuie à cet égard sur le constat d’huissier de justice dressé le 23 mars 2018 retranscrivant ‘la captation sonore d’un échange entre le directeur de la MJC, M. [Z], M. [T], animateur et délégué du personnel, et trois jeunes adhérents de la MJC se plaignant des agissements de leur responsable, M. [C], lequel les encadre dans l’activité de danse hip-hop’ , une lettre dactylographiée de M. [T] et deux lettres de Mme [W].datées des 28 et 29 janvier 2015.
La captation sonore d’un échange dont on ne connaît ni la date, ni la manière dont il s’est déroulé ayant fait l’objet d’un constat d’huissier de justice dressé trois ans après le licenciement du salarié et la lettre de M. [T], datée du 7 mai 2015 à l’attention des membres du bureau et de la direction de l’association : ‘les jeunes nous ont confirmé des dires de M. [C] que nous entendions revenir à nos oreilles depuis quelques mois. Celui-ci ne cesse de dénigrer notre travail auprès du public, de manipuler les jeunes sur qui conduit les actions et enfin raconte que nous sommes des racistes’ ne démontrent pas la matérialité de faits précis et circonstanciés, constitutifs de dénigrement, imputables au salarié.
Aux termes de deux lettres (l’une manuscrite, l’autre dactylographiée) datées des 28 et 29 janvier 2015, adressées à l’employeur, Mme [W] affirme avoir été victime de propos blessants et de menaces proférés par M. [C] lors d’une altercation entre eux survenue le 27 janvier 2015, plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement.
Mme [W] relate la présence de deux témoins lors des critiques virulentes de son travail qu’elle affirme avoir reçues de M. [C], notamment Mme [D]. Or, l’attestation de cette salariée produite par l’employeur à l’appui du premier grief ne mentionne pas cet événement.
La preuve des dénigrements reprochés n’est pas rapportée.
Troisième grief
Plus grave encore sont les propos particulièrement déplacés que vous tenez sur des élèves.
La maman d’une des jeunes placée sous votre responsabilité nous a écrit pour nous signaler que suite au retard de sa fille (de 13 ans…) à votre cours, vous vous étiez permis de dire aux autres élèves que si elle était en retard c ‘est parce qu’elle ” était en chaleur etc”.
S’agissant de propos d’une extrême gravité, nous avons décidé de mener une enquête et avons rencontré parents, élèves et vos collègues de travail.
Ces propos nous ont été confirmés.
Une maman nous a également signalé que l’ordinateur gagné en compétition, passé entre vos mains, contenait des vidéos et photos classées X ainsi que des vidéos et photos très personnelles vous concernant… ceci, vous le comprendrez, n’est pas acceptable non plus.
L’association produit une lettre dactylographiée portant la date du 22 avril 2015 et, au-dessus d’une signature, le nom de sa rédactrice, Mme [O] [F].
Dans cette lettre, Mme [O] explique que sa fille lui a rapporté les propos déplacés à tendance sexuelle que ses camarades ont entendus de la bouche de leur professeur de hip hop, M. [C].
‘s’ajoute à cela une découverte très embarrassante classée X se trouvant sur un ordinateur gagné lors de compétition qui a été dans un premier temps gardé par le professeur et redonné à Yanis XXX pour le groupe Power Crew. En récupérant l’ordinateur, Ynalis a découvert des vidéos et photos classées X vidéo et photos provenant d’images du web (sûrement) et des vidéos et photos aussi très personnelles de la vie privée de leur professeur.’
Mme [O] a été entendue le 17 novembre 2015 par les services de police à la suite d’une plainte pour diffamation déposée par M. [C].
Elle a indiqué qu’elle avait signalé au directeur de la MJC les propos de M. [C] concernant sa fille et une amie de celle-ci arrivées en retard au cours de danse, propos qui lui avaient été rapportés par les élèves du cours, et a précisé qu’une dame de la MJC l’avait aidée à rédiger sa lettre car elle ne savait pas bien écrire, qu’elle avait dicté à la dame qui avait tapé à la machine.
Il ressort de l’audition de Mme [O] qu’elle a rapporté des propos qu’elle n’avait pas personnellement entendus et que ni elle, ni l’employeur n’ont personnellement constaté la présence de photographies à caractère pornographique sur l’ordinateur ayant appartenu à M. [C] et remis à M. [K] en avril 2015, ce dernier ayant attesté que l’ordinateur litigieux ne contenait aucun document à caractère pornographique ou personnel.
Le troisième grief n’est en conséquence pas établi.
Quatrième grief
Enfin, nous relevons que pendant votre mise à pied conservatoire, vous vous êtes permis de profiter de la présence de la femme de ménage pour entrer dans la MJC et vider le contenu de votre bureau.
Ce comportement est inadmissible ; nous n ‘avions pas pris la décision de rompre votre contrat de travail ni donné l’autorisation de vider ainsi votre bureau ; vous voudrez bien en conséquence nous restituer tous les documents appartenant à la MJC dès réception de la présente.
Nous notons également qu’au terme de cet entretien, vous vous êtes permis de nous menacer, dans l’hypothèse d’un licenciement, de partir avec les jeunes qui faisaient du HIP-HOP avec vous.
Enfin, depuis votre mise à pied conservatoire, alors que vous ne devez plus, pendant cette période, vous présenter sur votre lieu de travail, vous ne cessez d ‘intervenir sur les cours, en perturbant leur fonctionnement, vous essayez d’influencer les jeunes et leurs parents contre nous en leur racontant des histoires, vous venez perturber l’assemblée générale en faisant même intervenir la presse pour mettre en exergue votre situation de ” victime ” !
Vous noterez que nous avons refusé de rentrer dans ce jeu, refusant de dévoiler en public les raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement.
L’association se fonde sur l’attestation de Mme [D] suivant laquelle, le 3 juin 2015, M. [C] s’est rendu sur son lieu de travail accompagné d’un homme afin d’assurer les cours malgré sa mise à pied, prétextant que celle-ci était terminée et que, s’il ne revenait pas, il pouvait être considéré comme démissionnaire.
M. [C] admet quant à lui être allé récupérer ses effets personnels dans son bureau.
Les autres faits invoqués n’étant pas établis, ces seuls faits, postérieurs à l’engagement de la procédure de licenciement, ne sont pas suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave, ni même pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui a dit que le licenciement de M. [C] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qui a condamné l’employeur à verser au salarié un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et des indemnités de rupture dont le montant n’est pas remis en cause, outre les indemnités de congés payés afférents.
Les intérêts au taux légal produits par ces sommes sont dûs à compter du 25 août 2015, date de réception de la requête devant le conseil de prud’hommes.
Au regard des circonstances du licenciement, de son ancienneté dans l’association et de son âge, le préjudice subi par le salarié en raison de la perte injustifiée de son emploi a été exactement apprécié par le conseil de prud’hommes, sur le fondement de l’article L1235-3 ancien du code du travail. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Les dommages et intérêts alloués sont augmentés des intérêts au taux légal à compter du jugement fixant la créance indemnitaire.
En application de l’article L 1235-4 ancien du code du travail, il convient de condamner d’office l’association MJC [5] à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été le cas échéant versées au salarié, dans la limite de deux mois d’indemnités.
Le recours de la MJC étant rejeté, celle-ci sera condamnée aux dépens d’appel et à payer au salarié la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement
Y AJOUTANT,
CONDAMNE d’office l’association MJC [5] à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont le cas échéant été versées au salarié, dans la limite de deux mois d’indemnités
CONDAMNE l’association MJC [5] aux dépens d’appel
CONDAMNE l’association MJC [5] à payer à M. [M] [C] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE